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05/12/2017 | FRANCE | N°16/03255

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 05 décembre 2017, 16/03255


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2017

A.V

N° 2017/













Rôle N° 16/03255







SCI ESPACE IMMO







C/



[U] [E]





















Grosse délivrée

le :

à :Me sassatelli

Me Bernard

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/08410.





APPELANTES



SCI ESPACE IMMO, représentée par ses cogérants, M. [N] [F] et M. [T] [P], demeurant [Adresse 1]



représentée et assistée par Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE,plaidant

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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2017

A.V

N° 2017/

Rôle N° 16/03255

SCI ESPACE IMMO

C/

[U] [E]

Grosse délivrée

le :

à :Me sassatelli

Me Bernard

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/08410.

APPELANTES

SCI ESPACE IMMO, représentée par ses cogérants, M. [N] [F] et M. [T] [P], demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE,plaidant

INTIME

Monsieur [U] [E]

avocat au Barreau d'AIX EN PROVENCE

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté par Me David BERNARD de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2017,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SCI Espace Immo a mandaté Me [U] [E], avocat, pour l'assister dans le cadre d'un différend l'opposant à la commune [Localité 2] relativement à la réalisation de travaux d'extension de sa construction et pour la représenter ensuite dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté de la commune du 11 décembre 2006 ordonnant l'interruption des travaux. Me [E] l'a également représentée dans le cadre des poursuites engagées contre elle devant le tribunal correctionnel. Le recours devant le tribunal administratif de Marseille a été rejeté et la SCI a été condamnée sur le plan pénal, en première instance à 15 000 euros d'amende ainsi qu'au rétablissement des lieux dans leur état antérieur, et sur appel de la prévenue, en appel à 150 000 euros d'amende, outre une injonction de remise en état des lieux sous astreinte.

Suivant acte d'huissier du 4 juin 2014, la SCI Espace Immo a fait assigner M. [U] [E] devant le tribunal de grande instance de Marseille en responsabilité et en indemnisation de son préjudice, lui reprochant diverses fautes, notamment dans son devoir de conseil lors de l'appel, et lui réclamant, outre le paiement de la somme de 135 120 euros correspondant à l'aggravation de son amende en appel, le préjudice, à évaluer à dire d'expert, résultant de la perte de chance de ne pas avoir à démolir la construction, ce qui représente un coût de démolition et entame la valeur de son bien immobilier.

Dans le cadre de l'instance devant le tribunal, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 30 juin 2015, dit que le courriel de M. [U] [E] du 8 novembre 2013 est couvert par le secret professionnel et ordonné à la SCI Espace Immo de le retirer de son dossier, ous astreinte, et d'enlever toute référence à ce courrier dans ses conclusions.

Par jugement du 4 février 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté la SCI Espace Immo de l'ensemble de ses demandes, a rejeté la demande de M. [U] [E] en dommages et intérêts pour procédure abusive et a condamné la SCI Espace Immo aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros à M. [U] [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a retenu, sur l'exercice des voies de recours, qu'il n'est pas établi que M. [U] [E] a interjeté appel du jugement correctionnel sans instruction de sa cliente, en l'état d'un courrier dont il ressort qu'il y avait bien eu un échange sur l'exercice de cette voie de recours ; que l'un des associés de la SCI au moins, avait donné mandat à un autre avocat de le représenter devant la cour, étant informé de l'impossibilité de M. [U] [E] d'être présent à cette audience ; que l'opportunité d'un désistement d'appel à l'audience n'est pas démontrée, le parquet ayant lui aussi fait appel, sans que l'on sache s'il s'agissait d'un appel principal ou incident ; qu'en tout état de cause, pour rendre l'appel incident du parquet caduc, il aurait fallu que le désistement intervienne dans le mois de l'acte d'appel ; enfin qu'un pourvoi en cassation ne pouvait être que dilatoire, aucun moyen de cassation ne pouvant être invoqué.

Il a considéré, sur le devoir de conseil de l'avocat, que l'appel comportait un risque certain puisque la culpabilité des prévenus n'était pas sérieusement contestable ; mais que M. [U] [E] avait donné une information à ses clients sur le bon résultat obtenu en première instance et le fait que ses clients avaient 'malgré tout' décidé de faire appel, signe qu'une discussion avait eu lieu sur le risque de l'appel.

Il a ajouté, à titre surabondant, qu'il n'est pas démontré que, mieux informée du risque d'aggravation, la SCI Espace Immo n'aurait pas choisi de faire appel pour gagner du temps, celle-ci invoquant en effet la possibilité de faire un pourvoi, pourtant voué à l'échec ; que le parquet avait en tout état de cause la possibilité de faire appel pour réclamer une plus forte amende et obtenir que la démolition soit ordonnée sous une astreinte qui avait été omise par le tribunal ; qu'en tout état de cause, même s'il n'était pas assorti d'une astreinte, le jugement avait lui aussi ordonné la démolition et que la moins-value alléguée procède, non pas de la démolition, mais du caractère illicite des constructions.

La SCI Espace Immo a interjeté appel de la décision du juge de la mise en état du 30 juin 2015 et du jugement au fond du 4 février 2016 suivant déclaration en date du 25 février 2016.

Par ordonnance en date du 20 septembre 2016, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de confirmation de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état dont appel et sur la demande en dommages et intérêts subséquente. Il a également dit n'y avoir lieu de disjoindre les procédures d'appel concernant l'ordonnance du juge de la mise en état et le jugement au fond. Il a condamné M. [U] [E] à payer à la SCI Espace Immo une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident.

----------------------

La SCI Espace Immo, aux termes de ses conclusions n 6 signifiées le 26 septembre 2017, demande à la cour, au visa des articles 1315 et 1347 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, des articles 9 et 412 du code de procédure civile, des articles 500-1 et 515 du code de procédure pénale et de l'article L 480-7 du code de l'urbanisme, de réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 4 février 2016 et l'ordonnance du juge de la mise en état du 30 juin 2015 et, statuant à nouveau, de :

- dire que M. [U] [E] a commis plusieurs fautes dans l'exercice de son obligation d'information et de conseil de la SCI Espace Immo,

- dire que le préjudice de la SCI Espace Immo se chiffre à 135 120 euros quant à l'aggravation de la sanction financière et 4 784 euros quant aux honoraires indument versés, ainsi que toute éventuelle astreinte qui viendrait à être réclamée par le trésor public conformément à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 mars 2013,

En conséquence,

- condamner M. [U] [E] à lui verser la somme de 135 120 euros au titre de son préjudice lié à l'aggravation de la sanction financière,

- condamner M. [U] [E] à lui verser la somme de 4 784 euros au titre des honoraires indument versés,

- condamner M. [U] [E] à indemniser la SCI Espace Immo de toute somme qui pourrait lui être réclamée par l'administration au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par la juridiction d'appel, outre intérêts de droit au taux légal à compter de l'assignation conformément à l'article 1231-7 du code civil,

- condamner M. [U] [E] à indemniser la SCI Espace Immo de tous les frais et préjudices générés par le recouvrement forcé par le trésor public de la condamnation de 150 000 euros d'amende dont le principe est certain mais dont le quantum n'est pas connu à ce jour,

En conséquence sur ce dernier point,

- condamner M. [U] [E] à verser une provision de 40 000 euros au titre de ce préjudice,

- condamner M. [U] [E] à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle critique, dans les motifs de ses conclusions, la décision du juge de la mise en état qui a estimé que le courriel de M. [U] [E] au conseil de la SCI Espace Immo du 8 novembre 2013 était couvert par le secret professionnel, en soulignant que M. [U] [E] n'était alors plus son avocat et qu'il savait, en répondant au nouveau conseil de la SCI Espace Immo, qu'il allait être partie, à titre personnel, à une instance le concernant, parlant donc, non pas en qualité de conseil mais de partie non représentée, et sans indiquer que sa correspondance serait confidentielle ; cette pièce est importante car elle confirme que la décision de faire appel fait suite à une conversation téléphonique et que la cour a interrogé les gérants de la SCI Espace Immo à l'audience sur l'opportunité de leur appel alors que le jugement leur était particulièrement favorable.

Elle soutient que M. [U] [E] a commis un manquement à son obligation de conseil :

- s'il avait informé ses clients sur le risque d'aggravation de la peine au regard du très bon résultat obtenu devant le tribunal correctionnel et de la peine encourue (jusqu'à 300 000 euros), la SCI Espace Immo ne l'aurait jamais laissé faire appel ; les deux courriers des 12 et 22 juin 2012 ne démontrent pas cette information, notamment celui du 22 juin qui est postérieur à la déclaration d'appel ; il n'a pas indiqué à sa cliente que son appel emporte systématiquement un appel incident du parquet ; or, l'appel était particulièrement inopportun, ce qu'il ne leur a pas dit ;

- l'aggravation de la sanction aurait pu être évitée si M. [U] [E] s'était désisté de l'appel dans le mois de celui-ci puisque le parquet avait formé un appel incident, ainsi qu'il ressort de la mention manuscrite sur le jugement.

Outre l'aggravation de l'amende, la SCI Espace Immo subit un préjudice du fait de l'astreinte prononcée en appel et des frais de recouvrement forcé ; le lien de causalité est établi dès lors que, correctement informée, la SCI n'aurait jamais fait appel ou se serait à tout le moins désistée dans le délai de l'article 500-1 du code de procédure pénale ; l'hypothèse d'un appel principal du parquet est trop incertaine pour se poser.

M. [U] [E], en l'état de ses conclusions récapitulatives n 1 signifiées le 7 juin 2016, demande à la cour de :

- dire que la correspondance adressée par M. [U] [E] à Me SASSATELLI le 8 novembre 2013 est une correspondance échangée entre avocats et constater qu'elle est par nature confidentielle et ne peut être produite en justice,

- confirmer en conséquence l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a ordonné à la SCI Espace Immo de retirer ce courriel dans la procédure de fond et de faire disparaître dans ses conclusions toute référence à ce courriel, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner la SCI Espace Immo au titre d'une amende civile par application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a débouté la SCI Espace Immo de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dire que la SCI Espace Immo n'apporte pas la triple démonstration, nécessaire pour engager la responsabilité d'un professionnel du droit, d'une faute en lien de causalité direct avec un préjudice né et certain,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] [E] de ses demandes reconventionnelles,

- condamner reconventionnellement la SCI Espace Immo à payer à M. [U] [E] la somme de 10 000 euros de légitimes dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 1382 du code civil,

- la condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il fait valoir l'argumentation suivante :

sur la correspondance du 8 novembre 2013 : les correspondances échangées entre l'avocat et ses confrères sont couvertes par le secret professionnel, sauf si elles portent la mention 'officielle' ; ce secret couvre en toute matière et quel que soit le support ; or, le courriel du 8 novembre 2013 est bien adressé par un avocat à son confrère pour régler un problème de communication de pièces et ne porte pas la mention 'officiel', il est donc couvert par le secret, ce qu'a retenu le bâtonnier de Marseille et ce qu'a jugé le juge de la mise en état ; Me SASSATELLI n'a pas fait connaître à M. [U] [E] qu'il envisageait une procédure à son encontre et qu'il lui écrivait en qualité de partie et non d'avocat ;

sur la décision de faire appel : il a fait appel du jugement correctionnel à la demande des deux gérants de la SCI Espace Immo, et non de son propre chef, ce qu'il leur a confirmé avoir fait par lettre du 12 juin 2012 ; les parties étaient informées par la convocation devant le tribunal correctionnel des peines encourues et M. [U] [E] leur avait indiqué que le résultat obtenu devant ce tribunal était un bon résultat mais que l'appel était poursuivi 'malgré tout', ce qui permettait aux gérants de la SCI auxquels étaient demandés des honoraires quatre fois supérieurs à ceux de première instance, de voir la difficulté de la tâche devant la cour ; or, la preuve du conseil donné par l'avocat peut résulter de toute circonstance ou tout document ;

sur l'absence de désistement dans le délai d'un mois : il n'est pas établi que le ministère public avait formé seulement un appel incident, de sorte que le désistement d'appel des prévenus n'aurait pas atteint l'appel du ministère public ; par ailleurs, le parquet général pouvait faire appel principal dans le délai de vingt jours ; enfin, dans l'hypothèse d'un appel incident du ministère public, les gérants de la SCI étaient informés du risque d'aggravation et n'avaient pas l'intention de se désister, ainsi qu'en témoigne leur persévérance à ne pas se soumettre aux décisions de justice ;

sur l'absence de désistement à l'audience : quand bien même M. [P], seul présent à l'audience, se serait désisté, rien n'établit que l'avocat général se serait lui aussi désisté de son appel ;

sur les voies de recours : le pourvoi ne pouvait avoir que des fins purement dilatoires, de sorte que M. [U] [E] n'avait pas à le conseiller à sa cliente ;

sur le préjudice en lien de causalité : il n'existe pas de perte de chance sérieuse, ni d'éviter l'appel puisqu'il n'est pas exclu que le ministère public ou le parquet général fasse appel, ni d'obtenir un désistement du ministère public, du parquet général ou des parties elles-mêmes ; en tout état de cause, la SCI [Adresse 3] n'a pas perdu une chance d'échapper à la démolition qui avait été ordonnée par le tribunal et pour laquelle le ministère public pouvait requérir du tribunal le prononcé de l'astreinte qui avait été omise ;

sur les éléments de préjudice : il n'est pas justifié que la somme de 135 120 euros a été réglée au trésor public, le préjudice revendiqué n'est donc pas certain ; le montant de la condamnation a été apprécié souverainement au regard des infractions que les gérants de la SCI n'ont jamais contestées et commises en pleine connaissance de cause, malgré l'interruption ordonnée par la commune ; les honoraires versés ne constituent pas un préjudice réparable ; la SCI ne peut réclamer un préjudice au titre de l'astreinte qui ne procède que de sa propre turpitude à ne pas exécuter la mesure de démolition.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 octobre 2017.

Suivant bordereau signifié par RPVA le 26 octobre 2017, la SCI Espace Immo a communiqué une nouvelle pièce numérotée 23, constituée par le jugement du JEX du tribunal de grande instance de Tarascon du 9 octobre 2017 ayant adjugé un bien immobilier sis à [Localité 3] appartenant à la SCI Espace Immo sur les poursuites du trésor public.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que l'appelante a communiqué une pièce n° 23 après la clôture de la procédure intervenue le 10 octobre 2017 ; qu'elle ne sollicite pas la révocation de la clôture en invoquant une cause grave ; qu'il convient, en application de l'article 783 du code de procédure civile, de prononcer d'office l'irrecevabilité de cette pièce et de l'écarter des débats ;

Sur le courriel du 8 novembre 2013 :

Attendu que le juge de la mise en état a ordonné le retrait de la procédure du courriel du 8 novembre 2013 envoyé par M. [U] [E] à Me SASSATELLI, avocat de la SCI Espace Immo ; que cette décision est contestée par la SCI Espace Immo qui estime que ce courrier n'était pas couvert par le secret professionnel au motif que M. [U] [E] n'a pas écrit à son confrère en qualité d'avocat, sa mission s'étant achevée, mais à titre personnel, au regard de la mise en cause de sa responsabilité professionnelle ;

Mais que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 régissant la profession d'avocat prévoit expressément qu'en toutes matières, les correspondances échangées entre le client et son avocat et celles entre l'avocat et ses confrères, sont couvertes par le secret professionnel, à l'exception de celles portant la mention « officielle » ; que cette disposition est reprise par les articles 2 et 3 du RIN ;

Que force est de constater que le mail adressé par M. [U] [E] à Me SASSATELLI le 8 novembre 2013 constitue une correspondance entre avocats relevant des dispositions sus-visées et qu'elle ne porte pas la mention « officielle » permettant de la soustraire du secret professionnel ;

Que c'est en vain que la SCI Espace Immo prétend que ce courrier n'entrerait pas dans les prévisions de l'article 66-5 de la loi de 1971 au motif que M. [U] [E] aurait écrit, non en qualité d'avocat mais en qualité de partie, alors qu'il doit être noté que Me SASSATELLI s'est adressé à lui par une lettre du 16 septembre 2013 sur laquelle il a apposé la mention « officielle » pour lui demander les pièces du dossier pénal que celui-ci avait suivi pour la SCI Espace Immo et qu'il s'est plaint auprès du bâtonnier, le 8 novembre 2013, à défaut de réponse de son confrère, d'un problème de communication de dossier entre avocats ;

Que l'ordonnance qui a ordonné le retrait de cette pièce sera en conséquence confirmée ;

Qu'il n'y pas lieu de confirmer les dispositions de cette ordonnance relatives à l'astreinte, de même qu'il n'y pas lieu de prononcer une amende civile contre la SCI Espace Immo ;

Sur la responsabilité de M. [U] [E] :

Attendu qu'il est constant que la SCI Espace Immo, propriétaire d'un terrain cadastré section AW [Cadastre 1], [Cadastre 1] et [Cadastre 1] à [Localité 4] a procédé à des travaux de construction, bien que non titulaire d'un permis de construire ; qu'un PV d'infraction a été relevé le 30 novembre 2006, la police municipale constatant la présence sur les lieux d'un agrandissement du cabanon existant de moins de 50 m² pour une superficie d'environ 75 m² ;

Que la commune [Localité 2] lui a notifié, le 11 décembre 2006, un arrêté d'avoir à faire cesser immédiatement tous les travaux sur ces parcelles  ; que la SCI Espace Immo a alors mandaté M. [U] [E], avocat, pour expliquer sa situation auprès de la mairie et pour engager un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté devant le tribunal administratif de Marseille ; que ce recours a été rejeté par jugement en date du 2 juillet 2009, le tribunal relevant que la légalité de l'arrêté du maire [Localité 2] n'était pas discutable, que les travaux n'avaient été stoppés qu'en janvier 2007 et que la SCI Espace Immo ne pouvait utilement se prévaloir du fait que le bâtiment sur lequel les travaux étaient effectués était habitable et avait fait l'objet d'une autorisation donnée au précédent propriétaire de branchement en eau potable était sans influence sur la légalité de cet arrêté, dès lors que les travaux ont été exécutés sans autorisation ; que ce jugement n'a fait l'objet d'aucun recours ;

Que la SCI Espace Immo a été ensuite convoquée devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, sur les poursuites du parquet, pour répondre de l'infraction de construction d'une maison d'habitation d'environ 80 m² et d'un abri de voiture de 30 m², sans avoir obtenu au préalable un permis de construire ; qu'elle a à nouveau mandaté M. [U] [E] pour qu'il la représente devant la juridiction pénale ; qu'elle a été condamnée par ce tribunal, le 8 juin 2012, à une amende de 15 000 euros et qu'il lui a été ordonné de rétablir les lieux dans leur état antérieur, à titre de peine complémentaire ; que, sur appel de la SCI Espace Immo formé le 14 juin 2012 et sur appel incident du ministère public interjeté le 15 juin (ainsi qu'il ressort des mentions manuscrites portées en marge du jugement), la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par arrêt du 5 mars 2013, confirmé le jugement sur la culpabilité et, l'infirmant sur la répression, condamné la SCI Espace Immo à une amende 150 000 euros et lui a fait injonction de procéder à la démolition de la maison à concurrence de 75 m² et de l'abri de voiture, et à l'enlèvement des déblais, et ce dans le délai d'un an suivant le jour où l'arrêt sera définitif, à peine d'une astreinte de 75 euros par jour à l'issue de ce délai ; que cet arrêt n'a pas été frappé de pourvoi en cassation ;

Attendu que la SCI Espace Immo fait grief à M. [U] [E] d'avoir interjeté appel du jugement correctionnel et d'avoir, à tout le moins, manqué à son obligation de conseil en ne la prévenant pas du risque encouru et qui s'est réalisé d'une aggravation de la sanction clémente prononcée par le tribunal correctionnel ;

Qu'il doit en premier lieu être constaté que, contrairement à ce que prétend l'appelante, M. [U] [E] n'a pas interjeté appel du jugement sans son accord et à son insu, ainsi qu'il ressort d'une lettre de l'avocat aux deux gérants de la SCI le 12 juin 2012 leur adressant le jugement et leur indiquant : « Conformément à l'appel téléphonique que nous avons eu ce jour, je vous confirme interjeter appel de cette décision », ce qui a été fait, ainsi qu'il a été vu plus haut, le 14 juin 2012 ;

Qu'il doit en second lieu être relevé que, si la teneur de la conversation téléphonique entre l'avocat et sa cliente sur l'opportunité de faire appel et sur les risques encourus ne peut être démontrée, le second courrier de M. [U] [E] à la SCI, en date du 22 juin 2012, fixant le montant des honoraires en appel à la somme de 4 784 euros TTC, rappelle à ses clients le « bon résultat obtenu dans cette affaire » et indique que l'appel est poursuivi «malgré tout », de sorte qu'il a été justement retenu par le tribunal qu'il pouvait en être déduit qu'une discussion s'était bien instaurée entre l'avocat et ses clients sur l'opportunité de faire appel malgré la relative clémence du tribunal correctionnel ; qu'en formant appel, les gérants de la SCI espéraient manifestement un meilleur résultat, mais qu'ils ne peuvent avoir méconnu le risque d'aggravation de la peine par la cour dès lors que leur attention avait été appelée sur le caractère paradoxal d'un recours ainsi formé 'malgré tout' à l'encontre d'une décision qui leur avait donné « un bon résultat » ; que, certes, ils n'avaient pas été prévenus du fait que la peine pouvait être portée à dix fois le montant de l'amende prononcée en première instance, mais que la mesure de cette aggravation n'était pas prévisible par l'avocat lui-même, même si le maximum de la sanction encourue est de 300 000 euros ;

Que, certes, le risque d'aggravation de la peine s'est concrétisé avec l'appel incident du ministère public et que la question du désistement d'appel dans le délai d'un mois de l'appel principal aurait pu se poser ; qu'en effet, l'article 500-1 du code de procédure pénale permet, lorsque le désistement d'appel intervient dans le délai d'un mois, que l'appel incident, y compris celui du ministère public, soit déclaré caduc ; mais qu'il n'est pas établi par la SCI Espace Immo qu'elle aurait accepté de se désister de son appel, alors même qu'elle avait décidé de faire appel, manifestement plus pour éviter la démolition qu'au regard de l'amende prononcée, l'attitude de ses gérants ayant été, depuis la constatation de la construction sans permis, de poursuivre les travaux et de préserver la construction édifiée ;

Que l'absence de M. [U] [E] à l'audience de la cour, le 5 février 2013, et sa substitution par Me [L] [K] avaient été acceptées par la SCI Espace Immo puisque M. [N] [F], l'un des deux co-gérants de la SCI, avait donné pouvoir à Me [K] de le représenter à l'audience du 5 février 2013 ;

Que la question de la possibilité d'un désistement d'appel à cette audience est sans incidence sur l'issue de la procédure pénale puisque ce désistement n'aurait pas emporté désistement de l'appel, même incident, du ministère public dont rien n'indique qu'il avait lui-même l'intention de se désister, et que la cour avait donc, en tout état de cause, la possibilité de statuer à nouveau et d'aggraver la sanction prononcée en première instance ;

Que le grief tenant à l'absence de conseil donné par M. [U] [E] à la SCI de former un pourvoi en cassation contre cet arrêt, qui n'est plus sérieusement soutenu devant la cour, a été justement écarté par le tribunal au motif qu'il ne peut être demandé à un avocat de conseiller une voie de recours vouée à l'échec ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [U] [E] ne peut se voir reprocher aucune faute, ni dans le suivi de la procédure, ni dans la dispensation de son obligation de conseil, étant à cet égard ajouté que les deux co-gérants de la SCI Espace Immo, en poursuivant la procédure pénale, avaient manifestement l'intention de gagner du temps et d'éviter ainsi la démolition de la maison qu'ils avaient édifiée sans permis ; que leur attitude tout au long de la procédure, depuis le premier PV d'infraction dressé en novembre 2006, démontre en effet leur volonté de poursuivre la construction envers et contre tout et d'éviter le plus longtemps possible la démolition, serait-ce en interjetant appel ou en envisageant de former un pourvoi en cassation ; que la lettre du maire [Localité 2] du 22 octobre 2015 démontre la démarche entreprise par la SCI Espace Immo pour éviter cette démolition dont il n'est pas justifié qu'elle serait aujourd'hui intervenue malgré l'astreinte prononcée ;

Que le jugement qui a débouté la SCI Espace Immo de son action en responsabilité à l'encontre de M. [U] [E] et l'a condamnée au paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que M. [U] [E] n'établit pas que la SCI Espace Immo aurait, en exerçant la présente action en responsabilité, été animée d'une intention malicieuse ou aurait commis une faute équipollente au dol ; que sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive a donc été justement rejetée par le tribunal ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la communication après clôture de la pièce n°23 et écarte en conséquence cette pièce des débats ;

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 30 juin 2015 en ce qu'elle a ordonné le retrait par la SCI Espace Immo de son dossier du courriel adressé le 8 novembre 2013 par M. [U] [E] à son confrère SASSATELLI, couvert par le secret professionnel, à l'exclusion des dispositions de cette ordonnance relatives à l'astreinte ;

La confirme également en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à amende civile contre la SCI Espace Immo ;

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI Espace Immo à payer à M. [U] [E] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

La condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/03255
Date de la décision : 05/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/03255 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-05;16.03255 ?
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