La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2017 | FRANCE | N°16/00585

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 08 novembre 2017, 16/00585


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 08 NOVEMBRE 2017

F.T.

N° 2017/238













Rôle N° 16/00585







[R] [N]

[D] [P] épouse [J]





C/



[Y] [W] veuve [P]

[U] [L]





















Grosse délivrée

le :

à :





SCP LATIL PENARROYA-LATIL



SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-

[Q]


>



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 15 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03690.





APPELANTS



Monsieur [R] [N]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Pas...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 08 NOVEMBRE 2017

F.T.

N° 2017/238

Rôle N° 16/00585

[R] [N]

[D] [P] épouse [J]

C/

[Y] [W] veuve [P]

[U] [L]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP LATIL PENARROYA-LATIL

SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-

[Q]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 15 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03690.

APPELANTS

Monsieur [R] [N]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Magali GIBERT, avocat plaidant au barreau de PARIS.

Madame [D] [P] épouse [J]

née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Magali GIBERT, avocat plaidant au barreau de PARIS.

INTIMEES

Madame [Y] [W] veuve [P]

née le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 3] (69),

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Olivier FLEJOU, avocat plaidant au barreau de NICE

Madame [U] [L]

née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 2] (90),

demeurant [Adresse 4])

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Olivier FLEJOU, avocat plaidant au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Florence TESSIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique NOCLAIN, Présidente

Madame Chantal MUSSO, Présidente de chambre

Mme Florence TESSIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2017,

Signé par Mme Véronique NOCLAIN, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

[A] [P], né le [Date naissance 5] 1914 à [Localité 4], est décédé le [Date décès 1] 2001 à [Localité 5].

Il a laissé pour lui succéder:

-Monsieur [R] [N], issu de sa première union avec Madame [N],

-Madame [D] [P] épouse [J], née de sa deuxième union avec [Z] [V],

-Madame [U] [L] épouse [A], également née de cette deuxième union,

-son épouse en troisièmes noces Madame [P] [W] veuve [P], avec laquelle il s'était marié le [Date décès 2] 1973 sous le régime de la séparation de biens et à laquelle le défunt a, par testament du 31 décembre 1979, légué l'usufruit de tous ses biens mobiliers et immobiliers avec dispense de caution et d'emploi, et, par acte authentique du 11 octobre 1989, fait donation de la quotité disponible la plus large.

Maître [I], notaire, a été chargé par les héritiers des opérations de liquidation de la succession de [A] [P].

Par acte du huissier en date du 18 avril 2005, Madame [D] [P] épouse [J] et Monsieur [R] [N] ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse Madame [P] [W] veuve [P] ainsi que Madame [U] [L] afin qu'une mesure d'expertise soit ordonnée.

Par ordonnance du juge des référés dudit tribunal, en date du 20 juillet 2005, Monsieur [L] [H] a été désigné en qualité d'expert et s'est vu confier une mission comptable relative à la succession du de cujus.

Le technicien judiciairement commis a rendu son rapport le [Date décès 2] 2008.

Le notaire mandaté a dressé un procès-verbal de carence le 21 février 2011.

Par acte d'huissier en date des 11 et 20 juin 2013, Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] ont fait assigner devant le tribunal de Grande instance de Grasse Madame [U] [S] et Madame [P] [W] veuve [P] afin, principalement, que les donations effectuées par [A] [P] soit rapportées à sa succession et que l' infraction de recel soit retenue à leur encontre.

Par jugement en date du 15 décembre 2015, le tribunal de Grande instance de Grasse a :

'constaté que Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] n'ont pas communiqué leurs pièces aux défenderesses avant l'ordonnance de clôture,

'constaté que Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] ne justifient pas d'une cause grave susceptible de révoquer l'ordonnance de clôture,

'en conséquence, prononcé l'irrecevabilité des pièces numérotées 1 à 30 signifiées aux défenderesses par Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] le 9 septembre 2015,

-constaté que les défenderesses n'ont pas pu débattre contradictoirement sur les moyens de droit et les faits développés par les demandeurs pour défaut de production de pièces,

-en conséquence, débouté Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] de leurs demandes relatives aux rapports des donations et aux recels successoraux invoqués,

-ordonné qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [A] [P],

'désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires des Alpes-Maritimes avec faculté de délégation,

-dit que le notaire désigné devra procéder aux opérations conformément aux dispositions des articles 1365 et suivants du code de procédure civile,

'commis un magistrat pour surveiller le bon déroulement de ces opérations de partage,

-débouté Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] de leur demande de dommages et intérêts,

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamné Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] aux dépens.

Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2016.

Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J], aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 2 août 2016, demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

'constater que le partage amiable n'a pas été possible,

'ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [A] [P],

'préalablement et pour y parvenir, ordonner le rapport par Madame [P] [W] veuve [P] à la succession de [A] [P] des donations suivantes :

*donation de la moitié de la maison située à [Adresse 3] évaluée à la somme de 200 000 €,

*la moitié de la créance entre époux correspondant aux travaux effectués dans l'appartement situé au sein de la copropriété [Adresse 5]la maison située à [Localité 6], soit 33 487 €,

*la donation des fonds ayant permis la constitution du portefeuille de Madame [P] [W] veuve [P] évaluée selon expertise à la somme de 187 325 €,

*la donation des fonds ayant permis la constitution portefeuille reconstitué et occulté soit 98 476, 27 €,

*les chèques (la moitié des bijoux et véhicules) soit la somme de 5941,70 euros,

'à titre subsidiaire de ce chef, pour le cas où le 'tribunal' considérerait que le financement par des propres du défunt de biens appartenant en propre à son épouse n'étaient pas constitutifs de donation,

-voir constater que les transferts de patrimoine de [A] [P] au profit de son épouse ne relèvent pas des charges du mariage,

'voir constater que la clause du régime matrimonial relative à la contribution aux charges due n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce,

'voir constater que la présomption posée par le régime matrimonial n'est pas irréfragable et emporte la possibilité de rapporter la preuve contraire compte tenu de la volonté des parties,

-en tout état de cause, voir constater l'existence de créances entre époux des chefs suivants:

* donation de la moitié de la maison située à [Adresse 3] évaluée à la somme de 200 000 €,

*la moitié de la créance entre époux correspondant aux travaux effectués dans l'appartement situé au sein de la copropriété Roi Albert + la maison située à [Localité 6], soit 33 487 €,

*la donation des fonds ayant permis la constitution du portefeuille de Madame [P] [W] veuve [P] évaluée selon expertise à la somme de 187 325 €,

*la donation des fonds ayant permis la constitution portefeuille reconstitué et occulté soit 98 476, 27 €,

*les chèques (la moitié des bijoux et véhicules) soit la somme de 5941,70 euros,

-à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer que la clause dérogatoire du droit commun a vocation à s'appliquer, constater qu'il s'agit d'un avantage matrimonial dont les enfants du premier lit ont vocation à solliciter le retranchement,

'en tout état de cause, fixer le montant du rapport et des réintégrations dus par Madame [P] [W] veuve [P] à la succession du de cujus à la somme de 525 956,22 euros, à réactualiser au jour le plus proche du partage,

'pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment éclairée, ordonner une expertise complémentaire, avec pour mission d'estimer le transfert de patrimoine mobilier de [A] [P] à son épouse, avec l'autorisation de consulter les fichiers FICOBA et FICOVIE tant sur le nom du défunt que sur les avoirs détenus par Madame [U] [W] veuve [P], étant entendu que la charge de cette expertise demeurera à la charge définitive de la partie ayant occulté les avoirs,

'ordonner le rapport par Madame [U] [S] à la succession de son père de la donation dont elle a bénéficié en 1982 et fixer ledit rapport à la somme de 60 % de la valeur du bien sis Rameldange ( Luxembourg ),

'pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment éclairée sur ce point, ordonner une expertise complémentaire, avec pour mission de déterminer qui a réglé l'apport de l'appartement du Vésinet et a remboursé l'emprunt ayant financé cette acquisition alors que Madame [U] [S] était étudiante,

'fixer le montant du rapport dû par Madame [U] [S] à la succession de son père à la somme de 375 000 €, à réactualiser au jour le plus proche du partage,

'déclaré Madame [P] [W] veuve [P] coupable du délit de recel successoral portant sur la somme de 525 956,22 euros,

'déclaré Madame [U] [S] coupable du délit de recel successoral portant sur la somme de 375 000 €,

en conséquence :

'priver Madame [P] [W] veuve [P] de tout droit sur la quote-part lui revenant sur lesdits rapports ou créances entre époux,

'priver Madame [U] [S] de tout droit sur la quote-part lui revenant sur lesdits rapports,

en tout état de cause :

'désigner tel notaire qu'il plaira à la cour à l'exception de Maître [I],

'condamner Madame [U] [S] et Madame [P] [W] veuve [P] à payer solidairement à Monsieur [R] [N] et à Madame [D] [P] épouse [J] la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts,

'condamner Madame [U] [S] et Madame [P] [W] veuve [P] à payer à Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] l'intégralité des frais d'expertise,

'condamner Madame [U] [S] et Madame [P] [W] veuve [P] à payer à Monsieur [R] [N] et à Madame [D] [P] épouse [J] la somme de 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Madame [P] [W] veuve [P] et Madame [U] [S], aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 10 juin 2016, demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise et de :

'constater qu'un partage amiable n'a pas été possible,

'ordonner le partage et la liquidation de la succession de [A] [P]

'juger qu'il n'existe pas de créance entre époux et par voie de conséquence dans l'indivision,

-juger que la preuve, tant de l'élément matériel que de l'élément moral du recel, n'existe pas,

'rejeter toutes les demandes des parties appelantes,

'constater que les opérations de partage sont complexes,

'en conséquence, désigner tel notaire qu'il plaira à la juridiction, avec mission de procéder aux opérations de partage et notamment d'effectuer les comptes, d'établir des lots au besoin par tirage au sort et de dresser un acte de liquidation,

'commettre un juge afin de surveiller les opérations de partage,

'dire que Madame [P] [W] veuve [P] bénéficiera de l'attribution préférentielle du logement de la famille,

'condamner in solidum les appelants au paiement de la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

'dire les dépens seornt pris en frais privilégiés de partage.

La procédure a été clôturée par ordonnance du magistrat en charge de la mise en état en date du 6 septembre 2017.

MOTIVATION DE LA DECISION

Attendu que, de manière liminaire, il convient d'observer que l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [A] [P] a été ordonnée par le jugement déféré qui a désigné le président de la chambre des notaires des Alpes-Maritimes, avec faculté de délégation, pour y procéder et commis un magistrat pour surveiller le bon déroulement de ces opérations de partage ;

Attendu que le jugement doit être confirmé sur ces points;

1/ Sur les demandes formulées à l'encontre de Madame [P] [W] veuve [P]:

Attendu que les parties appelantes fondent principalement leur action dirigée à l'encontre de la veuve du défunt sur le nécessaire rapport par celle-ci à la succession de [A] [P] de cinq donations constituées par la moitié de la maison située [Adresse 3], la moitié de la créance entre époux existant au titre de travaux réalisés sur un appartement et ladite maison, l'avancement des fonds ayant permis la constitution du portefeuille de Madame [P] [W] veuve [P], de ceux ayant permis la constitution de son portefeuille reconstitué et occulté ainsi que de chèques;

Attendu qu'elle revendique ainsi le bénéfice des dispositions de l'article 843 ancien du Code civil, aux termes duquel tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport. Les legs faits par un héritier sont réputés faits par préciput et hors part, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant ;

Attendu qu'aucune nouvelle expertise, ou expertise complémentaire, ne sera ordonnée par la cour, les conclusions expertales dressées par Monsieur [L] [H] le [Date décès 2] 2008 étant complètes, précises et argumentées;

A/ Sur le bien immobilier sis à [Adresse 3]:

Attendu qu'en l'absence de tout acte authentique de donation de [A] [P] au bénéfice de son épouse, les parties appelantes se fondent sur l'existence d'une donation déguisée effectuée au profit de cette dernière;

Attendu que le déguisement de la donation entre vifs repose sur une hypothèse de simulation qui consiste à proclamer faussement la présence d'une catégorie juridique, autre que celle de la libéralité, qui puisse justifier l'enrichissement du donataire, les parties à la donation déguisée faisant croire, à l'aide d'éléments trompeurs, soit que l'appauvrissement du disposant a été compensé par un sacrifice équivalent du gratifié, soit qu'il existe une cause antérieure justifiant l'avantage consenti ;

Attendu que l'apparence trompeuse ainsi créée ne doit pas laisser percer sa nature mensongère, le déguisement devant être parfait, la donation déguisée devant observer les conditions de l'acte dont elle emprunte l'apparence ;

Attendu ainsi que le déguisement suppose, en premier lieu, le respect des formalités imposées à l'acte fictif, la reconnaissance de dette devant obéir aux prescriptions de l'article 1326 du code civil, la cohérence du déguisement devant, en second lieu, être subordonnée à la mention, dans l'écrit dressé pour l'occasion, des éléments catégoriques de l'apparence trompeuse choisie, les parties étant, en matière de vente, tenues d'indiquer un prix ;

Attendu qu'il appartient à la partie qui se prévaut du déguisement de la donation de rapporter la preuve de la simulation opérée ;

Attendu que l'acquisition en indivision par les époux [P] du bien immobilier situé à [Adresse 3], au prix de 1.400.000 francs, a été effectuée par le remploi du prix de vente de l'appartement situé [Adresse 6], acheté le 11 avril 1986 en indivision par les époux [P], pour 960 000 francs, revendu le 16 octobre 1990 pour 1.950.000 francs, ce bien ayant lui-même été entièrement financé par la revente de l'appartement [Adresse 7] acquis en 1972 par [A] [P], seul, pour 310 000 francs et revendu le 25 mars 1986 pour 1.210.000 francs;

Attendu qu'aucune des parties ne conteste cette chaîne d'acquisitions décrite en page 53 de son rapport par l'expert judiciaire ;

Attendu en conséquence que la maison située à [Adresse 3], achetée par le remploi de fonds provenant de la vente d'un bien immobilier, lui-même acquis intégralement à l'aide des deniers personnels du de cujus, est un bien propre à ce dernier;

Attendu par suite que la mention sur l'acte authentique d'acquisition, selon laquelle ledit immeuble a été acheté en indivision entre les époux [P], est erronée;

Attendu que les parties appelantes disposent en conséquence d'une créance envers l'indivision successorale d'un montant de 150 000 euros, correspondant à la moitié de la valeur de l'immeuble en cause fixée par l'expert judiciaire en son rapport à la somme totale de 300 000 euros, et d'après son état à l'époque de la donation conformément aux dispositions de l'article 860 du Code civil ;

Attendu que Monsieur [R] [N] et Madame [D] [J] ne communiquent aux débats aucun document, telles des évaluations récentes de biens immobiliers semblables, d'une valeur vénale supérieure, de nature à permettre une appréciation différente de celle retenue par le technicien judiciairement commis, dont l'évaluation est exacte en l'état des caractéristiques propres du bien;

B/ Sur la créance relative aux travaux réalisés dans les biens immobiliers sis [Adresse 3]:

Attendu qu'il résulte de la lecture du rapport d'expertise judiciaire ( pages 53 à 55 ) que le prix de revente de l'appartement appartenant en propre à [A] [P] a permis le financement de travaux au sein de l'appartement du Rayrama à hauteur de la somme de 15 690 euros puis, suite à la vente de ce bien, de travaux dans la villa de [Localité 6] pour 51 284 euros;

Que ces montants ne sont pas discutés par les parties ;

Attendu que si ces deux opérations de rénovation des biens immobiliers susvisés ont certes été exécutées par l'emploi de deniers personnels du défunt, la créance de Monsieur [R] [N] et de Madame [D] [J] retenue au poste A a pris en compte la valeur du bien de [Localité 6] à la date la plus proche du partage, en ce compris les travaux exécutés, qui ont engendré la plus-value des deux immeubles en cause ;

Attendu en conséquence que les appelants doivent être déboutés de leurs demandes formulées sur ce point;

C/ Sur la créance afférente à la constitution des portefeuilles de Madame [P] [W] veuve [P]:

Attendu que les conclusions expertales (pages 49) démontrent qu'entre 1973 et 2001, le patrimoine de [A] [P] a triplé en euros courants, passant de 49 000 euros à 151 178 euros, sans que cette progression apparente ne puisse recouvrer une réalité économique, le technicien commis ayant relevé que la valeur de ce patrimoine a, en réalité, en euros constants, diminué de 32 % ;

Attendu que, dans le même temps, le patrimoine de Madame [P] [W] veuve [P] est, quant à lui, passé de zéro à 335 158 euros, c'est-à-dire, en octobre 2001, à plus du double de la valeur du patrimoine de son conjoint à la même date ;

Attendu que le rapport d'expertise établit au surplus, page 54, que les avoirs financiers de Madame [P] [W] veuve [P] au décès de son époux se montent à la somme de 187 325 euros ;

Que la partie de ses investissements financés à l'aide de réalisations de biens du de cujus a, à juste titre, été chiffrée à 20 % du financement total par l'expert judiciaire ;

Attendu que Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du bien-fondé de leurs demandes complémentaires, les relevés bancaires communiqués aux débats, s'ils laissent apparaître des débits effectués sur le compte joint des époux [P], ne permettent pas de déterminer l'affectation des fonds prélevés ;

Attendu que le moyen développé par les parties intimées tenant au fait que les transferts de patrimoine opérés entre les époux [P] correspondent à la contribution du mari aux charges du mariage, est indifférent;

Que, s'agissant de l'immeuble situé à [Localité 6], son financement n'a pas été opéré pendant la durée du mariage, à l'aide d'un crédit immobilier, mais s'est trouvé constitué exclusivement de l'emploi de fonds propres du mari, ce qui implique que ledit bien est propre à ce dernier par nature ;

Qu'en outre, le devoir pour chacun des époux de contribuer aux charges du ménage n'a pas pour objet de permettre à l'un d'entre eux d'effectuer des placements financiers qui lui sont personnels;

Attendu en conséquence que les appelants sont bien-fondés à solliciter sur ce chef que leur créance envers l'indivision successorale soit arrêtée à la somme de 37 465 euros;

Attendu que le montant de la créance de Monsieur [R] [N] et de Madame [D] [P] épouse [J] envers l'indivision successorale s'élève à la somme totale de 187.465 euros;

2/ Sur les demandes formulées à l'encontre de Madame [U] [L] :

Attendu que les parties appelantes sollicitent que Madame [U] [S] rapporte à la succession de son père la donation dont elle a bénéficié en 1982, et que ledit rapport soit fixé à la somme de 60 % de la valeur du bien situé à Rameldange au Luxembourg;

Mais attendu que les pièces produites aux débats ne permettent pas à la cour de déterminer si le de cujus a financé partie du prix de l'immeuble situé au Vésinet acquis par sa fille par acte authentique du 29 novembre 1982 ;

Que les relevés bancaires du défunt ou les relevés du compte joint des époux [P] correspondant à la période d'acquisition de l'immeuble du Vésinet ne sont pas communiqués;

Qu'aucune mention dans l'acte n'est portée à cet effet, le bien dont s'agit ayant été financé pour partie par un prêt à hauteur de la somme de 200 000 francs, la nature des apports effectués par l'acquéreur n'étant pas précisée;

Attendu que l'existence d'une donation déguisée ouvrant droit rapport ne peut être retenue;

Attendu qu'aucune mesure d'expertise ne sera ordonnée, la cour n'ayant pas à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe ;

Attendu que les parties appelantes seront de déboutées de leurs prétentions formulées à ce titre ;

3/ Sur le recel :

Attendu, d'une part, que Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] doivent être déboutés de leur demande dirigée sur ce chef à l'encontre de Madame [U] [L], cette dernière n'étant pas débitrice de l'indivision successorale;

Attendu, d'autre part, s'agissant de Madame [P] [W] veuve [P], qu'aux termes des dispositions de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prendre part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession;

Attendu que le recel successoral suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel;

Attendu que l'élément matériel est caractérisé par la mise en oeuvre d'un procédé frauduleux, la rétention postérieure au décès constituant le recel, la seule intention, non concrétisée, de fausser le partage étant insuffisante et la complicité du défunt ne supprimant pas la qualification de recel, l'héritier, en gardant le silence après l'ouverture de la succession, se rendant personnellement complice de la fraude;

Atendu que le recel implique également l'existence d'une intention frauduleuse de l'héritier qui entend rompre à son profit l'égalité du partage, l'intention frauduleuse ne se présumant pas;

Attendu qu'il appartient aux parties appelantes de rapporter la preuve du recel commis par la veuve de [A] [P], c'est-à-dire de l'existence de ces deux éléments qui justifient que soient appliquées à l'héritier concerné les peines de ce délit civil;

Mais attendu que si Madame [P] [W] veuve [P] a bénéficié de donations déguisées émanant de son conjoint, la volonté qu'elle aurait eue de rompre l'égalité des héritiers dans le partage n'est pas caractérisée;

Attendu en conséquence que les parties appelantes doivent être déboutées de leurs demandes formulées sur ce point ;

4/ Sur les autres prétentions émises par les parties:

Attendu que les appelants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de la faute commise par les intimés, à l'origine d'un préjudice qu'ils auraient subi, pouvant ouvrir droit à l'octroi de dommages et intérêts ;

Attendu par suite que Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] ont, à juste titre, été déboutés de leur demande formulée sur ce point par la décision entreprise ;

Attendu que Madame [P] [W] veuve [P] doit être déboutée de sa prétention reconventionnelle tendant à l'attribution préférentielle du logement de la famille, faute pour elle de démontrer qu'elle dispose des capacités financières suffisantes pour s'acquitter de la soulte afférente ;

Attendu qu'il y a lieu de renvoyer les parties devant le notaire mandaté, aux fins d'établissement des comptes définitifs de partage, à charge pour ce notaire de déterminer le montant des parts revenant à chaque partie;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

P A R C E S M O T I F S

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

'ordonné qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [A] [P],

'désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires des Alpes-Maritimes avec faculté de délégation,

'dit que le notaire désigné devra procéder aux opérations conformément aux dispositions des articles 1365 et suivants du code de procédure civile,

'commis un magistrat pour surveiller le bon déroulement de ces opérations de partage,

'débouté Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] de leur demande de dommages et intérêts,

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à instauration d'une expertise nouvelle ou complémentaire,

Dit que Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] ont une créance envers l'indivision successorale d'un montant total de 187 465 euros,

Déboute Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] de leurs demandes de créances formulées au titre de travaux exécutés sur les biens immobiliers situés [Adresse 6] et à [Localité 6], des portefeuilles constitués par Madame [P] [W] veuve [P] et des chèques émis;

Déboute Monsieur [R] [N] et Madame [D] [P] épouse [J] de leur demande dirigée à l'encontre de Madame [U] [L],

Dit que Madame [U] [L] et Madame [P] [W] veuve [P] n'ont commis aucun recel successoral,

Déboute Madame [P] [W] veuve [P] de sa demande reconventionnelle tendant à l'attribution préférentielle du logement de la famille,

Renvoie les parties devant le notaire mandaté afin qu'il établisse le compte définitif de partage en application des dispositions du présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d'appels seront employés en frais privilégiés de partage et qu'ils seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 16/00585
Date de la décision : 08/11/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°16/00585 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-08;16.00585 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award