COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 21 DECEMBRE 2017
N° 2017/ 519
Rôle N° 15/18748
[N] [L]
[G] [S] épouse [L]
C/
SA CREDIT LYONNAIS
Grosse délivrée
le :
à :
IMPERATORE
DAMAZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Février 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/05681.
APPELANTS
Monsieur [N] [L]
né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté de Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [G] [S] épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA CREDIT LYONNAIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sylvain DAMAZ de l'AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2017,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Vu le jugement du 17 février 2015 par lequel le tribunal de grande instance de Draguignan a :
- débouté le crédit lyonnais de ses demandes,
- condamné M. [N] [L] et Mme [G] [L] à payer au Crédit Lyonnais la somme mensuelle de 640,31 euros à compter du 5 janvier 2013 jusqu'au 5 novembre 2017 au titre du prêt souscrit le 22 juillet 2010,
- condamné le Crédit Lyonnais à payer à M. [N] [L] et Mme [G] [L] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le Crédit Lyonnais aux dépens ;
Vu la déclaration du 23 octobre 2015 par laquelle M. [N] [L] et Mme [G] [L] ont interjeté appel de cette décision ;
Vu les dernières conclusions du 20 septembre 2017 aux termes desquelles M. [N] [L] et Mme [G] [L] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le réformer pour le surplus,
- prononcer la nullité du contrat de prêt du 22 juillet 2010,
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts incluse dans le prêt ainsi que toutes les autres stipulations contractuelles,
- remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant la souscription du crédit,
- constater le défaut de conseil et de mise en garde du Crédit Lyonnais à l'égard des époux [L],
- condamner le Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 25 000 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter,
- ordonner la compensation des éventuelles créances réciproques,
- condamner en tout état de cause le Crédit Lyonnais au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du même code ;
Vu les dernières conclusions du 23 février 2016 aux termes desquelles la SA Crédit Lyonnais (le Crédit lyonnais) demande à la cour de :
- débouter les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes fins et
conclusions,
- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Draguignan du 17
février 2015 en ce qu'il a condamné les époux [L] au règlement des sommes mensuelles de 640.31 euros à jusqu'au complet règlement de la somme de 33840,64 euros actualisée au
12/11/2012 et portant intérêt 6,3 % depuis cette date,
- juger que le moindre manquement des époux [L] dans le paiement
des sommes litigieuses entraînera l'exigibilité immédiate et anticipée de la totalité des
sommes restant dues,
- condamner les époux [L] au paiement de la somme de 1500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de l'avocat constitué ;
MOTIFS
Attendu qu'aux termes d'un acte sous seing privé du 22 juillet 2010 M. [N] [L] et Mme [G] [L] ont souscrit auprès du Crédit Lyonnais un prêt d'un montant de 40 000 euros au taux nominal de 6,3 %, remboursable en 84 échéances d'un montant de 640,31 euros assurance comprise ;
Que les époux [L] ont rencontré des difficultés pour payer les mensualités et ont demandé à la banque le report de trois échéances ; que par courrier du 4 septembre 2012, le Crédit Lyonnais a accepté le report de trois échéances en fin de contrat ;
Par courrier du 12 novembre 2012, le Crédit Lyonnais a cependant prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure les époux [L] de régler le sommes dues au titre de cette déchéance ;
Que par acte d'huissier du 17 juin 2013, le crédit Lyonnais a assigné en paiement les époux [L] devant le tribunal de grande instance de Draguignan qui l'a débouté de ses demandes au titre de la déchéance du terme et qui a condamné les époux [L] à régler les mensualités dues au titre du prêt ;
Sur la nullité du contrat du contrat de prêt
Attendu que les époux [L], appelants, soutiennent que le contrat de prêt est nul en application de l'ancien article 489 du code civil, dans la mesure où M. [N] [L] s'est engagé alors qu'il était atteint d'une maladie engendrant un processus dégénératif cérébral, diagnostiquée en 2003 ;
Qu'ils font valoir qu'en 2010, date de souscription du contrat de prêt litigieux, M. [N] [L] n'était pas capable de discernement et, par conséquent, de s'engager en toute connaissance de cause ;
Qu'ils ajoutent que cette nullité étant une nullité absolue, elle atteint le contrat dans toutes ses composantes, y compris la stipulation d'intérêts, et à l'égard de tous les contractant, y compris à l'égard de Mme [G] [S] épouse [L] ;
Qu'aux termes de ses dernières conclusions, le Crédit Lyonnais ne répond pas à cette argumentation ;
Attendu que l'article 414-1 du code civil dispose que pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit ; que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ;
Qu'en l'espèce, les époux [L] produisent aux débats :
- la copie d'un certificat médical rédigé, d'une écriture peu lisible, par le docteur [Z] le 8 octobre 2003, duquel il résulte que M. [N] [L] présente des signes de sénilité avancée et que son taux d'inaptitude est de 100 %,
- la copie d'un rapport d'expertise du 27 juin 2017 duquel il résulte que depuis 2001 M. [N] [L] a présenté des troubles de la mémoire et de l'attention qui ont conduit à un arrêt de travail, que l'évolution a démontré que ces troubles étaient dus à une dégénérescence organique cérébrale d'évolution progressive et inéluctable sans épisode de rémission ; que la dégradation de l'état de santé de M. [N] [L] a été continuelle depuis septembre 2001 ;
- la copie d'un rapport d'expertise médicale en date du 23 juin 2003, aux termes duquel le Docteur [J] indique que le processus dégénératif organique est responsable d'une démence ;
Que ces éléments suffisent à établir qu'en 2010 M. [N] [L] souffrait de troubles mentaux qui ne lui permettaient pas de comprendre la portée de son engagement ;
Qu'en application du texte précité, il convient de constater la nullité de son engagement dans le cadre du contrat de prêt litigieux et de débouter le Crédit Agricole de ses demandes formées à l'encontre de M. [N] [L] ;
Qu'en revanche cette nullité est sans incidence sur le consentement donné par Mme [G] [S] épouse [L] lors de la conclusion du contrat de prêt ; que Mme [G] [S] épouse [L], qui s'est engagée aux côtés de son mari qu'elle savait malade, comme cela résulte des pièces médicales communiquées, a eu pleinement conscience, non seulement de la portée de son propre engagement mais aussi du fait que le consentement de son époux, en qualité de co-emprunteur solidaire, pouvait être remis en cause ;
Qu'il convient de rejeter la demande en nullité formée par Mme [G] [S] épouse [L] relativement à son propre engagement ;
Sur les sommes dues par Mme [G] [S] épouse [L]
Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adoptent, que le premier juge a considéré, qu'au regard de l'accord qui a été passé entre les parties et portant sur le report de trois échéances en fin de contrat, le Crédit Lyonnais n'était pas fondé à prononcer la déchéance du terme par courrier du 12 novembre 2012 ;
Que dans la mesure où il n'est pas démontré qu'une autre déchéance du terme a pu être régulièrement prononcée, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que l'exécution du contrat de prêt devait se poursuivre par le paiement des échéances de 640,31 euros par mois jusqu'au 5 novembre 2017, selon les termes de l'avenant ;
Qu'il convient toutefois de préciser que seule la condamnation prononcée contre Mme [G] [S] épouse [L] sera confirmée, la nullité de l'engagement de M. [N] [L] ayant été retenue ;
Sur la responsabilité de la banque
Attendu que les époux sollicitent une somme de 25 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du manquement, par la banque, à son devoir de conseil et de mise en garde ;
Qu'ils reprochent plus précisément au Crédit lyonnais de ne pas s'être renseigné sur leurs capacités financières ni sur l'état mental des souscripteurs ;
Que le Crédit Agricole répond qu'il a respecté ses obligations, précisant que les renseignements financiers fournis par les époux [L] permettaient de constater que le prêt litigieux, souscrit pour financer l'achat d'un véhicule, était adapté à leurs capacités de remboursement ;
Attendu que s'agissant du devoir de conseil, compte tenu du principe de non immixtion, ce devoir n'existe que si l'établissement de crédit a joué un rôle actif dans l'opération de crédit ;
Qu'en l'espèce il n'est nullement démontré, ni même allégué, que le Crédit Lyonnais soit à l'origine du projet d'achat d'un véhicule à crédit ;
Attendu que s'agissant de l'obligation de mise en garde, l'établissement bancaire qui consent un crédit à un emprunteur non averti est tenu de respecter cette obligation s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, et ce, au regard des capacités financière de l'emprunteur ;
Qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de prêt sous seing privé, que les époux [L] ont mentionné sur l'offre de prêt leurs ressources et charges ; qu'ils ont indiqué que :
- M. [N] [L] percevait des revenus à hauteur de 22 410 euros par an et supportait des charges à hauteur de 6 700 euros par an,
- que Mme [G] [S] épouse [L] percevait 20 930 euros par an et ne supportait aucune charge,
Qu'au regard de ces éléments il convient de constater que les époux [L] disposaient de capacités financières leur permettant de faire face à la charge de remboursement née du prêt litigieux, à savoir 640,31 euros par mois ;
Qu'il n'existait aucun risque d'endettement né de l'octroi du crédit, de sorte que le Crédit Lyonnais n'était tenu à aucun devoir de mise en garde à l'égard des appelants ;
Qu'aucune responsabilité de ne peut être recherchée de ce chef à l'encontre de la banque ;
Que par ailleurs, aucun des éléments d'information fournis à la banque ne pouvait permettre à cette dernière d'avoir un doute quant aux facultés mentales des emprunteurs ;
Que les époux [L] seront déboutés de leur demande indemnitaire ;
Sur les autres demandes
Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné le Crédit Lyonnais au paiement d'une somme de 2 000 euros de dommages et intérêts, retenant que cette banque avait abusivement prononcé la déchéance du terme et engagé une procédure judiciaire en paiement ;
Que l'équité commande qu'aucune somme ne soit allouée au titre des frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'encontre de M. [N] [L],
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
- Constate la nullité de l'engagement de M. [N] [L] souscrit dans le cadre du contrat de prêt en date du 22 juillet 2010,
- Déboute la SA Crédit lyonnais de ses demandes formées à l'encontre de M. [N] [L],
- Rejette les autres demandes des parties, et notamment la demande indemnitaire formée par les époux [L] ainsi que les demandes des parties présentées au titre de frais irrépétibles d'appel,
- Condamne la SA Crédit Lyonnais au paiement des dépens au paiement des dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT