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02/11/2017 | FRANCE | N°17/07330

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre c, 02 novembre 2017, 17/07330


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



1re chambre C



ARRÊT

DU 2 NOVEMBRE 2017



N° 2017/809













Rôle N° 17/07330







LE COMITÉ D'HYGIÈNE DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (CHSCT) ALTRAN MÉDITERRANÉE





C/



SA ALTRAN TECHNOLOGIES





















Grosse délivrée

le :

à :

Me SEMERIVA

Me TALLANDIER






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Décision déférée à la cour :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 1er mars 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/00201.





APPELANT



LE COMITÉ D'HYGIÈNE DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (CHSCT) ALTRAN ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re chambre C

ARRÊT

DU 2 NOVEMBRE 2017

N° 2017/809

Rôle N° 17/07330

LE COMITÉ D'HYGIÈNE DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (CHSCT) ALTRAN MÉDITERRANÉE

C/

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

Grosse délivrée

le :

à :

Me SEMERIVA

Me TALLANDIER

Décision déférée à la cour :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 1er mars 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/00201.

APPELANT

LE COMITÉ D'HYGIÈNE DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (CHSCT) ALTRAN MÉDITERRANÉE

dont le siège est [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Sophie SEMERIVA, avocat au barreau de Marseille, plaidant

INTIMÉE

LA SA ALTRAN TECHNOLOGIES

dont le siège est [Adresse 2]

et encore prise en ses sites du [Localité 1]

dont le siège est [Adresse 1]

représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de Marseille

assistée par Me Frédéric AKNIN, avocat au barreau de Paris

et Me Laure MARQUES, avocat au barreau de Paris, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 3 octobre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Lise Leroy-Gissinger, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Mme Geneviève TOUVIER, présidente

Mme Annie RENOU, conseillère

Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2017,

Signé par Mme Geneviève TOUVIER, présidente, et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

La société Altran Technologies (la société Altran) a une activité de prestations de services dans le domaine du conseil en innovation et ingénierie, et ses salariés sont essentiellement mis à la disposition des clients et travaillent sur leur site.

Par délibération du 23 octobre 2015, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail Altran Méditerranée (le CH SCT) a désigné le cabinet Physiofirm en qualité d'expert agréé pour l'aider à appréhender et évaluer le projet appelé « portail Smart RH », sur le fondement de l'article L. 4614 ' 12 du code du travail.

Le 4 décembre 2015, la société Altran a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, statuant en la forme des référés, aux fins d'annulation de cette délibération.

Par ordonnance du 1er mars 2016, cette juridiction a annulé la délibération en cause, a rejeté toutes autres prétentions et a condamné la société Altran à supporter les honoraires du conseil du CHSCT ainsi que les dépens de l'instance.

Le juge a retenu que le logiciel de gestion en cause n'occasionnait pas une modification des conditions de santé, de sécurité et des conditions de travail, même s'il entrait dans le cadre d'un projet important ayant justifié la consultation du comité central d'entreprise et des comités d'établissement. Il en a déduit que ce logiciel n'entrait pas dans le cadre légal de la consulation obligatoire du CHSCT qui, de par sa mission, contribue à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs.

Par déclaration du 23 mars 2016, le CHSCT a formé un appel général contre cette décision.

Par arrêt du 15 décembre 2016, l'affaire a été retirée du rôle à la demande des parties et rétablie le 7 avril 2017.

Par ses dernières conclusions du 24 mars 2017, le CHSCT demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son appel, de réformer la décision entreprise, de juger que la délibération du 23 octobre 2015 désignant l'expert sur le projet Smart RH ne pouvait être annulée, de rejeter la demande de la société Altran Technologies, de la condamner à mettre en oeuvre l'expertise sous asteinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt et de la condamner à lui verser la somme de 4500 euros au titre des honoraires en appel de l'avocat du CHSCT.

Le CHSCT soutient qu'en présence d'un projet important de modification de la technologie traitant du contrôle du temps de travail la société Altran était tenue au titre des dispositions de l'article L. 4612 ' 8 du code du travail de procéder à l'information consultation du CHSCT ce qu'elle n'a pas fait, se limitant à une simple information. Il en déduit que le CHSCT avait le droit de désigner un expert agréé.

Par ses dernières conclusions du 2 août 2017, la société Altran demande à la cour :

A titre principal,

- de juger illicite la désignation de l'expert intervenue de façon prématurée en marge de toute procédure d'information-consultation,

A titre subsidiaire,

- de juger irrecevable la désignation de l'expert par le CHSCT,

A titre infiniment subsidiaire,

- de constater que l'interface Smart RH ne modifie en rien les conditions de travail, de santé et de sécurité des salariés et ne saurait par voie de conséquence être qualifiée de projet important,

En conséquence,

- de confirmer l'ordonnance du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence et d'annuler la délibération,

En tout état de cause, à titre reconventionnel,

- de condamner le CHSCT à verser à la société la somme de 1 euro de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de l'appel interjeté de façon abusive,

- de constater le caractère abusif du recours à l'expertise et rejeter la prise en charge de frais de représentation et d'assistance en justice du CHSCT.

Motifs de la décision

Selon l'article L.4614-12 du code du travail, 'Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :

1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;

2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L.4612-8-1.'

Selon l'article L. 4612-8-1 du même code : 'Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.'

Dans sa délibération du 23 octobre 2015, le CHSCT expose que l'outil Smart RH 'prendrait en compte, par défaut, des heures imposées par l'employeur et non les heures réellement travaillées', les horaires effectivement réalisés ne pouvant être pris en compte. Il a donné pour mission à l'expert 'd'analyser les situations de travail actuelles ainsi que le projet de transformation afin d'établir un diagnostic des transformations prévues ou en cours et un pronostic de leurs effets sur les conditions de travail et la santé sur les salariés et d'aider le CHSCT à avancer des propositions de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail'.

Sur l'illicéité du recours à l'expertise :

Si la possibilité pour le CHSCT de recourir à une expertise, sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail est essentiellement destinée à lui permettre de rendre un avis plus éclairé dans les cas où l'employeur procède à sa consultation sur un projet important en application de l'article L. 4612-8-1 du même code, le texte ne limite pas les pouvoirs du CHSCT à cette hypothèse. En outre, la faculté pour le CHSCT de recourir à un expert ne peut être conditionnée par l'appréciation de l'employeur quant à l'importance et l'incidence du projet d'aménagement en cause et à la nécessité de procéder à une consultation de cette instance. Aucune illégalité ne peut donc résulter du fait que l'expertise ait été votée alors que l'employeur n'avait pas consulté le CHSCT sur le projet en cause en application de l'article L. 4612-8-1 du code du travail.

Sur l'irrecevabilité du CHSCT :

L'employeur soutient que la désignation de l'expert par le CHSCT, intervenue alors que l'information consultation du Comité central d'entreprise était close, est irrecevable.

Dès lors qu'il est retenu que la possibilité pour le CHSCT de recourir à un expert s'apprécie seulement au regard de l'existence d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1, le fait que la consultation des autres organes représentatifs du personnel, notamment le comité central d'entreprise, soit terminée ne prive pas le CHSCT de ses prérogatives. Celui-ci a en effet pour mission générale de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs de l'établissement, ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en la matière (article L. 4612-1 du code du travail).

En conséquence, la décision du CHSCT ne peut être déclarée 'irrecevable' ou annulée comme ayant été tardive.

La délibération ayant, en l'espèce, été prise au cours d'une réunion extraordinaire convoquée à la demande de deux des membres du CHSCT, elle a été régulièrement prise en la forme.

Sur la demande d'annulation de la délibération :

La société Altran soutient que le projet Smart RH ne constitue pas un projet important au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail.

Le logiciel Smart RH est un outil informatique mis en place pour la saisie du temps travail des salariés, qui remplace partiellement le logiciel préexistant, Minos, lequel ne permettait pas aux salairés de procéder à un décompte en heures de leur temps de travail. Il concerne tous les salariés de l'entreprise et notamment les consultants exerçant des missions dans les entreprises clientes. En ce qu'il constitue une modification de la façon dont les salariés sont en relation avec l'employeur au plan administratif (accès à divers documents concernant l'entreprise- annuaire, actualités - ou la situation personnelle du salarié - contrat de travail) et des conditions de comptabilisation de leur temps de travail (des heures, y inclus supplémentaires, astreintes, congés, récupérations...), il constitue incontestablement un projet important pour l'entreprise et les salariés.

Cependant, ce logiciel n'a pas induit de modification des conditions de travail des salariés, que ce soit du point de vue des horaires, des tâches à effectuer, des caractéristiques des postes de travail et de leur environnement ou des moyens mis à leur disposition. Il n'est pas de nature à affecter leur santé ou leur sécurité et ne créé pas de nouveaux modes de contrôle de leur travail ou de leurs horaires.

Le fait que ce logiciel puisse, le cas échéant, faire l'objet de critiques en raison du fait qu'il ne permet pas aux salariés d'inscrire les heures qu'ils ont effectivement réalisées, dès lors que les heures complémentaires et supplémentaires qui n'auraient pas fait l'objet d'une validation préalable du manager ne pourraient y être comptabilisées, ne peut conduire à considérer qu'il s'agit d'un projet modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail. Si les difficultés de gestion du temps de travail créées pour les consultants par le fait qu'ils travaillent dans les locaux d'autres entreprises, dont les salariés peuvent avoir d'autres horaires que les leurs et des demandes parfois imprévues des clients, sont réelles, il n'est pas démontré qu'elles seraient nées de l'implantation du nouveau logiciel ou en auraient été aggravées.

Dans ces conditions, la décision de première instance sera confirmée.

Aucun abus n'est caractérisé à l'encontre du CHSCT qui n'a fait que mettre en oeuvre des droits qu'il tient de la loi et sur l'étendue desquels il a pu, de bonne foi, se méprendre. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Altran sera donc rejetée ainsi que celle tendant à voir rejeter la demande du CHSCT de prise en charge de ses frais.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Rejette les demandes de la société Altran Technologies tendant à voir déclarer la désignation de l'expert illicite ou irrecevable,

- Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société Altran Technologies,

- Condamne la société Altran Technologies à verser au CHSCT Altran Méditerranée la somme de 4500 euros au titre des honoraires de son conseil,

- Condamne la société Altran Technologies aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 17/07330
Date de la décision : 02/11/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°17/07330 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-02;17.07330 ?
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