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05/12/2017 | FRANCE | N°16/03194

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 05 décembre 2017, 16/03194


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2017

A.V

N° 2017/













Rôle N° 16/03194







[A] [Q]





C/



[I] [A]

[U] [A]

[M] [R]

SCP [H] - [X]

SOCIETE MMA IARD





















Grosse délivrée

le :

à :

me Tollinchi

me Guedj













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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 05 Janvier 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03818.





APPELANT



Monsieur [A] [Q]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP T...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2017

A.V

N° 2017/

Rôle N° 16/03194

[A] [Q]

C/

[I] [A]

[U] [A]

[M] [R]

SCP [H] - [X]

SOCIETE MMA IARD

Grosse délivrée

le :

à :

me Tollinchi

me Guedj

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 05 Janvier 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03818.

APPELANT

Monsieur [A] [Q]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Philippe DEPRET, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur [I] [A] en sa qualité de légataire universel de feu Maître [Y] [H],

né le [Date naissance 2] 1933 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anne-julie BACHELIER, avocat au barreau de NICE, plaidant

Monsieur [U] [A] en sa qualité de légataire universel de feu de Maître [Y] [H],

né le [Date naissance 3] 1937 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anne-julie BACHELIER, avocat au barreau de NICE, plaidant

Madame [M] [R] en sa qualité de légataire universel de feu de Maître [Y] [H],

née le [Date naissance 4] 1933 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anne-julie BACHELIER, avocat au barreau de NICE, plaidant

SCP [H] - [X] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 5]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anne-julie BACHELIER, avocat au barreau de NICE, plaidant

SOCIETE MMA IARD prise en sa qualité d'assureur tant de Monsieur [Y] [H] que de la SCP [H] [X], poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 6]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistéE par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anne-julie BACHELIER, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame [R], Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne [R], Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2017,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier en date du 17 juin 2013, M. [A] [Q] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Grasse la SCP [U], en qualité d'étude notariale en charge de la succession de [T] [H], la SCP [H] [X] et la Mutuelle du Mans Assurances IARD pour voir retenir la responsabilité contractuelle, et subsidiairement quasi-contractuelle, de [T] [H], notaire, et de la SCP [H] [X] à raison du dépôt de garantie de 100 000 francs effectué le 9 avril 1991 puis du second dépôt effectué le 9 avril 2009, pour manquement à leurs obligations de dépositaire et de conseil, dire que, quel que soit le régime de responsabilité retenu, la prescription n'est pas acquise et obtenir en tout état de cause la condamnation in solidum des défendeurs à lui verser:

- la somme de 100 000 francs, soit 15 244,90 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 1991 ou à défaut à compter de la demande de restitution et du refus des notaires par courrier du 13 décembre 2011, ou encore plus subsidiairement à compter de l'assignation,

- la somme de 225 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R] sont intervenus volontairement à l'instance en leur qualité de légataires universels à concurrence de l'actif net de la succession de [T] [H] et ont conclu aux côtés de la SCP [H] [X] et de la Mutuelle du Mans Assurances IARD en soulevant la prescription de l'action et l'irrecevabilité de M. [A] [Q] sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile pour défaut de qualité à agir et en concluant subsidiairement au rejet des demandes au fond.

Par jugement du 5 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- donné acte à MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R] de leur intervention volontaire en leur qualité de légataires universels à concurrence de l'actif net de la succession de [T] [H],

- dit que l'action engagée par M. [A] [Q] n'est pas prescrite,

- déclaré l'action de M. [A] [Q] irrecevable pour défaut de qualité à agir,

- condamné M. [A] [Q] à verser à MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R] pris enleur qualité de légataires universels à concurrence de l'actif net de la succession de [T] [H] et à la SCP [H] [X] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il a retenu, sur la prescription, que ce sont les dispositions de l'article 2270-1 ancien du code civil qui s'appliquent, la responsabilité du notaire étant engagée sur le fondement délictuel, et que la manifestation du dommage n'était pas antérieure à la date du 13 décembre 2011, date à laquelle la SCP [H] [X] a avisé M. [A] [Q] de ce qu'elle ne détenait plus la somme de 100 000 francs dont il sollicitait la restitution, de sorte que l'action engagée le 17 juin 2013 n'était pas prescrite.

Il a considéré par contre que, si le reçu avait été établi, le 9 avril 1991, au nom de M. [A] [Q], la somme avait été versée pour le compte de M. [O] [Q], seul bénéficiaire de la promesse de vente et qui n'avait pas déclaré se faire substituer par son fils [A], de sorte que M. [A] [Q] était dépourvu de qualité pour agir.

M. [A] [Q] a interjeté appel général de cette décision suivant déclaration en date du 24 février 2016.

-------------------

M. [A] [Q], suivant conclusions signifiées le 18 juillet 2016 auxquelles la cour renvoie pour plus ample libellé des moyens soutenus, demande à la cour de le recevoir en son appel et l'en dire bien fondé et de :

- confirmer le jugement uniquement en ce qu'il a dit que, tant l'autorisation donnée par M. [O] [Q] le 12 avril 1991 que la lettre de l'avocat du 27 août 1992 sont inopposables à M. [A] [Q] et en ce qu'il a considéré que l'action est délictuelle ou quasi-délictuelle et que la manifestation du dommage n'étant survenue que le 13 décembre 2011, l'action n'est pas prescrite,

- le réformer pour le surplus de ses dispositions et, au visa des articles 1116, 1147 et suivants, 1915 et suivants du code civil et de l'article 2236 ancien du même code devenu l'article 2266, de l'article 12 du décret du 20 mai 1955 et de l'article L 124-3 du code des assurances, de :

- dire que les fonds déposés appartenaient à M. [A] [Q] et provenaient de son compte et qu'à aucun moment les notaires ne rapportent la moindre preuve que le justificatif ne concernait pas M. [A] [Q] ni qu'il n'ait pas été fait pour son compte,

- dire que le reçu de [T] [H] du 9 avril 1991 est au seul nom de M. [A] [Q] et que rien ne justifie qu'il ait été dans l'intention de M. [A] [Q] de le faire au nom et pour le compte de M. [O] [Q],

- dire que [T] [H] a gravement manqué à ses obligations de dépositaire, après avoir reçu de M. [A] [Q] la somme de 100 000 francs le 9 avril 2011, et de l'avoir sortie de ce dépôt au vu d'une autorisation qui n'était pas signée par M. [A] [Q],

- dire que [T] [H] a gravement manqué à ses obligations de conseil et engagé sa responsabilité, pour avoir reçu de M. [A] [Q] la somme de 100 000 francs le 9 avril 1991 sans avoir attiré son attention ni sur la caducité de la promesse, ni sur l'absence de valeur de cet engagement et de la levée de l'option, ni sur la publication de l'assignation de Mme [G], ni sur la nécessité de procéder à un acte faisant intervenir Mme [G], et devant être publié aux hypothèques,

- dire que [T] [H] a gravement manqué à ses obligations de conseil et engagé sa responsabilité pour avoir fait croire indirectement à M. [A] [Q], par sa lettre du 14 octobre 1988, qu'il était chargé de faire le nécessaire, puis qu'après avoir investi 200 000 francs, il était tenu de régler le solde lorsque la vente deviendrait définitive pour laquelle, lui ou M. [O] [Q], étaient définitivement engagés par la levée de l'option,

- dire que [T] [H] et la SCP [H] [X] ont gravement manqué à leurs obligations de conseil à l'égard de M. [A] [Q] en acceptant notamment le 9 avril 2009 un nouveau dépôt de garantie dans le cadre de cette promesse,

- dire que [T] [H] et la SCP [H] [X] ont gravement manqué à leurs obligations de conseil à l'égard de M. [A] [Q] en refusant, par courrier du 13 décembre 2011, la restitution du dépôt de garantie effectué par M. [A] [Q] le 9 avril 2011 (sic),

- dire que la décharge de responsabilité du 12 avril 1991 signée par M. [A] [Q] est totalement inopposable à M. [A] [Q] et est inopérante,

- dire que M. [A] [Q], victime, dispose d'une action directe contre la compagnie d'assurances des notaires,

A titre infiniment subsidiaire, au cas où la cour, par extraordinaire, considérait que la responsabilité contractuelle des notaires ne peut être engagée,

- dire dans cette hypothèse, en suivant le raisonnement des notaires, que ceux-ci ont engagé leur responsabilité quasi délictuelle à l'égard de M. [A] [Q],

- dire dans ce cas que la manifestation du dommage ou son aggravation, au sens de l'article 2270-1 du code civil, est l'arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2011 et, en toute hypothèse qu'elle n'existait pas avant le reçu du 9 avril 2009,

En toute hypothèse,

- dire qu'en aucun cas, quel que soit le régime de responsabilité qui sera retenu, la prescription ne peut être opposée à M. [A] [Q],

- débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum les intimés à payer à M. [A] [Q] :

la somme de 100 000 francs soit 15 244,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 1991 ou à défaut à compter de la demande de restitution et du refus des notaires par courrier du 13 décembre 2011, ou encore plus subsidiairement à compter de l'assignation,

celles de 225 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation

- faire application de l'article 1154 du code civil à compter de l'assignation,

- condamner in solidum tout succombant aux dépens.

MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R], agissant en leur qualité de légataires universels à concurrence de l'actif net de la succession de [T] [H], la SCP [H] [X] et la Mutuelle du Mans Assurances IARD, en l'état de leurs écritures signifiées le 8 juin 2016 auxquelles il est renvoyé pour plus ample connaissance de l'argumentation développée par les intimés, demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'exception de prescription de l'action en responsabilité,

- dire que l'action de M. [A] [Q] est irrecevable car prescrite en application de l'article 2270 ancien du code civil,

- à défaut de retenir la prescription, confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [A] [Q] irrecevable en son action faute de qualité à agir, et ce sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, les fonds dont [T] [H] a été dépositaire qui sont l'objet de la présente action ayant été déposés pour le compte de M. [O] [Q], bénéficiaire de la promesse de vente, et non de M. [A] [Q] personnellement,

- le débouter de son action et de son appel,

Subsidiairement,

- dire l'action de M. [A] [Q] irrecevable et infondée sur le fondement de la responsabilité contractuelle, l'encaissement litigieux s'inscrivant dans le cadre de la promesse de vente du 20 novembre 1987 et dans le cadre de la mission d'officier ministériel de [T] [H], donc devant s'articuler uniquement sur un fondement quasi délictuel,

- en tout état de cause, dire que le notaire Me [H] n'a commis aucune faute, ni en sa qualité de dépositaire, ayant disposé des fonds selon les instructions de son client seul propriétaire des dits fonds, ni au titre de son devoir de conseil, ayant parfaitement informé ledit client des risques encourus en réglant ladite somme sans assurance de la réalisation future de la vente,

- dire que Me [H] a rempli son devoir d'information et de conseil vis à vis de l'acquéreur à la vente qu'était M. [O] [Q] et n'avait pas d'obligation de conseil envers M. [A] [Q], tiers à l'acte qu'il était chargé d'instrumenter, qui intervenait comme mandataire ponctuel de son père dans la remise de la somme de 100 000 francs dans le cadre de la promesse de vente bénéficiant à ce dernier,

- constater qu'il a déjà été statué dans l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 1er décembre 2009 rendu dans la procédure opposant M. [O] [Q] à Mme [G] et aux hoirs [D] sur le sort des sommes déposées et éventuellement détenues par l'étude [H] dans le cadre de la promesse de vente de 1987, en ordonnant à cette étude de les restituer à M. [O] [Q],

- débouter en conséquence M. [A] [Q] de ses demandes tendant à voir condamner les héritiers [H] et la Mutuelle du Mans Assurances IARD à lui régler la somme de 15 244,90 euros avec intérêts depuis 1991 ainsi que des demandes de 225 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater en tant que de besoin, infiniment subsidiairement, que M. [A] [Q] ne justifie d'aucun préjudice né, certain et actuel, dès lors que s'il détient une créance, c'est au titre de l'avance faite à son père, auquel les concluants sont étrangers, et qu'il ne semble jamais avoir demandé le remboursement à ce dernier, son seul et unique débiteur,

- dire que Me [H] ne peut restituer des fonds qu'il ne détient pas ni payer une dette qui n'est pas la sienne,

- dire que les dommages et intérêts sollicités au titre d'une perte de chance d'avoir effectué une plus-value, évalués à la somme extravagante de 225 000 euros, sont sans aucune relation causale avec le manquement reproché à Me [H] qui n'est absolument pour rien dans le fait que la promesse de vente signée par M. [O] [Q] en 1987 n'ait jamais pu être réitérée,

- débouter en conséquence M. [A] [Q] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- reconventionnellement, le condamner à payer la somme de 4 000 euros au pofit de MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R] et celle de 4 000 euros au profit de la SCP [H] [X] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner en toute hypothèse M. [A] [Q] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que l'action en responsabilité engagée par M. [A] [Q] se situe dans le contexte suivant :

- par acte authentique reçu par [T] [H], notaire, le 20 novembre 1987, [F] [D] s'était engagé à vendre à M. [O] [Q], moyennant le prix de 350 000 francs, une parcelle de terre de 3500 m² détachée d'une grande propriété de 3 ha cadastrée [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 3], qu'il avait acquise en 1974 auprès de [V] [L] et de [B] [L] ; il y était indiqué que la somme de 700 000 francs constituant le solde du prix dû par [F] [D] à ses vendeurs n'avait pas été payé et que Mme [G], venant aux droits des vendeurs et intervenante à cette promesse de vente, avait renouvelé son privilège de vendeur sur le bien immobilier ;

- aux termes de cette promesse unilatérale de vente du 20 novembre 1987, il était prévu que celle-ci était consentie pour une durée expirant au 30 mai 1988, la levée de l'option devant intervenir avant cette date par acte extra-judiciaire ou par simple lettre recommandée, en même temps que le solde du prix devait être déposé en l'étude du notaire ; il était mentionné que le bénéficiaire avait déjà versé au promettant, hors la vue du notaire, une somme de 100 000 francs pour constituer un acompte sur le prix ou une indemnité d'immobilisation en cas de non réalisation ; il était également stipulé une faculté de substitution du bénéficiaire ;

- suivant assignation délivrée le 20 avril 1990 et publiée le 27 juin 1990, Mme [G] a engagé une procédure en résolution de la vente de 1974 contre la succession de [F] [D], décédé le 1er décembre 1987, procédure qui a donné lieu à un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 mai 1996 prononçant la résolution de la vente [L]/[D] de 1974, arrêt cassé par la Cour de cassation, à la suite de quoi, suivant protocole transactionnel homologué par la cour d'appel de Montpellier le 18 décembre 2007, Mme [G] a été reconnue propriétaire de la parcelle [Cadastre 1] vendue en 1974 ;

- entretemps, à la suite de la manifestation par M. [O] [Q] de sa volonté de lever l'option, il a été convenu avec les hoirs [D] que ce dernier verserait un nouvel acompte de 100 000 francs entre les mains du notaire, permettant de faire revivre la promesse ; c'est M. [A] [Q] qui a versé cette somme de 100 000 francs à l'étude de [T] [H] le 9 avril 1991 et c'est M. [O] [Q] qui a autorisé le notaire, le 12 avril 1991, à la verser au trésor public de [Localité 4] pour régler une dette fiscale de l'hoirie [D], en signant une décharge de responsabilité au notaire ;

- M. [O] [Q] a ensuite, le 1er juin 1994, assigné la succession [D] devant le tribunal de grande instance de Grasse pour voir ordonner la vente forcée de la parcelle de 3500 m² objet de la promesse du 20 novembre 1987, ce qui lui a été accordé par jugement du 13 janvier 2000 ;

- M. [O] [Q] a également engagé une procédure en tierce opposition contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 18 décembre 2007 portant homologation de la transaction entre Mme [G] et la succession [D], mais cette cour a constaté, par arrêt du 1er décembre 2009 devenu irrévocable à la suite du rejet du pourvoi en cassation de M. [O] [Q], la caducité de la promesse de vente du 20 novembre 1987 en considérant que la levée de l'option n'était pas intervenue dans les formes et délais prévus ; pour régulariser sa tierce opposition, M. [O] [Q] avait procédé au dépôt entre les mains de la SCP [H] [X], le 9 avril 2009, de la somme de 35 290 euros ;

- M. [A] [Q] a alors réclamé à la SCP [H] [X] la restitution de la somme de 100 000 francs déposée le 9 avril 1991, restitution qui lui a été refusée par lettre du 13 décembre 2011, les notaires lui opposant le versement opéré au profit du trésor public et la décharge donnée par M. [O] [Q] ;

Attendu que c'est en l'état de ces différents évènements que M. [A] [Q] a assigné [T] [H], aux droits duquel viennent MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R], ès qualités de légataires universels à concurrence de l'actif net, la SCP [H] [X] et la société MMA IARD pour voir retenir la responsabilité du notaire à raison de la non représentation de la somme de 100 000 francs et au titre d'un manquement à son devoir de conseil dans l'opération d'acquisition de l'immeuble en suite de la promesse unilatérale de vente du 20 novembre 1987 ;

Attendu que les intimés opposent l'irrecevabilité de M. [A] [Q] en son action à raison de la prescription des demandes et à défaut de qualité à agir ; que le tribunal a retenu que l'action n'était pas prescrite mais a considéré que M. [A] [Q] n'avait pas qualité à agir en responsabilité contre le notaire ;

Que la cour examinera en premier lieu la question de la qualité à agir de M. [A] [Q] qui est l'objet de son appel ;

Attendu que M. [A] [Q] prétend, pour l'essentiel, pour justifier de sa qualité à agir, que la promesse du 20 novembre 1987 aurait été signée par son père, M. [O] [Q], pour son compte, étant lui-même indisponible à la date fixée, ce pour quoi l'acte comporte une faculté de substitution du bénéficiaire de la promesse ; qu'il en veut pour preuve le fait que c'est lui qui a versé la somme de 100 000 francs entre les mains de [F] [D] et qu'il fait état d'une reconnaissance de dette signée par ce dernier à son profit le 27 novembre 1987 ;

Qu'il ajoute que le versement complémentaire de 100 000 francs opéré le 9 avril 1991 a été fait par lui-même, que le reçu a été établi par le notaire à son nom et non à celui de son père avec la mention que les fonds sont versés « pour acquisition à intervenir de Mme [D] », de sorte que, ce faisant, il s'est substitué à son père dans le bénéfice de la promesse de vente ; que la faculté de substitution pouvait intervenir à tout moment jusqu'à l'acte final et qu'un projet d'acte de 1992 a été établi à son profit par le notaire ;

Qu'il indique qu'en tout état de cause, dès lors que la somme de 100 000 francs avait été versée par lui dans le cadre d'un contrat de dépôt, c'est à lui que le notaire devait représenter les fonds, sans pouvoir lui opposer les instructions données par M. [O] [Q] et la décharge de responsabilité signée par ce dernier le 12 avril 1991 ;

Attendu cependant que la cour observe, en ce qui concerne la signature de la promesse de vente du 20 novembre 1987, que M. [A] [Q] est défaillant à démontrer, comme il le prétend, que M. [O] [Q] n'y serait intervenu qu'à son bénéfice, ne justifiant, ni de son empêchement à venir signer l'acte ou à donner mandat à son père de le signer pour lui, ni de la volonté de M. [O] [Q] de n'intervenir que pour le représenter ou sauvegarder ses intérêts et non pour son propre compte ; que l'acte en cause contient une mention selon laquelle le bénéficiaire a versé au promettant hors la comptabilité du notaire « dès avant ce jour » une somme de 100 000 francs à titre d'indemnité d'immobilisation et que l'acte du 27 novembre 1987 établi au profit de M. [A] [Q] ne correspond pas à un reçu au titre de la promesse de vente, mais est une reconnaissance de dette dont rien n'établit qu'elle est en lien avec la promesse de vente conclue sept jours auparavant ;

Qu'il ressort du fax de Me [W] du 9 avril 1991, que c'est en accord avec l'avocat des hoirs [D], que le bénéficiaire de la promesse a accepté de procéder au versement d'un acompte complémentaire de 100 000 francs sur le prix, l'hoirie s'engageant en contrepartie à ne pas soulever la caducité de la promesse pour défaut de versement de la totalité du solde du prix au moment de la levée de l'option ; qu'il était également prévu, dans le cadre de cet accord, que l'acompte ainsi versé serait remis sans délai au trésor public pour régler une dette fiscale de l'hoirie [D] et éviter l'enlèvement des meubles garnissant la propriété [D] prévu le 16 avril suivant ; que c'est en exécution de cet accord que la somme de 100 000 francs a été versée en l'étude de [T] [H] le jour même, 9 avril 1991, en vue d'être reversée au trésor public pour le compte des promettants ;

Que cette somme a été effectivement versée par M. [A] [Q], ainsi qu'il ressort du reçu du 9 avril 1991 ; que le reçu mentionne le nom de [A] [Q] puisque c'est sur son compte qu'a été tiré le chèque de 100 000 francs, mais qu'il indique expressément que le versement a été opéré « pour acquisition à intervenir de Mme [D] » ; qu'il ne peut en être déduit que M. [A] [Q], en versant cette somme, se serait substitué dans les droits de son père, M. [O] [Q], pour réaliser l'opération, à défaut de mention expresse de cette substitution qui aurait dû s'opérer avec l'accord du bénéficiaire de la promesse, M. [O] [Q], lequel a, au contraire, manifesté qu'il restait le seul bénéficiaire de cette promesse en adressant au notaire, le 12 avril 1991, un acte dans lequel il se prévalait de cette qualité, portant instruction de verser la somme de 100 000 francs déposée en son étude à la trésorerie principale de [Localité 4], conformément à l'accord passé avec l'hoirie [D], et contenant décharge de responsabilité à l'égard du notaire ; que c'est donc en vain que M. [A] [Q] prétend que, par ce versement de 100 000 francs opéré le 9 avril 1991, il serait devenu le bénéficiaire de la promesse et aurait agi pour son propre compte et non pour le compte de son père ;

Que la production d'un projet d'acte de vente entre Mme [D] et M. [A] [Q] établi en 1992 par [T] [H] dans des conditions que la cour ignore, ne suffit pas à établir la réalité de la substitution de bénéficiaire, étant rappelé que si ce projet mentionne la faculté de substitution prévue dans la promesse, il indique que cette substitution résulterait du remboursement par M. [A] [Q] à son père de la somme de 100 000 francs versée par ce dernier lors de la promesse - ce qui contredit totalement la version donnée plus haut par M. [A] [Q] selon laquelle c'est lui qui aurait versé cette somme lors de la promesse - et fait référence à une lettre dont la date est laissée en blanc ;

Que face à ce projet d'acte isolé, il doit être observé que M. [O] [Q] est toujours intervenu comme le seul bénéficiaire de la promesse, réclamant en justice la réalisation à son profit de la vente et contestant, comme tiers opposant au titre de sa qualité de bénéficiaire de la promesse, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, alors que M. [A] [Q] n'est intervenu à aucune de ces procédures pour faire valoir ses droits ; que c'est M. [O] [Q] qui a consigné le complément de prix en avril 2009 pour pouvoir faire valoir ses droits de bénéficiaire de la promesse ; qu'il a d'ailleurs été jugé par la cour de Montpellier que les fonds détenus par l'étude notariale au titre de la promesse de vente doivent être reversés à M. [O] [Q] ;

Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est en vain que M. [A] [Q] prétend que les 100 000 francs auraient été déposés pour son propre compte en l'étude de la SCP [H] [X] en 1991 et qu'il aurait qualité, d'une part pour mettre en jeu la responsabilité du notaire pour non représentation des fonds, d'autre part pour lui reprocher un manquement dans son devoir de conseil dans le cadre de la réalisation de la promesse unilatérale de vente à laquelle il est resté étranger ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré l'action engagée par M. [A] [Q] irrecevable pour défaut de qualité à agir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'éventuelle prescription des demandes ;

Attendu qu'il n'est pas établi qu'en engageant la présente procédure et en interjetant appel du jugement, M. [A] [Q] était animé d'une intention malicieuse ou aurait commis une faute équipollente au dol justifiant sa condamnation à verser aux intimés des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action engagée par M. [A] [Q] irrecevable et en ce qu'il l'a condamné à payer aux défendeurs une somme de 2 500 euros, outre les dépens ;

Y ajoutant,

Déboute MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R], ès qualités, la SCP [H] [X] et la société MMA IARD de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. [A] [Q] à payer à MM. [I] et [U] [A] et Mme [M] [R], ès qualités, la SCP [H] [X] et la société MMA IARD ensemble une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/03194
Date de la décision : 05/12/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/03194 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-05;16.03194 ?
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