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08/11/2017 | FRANCE | N°15/21986

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 08 novembre 2017, 15/21986


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 08 NOVEMBRE 2017

V.N.

N° 2017/244













Rôle N° 15/21986







[I] [Y] [D]





C/



[V] [Q]





















Grosse délivrée

le :

à :





Me Marie ALEXANDRE



Me Rébecca SOUSSAN







Décision déférée à la Cour :



Jugeme

nts du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date des 01 Octobre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/11224 et 4 décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 15/08017.









APPELANT





Monsieur [I] [Y] [D]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 08 NOVEMBRE 2017

V.N.

N° 2017/244

Rôle N° 15/21986

[I] [Y] [D]

C/

[V] [Q]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Marie ALEXANDRE

Me Rébecca SOUSSAN

Décision déférée à la Cour :

Jugements du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date des 01 Octobre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/11224 et 4 décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 15/08017.

APPELANT

Monsieur [I] [Y] [D]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Marie ALEXANDRE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

ayant pour avocat Me Alain CORNAILLE, avocat au barreau de CAMBRAI.

INTIMEE

Madame [V] [Q]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Rébecca SOUSSAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

ayant pour avocat Me Aurore SELLIER-SUTY, avocat au barreau de LILLE.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Véronique NOCLAIN, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique NOCLAIN, Présidente

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président de chambre

Mme Florence TESSIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2017,

Signé par Mme Véronique NOCLAIN, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La Sci les Rouges Barres a été constituée le 27 juillet1996 avec un capital social de 10.000 francs composé de 10 parts sociales de 1.000 francs chacune, 5 appartenant à Monsieur [I] [D], numérotées 1 à 5, et 5 appartenant à sa mère, Madame [X] [D], numérotées 6 à 10.

Par acte du 5 juin 1998, Monsieur [I] [D] a cédé à Madame [V] [Q] ses parts sociales pour un prix total de 5 francs.

Madame [V] [Q] et Monsieur [I] [D] se sont mariés le [Date mariage 1] 2000 à [Localité 3] sans contrat préalable.

Le 1er mars 2004, Madame [X] [D] a cédé à son fils ses parts sociales pour un montant de 1 euro.

Par ordonnance de non-conciliation du 18 septembre 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a notamment constaté que les époux résidaient séparément.

Par jugement du 6 janvier 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a:

-pronnoncé le divorce des époux;

-fixé la date des effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens au 7 mars 2006;

-ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux;

-débouté Madame [V] [Q] de sa demande de prestation compensatoire ainsi que de sa demande relative aux parts de la SCI Les Rouges Barres détenues par Monsieur [I] [D].

Par acte d'huissier du 12 décembre 2013, Madame [V] [Q] a assigné son ex-époux devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d'ouverture des opérations de compte et de liquidation partage judiciaire et aux fins de voir trancher les difficultés persistantes entre les parties.

Elle a demandé essentiellement de:

-dire que les parts de la SCI Les Barres Rouges détenues par Monsieur [I] [D] sont des acquêts de communauté et qu'ellle est en droit de revendiquer la moitié de ses parts;

-lui allouer la contre-valeur des parts lui revenant, soit la somme de 61.051,61 euros sauf à parfaire;

-condamner Monsieur [I] [D] à lui verser la somme de 3.500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil;

-condamner Monsieur [I] [D] à lui verser la somme de 2.200 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par dernières écritures signifiées le 21 novembre 2014, Monsieur [I] [D] a essentiellement demander de:

-juger que l'acte cession de parts du 1er mars 2014 ne doit pas être retenu dans le cadre du partage pour signatures non-authentiques; à titre subsidiaire, dire qu'il y a lieu de requalifier cet acte en donation de la part de Madame [X] [D] à son fils [I] et rejeter en conséquence les demandes de Madame [V] [Q];

-dire qu'il ne saurait étre attribué à Madame [V] [Q] une somme de 61.051,61 euros;

-dire qu'il convient d'arrêter au préalable les comptes de la SCI après paiement de tous les créanciers afin de déterminer la somme subsistant pouvant être répartie entre les associés;

-condamner Madame [V] [Q] à verser à Monsieur [I] [D] une somme de 2.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement contradictoire du 1ER octobre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan a:

-ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes,liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des parties;

-dit que les parts numérotées 6 à 10 de la SCI Les Barres Rouges sont des acquêts de communauté depuis l'acte de cession entre Madame [X] [D] et son fils [I];

-dit que Madame [V] [Q] peut revendiquer la valeur correspondant à la moitié de ces parts;

-dit qu'en l'état de l'incertitude sur les créanciers fiscaux restant à désintéresser, la contre-valeur des parts ne peut être fixée;

-dit qu'en l'état, Monsieur [I] [D] n'a pas prouvé une quelconque créance en qualité d'héritier de Madame [X] [D] à l'encontre de la SCI Les Barres Rouges.

-renvoyé les parties devant le président de la chambre départementale des notaires [Localité 4] afin qu'il désigne un notaire pour procéder à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux et établir l'acte de partage en sollicitant l'administrateur provisoire, Maître [L], pour obtenir l'arrêté de comptes de la SCI Les Barres Rouges;

-fixé le montant de la provision à valoir sur les émoluments du notaire à 1.700 euros;

-dit que les dépens seront employés en faris privilégiés de compte, liquidation, partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l'indivision;

-débouté Madame [V] [Q] et Monsieur [I] [D] de leurs autres demandes.

Le 1er juge a retenu dans la motivation de sa décision les éléments suivants:

- l'acte de cession du 1er mars 2014 a été enregistré le 12 mars 2014 auprès de la recette de [Localité 5] avec des frais acquittés pour un montant de 51 euros, 'démarche qui a été effectuée forcément par une des parties au contrat';

-une ordonnance de référé du 16 décembre 2008 a révoqué Madame [X] [D] en sa qualité de gérante de la SCI et désigné un administrateur provisoire et ce, en raison du constat de l'existence d'un certain nombre de manquements dans la gestion de la SCI; dans cette instance, Monsieur [I] [D] n'a pas contesté être associé de la SCI et n'a pas contesté la régularité de l'acte de cession du 1er mars 2014, tout en précisant qu'il s'agissait selon lui d'une cession 'nominative' qui ne pouvait être intégrée dans l'actif de communauté; en outre, Monsieur [I] [D] n'a pas engagé depuis 2014 de procédure en inscription de faux;

-la modicité du prix de la cession du 1er mars 2014 ne suffit pas à faire la preuve de l'intention libérale; une donation suppose un consentement de celui qui donne et de celui qui reçoit et Monsieur [I] [D] ne peut donc à la fois demander de qualifier la cession de 'donation' et dire que sa signature sur l'acte a été falsifiée;

-aucun arrêté récent des comptes de la SCI n'a été produit par les parties; la somme de 48.497 euros revendiquée par Monsieur [I] [D] ' en tant qu'héritier de Madame [X] [D]' ne repose sur aucune preuve;

-il existe une incertitude sur le montant du prix de vente de l'immeuble; en outre, des sommes sont dues à l'administration fiscale et la rémunération de l'administrateur sera à réglée; il appartiendra au notaire liquidateur d'obtenir un arrêté des comptes et de faire le partage entre les parties.

Par jugement du 4 décembre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan a rectifié la décision sus-dite en ce qu'elle a omis de prévoir l'exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée par RPVA le 14 décembre 2015, Monsieur [I] [D] a formé appel des deux jugements précités.

Par déclaration enregistrée le 2 mai 2016, madame [V] [Q] a formé appel incident.

Par dernières conclusions enregistrées par RPVA le 27 juin 2016 , l'appelant principal sollicite au visa des articles 815 du code civil et 1361 du code de procédure civile essentiellement de:

--dire son appel recevable;

- dire que l'acte de cession du 1er mars 2014 est une donation parfaite puisqu'acceptée;

-que les titres en cause lui appartiennent donc et non à la communauté des époux;

à titre infiniment subsidiaire,

-si toutefois il était jugée que la donation n'était pas accepéte, dire que les parts concernées sont dans la succession de Madame [X] [D] et lui reviennent en conséquence au titre de la succession;

-prendre acte que la justification du compte-courant de Madame [X] [D] au sein de la SCI Les Rouges Barres sera faite devant le notaire en charge de la liquidation partage;

-débouter Madame [V] [Q] de ses demandes;

-condamner Madame [V] [Q] à verser à Monsieur [I] [D] la somme de 2.500 euros au titre d le'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépes dont le remboursement fiscal de 225 euros.

A l'appui de ses prétentions, l'appelant expose essentiellement les moyens suivants:

-la demande de Madame [V] [Q] tendant à dire prescrite la requalification de la cession du 1er mars 2014 en donation est irrecevable car formée pour la 1er fois en cause d'appel;

-Monsieur [I] [D] n'a pas signé l'acte de cession du 1er mars 2004 mais reconnaît en cause d'appel en avoir eu connaissance lors de la procédure de référé de 2008 et avoir alors soutenu que ces parts étaient des biens propres, la donation ayant été faite à son nom; il renonce donc à soutenir le principe d'une transmission de sa mère pour ne revendiquer que la requalification de la cession en donation;

-il y a eu donation car la cession a été faite à vil prix,

-il a lui-même cédé ses parts à Madame [V] [Q] le 5 juin 1998 pour un prix modeste, soit 1 franc, mais à cette époque, la SCI n'avait aucun fond alors que le 1er mars 2014, soit 6 ans plus tard, l'actif de la SCI a changé grâce à l'acquisition d'un immeuble, des travaux de rénovation, des revenus locatifs et des remboursements du capital des emprunts souscrits; c'est donc à tort que le 1er juge a fait une comparaison entre les deux cessions pour rejeter toute idée de donation;

-le juge des référés, dans sa décision du 16 décembre 1998, a bien retenu que Madame [V] [Q] et Monsieur [I] [D] étaient associés à égalité et donc, qu'il avait reçu des parts de sa mère de façon nominative; or, cette décision est définitive et n'a pas fait l'objet de critique de la part de Madame [V] [Q];

-la signature contestée de Monsieur [I] [D] sur l'acte du 1er mars 2014, alors que celle de Madame [X] [D] est authentique,' conforte l'existence de la donation faite';

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait dire que la donation n'a pas été acceptée, il y aurait lieu de dire que les parts en cause dépendent de la succession de Madame [X] [D]

-Madame [V] [Q] n'établit pas sa créance à hauteur de 122.103,02 euros;

-il n'y a pas lieu au prononcé d'une astreinte, le dispositif du jugement du 1er octobre 2015 étant précis s'agissant de la communication par les parties des documents nécessaires à l'établissement de l'état liquidatif;

-Monsieur [I] [D] n'a commis aucune résistance abusive et ne fait que valoir ses droits.

Par conclusions transmises par RPVA le 2 août 2017, Madame [V] [Q] demande à la cour essentiellement de:

-ordonner qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des parties et désigner un notaire avec mission d'y procéder;

-recevoir Madame [V] [Q] en son appel incident;

les parts numérotées 1 à 5

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Monsieur [I] [D] ne prouvait pas de créance en qualité d'héritier de Madame [X] [D] à l'encontre de la SCI Les Rouges Barres mais l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de paiement de la contre-valeur des parts numérotées 1 à 5, soit la somme de 122.013,02 euros;

-subsidiairement, ordonner à Monsieur [I] [D] de produire à Maître [O] les preuves et pièces justificatives sont il entend se prévaloir et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et se réserver la liquidation de l'astreinte;

les parts numérotées 6 à 10

-constater que Monsieur [I] [D] ne remet plus en cause l'existence de l'acte de cession du 1er mars 2014;

-dire que les parts numérotées 6 à 10 sont des acquêts de communauté depuis le 1er mars 2014 et confirmer le jugement entrepris à ce sujet;

-infirmer le jugement en ce qu'il a écarté sa demande en paiement de la somme de 61.051,61 euros correspondant à la contre-valeur de ces parts et, jugeant de nouveau, lui allouer cette somme;

-dire Monsieur [I] [D] irrecevable en sa demande de requalification de la cession du 1er mars 2014 en donation et à titre subsidiaire, le dire mal-fondé;

-dire la demande de Monsieur [I] [D] de voir les parts numérotées 6 à 10 lui revenir en propre au titre de la succession de Madame [X] [D] irrecevable en application du principe de l'estoppel et à titre subsidiaire, la dire mal fondée;

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Madame [V] [Q] au titre des dommages et inétrêts et frais irrépétibles

Statuant de nouveau,

-condamner Monsieur [I] [D] au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive;

-condamner Monsieur [I] [D] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement d le'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel en ce compris le remboursement du timbre fiscal de 225 euros.

A l'appui de ses prétentions, Madame [V] [Q] présente les moyens suivants:

-les parts socilales numérotées 1 à 5 de la SCI constituent un bien propre, ce que Monsieur [I] [D] ne conteste pas;

-Monsieur [I] [D], malgré ses promesses, est incapable de produire la preuve d'une quelconque créance de sa mère; Madame [V] [Q] doit donc percevoir la contre-valeur des parts de la SCI numérotées 1 à 5, soit la somme de 122.103,02 euros;

-si la cour écarte cette demande, elle enjoindra à Monsieur [I] [D] de produire au notaire désigné, Maître [O], tous documents justificatifs et ce, sous astreinte.

-les parts sociales numérotées 6 à 10 de la SCI constituent un bien de la communauté;

-Monsieur [I] [D] est prescrit dans sa demande de requalification de l'acte de cession du 1er mars 2014 en donation ou en bien de succession et cette prescription n'est pas un argument nouveau en cause d'appel;

-Monsieur [I] [D] a revendiqué sa qualité d'associé dans la SCI dans certaines instances pour la contester ensuite dans la présente affaire et finir par reconnaître que l'acte de cession a bien existé; il se positionne ainsi en fonction de ses intérêts;

-Madame [V] [Q] a droit à la contre-valeur de la moitié des parts numérotées 6 à 10, soit la somme de 61.051,61 euros;

-Monsieur [I] [D], en cause d'appel, renonce à contester le fait qu'il y ait eu cession de parts le 1er mars 2014 tout en sollicitant la requalification de l'acte en donation;

-il n'y a pas eu intention libérale de la part de Madame [X] [D] et cela se déduit des précisions mêmes de la rédaction de cet acte;

-l'ordonnance de référé du 16 décembre 2008 n'a pas autorité de la chose jugée d'autant qu'elle ne statuait pas sur la propriété des parts sociales litigieuses;

-Monsieur [I] [D] n'a pas expressément accepté, conformément à l'article 932 du code civil, l'acte du 1er mars 2014 comme étant une donation;

-Monsieur [I] [D] ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'il a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers; il ne peut donc soutenir subsidiairement que les parts de la SCI conserveraient, même en l'absence d'acceptation de la donation, un caractère propre comme recueillies par succession, ces parts étant alors restées dans le patrimoine de sa mère, alors qu'il a renoncé en appel à contester la motivation du 1er juge a ce sujet;

-Monsieur [I] [D] est de mauvaise foi et tente de manière abusive de faire obstacle aux droits de Madame [V] [Q], y compris sur des biens qui lui sont propres; il doit en conséquence être condamné à des dommages et intérêts, aux frais irrépétibles et aux dépens, ce qui motive l'appel incident

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2017 et prorogée au 20 septembre 2017.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article 267 du code civil que le juge , à défaut d'un règlement conventionnel par les époux, statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux dans les conditions fixées par les articles 1361 et 1378 du code de procédure civile s'il est justifié par tous moyens des désaccords subsistant entre les parties.

En l'espèce, le désaccord subsistant des parties est établi par le projet d'acte liquidatif dressé le 6 mai 2017 par Maître [L] [H], notaire désigné.

Les parties n'ayant pas contracté de contrat de mariage portant sur leurs biens, ils sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts prévu par les articles 1393 et suivants du code civil; dans le cadre de ce régime, et en application de l'article 1402 du code civil, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de la communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application de la loi.

Les parts sociales de la SCI Les Barres Rouges numérotées 1 à 5

Monsieur [I] [D] ne conteste pas avoir cédé les parts numérotées 1 à 5 à Madame [V] [Q] avant mariage le 5 juin 1998 et reconnaît leur caractère de bien propre à l'égard de son ex-épouse; aucun débat n'existe donc à ce titre.

La demande de Madame [V] [Q] d'enjoindre à Monsieur [I] [D] de produire sous astreinte passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt toutes pièces justifiant de créances à son profit sera écartée, le jugement déféré ayant précisé qu'il appartiendra aux parties de produire devant le notaire les documents nécessaires à l'établissement de l'état liquidatif chiffré dans le délai imparti par celui-ci, à défaut de quoi elles pourront se voir déclarer irrecevables à émettre des contestations ultérieures. Madame [V] [Q] ne démontre pas en quoi ces précisions seraient insuffsantes.

Les parts sociales de la SCI Les barres Rouges numérotées 6 à 10

Le litige entre les parties porte sur la nature des parts de la SCI Les Barres Rouges numérotées 6 à 10 cédées à Monsieur [I] [D] par sa mère le 1er mars 2004, soit pendant la période de communauté ayant existé entre les époux.

Monsieur [I] [D] ne conteste plus en appel la validité de l'acte de cession intervenu le 1er mars 2004.

Il conteste la nature d'acquêts de communauté des parts ainsi cédées en prétendant que la cession est en réalité un acte de donation car faite à vil prix, à savoir 1 euro.

Madame [V] [Q] soutient au visa des dispositions de l'article 2224 du code civil que cette demande de requalification est prescrite et ce, soit depuis le 2 mars 2009 au regard de l'acte de cession, soit à compter du 16 décembre 2013, au regard de la date de l'ordonnance de référé du 16 décembre 2008 , Monsieur [I] [D] ayant reconnu dans la procédure de référé être associé de la SCI Les Barres Rouges (donc, détenteur des parts sociales litigieuses).

Ce moyen n'est pas nouveau comme ayant déjà été soutenu par l'intéressée dans ses écritures de première instance (cf piéce 21 page 6 et 7).

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou auraît du reconnaitre les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, l'acte de cession des parts date du 1er mars 2004; or, il résulte de la lecture de l'ordonnance de référé du 16 décembre 2008 que Monsieur [I] [D], défendeur à la procédure de référé engagée par Madame [V] [Q], avait soutenu que la cession du 1er mars 2004 avait été faite en sa faveur ' à titre nominatif' et non en faveur de la communauté; cette affirmation, ensuite reprise dans les échanges entre parties dans le cadre de la procédure de partage en 2010 (cf pièce 12 de Madame [V] [Q]) a été développée dans la présente procédure à l'appui de la demande de qualification de la cession en 'donation'; la prétention soutenue par Monsieur [I] [D] est donc formulée, même dans d'autres termes, depuis 2008, soit dans le délai de cinq ans de l'acte du 1er mars 2004, et a été réitérée en 2010 et dans la présente procédure.

La demande de requalification de l'acte de cession en donation n'est en conséquence pas prescrite.

Pour fonder sa demande tendant à qualifier l'acte de cession du 1er mars 2004 en 'donation', Monsieur [I] [D] affirme qu'il y a eu donation car la cession a été faite 'à vil prix'; il précise ensuite que le juge des référés a retenu qu'il était en 2008 associé à parts égales avec Madame [V] [Q] dans la SCI Les Barres Rouges et donc, qu'il avait reçu des parts sociales de sa mère de façon nominative; il affirme que la décision de référé du 16 décembre 1998 a désormais l'autorité de la chose jugée et qu'en quelque sorte, ne peut plus être remis en cause le caractère de donation de l'acte de cession; enfin, il affirme que sa signature contestée sur l'acte de cession, alors que celle de sa mère est authentique, 'conforte l'existence de la donation ainsi faite'.

Ne s'appuyant sur un acte authentique de donation entre vifs, puisqu'il conteste toujours la validité de sa signature sur l'acte du 1er mars 2004, Monsieur [I] se fonde au vu des moyens ci-dessus précisés sur l'existence d'une donation déguisée à son profit, l'acte de cession à titre onéreux étant selon lui une donation faite par sa mère à son seul profit et devant en conséquence être requalifié comme tel.

Or, le déguisement de la donation entre vifs repose sur une hypothèse de simulation qui consiste à proclamer faussement la présence d'une catégorie juridique, autre que celle de la libéralité, qui puisse justifier l'enrichissement du donataire, les parties à la donation faisant croire à l'aide d'éléments trompeurs, soit que l'appauvrissement du disposant a été compensé par un sacrifice équivalent du gratifié, soit qu'il existe une cause antérieure justifiant l'avantage consenti. L'apparence trompeuse ainsi créée ne doit pas laisser percer sa nature mensongère, le déguisement devant être parfait, la donation déguisée devant observer les conditions de l'acte dont elle emprunte l'apparence.

Le déguisement suppose en premier lieu le respect des formalités imposées à l'acte fictif, et en second lieu, est subordonné à la mention dans l'écrit dressé pour l'occasion des éléments catégoriques de l'apparence trompeuse choisie, les parties étant, en matière de vente, tenues d'indiquer un prix; il appartient à la partie qui se prévaut du déguisement de la donation de rapporter la preuve de la simulation opérée.

En l'espèce, le fait pour Madame [X] [D] de vendre ses parts numérotés 6 à 10 pour 1 euro ne caractérise à l'évidence pas une hypothèse de simulation par usage d'éléments trompeurs.

Le fait que Monsieur [I] [D] conteste la régularité de sa signature de l'acte du 1er mars 2004 est indifférent à établir la simulation sus-dite ; enfin, il sera constaté que l'ordonnance du 16 décembre 2008 n'a nullement tranché un litige sur la cession litigieuse en retenant une cession 'nominative' des parts mais a uniquement ordonné la révocation de Madame [X] [D] de son mandant de gérante de la SCI Les Rouges Barres. Le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée sera en conséquence écarté.

Monsieur [I] [D] ne démontre pas en conséquence pas en quoi l'acte de cession litigieux a été rédigé avec une intention libérale de la part de Madame [X] [D].

Au surplus, il sera précisé que la nature de la cession intervenue entre Monsieur [I] [D] et sa mère s'inscrit dans leur rapport et que Monsieur [I] [D] ne peut invoquer sa propre turpitude, à savoir le déguisement de la donation, pour échapper à sa dette envers la communauté en contournant les dispositions impératives de l'article 1401 du code civil, ce qui reviendrait à commettre un recel afin de faire sortir de l'actif des valeurs qui sont communes par nature.

Faute de preuve de l'existence d'un acte authentique de donation entre vifs et faute de démonstration par Monsieur [I] [D] de l'existence d'une donation déguisée, la demande tendant à qualifier l'acte du 1er mars 2014 en donation est infondée; le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la demande de Monsieur [I] [D] à ce titre.

En conséquence, les valeurs des parts cédées le 1er mars 2014 sont des acquêts de communauté (et non les parts elles-mêmes ainsi que noté par le premier juge) et ces valeurs devront figurer dans la masse à partager, seule la communauté étant à ce stade créancière et non Madame [V] [Q].

L'argument de l'appelant formé à titre subsidiaire tendant à dire que les parts sociales cédées par sa mère 'lui reviennent au titre de la succession' est irrecevable en application du principe de l'estoppel, puisque l'intéressé a précisé dans ses écritures d'appel qu'il ne contestait plus le fait que ces parts avaient fait l'objet d'une cession régulière le 1er mars 2014; en tant que de besoin, il sera ajouté que, n'étant plus dans le patrimoine de Madame [X] [D] au décés de cette dernière, ces parts ne pouvaient entrer dans la succession de celle-ci.

Madame [V] [Q] demande à la cour de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 122.013,02 euros correspondant à la valeur des parts sociales numérotées 1 à 5 et sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de lui allouer la somme de 61.051,61 euros correspondant à la contre-valeurs des parts numérotées 6 à 10.

Le premier juge a retenu que des créanciers fiscaux restaient à désintéresser, que le prix de vente de l'immeuble à partager étant incertain et que l'administrateur provisoire de la SCI Les Barres, Rouges, Maître [L], n'avait pas arrêté les comptes de la société; sur ces éléments, Madame [V] [Q] ne fournit pas de pièces et ne donne pas de précisions nouvelles, ce qui ne permet pas en appel de fixer sa quote-part au titre de la valeur des parts sociales de la SCI Les Barres Rouges.

La demande faite au titre du paiement de la valeur des parts numérotées 1 à 5 sera en conséquence rejetée et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande en paiement faite au titre des parts numérotées 6 à 10 en renvoyant les parties devant le notaire liquidateur.

Il y a lieu de préciser que le notaire désigné pour procéder aux opérations de liquidation partage étant Maître [N] [O], notaire associé de la SARL [O] à [Localité 6], les parties seront renvoyées non devant le président de la chambre des notaires [Localité 4] mais devant Maître [N] [O].

Madame [V] [Q] ne démontrant pas que Monsieur [I] [D] a agit dans la présente instance par malice ou abus de droit, sa demande de dommages et intérêts sera écartée.

Puisqu' il succombe, Monsieur [I] [D] sera condamné aux dépens de l'appel.

Il n'est pas inéquitable de le condamner en outre à verser à Madame [V] [Q] aux titre des frais irrépétibles par elle engagés dans la présente instance une indemnité d'un montant de 3.000 euros.

Par ces motifs,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Confirme le jugement déféré sous les précisions suivantes:

-ce ne sont pas les parts de la SCI Les Barres Rouges numérotées 6 à 10 qui sont des acquêts de communauté mais leur valeur et seule celle-ci sera reprise dans la masse à partager;

-les parties seront renvoyées devant Maître [N] [O], notaire à [Localité 6], pour les opérations de comptes, liquidation partage de leurs intérêts pécuniaires respectifs;

Ecarte les demandes contraires des parties;

Ecarte le surplus des demandes de Madame [V] [Q], sauf s'agissant de l'application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens d'appel;

Condamne Monsieur [I] [D] à verser à Madame [V] [Q] une indemnité de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Monsieur [I] [D] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 15/21986
Date de la décision : 08/11/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°15/21986 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-08;15.21986 ?
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