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07/12/2017 | FRANCE | N°15/20441

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 07 décembre 2017, 15/20441


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2017



N°2017/515



SP











Rôle N° 15/20441







[A] [W]





C/



SARL AZUREENNE LOCATION

































Grosse délivrée le :

à :

Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE



Me Stéphane DAGHERO, avocat au barre

au de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 12 Octobre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/239.





APPELANT



Monsieur [A] [W], demeurant [Adresse 1]
...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2017

N°2017/515

SP

Rôle N° 15/20441

[A] [W]

C/

SARL AZUREENNE LOCATION

Grosse délivrée le :

à :

Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

Me Stéphane DAGHERO, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 12 Octobre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/239.

APPELANT

Monsieur [A] [W], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL AZUREENNE LOCATION, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphane DAGHERO, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Gaëlle GISBERT, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société Azuréenne Location est une société de transport routier de frets interurbains.

Monsieur [W] a été engagé par celle-ci à compter du 25 avril 2012 en qualité de chauffeur livreur à temps complet, d'abord selon deux contrats de travail à durée déterminée successifs, puis selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2013.

Monsieur [W] a saisi le 12 février 2014 le conseil de prud'hommes de Nice de différentes demandes, notamment en rappel d'heures supplémentaires et en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Monsieur [W] a été placé en arrêt maladie à partir du 4 février 2014.

Monsieur [W] a été licencié selon lettre RAR du 5 août 2014 pour une inaptitude médicale et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 12 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Nice a débouté Monsieur [W] de ses demandes, débouté la société Azuréenne Location de ses demandes reconventionnelles, et laissé la charge des dépens au requérant.

Monsieur [W], à qui ce jugement a été notifié le 10 novembre 2015, a interjeté appel le 12 novembre 2015.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [A] [W], appelant, demande à la cour, par voie de conclusions déposées et développées oralement à l'audience de plaidoiries, d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes. En ce qui concerne la rupture du contrat, Monsieur [W] demande à la cour, à titre principal, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Azuréenne Location, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à titre subsidiaire, de juger le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse. Il demande à la cour de condamner la société Azuréenne Location au paiement des sommes suivantes :

'rappel de salaire sur les mois d'octobre et novembre 2013: 667,10 euros bruts outre 66,71 euros bruts de congés payés sur rappel de salaire

'rappel de salaire sur le mois de décembre 2013: 333,55 euros bruts outre 33,35 euros bruts de congés payés sur rappel de salaire

'rappel de salaire sur heures supplémentaires : 801,47 euros bruts outre 80,15 euros bruts de congés payés sur rappel de salaire

'contrepartie obligatoire en repos : 927,59 euros nets

'dommages-intérêts pour défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos : 1500 euros

'indemnité de préavis : 3457,32 euros bruts outre 345,73 euros bruts de congés payés sur préavis

'dommages et intérêts pour rupture abusive : 20 743,92 euros bruts

'article 700 du code de procédure civile : 3000 euros.

Monsieur [W] demande en outre à la cour d'ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard la délivrance des documents rectifiés à savoir l'attestation pôle emploi et les bulletins de salaire, de dire que les créances salariales produiront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice, et de condamner la société Azuréenne Location aux entiers dépens.

La société Sarl Azuréenne Location, intimée, demande à la cour, par voie de conclusions déposées et développées oralement à l'audience de plaidoiries, à titre principal, aux constats que les motifs invoqués par Monsieur [W] sont infondés et dépourvus de gravité suffisante pour fonder sa demande de résiliation judiciaire et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au constat que la société Azuréenne Location offre de lui régler les sommes de 667,71 euros au titre des absences consécutives au DIF effectué du 28 octobre au 10 novembre 2013 et de 500 euros au titre de la méconnaissance des dispositions du repos compensateur et de son information, de débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes. À titre subsidiaire, la société Azuréenne Location demande à la cour d'ordonner la compensation des sommes dues avec celles déjà versées dans le cadre du licenciement pour inaptitude si par extraordinaire il était fait droit aux demandes de Monsieur [W]. En tout état de cause, la société Azuréenne Location demande à la cour, au constat que Monsieur [W] a été payé pour des heures de travail qu'il n'a en réalité pas effectuées, de le condamner à rembourser la somme correspondant à 464,07 heures de travail, outre la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE

Sur les heures supplémentaires

Monsieur [W] soutient que tout au long de la relation contractuelle il a effectué un nombre important d'heures supplémentaires qui ne lui ont pas été intégralement rémunérées. Il expose qu'à la suite de sa sommation de communiquer, la société Azuréenne Location a transmis des relevés des disques chronotachygraphes numériques pour la période allant du 1er mai 2012 au 31 juillet 2013 ; que la lecture de ces éléments laisse apparaître la déduction de nombreuses heures de coupure ; que la société Azuréenne Location tente de faire croire qu'il a été rémunéré plus que le nombre d'heures de travail qu'il a effectivement réalisées ; qu'il n'en est rien ; que l'employeur demandait à ses salariés de manipuler les disques chronotachygraphes pour les mettre en mode « coupure » lorsqu'ils attendaient leur tour pour décharger la marchandise ; que sur le site Veolia de [Localité 1] au sein duquel Monsieur [W] exerçait ses fonctions, il n'y avait qu'un seul quai de déchargement ; que durant ses temps d'attente, Monsieur [W] se tenait toujours à la disposition de son employeur et n'était pas libre de vaquer à ses obligations personnelles ; que les heures précises des coupures ne sont nullement mentionnées sur les relevés informatiques des disques ; que les relevés produits par la société Azuréenne Location ne reflètent pas la durée réelle du travail du salarié ; qu'il est fait sommation à la société Azuréenne Location de communiquer les feuilles de route Veolia (DEEE) de Monsieur [W] du site de [Localité 1] sur toute la période de la relation contractuelle, ces documents permettant de déterminer avec précision la durée réelle du travail. Monsieur [W] ajoute qu'à défaut de transmission d'autres éléments permettant de justifier de manière précise des horaires de travail du salarié, il a effectué un calcul des heures supplémentaires sur la base des relevés informatiques ; qu'il sollicite le paiement de tous les temps de coupure, déduction faite de 30 minutes de pause repas pour les jours travaillés où des heures de repas étaient comprises dans la période de travail.

Pour s'opposer à la demande, la société Azuréenne Location fait valoir qu'elle a déféré à la sommation qui lui a été faite, et a versé les rapports de conduite de Monsieur [W] des années 2012 et 2013 démontrant selon elle qu'il a été intégralement indemnisé de toutes les heures de travail effectuées (aucune heure de travail n'ayant été effectuée en 2014) ; que ces rapports de conduite constituent la traduction infalsifiable de la carte conducteur de l'intéressé ; qu'à la faveur de ces relevés et du tableau récapitulatif joint, établi par le comptable de la société Azuréenne Location, il apparaît que Monsieur [W] a reçu le paiement de 464,07 heures de travail qu'il n'a en réalité pas effectuées ; que l'employeur a ainsi découvert que Monsieur [W] a régulièrement déclaré à son employeur un nombre d'heures de travail qui ne correspondait pas à la réalité des heures effectuées. La société Azuréenne Location réfute l'accusation selon laquelle elle aurait demandé à ses chauffeurs de falsifier leur temps de transport par une manipulation consistant à attribuer le temps d'attente de chargement et déchargement sur leur temps de coupure déjeuner ; que toute falsification du temps de transport de l'unique carte à puce d'un chauffeur est impossible ; que le temps de repos est actionné manuellement par le chauffeur qui appuie sur le bouton coupure lorsqu'il part déjeuner puis lorsqu'il a terminé sa pause ; que dire que les temps de chargement et de déchargement seraient affectés au temps de coupure est impossible car, dans cette hypothèse, les rapports de conduite mentionneraient des temps de repos d'une durée bien supérieure à celle du temps de travail ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que Monsieur [W] a l'obligation de rapporter au moins un commencement de preuve permettant d'établir la réalité de ces heures supplémentaires.

* *

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En se fondant sur la base des relevés informatiques versés aux débats par son contradicteur, et en sollicitant un rappel d'heures supplémentaires correspondant au paiement de tous les temps de coupure apparaissant sur ces relevés, déduction faite des 30 minutes de pause du repas journalier (les jours où des heures de repas étaient comprises dans la période de travail), Monsieur [W] étaye sa demande par un décompte suffisamment précis quant aux horaires réalisés, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il résulte des propres explications de la société Azuréenne Location que le temps de repos est actionné manuellement par le chauffeur qui appuie sur le bouton « coupure » lorsqu'il part déjeuner puis lorsqu'il a terminé sa pause. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme la société Azuréenne Location, il est parfaitement possible pour le chauffeur d'affecter certains temps d'attente en temps de coupure, en actionnant manuellement ledit bouton.

Alors que régulièrement les relevés informatiques de la carte de chauffeur de Monsieur [W] mentionnaient un temps de coupure bien supérieur aux 30 minutes accordées à la pause déjeuner (par exemple 1h47 le 7 mai 2012, 1h17 le 11 mai 2012, 1h07 le 24 juillet 2012, 1h43 le 23 juillet 2012, 1h17 le 6 août 2012, 1h56 le 9 juillet 2013 etc. ), la société Azuréenne Location, qui ne prétend pas s'être inquiétée auprès de son salarié pendant la relation de travail de temps de pause trop importants, n'apporte aucun élément de nature à contredire l'appelant lorsqu'il affirme qu'il lui était demandé de mettre la carte en mode « coupure » lorsqu'il attendait au quai de déchargement. En particulier, l'employeur ne verse aucun témoignage émanant de salariés de l'entreprise pour justifier qu'une telle pratique n'avait pas été mise en place. De plus, la société procède par voie d'affirmation et non de démonstration lorsqu'elle prétend qu'il est impossible que les temps de chargement et de déchargement soient affectés au temps de coupure car, dans cette hypothèse, les rapports de conduite mentionneraient des temps de repos d'une durée bien supérieure à celle du temps de travail.

L'employeur, qui n'a pas déféré à la sommation d'avoir à communiquer les feuilles de route Veolia (DEEE) de Monsieur [W] du site de [Localité 1], n'apporte aucune explication à cet égard.

La cour retient dès lors l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées. La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef et il sera fait droit à la demande de Monsieur [W] tendant à voir condamner son employeur à lui régler la somme de 801,47 euros de rappel de salaire sur les heures supplémentaires outre 80,15 euros de congés payés afférents.

Il résulte des développements qui précèdent que la demande reconventionnelle formée par la société Azuréenne Location en remboursement d'un trop-perçu salarial est infondée. Cette demande sera rejetée.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Il résulte des bulletins de salaires versés aux débats, que Monsieur [W] a effectué en 2012 et 2013 de nombreuses heures supplémentaires (rémunérées) au-delà du contingent conventionnel. Il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de repos compensateur obligatoire, motivée et justifiée (page 12 des conclusions oralement reprises) par l'appelant sur la base d'un taux horaire brut, et au surplus non contredite par la société Azuréenne Location. Celle-ci sera en conséquence condamnée à régler la somme de 927,59 euros bruts à ce titre.

Le défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos n'est pas plus contesté. Le préjudice résultant de ce défaut d'information sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 150 euros.

Sur la demande de résiliation

Le licenciement pour inaptitude étant survenu postérieurement à la saisine par Monsieur [W] de la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire, la cour est tenue d'examiner en premier lieu la demande de résiliation judiciaire.

À l'appui de sa demande, Monsieur [W] invoque les manquements suivants :

'le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi

'la modification unilatérale et abusive du contrat de travail, par lettre du 3 février 2014 qui a modifié les horaires faisant travailler désormais Monsieur [W] une heure de nuit et selon des horaires discontinus

'la déduction injustifiée d'heures d'absence

'le défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos

'les heures supplémentaires effectuées et non rémunérées.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi du contrat de travail

Monsieur [W] expose qu'il avait obtenu l'accord verbal de son employeur pour être en congé du 23 au 28 décembre 2013 ; que la société Azuréenne Location lui a toutefois notifié par RAR du 23 décembre 2013 un avertissement pour absence injustifiée le 23 décembre 2013 ; qu'elle l'a convoqué par RAR du 30 décembre 2013 à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 6 janvier 2014, en lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire ; que par télécopie du 31 décembre 2013, Monsieur [W] a contesté l'avertissement ; que par courrier du 9 janvier 2014 la société Azuréenne Location l'a informé que son licenciement n'était plus envisagé. Monsieur [W] ajoute que son employeur a abandonné la procédure de licenciement au profit d'une procédure de rupture conventionnelle, laquelle a toutefois été refusée par lui selon RAR du 27 janvier 2014 ; que le 27 janvier 2014 il s'est présenté sur son poste de travail et que l'employeur lui a indiqué qu'il n'y avait pas de travail pour lui et qu'il serait informé par courrier de la date de reprise ses fonctions ; que par courrier RAR du 27 janvier 2014 il a confirmé qu'il se tenait à la disposition de son employeur pour reprendre le travail et que c'est de manière déloyale que la société Azuréenne Location lui a alors reproché par RAR du 31 janvier 2014 une absence injustifiée à son poste de travail depuis le 27 janvier 2014. Monsieur [W] soutient enfin que lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 6 janvier 2014, l'employeur en la personne de son gérant Monsieur [D] l'a menacé de supprimer les heures supplémentaires et de modifier ses horaires de travail ; que consciente de l'illégitimité des reproches faits et de leur caractère déjà sanctionnés disciplinairement, la société Azuréenne Location a décidé d'arrêter la procédure de licenciement mais a ensuite fait preuve d'une particulière insistance pour tenter d'obtenir une rupture conventionnelle.

La société Azuréenne Location soutient en réponse, que Monsieur [W] a décidé délibérément de ne pas se présenter sur son lieu de travail le 23 décembre 2013, faisant fi du refus de son employeur de lui accorder les congés sollicités (congés qu'il n'avait pas été possible de lui accorder dans la mesure où un autre salarié, Monsieur [I], avait préalablement posé des congés pour cette même période) ; que si la question de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat peut se poser c'est d'abord à Monsieur [W] qu'il appartient de fournir des explications ; que les prétendues menaces verbales et le prétendu souhait de son employeur de le licencier ne sont pas caractérisés, l'entretien ne s'étant pas déroulé comme le prétend Monsieur [E] ; que la demande de congés s'est faite oralement tout comme la réponse qui lui a été accordée.

* *

Il n'est pas discuté que Monsieur [W] avait formulé sa demande de congé la semaine du 23 au 28 décembre 2013, oralement.

L'employeur, qui soutient avoir rejeté, également oralement, cette demande de congés verse aux débats les éléments suivants :

'une attestation de Monsieur [T] [I] qui expose avoir demandé fin septembre 2013 à son patron Monsieur [I] [D] de prendre des congés du 23 au 29 décembre 2013, requête qui lui a été accordée car personne d'autre n'avait alors demandé de congés. L'intéressé ajoute que lorsque Monsieur [W] a formulé, courant du mois d'octobre 2013, une demande auprès du patron pour la même semaine, cela lui a été refusé sauf aux intéressés de trouver un arrangement. Monsieur [I] précise que Monsieur [W] est venu lui demander s'il était possible de changer ses dates car il souhaitait prendre la même semaine et qu'il m'a expliqué que cela n'était pas possible car il avait déjà organisé son déplacement dans le nord pour rejoindre sa famille qui s'y trouve. Cette attestation est accompagnée d'un relevé bancaire du compte de Monsieur [I] qui démontre que l'intéressé a payé le 11 octobre 2013 un vol EasyJet.

'L'attestation de Monsieur [C] qui expose avoir, à l'occasion d'une tournée, reproché à Monsieur [W] son comportement vis-à-vis de l'employeur (s'être absenté alors même que les congés lui avaient été refusés) et s'être vu opposer un comportement insultant et agressif (« Monsieur [W] me répondit en haussant le ton qu'il s'en foutait, il pouvait faire ce que bon lui semble et que c'était lui qui décidait de prendre des vacances comme bon lui semble », « il entra dans une colère me traitant de sale con et que de toute manière il ferait fumer la société qu'il nous mettrait tous au chômage »)

Si l'attestation de Monsieur [C] ne présente pas de garantie suffisante d'impartialité, l'intéressé étant le beau-frère (ou l'ex beau-frère selon la société Azuréenne Location) de Monsieur [D], aucun élément ne permet en revanche d'écarter des débats l'attestation circonstanciée de Monsieur [I], laquelle est en outre accompagnée d'une pièce justificative du paiement d'un billet d'avion, qui conforte son contenu.

Il en ressort que l'employeur rapporte la preuve d'avoir refusé la demande de congés de Monsieur [W].

Il n'est pas contesté que Monsieur [W] s'est pourtant abstenu de se présenter sur son lieu de travail du 23 au 28 décembre 2013, malgré ce refus.

L'avertissement pour absence injustifiée le 23 décembre 2013, délivré par RAR du 23 décembre 2013, apparaît dès lors fondé. Le manquement s'étant prolongé après le 23 décembre 2013, l'employeur était légitime à convoquer Monsieur [W] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 janvier 2014, et à assortir cette convocation d'une mise à pied conservatoire jusqu'au terme de la procédure.

Selon courrier du 9 janvier 2014, l'employeur a toutefois écrit à Monsieur [W] en ces termes : « nous faisons suite à notre entretien du lundi 6 janvier 2014. En effet, nous avons évoqué la possibilité d'un licenciement pour faute, mais il n'est plus d'actualité ».

Il résulte du mail adressé le 17 janvier 2014 par le gérant à Monsieur [W] (« depuis vendredi 10 janvier 2014 je n'arrive plus à te joindre par téléphone (...) Tu devais me rappeler vendredi 10 janvier 2014 pour venir chercher ta lettre de convocation pour une éventuelle rupture conventionnelle et tu ne l'as jamais fait. (...) »), ainsi que du mail adressé par la société Azuréenne Location le 21 janvier 2014 à Monsieur [W] (« suite à notre conversation téléphonique de ce jour, nous te confirmons le rendez-vous un entretien pour une éventuelle rupture conventionnelle, le jeudi 23 janvier à 14 heures (...) ») que l'employeur, qui ne donnait pas suite à la procédure de licenciement pour faute, engageait toutefois des négociations en vue d'une rupture conventionnelle, ce qui ne constitue nullement un comportement déloyal de sa part.

Cette proposition de rupture conventionnelle a été formellement rejetée par courrier de Monsieur [W] du 24 janvier 2014 dans lequel l'intéressé précisait en outre « C'est pourquoi, dès ce jour je me tiens à votre disposition afin que je puisse reprendre mon travail dans les mêmes conditions de tournée et de salaire conformément aux engagements. J'espère que je n'aurai pas la mauvaise surprise de voir que je serai échangé dans les tournées de travail comme vous l'avez expliqué à Monsieur [E] le 6 janvier 2014. (...) »

Selon courrier RAR du 31 janvier 2014, l'employeur a indiqué : « le lundi 27 janvier 2014 vous ne vous êtes pas présenté et, à ce jour, nous n'avons aucune nouvelle de votre part que ce soit par courrier ou par téléphone. À partir du lundi 3 février 2014, si vous ne vous présentez pas au travail cela sera considéré comme une absence injustifiée ».

Monsieur [W] verse aux débats deux attestations circonstanciées émanant de Monsieur [E], conseiller qui l'a assisté. En l'absence de tout élément permettant de remettre en cause la crédibilité de ce témoignage, celui-ci ne peut être écarté au seul motif qu'il émane du conseiller du salarié.

M. [E] relate avoir constaté les faits suivants lors des deux entretiens successifs ( préalable à un éventuel licenciement, et préalable à une éventuelle rupture conventionnelle) : « Monsieur [D] s'énerve et par menaces verbales revient sur les tournées que Monsieur [W] se verrait appliquer s'il devait reprendre le travail : tu feras la tournée de la Poste du matin et du soir» « Monsieur [D] revient sur certains commentaires sur la tournée de la Poste et affirme à Monsieur [W] que faire plusieurs allers-retours par jour entrant dans le trajet travail et domicile serait un enfer pour lui et de nouveau il revient sur sa proposition de rupture conventionnelle ».

L'existence de menaces de la part de l'employeur, de modifier les horaires de travail afin de dégrader les conditions de travail de Monsieur [W], si celui-ci ne régularisait pas le protocole proposé, est confirmée par les éléments suivants :

la lettre de Monsieur [W] du 24 janvier 2014 dans laquelle il exprimait son souhait de ne pas avoir la mauvaise surprise de voir qu'il serait échangé dans les tournées de travail bien que (l'employeur ) ait parlé de cela à Monsieur [E] le 6 janvier 2014 (cf. supra)

le courrier adressé le 3 février 2014 par la société Azuréenne Location pour informer Monsieur [W] que ses horaires de travail seraient désormais les suivants : «le lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 4 heures à 8h15 et de 15h45 à 18h30, le mardi de 4 heures à 6h30 et de 15h45 à 18h30, le samedi de 4 heures à 8h15. »

Or, à la lecture des rapports de conduite de Monsieur [W], produits aux débats par l'employeur dans le cadre du litige sur les heures supplémentaires, il apparaît que Monsieur [W] se voyait, avant le 23 décembre 2013, affecté de manière très fréquente des horaires continus (par exemple de 6h46 à 15h50, de 7h31 à 13h34, etc.). En indiquant que désormais l'intéressé aurait systématiquement les mêmes horaires impliquant des heures de nuit, et une coupure entre 8h15 (voir 6h30) et 15h45, l'employeur modifiait substantiellement les conditions de travail de Monsieur [W]. Si le contrat de l'intéressé stipulait que la répartition hebdomadaire ou mensuelle de la durée du travail pouvait être modifiée en fonction des nécessités liées au bon fonctionnement de l'entreprise, les circonstances ayant accompagné ce changement caractérisent la mise à exécution d'une menace formulée dans le cadre de la négociation en vue d'obtenir une rupture conventionnelle.

Sur ce point, l'existence d'un comportement déloyal est établie.

La déduction injustifiée d'heures d'absence

La cour a retenu que Monsieur [W] était bien en absences injustifiées du 23 au 28 décembre 2013, de sorte que la prétendue déduction infondée d'heures d'absence pour cette période, doit être écartée.

En revanche, c'est à bon droit que M. [W] invoque la déduction injustifiée d'heures d'absence pour la période allant du 23 octobre au 10 novembre 2013. En effet l'employeur reconnaît (page 6 de ses conclusions oralement reprises) sa « méprise » (pour avoir déduit du salaire cette période, alors que Monsieur [W] suivait une formation au titre de son droit individuel à la formation ce dont la société était informée) et offre d'ailleurs de régler la somme de 667,10 euros bruts.

Il résulte des développements qui précèdent que l'employeur a commis différents manquements dans l'exécution du contrat (défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos, déduction injustifiée d'heures d'absence lors de la formation professionnelle suivie par Monsieur [W], non-paiement de certaines heures supplémentaires). En outre, l'employeur en usant de la menace ( qu'il a mis à exécution) de modifier les horaires de M. [W] afin que ses conditions de travail se dégradent de manière importante, si celui-ci refusait la proposition de rupture conventionnelle, a commis une exécution déloyale du contrat. La cour constate enfin que la société Azuréenne Location qui reconnaît avoir déduit des heures d'absence de manière injustifiée et propose de régler la somme de 667,71 euros de ce chef, n'a jamais procédé à la régularisation de ce rappel de salaire.

Monsieur [W] rapporte ainsi la preuve de l'existence de manquements de gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. La cour en conséquence infirme le jugement du conseil de prud'hommes, et prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Azuréenne Location, résiliation qui produira effet au jour du licenciement soit au 5 août 2014.

La société Azuréenne Location sera en conséquence condamnée à régler la somme de 3457,32 euros d'indemnité compensatrice de préavis, justifiée par les pièces produites et non sérieusement contredite, outre 345,73 euros de congés payés afférents.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, Monsieur [W] invoque son ancienneté de deux années, et le fait que les manquements de la société Azuréenne Location à ses obligations contractuelles « lui ont causé un préjudice particulièrement important et l'ont contraint à saisir la juridiction prud'homale ».

Monsieur [W] ne verse pas les justificatifs de sa situation tant professionnelle que financière postérieurement à la rupture du contrat de travail survenue le 5 août 2014. Il ne justifie d'aucune recherche d'emploi.

Il résulte des propres écritures de Monsieur [W] (page 2) que la société Azuréenne Location occupe habituellement moins de 11 salariés.

En considération de l'âge de l'appelant (comme étant né en 1985), de son ancienneté (deux ans et trois mois), et en considération de l'absence de tout justificatif sur la situation après la rupture du contrat, le préjudice sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 2500 euros.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Azuréenne Location tendant à voir « ordonner la compensation des sommes dues avec celles déjà versées dans le cadre du licenciement pour inaptitude » d'une part car la société intimée ne verse aucun justificatif des sommes déjà payées à Monsieur [W] (la société Azuréenne Location ne verse ni le reçu pour solde de tout compte, ni l'attestation pôle emploi), et d'autre part car le licenciement pour inaptitude ne donne pas lieu, en tout état de cause, à la perception d'une indemnité compensatrice de préavis ni à dommages-intérêts pour « licenciement abusif ».

Il sera ordonné à la société Azuréenne Location de remettre à Monsieur [W] l'attestation pôle emploi rectifiée conforme à la décision, et un bulletin de salaire rectificatif, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la notification de la première demande en justice, soit en l'espèce à compter du 3 mars 2014.

En application des dispositions de l'article 1134 du code, les intérêts dus pour au moins une année produiront eux-mêmes intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [W] la charge des frais irrépétibles par lui exposée à l'occasion de la présente procédure. La société Azuréenne Location sera condamnée à lui régler la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.

Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la demande formée sur ce même fondement par la société Azuréenne Location.

Celle-ci, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit Monsieur [A] [W] en son appel

Sur le fond,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nice du 12 octobre 2015

Statuant à nouveau sur le tout,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [W] aux torts de l'employeur, la Sarl Azuréenne Location,

Dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 5 août 2014

Condamne la Sarl Azuréenne Location à payer à Monsieur [A] [W] les sommes suivantes :

'667,10 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les mois d'octobre et novembre 2013, outre 66,71 euros de congés payés afférents

'801,47 euros bruts de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 80,15 euros de congés payés afférents

'927,59 euros bruts à titre de rappel de repos compensateur obligatoire

'150 euros de dommages et intérêts pour défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos

'3457,32 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 345,73 euros de congés payés sur préavis

'2500 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014 et que les intérêts dus pour au moins une année produisent eux-mêmes intérêts

Ordonne à la société Azuréenne Location de remettre à Monsieur [A] [W] l'attestation pôle emploi rectifiée et un bulletin de salaire, conformes à la présente décision

Dit n'y avoir lieu à astreinte

Déboute Monsieur [W] de sa demande de rappel de salaire pour le mois de décembre 2013

Déboute la société Azuréenne Location de sa demande de condamnation au titre des heures de Monsieur [W] non travaillées et de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Azuréenne Location aux dépens de première instance et d'appel

Rejette toutes autres prétentions.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/20441
Date de la décision : 07/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°15/20441 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-07;15.20441 ?
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