COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 30 NOVEMBRE 2017
N° 2017/ 499
Rôle N° 15/12171
[R] [Q]
[C] [F]
C/
SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT
Grosse délivrée
le :
à :
GROSSO
FIGUIERE-MAURIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Avril 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03425.
APPELANTS
Monsieur [R] [Q]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Yves GROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE et assisté de Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me GROSSO, avocat
Madame [C] [F]
née le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Yves GROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE et assistée de Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me GROSSO, avocat
INTIMEE
SA Société Marseillaise de Crédit, venant aux droits du crédit du Nord, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par Me Fabienne FIGUIERE-MAURIN, avocat au barreau de MARSEILLE et assistée de Me Marion ETTORI, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Fabienne FIGUIERE-MAURIN, avocat
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Octobre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2017, après prorogation du délibéré
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2017,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement contradictoire en date du 9 mars 2015 par lequel le tribunal de grande instance de Marseille a :
- rejeté les pièces 17 à 24 et les conclusions notifiées par [R] [Q] et par [C] [F] les 11 et 12 février 2015,
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par la Société Marseillaise de crédit,
- déclaré irrecevables les conclusions notifées par la Société Marseillaise de crédit le 03 mars 2015,
- débouté [R] [Q] et [C] [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamné in solidum [R] [Q] et [C] [F] à verser à la Société Marseillaise de crédit la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné in solidum [R] [Q] et [C] [F] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 6 juillet 2015 par M. [Q] et Mme [F] ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 23 décembre 2015 par lesquelles M. [Q] et Mme [F] demandent à la cour de :
- réformer le jugement du 13 avril 2015,
- condamner la Société Marseillaise de crédit venant aux droits du Crédit du Nord à leur payer, à titre de dommages et intérêts, le montant des emprunts excessifs accordés par la banque, soit la somme de 221 600 euros ;
Subsidiairement :
- condamner la Société Marseillaise de crédit à payer à titre de dommages et intérêts :
. 100.000 euros à [C] [F] au titre du premier prêt,
. 32.000 euros à [R] [Q] au titre du second prêt,
. 89.600 euros solidairement à [C] [F] et [R] [Q] au titre du troisième prêt
- condamner la Société Marseillaise de crédit au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la Société Marseillaise de Crédit intervenant pour le compte du Crédit du Nord de
toutes ses demandes fins et conclusions,
- la condamner aux dépens de 1ère instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 6 janvier 2016 par lesquelles la Société marseillaise de crédit demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 13 avril 2015,
- débouter M. [R] [Q] et Mme [C] [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, comme étant infondées,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner, sous la même solidarité, aux entiers dépens distraits au profit de Me Fabienne Figuière-Maurin ;
SUR CE
Attendu que la SARL Rénov Sud bâtiment, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 3 mai 2005, a été titulaire d'un compte dans les livres de le Crédit du Nord ;
Que la société a été gérée par M. [Q] et a employé la fille de ce dernier, Mme [F] ;
Que selon offre acceptée le 9 décembre 2008, Mme [F] a souscrit auprès du Crédit du Nord un prêt immobilier d'un montant de 100 000 euros, au taux de 5,40 %, remboursable en 240 mensualités de 699,25 euros afin de procéder au rachat d'un crédit immobilier concernant une maison individuelle située [Adresse 4] à hauteur de 80 000 euros et réaliser des travaux à hauteur de 20 000 euros ;
Que le prêt a été régularisé par acte authentique du 15 mai 2009 et a été garanti par :
- une hypothèque prise sur un bien immobilier situé à [Localité 2] ;
- le cautionnement solidaire de M. [Q] dans la limite de 130 000 euros en principal, intérêts, pénalités ou intérêts de retard ;
- l'adhésion au contrat Groupe Quatrem ;
Que selon acte du 4 mars 2010, M [Q] a souscrit auprès de le Crédit du Nord un prêt personnel Etoile Express d'un montant de 32 000 euros, au taux de 6 %, remboursable en 60 mensualités de 627,62 euros ;
Que selon acte authentique du 17 janvier 2011, M. [Q] et Mme [F] ont souscrit un prêt d'un montant de 89 600 euros, au taux de 3,16 %, remboursable en une seule échéance de
93 049,88 euros au plus tard le 17 janvier 2012 ;
Que par jugement du 17 mars 2011 la SARL Rénov Sud bâtiment a été placée en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 11 mai 2011 ;
Que par acte d'huissier du 26 février 2014, M [Q] et Mme [F] ont fait assigner la Société Marseillaise de crédit en paiement de la somme de 221 600 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde et octroi de crédit excessif ;
Que par le jugement entrepris, le juge de première instance a rejeté la demande ; que s'agissant du devoir de mise en garde, il a considéré que M. [Q] était un emprunteur et une caution avertis tandis que Mme [F] ne pouvait se prévaloir d'un endettement excessif ; qu'il a écarté le grief d'octroi excessif de crédit ;
Sur l'obligation de mise en garde
Attendu que les appelants font valoir que les prêts étaient destinés à renflouer la trésorerie de
la SARL Rénov Sud bâtiment ; qu'ils relatent que Mme [F] avait des revenus fluctuants et des charges de l'ordre de 40 % ; qu'ils affirment qu'elle était domiciliée « [Adresse 5] » et ne demeurait pas chez son père ce que savait la banque ; qu'ils invoquent le solde débiteur de son compte bancaire au mois de juin 2008 ;
Qu'ils exposent que la banque connaissait les difficultés de l'entreprise au moment de l'octroi du second prêt et avait laissé le découvert autorisé s'accumuler ;
Qu'ils affirment avoir la qualité d'emprunteur non averti ; qu'ils précisent que M. [Q], professionnel du bâtiment, n'avait aucune connaissance sur le plan financier ;
Attendu que la Société Marseillaise de crédit s'oppose à la mise en oeuvre de sa responsabilité ;
Qu'elle soutient que les emprunts étaient adaptés aux capacités financières de Mme [F] ; qu'elle rappelle que celle-ci a déclaré des revenu d'un montant de 2 247 euros, sans faire état de frais de logement et de charge l'emprunt ; qu'elle observe que le crédit concernait un immeuble à visée locative ; qu'elle fait valoir que Mme [F] a sollicité l'ouverture d'une procédure de surendettement déclarée irrecevable par décision du 14 novembre 2013 ; qu'elle affirme que l'appelante ne démontre pas que les chèques sans provision d'un montant de 1 900 euros et 2 000 euros refusés au paiement le 23 novembre 2010 correspondait à des salaires ;
Qu'elle soutient que M. [Q] est un emprunteur averti compte tenu de sa qualité de gérant de société et de sa connaissance du monde économique et financier ; qu'elle ajoute que le prêt était proportionné à ses revenus et à son patrimoine ;
Attendu que l'établissement bancaire qui consent un crédit est tenu d'une obligation de mise en garde envers l'emprunteur ou de la caution non averti au regard de ses capacités financières de celui-ci et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt ;
Qu'ainsi, l'obligation de mise en garde est subordonnée à deux conditions ;
Sur le non-respect de l'obligation de mise en garde à l'égard de M. [Q]
Attendu que durant plusieurs années, M. [Q] a été le gérant de la SARL Rénov Sud bâtiment immatriculée au registre du commerce le 3 mai 2005 ;
Qu'il s'ensuit qu'il disposait de connaissances et d'une expérience en matière économique et de gestion lors de son engagement de caution du 15 mai 2009 et des prêts en date du 2 mars 2010 et du 17 janvier 2011, lesquels ne présentaient aucune complexité ;
Que le tribunal de grande instance a retenu, à juste titre, sa qualité de caution et d'emprunteur averti ;
Qu'en toute hypothèse, M. [Q] ne communique pas de documents relatifs à ses revenus au moment du cautionnement du 15 mai 2009 ;
Que la fiche de renseignements en date du 24 novembre 2009, certifiée exact et signée par M. [Q], mentionne que ce dernier perçoit des revenus annuels d'un montant de 36 000 euros (BNC 32 000 euros, rente 4 000 euros) et qu'il est propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 6] d'une valeur de 400 000 euros ;
Qu'ainsi, sa situation financière et patrimoniale démontre qu'il disposait de capacités financières suffisantes pour honorer le prêt personnel « Etoile express » d'un montant de 32 000 euros contracté le 4 mars 2010, peu important, d'une part, le versement d'un loyer pour sa résidence principale, dont il n'est pas établi de surcroît que cet élément avait été porté à la connaissance de l'établissement bancaire, et d'autre part, la position débitrice de son compte bancaire à hauteur de 779,27 euros à la fin du mois de février 2010 ;
Qu'il en est de même du prêt personnel d'un montant de 89 600 euros avec un différé de 11 mois contracté le 17 janvier 2011 dans la mesure où l'appelant ne fournit aucun élément sur ses revenus en 2010 et le cas échéant sur l'amoindrissement de son patrimoine ;
Qu'en conséquence, le Crédit du Nord n'était pas tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de M. [Q] s'agissant des trois engagements critiqués ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur le non-respect de l'obligation de mise en garde à l'égard de Mme [F]
Attendu que Mme [F] était employée en qualité de secrétaire comptable au moment de la souscription des deux emprunts litigieux ;
Que sa qualité d'emprunteuse non avertie n'est pas contestée par la banque ;
Que l'offre de prêt immobilier en date du 13 novembre 2008 concernant le prêt de 100 000 euros mentionne que Mme [F] perçoit des revenus d'un montant mensuels de 2 247 euros ; qu'aucune charge particulière n'est indiquée ;
Que la Société Marseillaise de crédit observe, à juste titre, que le relevé de compte au 18 juin 2008 mentionnant un solde débiteur de 231,73 euros est insuffisant pour traduire de réelles difficultés de trésorerie ;
Que l'appelante ne caractérise pas le risque d'endettement du prêt d'un montant de 100 000 euros, remboursable en 240 mensualités de 699,25 euros ;
Qu'elle ne justifie pas de ses revenus en 2010 et n'établit pas davantage le risque d'endettement du prêt du 17 janvier 2011 ;
Que de surcroît, aucun élément ne permet de considérer que Mme [F] a informé la banque de ses frais de logement lors de la signature des prêts litigieux ;
Qu'il s'infère de ces développements que la banque n'était pas tenue un devoir de mise en garde de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée ;
Sur l'octroi excessif de crédit
Attendu que les appelants reprochent à la banque d'avoir accordé des crédits excessifs par rapport aux capacités de remboursement des emprunteurs et d'avoir imposé ses volontés ;
Attendu que le Crédit du Nord conteste que les prêts accordés en 2010 et 2011 étaient destinés à « renflouer » la société ; qu'elle soutient la société était in bonis puisqu'elle a été placée en redressement judiciaire le 17 mars 2011 et que la date de cessation des paiements a été fixée à cette date ; qu'elle fait valoir que M. [Q] avait la libre disposition des fonds prêtés et a utilisé ceux-ci de sa propre initiative ;
Attendu que les crédits octroyés à M. [Q] le 4 mars 2010 et le 17 janvier 2011 sont des prêts personnels ;
Que l'affectation des sommes prêtées a été décidée l'emprunteur, les correspondances électroniques versées aux débats n'étant pas de nature à admettre le contraire ;
Que la position débitrice du compte bancaire de la société ne caractérise pas un état de cessation de paiement, lequel a été fixé au 17 mars 2011 par le tribunal de commerce ;
Que la juridiction de première instance a, en outre, rappelé pertinemment que M. [Q] ne pouvait invoquer en qualité de gérant de la SARL Rénov Sud bâtiment la responsabilité de la banque du chef de l'octroi abusif de crédit ;
Qu'il a, à bon droit, écarté le grief de ce chef ;
Que le jugement doit être confirmé en ce que les consorts [Q]'[F] ont été déboutés de leurs demandes ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles alloués en première instance ; qu'aucune considération d'équité ne commande d'allouer à l'intimée d'une somme supplémentaire en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes autres demandes, notamment celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [Q] et Mme [F] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT