La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2017 | FRANCE | N°15/15990

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 07 décembre 2017, 15/15990


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2017



N°2017/

NT/FP-D













Rôle N° 15/15990







[S] [N]





C/



Société F.M.D. AROM'MATIC (ANCIENNEMENT F.M.D)













































Grosse délivrée le :

à :

Me Sarah GUILLET, avocat

au barreau de NICE



Me Frédéric MORISSET, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 19 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/181.





APPELANT



Monsieur ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2017

N°2017/

NT/FP-D

Rôle N° 15/15990

[S] [N]

C/

Société F.M.D. AROM'MATIC (ANCIENNEMENT F.M.D)

Grosse délivrée le :

à :

Me Sarah GUILLET, avocat au barreau de NICE

Me Frédéric MORISSET, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 19 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/181.

APPELANT

Monsieur [S] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sarah GUILLET, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Société F.M.D. AROM'MATIC (ANCIENNEMENT F.M.D), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédéric MORISSET, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2017

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [S] [N], recruté en qualité d'employé le 4 août 1997 par la société FMD devenue la société FMD Arom'atic, spécialisée dans la distribution de boissons, a été licencié, après mise à pied conservatoire, pour faute grave par lettre du 21 janvier 2014 ainsi rédigée :

«(...) Vous avez été embauché par notre société le 4 août 1997 en qualité d 'employé.

Par la signature de votre contrat de travail, vous vous engagiez à observer toutes les instructions et consignes particulières de travail qui vous seraient données.

A cet égard, le 2 avril 2004, vous avez accusé réception de mes instructions contenues dans un document intitulé « la charte du gestionnaire F.M.D. '', qui prévoit notamment :

NOS DITRIBUTEUR VU DE L'EXTERIEUR

a) Les façades et réceptacles des distributeurs doivent être toujours très propres et nettoyés avec les produits non abrasifs fournispar FMD.

NOS DISTRIBUTEURS VUS DE L 'INTERIEUR

Pour le client, l 'intérieur est le reflet de l'extérieur. Eviter l 'accumulation des particules de chocolat ou autres produits sur les parois internes »

En 2004, suite à la plainte de plusieurs clients concernant l'entretien des distributeurs dont vous aviez la charge, et après vérification de ces griefs qui se sont avérés exacts, je vous ai demandé des explications, et vous m 'avez répondu avoir « trop de travail ''.

Nous avons alors fait installer un système de géolocalisation sur les véhicules afin d 'optimiser, de mieux gérer et éventuellement de réorganiser les tournées. Nous nous sommes aperçus en analysant les données de cet outil que la totalité de vos heures de travail n 'étaient pas effectuées (loin de là) et que, pendant vos horaires de travail, vous rendiez régulièrement visite à une bonne amie.

Lorsque je vous en ai fait la remarque, vous avez promis de vous ressaisir.

Il a cependant été nécessaire, à plusieurs reprises, de vous faire des remarques quant à la piètre qualité de vos prestations chez les clients de notre société, voire de changer de gestionnaire afin d'essayer de ne pas perdre le client.

Je vous rappelle notamment les événements suivants :

- en 2008, plainte de la responsable du CE de PRISUNIC NICE CIMIEZ (pas de nettoyage de la machine) le contrat est dénoncé, malgré le changement de gestionnaire nous n 'avons pu garder le client.

- En 2009, plainte du PCT aéroport Mme [I] (photo de l 'état des machines prises par le client) Nous avons proposé au client de changer de gestionnaire, depuis plus de problèmes et le client à renouvelé son contrat.

~ En Mai 2010, multiples plaintes (photo a l'appui) du responsable du CTM Villeneuve- Loubet M. [Q] : Contrat non reconduit

- En Novembre 2010, plainte de la responsable du CE de PEF (pas de nettoyage des machines) : perte du poste.

- Mai 2011 Mail de mécontentement de la direction de BETON LAFARGE dénonce l 'entretien du distributeur du site de [Localité 1] je le cite « à la limite de l 'intoxication..... ''

- Juin 2011 mécontentement du BI aéroport Mme [B] Nous avons proposé au client de changer de gestionnaire, depuis plus de problèmes et le client à renouveler son contrat.

(Mme [B] nous a avoué que si nous n'avions pas changé M. [N] elle n'aurait pas continué avec nous.)

A chaque fois, votre réaction à été simplement de dénigrer ces clients et de critiquer leurs réactions et leurs façons de dénoncer votre travail.

Le 10 mai 2013, après vérification par mes soins sur les sites CLINIQUE [Établissement 1], le 2 mai 2013, et RICHARDSON ANTIBES le 3 mai 2013, faisant apparaître que les distributeurs concernés n 'avaient pas été nettoyés, je vous ai convoqué dans mon bureau pour vous informer de ma décision de vous adresser un avertissement, votre réaction a été identiques aux précédentes et vous n'avez même pas jugé important de récupérer la lettre RAR.

Depuis cette date, des contrôles effectués sur vos machines après votre passage (photos à l'appui) ont montré la répétition de vos négligences dans l'entretien des distributeurs dont vous avez la charge. Cela vous a valu une convocation et un deuxième avertissement par lettre RAR du 20 décembre 2013.

Le 24 décembre, nous avons reçu une lettre RAR du client BETON LAFARGE (déjà auteur d'une lettre en 2011) qui résilie son contrat avec notre société, suite aux plaintes des utilisateurs et qui a déclenché un contrôle au CHSCT. Ce dernier dénonce le mauvais entretien récurent des 3 distributeurs automatiques dont vous avez la charge. Les conséquences sur notre entreprise sont conséquentes : perte d'un client et perte de chiffre d'affaires pour notre société et surtout très mauvaise publicité avec une image de notre entreprise détériorée.

Suite au courrier de BETON LAFARGE, j'ai effectué juste après votre passage divers contrôles des distributeurs que vous aviez la charge d'entretenir et ai pu constater (et photographier) l'état inadmissible et potentiellement dangereux de ceux-ci.

Le vendredi 3 janvier 2014, nous vous avons convoqué et fait remettre par huissier une lettre de convocation pour un éventuel licenciement le 14 janvier 2014, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par la suite, il est apparu que, lors de vos tournées en 2013 et notamment le 16/01/2013 le 27/03/2013, le 28/05/2013, le 28/08/2013 et le 23/10/2013, vous avez procédé à des malversations concernant la livraison de kits de café décaféiné pour nos distributeurs, notamment la société OREFI à [Localité 2] (livraison sans facture ni bon de livraison et encaissement en espèces pour votre compte).Nous avons déposé une plainte pénale à ce titre.

Le mardi 14 janvier 2013 lors de notre entretien nous avons énoncé ces différents griefs et vous avons demandé ce que vous aviez à répondre, vous avez dit : « rien ».

Pour l'ensemble de ces faits nous vous licencions pour faute grave (...) »

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [S] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice qui, par jugement du 19 juin 2015, a dit le licenciement justifié et rejeté toutes les demandes.

M. [S] [N] a relevé appel le 25 août 2015 de cette de décision dont il a reçu notification le 21 août 2015.

Il s'oppose, en cause d'appel, à tout sursis à statuer, conteste les faits qui lui sont reprochés qu'il tient pour partie prescrits, évoque la faiblesse des moyens de preuve de l'employeur, critique, notamment, les photographies et attestations dont celui-ci se prévaut, conclut à l'infirmation du jugement prud'homal et demande, outre la délivrance sous astreinte d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle emploi rectifiés, le paiement des sommes suivantes :

86 497,80 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 766,51 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

576,68 € au titre des congés payés sur préavis,

12 013,56 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

5 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation,

1 245,29 € à titre de rappel de salaire pour la période du 6 au 21 janvier 2014,

124,53 € au titre des congés payés afférents,

490 € au titre d'un acompte non versé en janvier 2014,

1 000 € pour absence de mention sur le droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement,

2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FMD Arom'atic sollicite, au principal, un sursis à statuer en raison de la plainte pour vol et abus de confiance qu'elle a déposée avec constitution de partie civile le 22 octobre 2014.

Elle conclut, à titre subsidiaire, au bien-fondé du licenciement en raison des manquements contractuels graves de M. [S] [N] et de leur incidence sanitaire, en dépit des nombreuses remontrances verbales et avertissements notifiés les 10 mai et 20 décembre 2013, et des malversations qu'il a commises au préjudice de l'entreprise (encaissements en espèces et sans factures, vols dans les stocks).

L'intimée sollicite le paiement de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 23 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur le sursis à statuer

Attendu qu'un sursis à statuer n'apparaît ni opportun ni nécessaire à la solution du litige compte tenu de son ancienneté et du fait que les comportements délictueux reprochés par l'employeur au salarié ont déjà fait l'objet d'une enquête de gendarmerie versée aux débats (pièce 45 de l'employeur) ayant donné lieu à un classement sans suite le 28 mai 2014 ;

2) Sur le licenciement

Attendu que la lettre de licenciement pour faute grave sus-reproduite et qui fixe les limites du litige, reproche à M. [S] [N] qui avait la responsabilité de distributeurs de boissons implantés chez des clients, un mauvais entretien récurrent des machines dont il avait la charge en dépit de remontrances verbales et d'avertissements (a) et des malversations au préjudice de l'entreprise (livraison sans facture ni bon de livraison et encaissement en espèces pour son compte) (b) ;

a) le mauvais entretien récurrent des distributeurs

Attendu qu'il doit être constaté à l'examen des pièces produites que M. [S] [N] a fait l'objet de deux avertissements datés des 10 mai et 20 décembre 2013 (pièces 7 et 11 de l'employeur) pour défaut d'entretien et de nettoyage des distributeurs ; qu'il appartient dès lors à l'employeur de justifier que ce comportement fautif s'est poursuivi après le dernier avertissement pour pouvoir justifier la mesure de licenciement disciplinaire postérieure ; que l'examen des pièces que l'intimée verse aux débats, à savoir essentiellement des photographies non datées de distributeurs de boissons non situables et des attestations de clients (MM. [M], [H], [T], [J], [X], [P], [L], [A], Mmes [Y], [W], [C], [F]) se plaignant d'une façon générale et sans précision de date du mauvais travail de M. [S] [N] et qui sont d'ailleurs contredites sur ce point par plus de 20 attestations de clients satisfaits dont le salarié se prévaut (ses pièces 10 à 24), n'autorise pas à retenir cette faute ;

b) des malversations au préjudice de l'entreprise

Attendu que la lettre de licenciement reproche à M. [S] [N] des livraisons sans facture et sans bon de livraison et des encaissements en espèces pour son compte, notamment au cours de l'année 2013 ; que les pièces produites par société FMD Arom'atic comme l'enquête de gendarmerie diligentée en 2014 ne permettent de retenir avec aucune certitude que le salarié aurait vendu de la marchandise provenant du stock de l'entreprise pour son compte et sans restituer le prix de vente et encore moins qu'il ait frauduleusement prélevé de la marchandise dans les stocks ; que notamment, aucune précision n'est apportée quant à la marchandise dont il avait la disposition, les clients et distributeurs dont il avait la charge comme sur les modalités de paiement et règles comptables auxquelles il était tenu ; qu'il existe ainsi et en toute hypothèse un doute devant lui profiter ;

Attendu qu'en l'état de l'ensemble de ces constatations, le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que compte tenu de l'ancienneté de M. [S] [N], approximativement 17 ans au service d'une entreprise employant moins de 11 salariés, du salaire brut qu'il a perdu (2 883,26 €) et des pièces produites relatives à sa situation professionnelle après le licenciement (création d'une entreprise dans le secteur de la distribution de boissons au mois de mai 2014 aux résultats non précisés et dont il serait le gérant non salarié, perception de l'allocation de solidarité spécifique justifiée jusqu'au mois de mars 2017), il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-5 du code du travail, une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée à 15 000 € ;

Attendu que le montant des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement sollicitées n'étant pas contesté, il conviendra d'y faire droit ; que la demande en paiement du rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire sera également accueillie ;

3) Sur l'acompte de 490 €

Attendu que M. [S] [N] sollicite le paiement de 490 € déduits à titre « d'acompte » sur son bulletin de salaire du mois de janvier 2014 qu'il soutient n'avoir jamais réclamé ; que la société FMD Arom'atic explique que cette retenue ne correspond pas à un acompte mais à des sommes non restituées par le salarié dans le cadre de son travail (ses conclusions d'appel page 20) ; que le bien-fondé de cette retenue ne pouvant aucunement être vérifié à l'examen des pièces produites, il conviendra de faire droit à son remboursement ;

4) Sur les autres demandes

Attendu qu'en l'absence de preuve d'un préjudice matériellement indemnisable occasionné par le défaut d'indication du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement ou une insuffisance de formation dispensée au cours de la relation de travail, les demandes en dommages et intérêts à ces titres seront rejetées ;

Attendu que l'équité exige d'allouer à M. [S] [N] 2 500 € en compensation de ses frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de la société FMD Arom'atic qui succombe à l'instance ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de 19 juin 2015 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu a sursis à statuer, infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit le licenciement de M. [S] [N] non fondé ;

Condamne la société FMD Arom'atic à lui payer :

15 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 766,51 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

576,65 € au titre des congés payés sur préavis,

12 013,56 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

1 245,29 € à titre de rappel de salaire pour la période du 6 au 21 janvier 2014,

124,52 € au titre des congés payés afférents,

490 € au titre de la retenue du mois de janvier 2014,

2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Enjoint à la société FMD Arom'atic de délivrer à M. [S] [N], sans qu'il y ait lieu à astreinte, un bulletin de salaire pour le mois de janvier 2014 et une attestation Pôle emploi rectifiés compte tenu de cette décision ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société FMD Arom'atic aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 15/15990
Date de la décision : 07/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°15/15990 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-07;15.15990 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award