La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2017 | FRANCE | N°16/01481

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 29 novembre 2017, 16/01481


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2017

F.T.

N° 2017/ 265













Rôle N° 16/01481







[F] [X] [X] [M]

[O] [B] [C] [M] épouse [A]





C/



[V], [A], [Q] [D] veuve [M]

[L] [T] [J] [C]













Grosse délivrée

le :

à :



Me Rachel SARAGA-BROSSAT





SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-

ARNAUD

>
Me Pascal ALIAS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01400.



APPELANTS



Monsieur [F] [X] [M]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1] (MAROC),de nationali...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2017

F.T.

N° 2017/ 265

Rôle N° 16/01481

[F] [X] [X] [M]

[O] [B] [C] [M] épouse [A]

C/

[V], [A], [Q] [D] veuve [M]

[L] [T] [J] [C]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Rachel SARAGA-BROSSAT

SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-

ARNAUD

Me Pascal ALIAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01400.

APPELANTS

Monsieur [F] [X] [M]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1] (MAROC),de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1])

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de feu Monsieur [E] [M] décédé le [Date décès 1] 2016

représenté par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Rémy CRUDO de la SELARL SELARLU REMY CRUDO, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

Madame [O] [B] [C] [M] épouse [A]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de feu Monsieur [E] [M] décédé le [Date décès 1] 2016

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Rémy CRUDO de la SELARLU REMY CRUDO, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

INTIMES

Madame [V], [A], [Q] [D] veuve [M]

née le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Claire LANGEVIN, avocat plaidant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [L] [C]

né le [Date naissance 4] 1937 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 4]

assigné en reprise d'instance en qualité d'héritier de feu Monsieur [E] [M] décédé le [Date décès 1] 2016

représenté par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Vanessa BORG, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Christine CHAMBOUX-EVAIN, avocat au barreau de BORDEAUX.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Florence TESSIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique NOCLAIN, Présidente

Madame Chantal MUSSO, Présidente de chambre

Mme Florence TESSIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2017,

Signé par Mme Véronique NOCLAIN, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

[C] [V] épouse [M] est décédée le [Date décès 2] 1991 à [Localité 3], laissant pour lui succéder son époux, [R] [M] ainsi que les trois enfants issus du couple : [E] [M], Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] ainsi qu'un enfant né d'une union précédente, Monsieur [L] [C].

[R] [M] s'est remarié avec Madame [V] [D] le 6 janvier 2001 sous le régime de la séparation de biens.

[R] [M] est décédé le [Date décès 3] 2009 à [Localité 3], laissant ses trois enfants comme seuls héritiers et léguant à titre particulier à son épouse un bien immobilier situé à [Adresse 5], aux termes de deux testaments olographes en date des 1er décembre 1998 et 30 juillet 2004.

Par acte du huissier en date du 28 février 2013, Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A], en son nom personnel puis en qualité de tutrice de [E] [M], ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence Madame [V] [D] veuvee [M] afin que, sur le fondement de l'article 1538 du Code civil, il soit dit que :

'le montant des avoirs figurant sur le compte de dépôts et liquidités ainsi que sur le compte de dépôt'titre numéro [Compte bancaire 1] ouvert auprès du Crédit Lyonnais et qualifié de conjoint entre le défunt et son épouse était la seule propriété de [R] [M],

'Madame [V] [D] épouse [M] sera condamnée à la restitution des avoirs qu'elle s'est appropriée en sa seule qualité de cotitulaire des comptes joints, le montant de sa condamnation devant être évalué dans le cadre d'une expertise et ne pouvant être inférieur à la somme de 209 000 €,

'le montant de ces avoirs bénéficiera des intérêts contractuels du Crédit Lyonnais, dont ils auraient pu être abondés sans les retraits de la requise, l'expertise permettant également de rechercher la nature des opérations ayant amené la disparition de la somme de 119 742,58 € sur le compte de dépôt titre numéro [Compte bancaire 2], entre la déclaration ISF 2008 du défunt et le jour de son décès,

'Madame [V] [D] épouse [M] soit condamnée au paiement de la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

'l'exécution provisoire de la décision soit ordonnée,

'Madame [V] [D] épouse [M] soit condamnée aux entiers dépens.

En ses dernières conclusions devant le tribunal, signifiées le 16 octobre 2013, Madame [V] [D] épouse [M] a conclu à l'irrecevabilité de l'action engagée à son contre. Elle a contesté s'être accaparée des sommes au titre de la succession et a sollicité qu'il soit constaté que les demandeurs à l'action ont été remplis de leurs droits, qu'elle-même ne se trouve tenue à aucune obligation de restitution et que les demandeurs soient déboutés de l'ensemble de leurs prétentions.

Par jugement contradictoire date du 14 décembre 2015, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

'déclaré recevable l'intervention volontaire de Madame [O] [M] épouse [A] en qualité de tutrice de son frère [E] [M],

'débouté Monsieur [F] [M], Madame [O] [M] épouse [A], en son nom personnel et en qualité de tutrice de [E] [M], de l'ensemble de leurs demandes,

'condamné in solidum Monsieur [F] [M], Madame [O] [M] épouse [A], en son nom personnel et en qualité de tutrice de [E] [M], au paiement de la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamné in solidum Monsieur [F] [M], Madame [O] [M] épouse [A], en son nom personnel et en qualité de tutrice de [E] [M], aux entiers dépens,

'dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a considéré pour l'essentiel que :

'il appartient aux demandeurs, qui contestent le caractère indivis des trois comptes joints ouverts par le défunt et son épouse au Crédit Lyonnais, regroupés en un seul compte ouvert auprès de ce même établissement bancaire sous le numéro [Compte bancaire 3], de rapporter la preuve de la propriété exclusive de leur père sur ces biens,

'les consorts [M] ne produisent pas de pièces étayant leurs dires s'agissant des revenus de Madame [V] [D] veuve [M], ni de son impossibilité d'alimenter les comptes indivis, cette dernière justifiant au contraire avoir une activité professionnelle et avoir été propriétaire de deux biens immobiliers,

'le courrier de l'attestation fiscale en date du 7 avril 2011, concernant l'analyse du compte bancaire numéro [Compte bancaire 4] ouvert à la Banque Postale ne permet pas, à lui seul, de rapporter la preuve du caractère propre de ce compte et encore moins d'en déduire qu'il en va de même pour l'ensemble des comptes joints ouverts par les parties,

'les demandeurs ne produisent aux débats aucune pièce permettant de s'interroger sur l'utilisation de la somme de 119 742,58 € résultant de la différence existant entre la déclaration ISF 2008 du défunt et la déclaration de la succession à son décès, ni quant à l'utilisation de ce montant par son père de son vivant et par Madame [V] [D] veuve [M],

'la détermination de la destination de cette somme ne saurait être établie par l'instauration d'une expertise, mesure qui n'est pas destinée à suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Monsieur [F] [M], Madame [O] [M] épouse [A], en son nom personnel et en qualité de tutrice de [E] [M], et [E] [M], représenté par sa tutrice Madame [O] [M] épouse [A], ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 7 janvier 2016.

[E] [M] est décédé le [Date décès 1] 2016.

Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de [E] [M], aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2017, demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

'dire que le montant des avoirs figurant sur le compte de dépôts et liquidités et sur le compte de dépôt'titre numéro 9749B, ouvert auprès du Crédit Lyonnais et qualifié de compte-joint entre [R] [M] et Madame [V] [D], était la seule propriété du défunt,

'dire qu'il en sera de même pour les comptes ouverts auprès de la Banque Postale sous le numéro [Compte bancaire 4] et auprès du Crédit Lyonnais sous le numéro [Compte bancaire 5], dans la mesure où les appelants rapportent la preuve du caractère propre des avoirs en application des dispositions de l'article 1538 alinéas un et deux du code civil,

'dire que Madame [V] [D] sera condamnée à la restitution des avoirs qu'elle s'est appropriée en sa seule qualité de cotitulaire des comptes joints, tant auprès du Crédit Lyonnais que de la Banque Postale,

'dire que le montant de la condamnation devra être évalué dans le cadre d'une expertise en ce qui concerne les avoirs détenus au Crédit Lyonnais,

'dire que le montant de ces avoirs bénéficiera des intérêts contractuels du Crédit Lyonnais dont ils auraient pu être abondés sans les retraits de l'intimée, l'expertise permettant de rechercher la nature des opérations ayant amené la disparition de la somme de 119 742,58 € sur le compte de dépôt'titres numéro [Compte bancaire 2] entre la déclaration ISF 2008 de [R] [M] et le jour de son décès,

'condamner Madame [V] [D] à la restitution de la somme de 33 728,62 €, avec intérêts de droit à compter de l'assignation introductive d'instance du 28 février 2013, correspondant à la moitié des avoirs du compte Banque Postale numéro [Compte bancaire 4],

'dire que la demande de débouté de Monsieur [L] [C] est infondée et injustifiée, sa formulation étant simplement formelle,

'le débouter de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamner Madame [V] [D] au paiement de la somme de 3000 € en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance ainsi que de la somme de 3000 € au même titre pour la procédure d'appel,

'la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les appelants font valoir les moyens suivants :

'[R] [M] a transformé en comptes joints avec sa seconde épouse, Madame [V] [D], quatre comptes bancaires, les trois premiers ouverts auprès du Crédit Lyonnais :

*un compte de dépôts et liquidités numéro [Compte bancaire 2], créditeur de 76 501,56 € portés pour 38 250,78 euros à la succession,

*un compte dépôt-titres en valeur de 155 539,42 euros portés pour 77 769,71 euros à la succession,

*un compte de dépôt numéro [Compte bancaire 5] créditeur de 7536,69 euros portés à la succession pour 3768,34 euros,

*un compte de dépôt ouvert à la Banque Postale sous le numéro [Compte bancaire 4] créditeur de 67 457,24 euros portés pour 33 728,62 euros à la succession,

'seuls les flux financiers issus à la fois de la retraite conséquente de médecin libéral de [R] [M], du quasi'usufruit des liquidités, ainsi que de l'usufruit des titres et immeubles directement issus de la succession de sa première épouse, assortis du montant des fonds titres ou locations préexistants à son mariage avec Madame [V] [D], ont pu alimenter les comptes bancaires susvisés qualifiés d'indivis,

's'agissant du compte bancaire ouvert auprès de la banque postale sous le numéro [Compte bancaire 4], il résulte de l'attestation dressée par l'administration des impôts que ce compte a été alimenté exclusivement par [R] [M] au moyen de ses pensions de retraite de l'eau, de loyers et d'une rente viagère à titre onéreux encaissés,

'la preuve est ainsi rapportée du caractère propre des avoirs au jour du décès de [R] [M] à hauteur de la somme de 67 457,24 euros, Madame [V] [D], ayant conservé par-devers elle la moitié de cette somme, devant être condamnée à restitution à hauteur de la somme de 33 728,62 euros,

'le montant des retraites perçues par Madame [V] [D], propriétaire de deux appartements, ne pouvait pas permettre des économies correspondant aux avoirs visés par la déclaration ISF de 2008,

'la restitution doit également porter sur la somme de 119 742,58 euros correspondant à la différence des avoirs du compte titres Crédit Lyonnais numéro [Compte bancaire 6] lors de la déclaration ISF de l'exercice 2008 (275 282 €) et le montant existant au jour du décès (155 532,12 euros), étant précisé que cette perte, intervenue pendant les derniers mois de maladie du défunt, ne peut s'expliquer que par la seule intervention de Madame [V] [D], cette dernière étant cotitulaire des comptes indivis et ayant ainsi toute capacité pour effectuer des ventes ou des transactions,

'l'expertise devra déterminer la nature des opérations ayant conduit à la disparition de la somme de 119 742,58 euros.

Madame [V] [D], dans ses dernières écritures notifiées le 15 septembre 2017, demande à la cour de :

'dire irrecevables les demandes de Madame [O] [M] épouse [A] et de Monsieur [F] [M], qui ne peuvent, à eux deux, agir pour le compte de la succession de leur mère ni pour le compte de la succession de leur père en l'état du refus de Monsieur [L] [C] de se joindre à leur demande,

'dire infondée les demandes des parties appelantes,

'constater que les appelants ne demandent pas, dans le dispositif de leurs conclusions, à la cour d'ordonner une expertise,

'constater que les appelants n'ont pas appelé en cause ni les deux notaires chargés du règlement de la succession de leur père, ni la banque Crédit Lyonnais contre laquelle ils expriment des reproches au sein de leurs dernières conclusions,

'constater qu'au début de l'année 2017, les appelants ont bien reçu de la banque Crédit Lyonnais et par virement des titres dans le cadre de la succession de leur père et refusent de justifier des montants desdits titres,

'confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

'débouté les consorts [M] et de toutes leurs demandes fins et conclusions y compris de leur demande d'expertise, laquelle n'est pas clairement sollicitée dans le dispositif de leurs dernières conclusions,

y ajoutant,

condamner les consorts [M] à payer à l'intimé la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 1240 du Code civil outre le versement d'une indemnité de 5000 € remboursement de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle présente les moyens suivants :

'lorsqu'elle s'est mariée avec le de cujus le 6 janvier 2001, elle percevait sa retraite pleine, était propriétaire de deux appartements, et bénéficiait d'économies dans la mesure où, en 1976, elle avait en qualité de fille unique hérité de l'appartement qu'elle occupait avec sa mère, étant titulaire, en outre, de comptes bancaires ouverts à son nom personnel, alimentés grâce à ses seuls revenus et à la vente de son patrimoine propre,

'si des comptes joints ont été ouverts par les époux [D]'[M], le couple ayant partagé les charges du ménage, son mariage, sous le régime de la séparation de biens, avec le défunt ne se trouvait pas fondé sur des considérations financières, l'époux gérant son patrimoine à sa guise et ne manquant pas de générosité vis-à-vis de ses enfants et petits enfants,

'l'intimée n'est jamais intervenue dans la gestion du patrimoine de son mari, tâche qu'il a assumé seul, n'étant pas intellectuellement diminué à la fin de sa vie, elle-même faisant son possible pour apaiser les relations familiales mises à mal par la jalousie des parties appelantes vis-à-vis de leur frère handicapé [E], gratifié par leur père,

'il n'appartient pas à la veuve du défunt de rendre des comptes sur la gestion et l'utilisation faite par le père des appelants des titres et fonds bancaires sur lesquels il détenait l'usufruit depuis le décès de sa première épouse, le défunt étant libre de vendre actions et obligations et de disposer des fonds librement,

'sur les demandes concernant la succession de [C] [V], décédée il y a plus de 25 ans, la succession de celle-ci a été liquidée,

'sur la disparition de la somme de 119 742,58 euros du compte titre entre la déclaration ISF établie en 2008 et le [Date décès 3] 2009, les appelants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du détournement invoqué, étant précisé qu'ils ont bénéficié d'aides financières importantes de leur père,

'Madame [V] [D] ne peut être recherchée en ce qui concerne ces fonds pour ne pas être débitrice de la succession des quatre enfants de [C] [V],

'le 11 janvier 2017, l'agence Crédit Lyonnais de [Localité 5] a écrit à [R] [M], décédé depuis huit ans, qu'elle confirmait avoir effectué à sa demande un transfert de titres en faveur d'un compte domicilié en son établissement au nom de Madame [O] [A], ce qui démontre que cette dernière s'est fait passer pour son père, que des titres au nom du défunt subsistaient auprès de cette agence bancaire qui n'a pas, au décès de [R] [M], reversé toutes les sommes figurant sur les comptes de ce dernier, et enfin que Madame [O] [A] s'est fait verser des fonds pour lesquels elle n'est pas la seule héritière, ce qui témoigne de sa mauvaise foi,

'sur les demandes concernant la succession de [R] [M], Madame [V] [D] a été instituée par son époux légataire à titre particulier de la pleine propriété de l'appartement numéro 21 situé à [Adresse 5], occupé par le couple avant le décès de son mari, l'intimée lui ayant demandé de ne pas bénéficier du quart en pleine propriété de sa succession afin d'éviter tout contentieux futur avec ses enfants,

'sur les comptes bancaires, le compte ouvert auprès de la banque Crédit Lyonnais sous le numéro [Compte bancaire 7] l'a par elle été dix ans avant qu'elle n'épouse son mari et a été par erreur porté à l'actif de la succession de ce dernier,

's'agissant des quatre comptes bancaires indivis, la déclaration de succession a été soumise au juge des tutelles dans le cadre de la gestion des comptes de [E] [M], la veuve n'ayant conservé que les seuls fonds dont les notaires et les organismes bancaires lui ont signifié qu'ils lui appartenaient en propre et n'a fait aucun partage de son seul fait,

'l'intimée a versé au notaire en charge de la succession le 22 octobre 2009 la somme réclamée de 33 728,62 € afin de l'inscrire au compte des enfants de son défunt mari représentant la moitié du solde créditeur du compte joint ouvert auprès de la banque postale sous le numéro [Compte bancaire 4], l'autre moitié des fonds figurant sur ce compte lui appartenant en sa qualité de cotitulaire de celui-ci,

'le 7 avril 2011 l'administration fiscale n'a émis qu'une proposition tendant à considérer que le défunt avait alimenté seul le compte Banque Postale susvisé, proposition qui n'établit pas le caractère propre au de cujus des fonds dont s'agit, le fisc n'ayant pas vérifié l'alimentation dudit compte, la charge de la preuve de celle-ci incombant aux appelants,

's'agissant du compte unique numéro [Compte bancaire 3] ouvert au décès de [R] [M], seul Maître [S], notaire, a utilisé ce compte, elle-même ne l'ayant jamais fait fonctionner.

Monsieur [L] [C], assigné en intervention forcée par Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] selon acte du huissier du 6 février 2017, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 mai 2017, sollicite de la cour de débouter les consorts [M] de l'intégralité de leurs demandes, de les condamner à lui verser la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose principalement que :

'Il entretient d'excellentes relations avec la veuve de son beau-père et se trouve victime de la cupidité de son frère et de sa s'ur qui tentent de récupérer à leur seul profit l'héritage de leurs parents,

'il a signé en toute confiance l'acte de partage partiel du 29 novembre 2010, sans imaginer que celui-ci visait à différer aussi longtemps que possible le paiement des soultes dues à son frère handicapé [E] [M] et à lui-même, demi-frère issu de la première union de [C] [V],

'son frère [E] et lui-même se sont vu, aux termes de ce partage partiel, attribuer des soultes payables à la vente du seul bien immobilier restant en indivision entre la fratrie, outre des parts sociales de SCI totalement invendables pour [E] [M], [F] et [O] [M] ayant quant à eux reçu des biens immobiliers : un terrain situé à Contes, un appartement à [Localité 5] et un autre appartement à [Localité 6], Madame [O] [M] recevant également un terrain à Contes, un appartement à Marseille ainsi qu' un appartement à [Localité 7],

'Madame [O] [M] a bénéficié, à sa demande, d'un transfert de titres placés sur un compte ouvert au Crédit Lyonnais sur lequel les autres héritiers ont des droits, attitude qui s'apparente à du recel successoral,

'le défunt était libre de gérer les liquidités et les titres dont il avait l'usufruit, l'intégralité des droits de succession payés au Trésor public lors du règlement de la succession de [C] [V] ayant été prélevée sur les liquidités de la succession, ce qui a forcément diminué les avoir bancaires.

La procédure a été clôturée par ordonnance du magistrat en charge de la mise en état en date du 20 septembre 2017.

MOTIVATION DE LA DECISION

Attendu que, de manière liminaire, il convient de déclarer recevable l'action intentée par Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] à l'encontre des parties intimées, aucune disposition légale n'imposant que l'action ne soit exercée par l'ensemble des héritiers réservataires d'une succession à l'encontre d'autres héritiers ou de légataires ;

Attendu, sur le fond, s'agissant d'une part des quatre comptes bancaires ouverts, pour ceux portant les numéros [Compte bancaire 2], [Compte bancaire 5] et pour le compte de dépôt titres, auprès du Crédit Lyonnais, et auprès de la Banque Postale pour le compte de dépôt portant le numéro [Compte bancaire 4], qu'aux termes des dispositions de l'article 1538 du Code civil, tant à l'égard de son conjoint que des tiers, un époux peut prouver par tous les moyens qu'il a la propriété exclusive d'un bien ; les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l'égard des tiers, aussi bien que dans les rapports entre époux, s'il n'en a été autrement convenu. La preuve contraire sera de droit, et elle se fera par tous moyens propres à établir que les biens n'appartiennent pas à l'époux que la présomption désigne, ou même, s'ils lui appartiennent, qu'il les acquis par une libéralité de l'autre époux. Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ;

Attendu que les parties appelantes déduisent de l'absence de revenus suffisants de Madame [V] [D] veuve [M] que cette dernière n'a pu alimenter les trois comptes joints ouverts auprès du Crédit Lyonnais, regroupés en un seul compte portant le numéro [Compte bancaire 3], qui ne peuvent être considérés comme indivis, le défunt bénéficiant d'une retraite importante et de la perception des sommes issues de la succession de sa première épouse, les consorts [M] ajoutant que le compte bancaire Crédit Lyonnais numéro [Compte bancaire 2] préexistait au décès de [C] [V] et en déduisant que la totalité des sommes figurant sur ledit compte doit leur revenir ;

Attendu, s'agissant de ce dernier compte, qu'il convient d'observer que la succession de [C] [V] a d'ores et déjà été liquidée, de sorte que [R] [M] était libre d'utiliser, comme bon lui semblait, ledit compte joint dont il avait l'usufruit ;

Attendu, en outre, qu'il appartient à Monsieur [F] [M] et à Madame [O] [M] épouse [A] de rapporter la preuve de la propriété exclusive de leur père sur les quatre comptes joint susvisés, puisqu'ils en contestent le caractère indivis ;

Attendu que les pièces par eux communiquées aux débats ne font pas cette preuve, Madame [V] [D] veuve [M] démontrant, quant à elle, qu'au moment de son mariage avec le de cujus le 6 janvier 2001, elle percevait sa retraite pleine et se trouvait propriétaire de deux appartements dont elle avait hérité ;

Attendu que les appelants n'établissent pas que l'intimée a commis des détournements sur les comptes bancaires en cause, la veuve n'ayant pas à rendre compte de la gestion et de l'utilisation faite par [R] [M] sur les fonds et titres bancaires dont il avait l'usufruit, étant précisé que le défunt, bien que marié sous le régime de la séparation de biens avec Madame [V] [D], se devait de remplir l'obligation qui lui incombait au titre des charges du ménage, obligation qui justifie que des retraits aient été opérés à ce titre sur les comptes joints ;

Attendu que la cour observe que Madame [O] [M] épouse [A] se trouve mal fondée à reprocher à Madame [V] [D] des détournements de sommes indivises, alors qu'il résulte d'un courrier émanant de l'agence du Crédit Lyonnais de [Localité 5], en date du 11 janvier 2017, que cet établissement a effectué, à sa demande, un transfert de titres en faveur d'un compte domicilié en son établissement à son nom, ledit courrier étant adressé à [R] [M], décédé depuis huit années, ce qui démontre que l'appelante a encaissé des fonds pour lesquels elle n'était pas la seule héritière, se faisant passer pour son père ;

Attendu en conséquence que le jugement déféré a, à bon droit, retenu que Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] ne rapportent pas la preuve de ce que leur père a, seul, alimenté les comptes indivis et les a déboutés de leurs prétentions tendant à voir dire que les quatre comptes susvisés étaient des biens propres du défunt, ainsi qu'à obtenir la condamnation de Madame [V] [D] à restituer les avoirs perçus en qualité de coindivisaire desdits comptes ;

Attendu, par ailleurs, que la décision entreprise a justement retenu que les appelants ne démontrent pas que Madame [V] [D] se trouve à l'origine de la perte subie par le compte bancaire ouvert auprès du Crédit Lyonnais sous le numéro [Compte bancaire 1], d'un montant de 119 742,58 euros, entre la déclaration ISF 2008 du de cujus et la déclaration de succession à son décès, les documents produits aux débats ne permettant pas de retenir que l'intimée a détourné ladite somme ;

Attendu que les appelants doivent être déboutés de leur demande tendant à l'instauration d'une mesure d'expertise, aux fins d'établir la destination des sommes prélevées sur les comptes, prétention qui figure dans le dispositif de leurs dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2017, ces derniers sollicitant que « le montant de la condamnation devra être évalué dans le cadre d'une expertise en ce qui concerne les avoirs détenus au Crédit Lyonnais » ;

Attendu, en effet, qu'en application des dispositions de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;

Attendu, d'autre part, s'agissant du compte bancaire numéro [Compte bancaire 4] ouvert à la Banque Postale, que la proposition de rectification émise par l'administration fiscale le 7 avril 2011 démontre que ce compte a été alimenté exclusivement par [R] [M] au moyen de ses pensions de retraite versées par la CRAM du Sud-Est, par l'IRCANTEC et par la Trésorerie Générale, ainsi que par les rentes viagères encaissées par le défunt à titre onéreux et par les loyers qui lui étaient versés au titre de la location d'immeubles dont il détenait l'usufruit ;

Attendu par suite que les parties appelantes sollicitent, à juste titre, que la somme de 33 728,62 euros soit rapportée par Madame [V] [D] à l'actif successoral, l'intimée établissant cependant avoir versé ce montant à Maître [U] [S], notaire en charge de la succession, par chèque daté du 23 octobre 2009 ;

Attendu par conséquent que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] de leur demande présentée à ce titre ;

Attendu, sur la demande reconventionnelle formulée par Madame [V] [D] veuve [M], que cette dernière n'établit pas qu'en se défendant en justice et en interjetant appel de la décision de première instance, exerçant ainsi une voie de recours ordinaire, Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] auraient commis une faute justifiant leur condamnation à lui verser des dommages-intérêts pour procédure abusive, pas plus qu'elle ne prouve avoir subi un préjudice matériel ou financier occasionné par les parties appelantes ;

Attendu que Madame [V] [D] veuve [M] doit être déboutée de sa prétention formulée sur ce chef ;

Attendu par suite que la décision entreprise doit être confirmée en toutes ses dispositions ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

P A R C E S M O T I F S

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevable l'action introduite par Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] à l'encontre de Madame [V] [D] veuve [M] et de Monsieur [L] [C] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Déboute Madame [V] [D] veuve [M] de sa demande tendant à l'obtention de dommages et intérêts ;

Condamne Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] à payer à Madame [V] [D] veuve [M] la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [F] [M] et Madame [O] [M] épouse [A] aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 16/01481
Date de la décision : 29/11/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°16/01481 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-29;16.01481 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award