COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 03 NOVEMBRE 2017
N° 2017/
Rôle N° 15/11047
[N] [Q]
C/
Association VACANCES TOURISME FAMILLE VTF AIX EN PROVENCE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Marjorie BOYER RAVANAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Laurent BANBANASTE, avocat au barreau de LYON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE - section - en date du 02 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/00093.
APPELANT
Monsieur [N] [Q], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Marjorie BOYER RAVANAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 9
INTIMEE
Association VACANCES TOURISME FAMILLE VTF AIX EN PROVENCE intimé : VACANCES TOURISME FAMILLE, ssociation loi 1908, prise en la personne de son représentant légal en exercice, l'adresse est celle de l'établissement d'[Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laurent BANBANASTE, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2017.
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Embauché le 29 mai 2000 par l'association Vacances Tourisme Familles (VTF) en qualité de responsable d'exploitation des séjours, branche jeunes, puis promu directeur de secteur, Monsieur [N] [Q] a été désigné en qualité de directeur général de l'association à compter du 17 juin 2012 ; au dernier état de la relation contractuelle, régie par la convention collective du tourisme social et familial, il percevait un salaire brut de 7.458,76 € outre une prime de 13ème mois et divers avantages en nature.
Par lettre recommandée du 3 octobre 2013, alors que son contrat de travail était suspendu pour maladie depuis le 1er août 2013, il a fait l'objet d'une mise à pied qualifiée « conservatoire » prononcée pour le motif d'avoir agi bien au delà de ses attributions, sans consultation du comité exécutif et de façon préjudiciable à l'intérêt social, qu'il a contestée par courrier du 07 octobre 2013, puis a été convoqué par lettre du 12 novembre 2013 pour le 20 novembre suivant à un entretien préalable au licenciement auquel il ne s'est pas présenté mais qui a été suivi d'un échange épistolaire entre les parties, et a été licencié par lettre datée du 19 et postée le 20 décembre 2013 pour faute lourde pour avoir conclu et signé de sa propre initiative deux transactions anti-datées dans des procédures de départs négociés de deux salariés ayant le statut de cadre à qui il avait ainsi, dans le but de nuire à l'association, accordé des sommes beaucoup plus importantes que celles résultant des conventions de rupture conventionnelle conclues avec eux.
Se plaignant de la vindicte à son encontre du nouveau président de l'association à qui il reproche de l'avoir exclu de l'entreprise dès le mois de juillet 2013, s'affirmant d'une entière loyauté envers l'employeur et s'estimant victime d'un licenciement non seulement prononcé en violation de la prohibition de double sanction pour un même fait, mais encore vexatoire et fondé sur des faits non fautifs et parfaitement connus et acceptés de l'employeur, Monsieur [Q] a, le 14 janvier 2014, saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, qui, par jugement du 02 juin 2015 a ainsi statué :
' dit qu'il n'y a pas faute lourde et requalifie le licenciement en faute grave
' déboute Monsieur [N] [Q] de l'intégralité de ses demandes
' le condamne au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
' déboute les parties du surplus de leur demande
' condamne Monsieur [N] [Q] au dépens de l'instance
Par déclaration transmise par le réseau RPVA le 17 juin 2015, Monsieur [N] [Q] a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 11 juin 2015.
Par conclusions déposées le 13 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence, par application de l'article 455 du code procédure civile, pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, il demande à la cour de :
Vu les articles L1232-6 et suivants du code du travail.
Constater que Monsieur [Q] a fait l'objet d'un licenciement verbal dès le mois de septembre 2013 date à laquelle, la rupture de son contrat est manifeste.
Dire et juger le licenciement de Monsieur [Q] irrégulier et sans cause réelle et sérieuse en l'absence de procédure et de motivation ;
A défaut,
Vu les articles L 1332-3 du code du travail
Dire et juger que la mise à pied en date du 3 octobre 2013 s'analyse en une mise à pied disciplinaire en l'absence d'engagement concomitant de toute procédure de licenciement, sans raison ;
Constater que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en notifiant cette mise à pied,
Dire et juger le licenciement notifié le 23 décembre 2013 pour ces mêmes motifs sans cause réelle et sérieuse,
A défaut,
Vu les articles L1332-2, L 1332-4 et suivants du code du travail
Constater que l'engagement de la procédure de licenciement est intervenue plus de deux mois après la découverte des faits.
Constater que le licenciement notifié en date du 20 décembre 2013 par courrier présenté le 23 décembre est intervenu plus d'un mois après la date fixée pour l'entretien préalable ;
Dire et juger prescrite la procédure de licenciement et dès lors dépourvue de toute cause réelle et sérieuse ;
A défaut,
Constater l'absence de faute lourde, de faute grave et l'absence de toute cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement de Monsieur [Q]
Vu les articles L 1235-3 du code du travail,
Vu le salaire moyen de Monsieur [Q] sur les 12 derniers mois d'un montant de 8080,80 euros brut
Vu son ancienneté,
Condamner l'association VTF à verser à Monsieur [Q] les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de congés payés N : 12,5 jours : 3679 euros
- préavis 3 mois : 22 376,28 euros ( 7458,76 euros x 3 mois)
- congés payés sur préavis : 2 237,62 euros -
- indemnité de licenciement calculée sur la base de 8080,80 euros ( 13eme mois inclus pour 13 ans et 10 mois d°ancienneté) : 41 346,76 euros
- solde de 13ème mois sur l'année 2013 : 1538 euros
- solde de 13ème mois sur l'année 2014 : 1615,65 euros (calculée à 1'issue du préavis soit le 23 mars 2014)
- dommages et intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi et du préjudice financier, professionnel et personnel en résultant : 180 000 euros
Constater les conditions particulièrement vexatoires de ce licenciement et condamner l'association à la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et que les intérêts seront capitalisés
Ordonner sous astreinte de 150 euros par jour de retard la remise d'une attestation pôle emploi conforme et de bulletins de salaire conformes aux condamnations.
Se réserver le droit de liquider les astreintes
Ordonner a l'employeur le remboursement des indemnités chômages versées par Pôle Emploi.
Condamner l'association au titre de l'article 700 du CPC à la somme de 6 000 euros
La condamner aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 13 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence, pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, l'association VTF demande à la cour, au visa des articles L.1333-1, L.1333-2, L.1332-4, L.1232-2, L.1235-1, L.1234-5, L.1234-9 et L.1235-3 du code du travail et des pièces versées au débats, de :
Declarer Monsieur [N] [Q] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter,
Dire et Juger que la mise a pied conservatoire notifiée a Monsieur [Q] le 3 octobre 2013 qui n'a pas le caractère de sanction disciplinaire car effectuée dans l'attente d'une sanction définitive est régulière et bien fondée ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé par une cause réelle et sérieuse,
Infirmer le licenciement en ce qu'il a requalifié la rupture en licenciement pour faute grave.
Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [Q] est fondé sur une faute lourde, constitutive une cause réelle et sérieuse ;
Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [Q] n'est pas intervenu dans des conditions vexatoires;
Debouter Monsieur [Q] du chef de toutes ses demandes ;
Condamner Monsieur [Q] à payer la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [Q] aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
La régularité de l'appel interjeté dans les conditions ci-dessus décrites, n'est pas contestée.
1- Sur le licenciement
1-a- prononcé verbalement
S'il établit qu'avant l'entretien préalable, ou même avant l'engagement de la procédure de licenciement, l'employeur a sans équivoque manifesté sa volonté de mettre fin de façon irrévocable à son contrat de travail, le salarié peut se prévaloir d'un tel licenciement verbal qui, selon l'article L.1232-6 du code du travail, n'étant pas motivé est de plein droit dépourvu de cause réelle et sérieuse, et rend sans objet le licenciement ultérieurement prononcé à l'issue de la procédure légale.
En l'espèce Monsieur [N] [Q] s'affirme victime d'un licenciement verbal en soutenant qu'officieusement, alors qu'il se trouvait toujours en arrêt de travail au début du mois de septembre 2013, 'le Président annonçait à qui voulait l'entendre' qu'il ne remettrait plus les pieds au sein de l'association et, qu'officiellement, dès ce même mois de septembre, il disparaissait des documents officiels, n'était plus mentionné au comité de direction et n'était pas convoqué en sa qualité de directeur à la prochaine rencontre nationale qui devait se tenir le 19 septembre alors que son arrêt de travail devait se terminer le 15 septembre ;
à l'appui de ces affirmations l'appelant produit :
' un courriel en date du 2 septembre 2013 à 11h02 adressé par Madame [X] [U], assistante de direction, à une série de destinataires, parmi lesquels Monsieur [Q] ne figure pas, portant convocation à la rencontre nationale du 19 septembre 2013 ;
' son propre courrier de protestation adressé au président le 10 septembre 2013,
' le courrier de mise à pied en date du 03 octobre 2013, ainsi rédigé :
'Je fais suite à votre courrier du 10 septembre 2013 qui n'a pas manqué de surprendre les membres du Comité Exécutif de VTF.
Notre association entend contester catégoriquement vos affirmations selon lesquelles :
- Elle aurait ' usé de méthodes regrettables employées dans le but de discréditer votre travail' ,
- Vous auriez « fait l'objet d'une mise à l'écart alors que vous auriez toujours travaillé dans un esprit collaboratif ».
Bien au contraire, vous n'avez nullement été mis à l'écart et bridé dans l'exercice de vos fonctions.
A telle enseigne que vous avez agi bien au-delà de vos attributions, sans la moindre consultation du Comité Exécutif de façon préjudiciable à l'intérêt social.
Nous avons en effet découvert des faits d'une extrême gravité qui rendent impossible la poursuite de vos fonctions au sein de l'association.
Compte tenu des griefs retenus à votre encontre, nous vous mettons à pied à titre conservatoire dans l'attente du déroulement de la procédure.
Cette mesure prendra effet à l'issue de votre arrêt de travail, soit le 12 octobre 2013.
Pendant cette période, nous vous demandons donc de ne plus vous présenter dans les locaux de l'association et de n'avoir aucun contact avec les clients et fournisseurs de VTF.
Par ailleurs, vous voudrez bien nous remettre immédiatement le badge et la clef dont vous disposez pour accéder aux locaux de l'entreprise ainsi que la carte bleue, l'ordinateur portable, le téléphone portable et le véhicule mis à votre disposition par l'association.
L'ensemble de ces éléments sont à remettre à Madame [B] [J] - Directrice des Ressources Humaines de l'association.'
' un document intitulé : « e. 30 bis L'e.journal interne mensuelles de VTF » « n° 10. oct. 2013 » [*], ainsi libellé :
' UN MOMENT D'ENTREPRISE...
Notre association vit une période un peu bousculée en ce moment. A la mise à pied à titre conservatoire du Directeur Général, suite à une décision du CA, qui a analysé que ce dernier n'avait pas assuré une bonne prise en compte des différentes fonctions du poste, s'en est suivi 3 départs volontaires, dont le dernier en date est celui de [B] [J] qui a quitté l'entreprise le 27/10/13.
Des mesures d'urgence ont été prises, notamment dans le secteur de l'exploitation, en demandant à [J] [P] de consacrer beaucoup plus de temps à cette fonction et d'alléger, autant que possible, sa fonction patrimoniale et en rappelant [G] [F] pour renforcer le secteur pendant quelques temps.
Des mesures à moyen terme sont en train de se mettre en place, avec notamment, le remplacement du poste de DRH. 3 candidatures ont été préselectionnées, sur la centaine d'offres reçues, et le process de sélection se met en place avec notre cabinet conseil.
Le poste de Directeur Général, devrait être pourvu au cours du 1er semestre 2014.
Là aussi le recrutement avance. La validation des candidatures se fait en accord avec le CA et notre cabinet. (...)[*]' [ *caractère gras ajouté pour les besoins de la démonstration].
' l'annuaire interne intitulé ' VTF Répertoire.siège ' n° 35 en date de novembre 2013 dans lequel, à la rubrique ' Direction Générale ' ne figurent que les noms et coordonnées de Monsieur [Q] [V], Président, et de Madame [X] [U], assistante de Directeur, et aucune indication du poste de Directeur-Général ni de son titulaire.
Ces pièces établissent sans équivoque que l'employeur avait en effet, avant même le prononcer de la mise à pied, l'intention irrévocable de licencier Monsieur [N] [Q] puisque, dès fin octobre 2013 il avait annoncé dans la publication interne, que le recrutement de son remplaçant 'avançait' et qu'il avait suscité des candidatures dont la validation se faisait de concert avec le conseil d'administration.
1-b- prononcé par lettre du 19 décembre après la mise à pied du 03 octobre 2013
Même si elle est sans objet, puisque précédée d'un licenciement verbal, la rupture du lien contractuel prononcée par lettre du 19 décembre 2013 est également dépourvue de cause comme prononcée en violation de l'interdiction de la double sanction pour les mêmes faits.
En effet, la mise à pied qui n'est pas immédiatement suivie de la convocation à l'entretien préalable perd, nonobstant sa qualification, son caractère conservatoire et s'analyse en une mise à pied disciplinaire, sauf si le report d'engagement de la procédure de licenciement est justifié, soit par la nécessité pour l'employeur, de disposer d'un délai indispensable afin de mener à bien les investigations nécessaires sur la nature, les circonstances exactes et l'ampleur des faits reprochés au salarié avant de se déterminer sur la pertinence de procéder à un licenciement pour faute grave ou lourde, soit si les faits reprochés au salarié donnent lieu à l'exercice de poursuites pénales et justifient une telle suspension du contrat de travail ;
dans cette dernière hypothèse il résulte de l'article L.1332-4 du code du travail que l'interruption de la prescription bimestrielle ne joue que si les poursuites pénales, - qui s'entendent comme celles qui résultent de l'action publique déclenchée sur l'initiative du ministère public, de la plainte avec constitution de partie civile ou de la citation directe de la victime -, ont été engagées dans les deux mois de la date à laquelle l'employeur ou le supérieur hiérarchique en a eu connaissance ;
En l'espèce l'association V.T.F soutient, d'une part, qu'eu égard à la gravité des faits reprochés à Monsieur [N] [Q] et à la nécessité de caractériser l'usage des documents antidatés, elle a été contrainte de procéder à une enquête qui légitime le report de la convocation à l'entretien préalable, d'autre part que le dépôt de plainte du 15 novembre 2013 a interrompu et suspendu la prescription bimestrielle.
Cependant cette simple plainte non suivie de l'engagement de poursuites n'a eu aucun effet interruptif de prescription.
Par ailleurs il résulte des pièces produites et notamment du procès-verbal de dépôt de plainte du 15 novembre 2013, que l'employeur avait connaissance des faits fautifs depuis le début du mois d'août 2013, ainsi qu'il l'a lui-même indiqué aux services de police : ' Nous étions début août et dans les dossiers, deux protocoles d'accord valant transaction-désistement d'instance et d'action étaient signés par le directeur général Monsieur [Q] et chaque employé, pour l'un en date du 20/09/2013 et pour l'autre en date du 18/09/2013. Ces deux documents étaient donc anti datés...';
si l'on peut admettre qu'après avoir fait dresser, le 4 septembre 2013, un procès-verbal de constat auquel ont été annexés ces deux protocoles d'accords, il ait attendu que les deux salariés concernés se manifestent pour réclamer les sommes objet desdits protocoles argués de faux, il est certain qu'après avoir reçu, les 25 septembre et 1er octobre 2013, les courriers des ces salariés réclamant l'exécution des protocoles, l'employeur a eu une connaissance complète des faits en sorte que le 03 octobre 2013, jour du prononcer de la mise à pied conservatoire, le report pour enquête de la convocation à l'entretien préalable n'était pas indispensable, ni même utile ;
ainsi, dès lors que sans motif sérieux, elle n'a pas immédiatement été suivie de la convocation à l'entretien préalable la mise à pied prononcée le 03 octobre 2013, nonobstant sa qualification, s'analyse en une mise à pied disciplinaire qui a épuisé le pouvoir de sanction de l'employeur.
Le jugement entrepris sera donc infirmé.
2- sur les conséquences de l'absence de cause du licenciement
Il résulte des bulletins de salaire, et d'ailleurs non contesté par l'employeur, que le salaire brut de Monsieur [Q] s'élevait à 7.458,76 euros sur 13 mois soit un salaire moyen de 8.080,32 euros;
Il avait 13 ans et 7 mois d'ancienneté au jour du licenciement au sein d'un effectif de plus de 10 salariés.
2-a l'indemnité compensatrice de préavis
En application des disposition combinées de l'article L1234-1 du code du travail et 54 de la convention collective applicable qui dispose : ' (...) après la période d'essai, la durée du délai-congé (préavis) est fixée comme suit : (...) Cas de licenciement : (...) Pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté : - 2 mois pour les employés, les ouvriers, les agents de maîtrise - 3 mois pour les cadres ', Monsieur [N] [Q], cadre, a vocation à percevoir l'indemnité équivalente à trois de salaire qu'il réclame, soit :
[7.458,76 € x 3 = ] 22.376,28 €, outre l'incidence congés payés de 2.237,62 € ;
2-b l'indemnité de licenciement
En application des disposition combinées de l'article L1234-9 du code du travail et 55 de la convention collective applicable Monsieur [N] [Q], a vocation à percevoir une indemnité de licenciement calculée sur la base de son ancienneté augmentée du délai congé, soit 13 ans et 10 mois, et du salaire moyen incluant le 13ème mois.
L'article 55 de la convention collective est ainsi rédigé :
Article 55
En vigueur étendu
Une indemnité de licenciement, distincte de celle du délai-congé, est allouée à tout salarié licencié, sauf pour faute grave ou lourde de sa part, à condition qu'il compte au moins 1 an d'ancienneté effective dans l'entreprise au moment du congédiement.
Cette indemnité est calculée sur ces bases :
- pour la tranche des 5 premières années de travail effectif :
2/10 de mois par année, à compter de la date d'entrée dans l'entreprise ;
- à compter de la 6e année : 1/2 mois par année.
Le montant de l'indemnité ne peut excéder 8 mois de traitement. Pour toute année commencée, l'indemnité est versée au prorata du temps de travail accompli.
L'indemnité due est donc, dans la limite conventionnelle de 64.642,56 €, de :
[{(8.080,32 € x 0,20 x 5) + (8.080,32 € x 0,50 x 8) + (8.080,32 € x 0,50 x 10/12)} = ] 43.768,40 € ;
en application de l'article 5 du code de procédure civile cette somme sera ramenée à celle de 41.346,76 € réclamée par Monsieur [N] [Q].
2-c l'indemnité compensatrice de congés payés
Ainsi qu'il l'indique, Monsieur [N] [Q] a reçu paiement des congés payés acquis au titre de l'année 2012, soit pour 51 jours la somme de 15.010,81 € ainsi que cela ressort de son attestation Pôle emploi et que l'ont relevé les premiers juges, mais il a été privé des congés acquis au titre de l'année 2013, soit 12,5 jours ;
Il doit donc lui être allouée la somme de [(8080,32 /30 x l2,5)=] 3.366, 80 €
2-d solde sur prime de 13ème mois
L'article 30 de la convention collective stipule :
' Le personnel ayant atteint 1 an de présence consécutive et le personnel dénommé saisonnier titulaire, c'est-à-dire ayant travaillé au moins 1 an sur un laps de temps de 24 mois, bénéficient des avantages ci-après, versés à compter du 1er jour du 13e mois de présence :
- treizième mois attribué en une ou plusieurs fois, selon les usages des entreprises signataires. Lorsque le droit au treizième mois intervient en cours d'année, ce supplément de salaire est acquis au prorata du nombre de mois écoulés depuis la date de l'ouverture du droit ;
Il en est de même en cas de cessation de contrat. Une fraction de mois est payée pro rata temporis ;
(...) '
Monsieur [N] [Q] sollicite un solde sur la prime de 13ème mois ainsi calculée :
- sur l'année 2013 : 1.538,00 € ( 7458,76 - 5.920,83 réglés dans le solde de tout compte)
- sur l'année 2014 : 1.615,65 € (calculé à 1'issue du préavis soit le 23 mars 2014 )
Il y a lieu de lui accorder ces sommes.
2'-e sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L1235-3 du code du travail Monsieur [N] [Q] peut prétendre à une indemnité au moins égale aux salaires des six derniers mois ;
il sollicite des dommages et intérêts correspondant à 22 mois de salaire en faisant état d'une situation économique et familiale difficile, ayant trois enfants à charge, une épouse qui travaille à plusieurs centaines de kilomètres de leur lieu de résidence acquise à crédit peu avant le licenciement et précisant avoir été contraint de quitter un emploi à [Localité 2] qu'il avait eu du mal à trouver, en dépit d'exigences salariales revues à la baisse.
Compte tenu de l'âge, de l'ancienneté de Monsieur [N] [Q] au moment du licenciement et des autres circonstances de la cause, la cour fixe à 96.960 € le montant de l'indemnité que l'association V.T.F devra lui verser.
2-f sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
Les circonstances dans lesquelles le licenciement a été prononcé ne peuvent être qualifiées de vexatoires en sorte que la demande en dommages et intérêts de ce chef doit être rejetée.
2-g sur le remboursement des indemnités de chômage
L'article L.1235-4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Il y a lieu d'appliquer ce texte puisque les dommages et intérêts ont été accordés sur le fondement d'un des cas qu'il énumère.
3- Sur les frais non répétibles
Il serait inéquitable de laisser Monsieur [N] [Q] supporter l'intégralité de ses frais d'instance d'appel ; une somme de 1.500 € lui sera donc allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile
4- Sur les intérêts
Il résulte des dispositions combinées des articles 1146 et 1153, devenus 1231 et 1231-6 du code civil, et R.1452-5 du code du travail, que les créances salariales, légales ou conventionnelles portent de plein droit intérêts calculés au taux légal à compter, pour celles objets de la demande initiale, de la mise en demeure résultant de la citation devant le bureau de conciliation et d'orientation, c'est à dire à compter de la date de la réception par le défendeur de la convocation devant ce bureau - ou devant le bureau de jugement pour les affaires dispensées de conciliation -, et pour celles objets de demandes additionnelles ou reconventionnelles, à partir de la date à laquelle le défendeur a été informé de ces nouvelles demandes.
En l'espèce faute d'indication, dans les dossiers fournis par les parties et dans celui envoyé par le conseil des prud'hommes, de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation, les créances salariales objets de la demande initiale ont été connus de l'appelante lors de la tentative de conciliation du 07 février 2014, qui est donc, pour ces créances, la date de départ des intérêts légaux.
S'agissant des intérêts sur les créances indemnitaires, dont le régime est fixé par l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, ils courront, au taux légal, à compter de la date du présent arrêt.
S'agissant de la capitalisation, l'article 1343-2 du code civil qui s'est substitué à l'article 1154, dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
En l'espèce la demande porte sur des intérêts dus depuis plus d'un an.
5- Sur la remise de documents
l'association V.T.F remettra à Monsieur [N] [Q] un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Déclare le licenciement de Monsieur [N] [Q] irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne l'association Vacances Tourisme Familles (VTF) à payer à Monsieur [N] [Q] les sommes de :
1°) 22.376,28 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
2°) 2.237,62 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,
3°) 41.346,76 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
4°) 3.366, 80 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour l'année 2013,
5°) 1.538,00 € à titre de solde sur la prime de 13ème mois de l'année 2013,
6°) 1.615,65 € à titre de solde sur la prime de 13ème mois de l'année 2014,
Dit que ces sommes porteront intérêts calculés au taux légal à compter du 07 février 2014
7°) 96.960,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
8°) 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
Dit que ces sommes porteront intérêts calculés au taux légal à compter de la présente décision,
Dit que les intérêts échus depuis plus d'un an à la date de la demande de capitalisation produiront eux mêmes intérêts au taux légal.
Condamne l'association Vacances Tourisme Familles (VTF) à remettre à Monsieur [N] [Q] un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt et Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte.
Ordonne le remboursement par l'association Vacances Tourisme Familles (VTF) à Pôle Emploi Provence-Alpes-Cote d'Azur des indemnités de chômage versées à Monsieur [N] [Q], du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Rejette la demande en dommages et intérêts pour licenciement vexatoire présentée par Monsieur [N] [Q];
Condamne l'association Vacances Tourisme Familles (VTF) aux dépens de première instance et d'appel.
Le GreffierLe Président