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31/10/2017 | FRANCE | N°16/01294

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 31 octobre 2017, 16/01294


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2017

A.V

N° 2017/













Rôle N° 16/01294







Etablissement Public DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES





C/



[K] [H] épouse [T]





















Grosse délivrée

le :

à :Me Desombre

Me Badie

















©cision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02457.





APPELANTE



DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Direction Départementale des Finances Publiques des Alpes Maritimes, représentée par son Directeur en e...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2017

A.V

N° 2017/

Rôle N° 16/01294

Etablissement Public DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

C/

[K] [H] épouse [T]

Grosse délivrée

le :

à :Me Desombre

Me Badie

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02457.

APPELANTE

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Direction Départementale des Finances Publiques des Alpes Maritimes, représentée par son Directeur en exercice domicilié en cette qualité en ses bureaux, [Adresse 1]

représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [K] [H] épouse [T]

née le [Date naissance 1] 1964 , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Pierre-Jean CIAUDO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2017,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [K] [H] a fait l'acquisition, le 17 avril 2009, d'un appartement sis à [Adresse 2], au prix de 800 000 euros, et le 17 décembre 2009, d'un box-garage, au prix de 15 000 euros, payés à hauteur de 851 940 euros au moyen de fonds avancés par M. [Y] [T], alors marié sous le régime de la communauté avec Mme [Z] [Q], ce qui a fait l'objet d'une reconnaissance de dette du même jour. Elle a, à la suite de la revente, le 1er septembre 2010, de l'appartement plus petit dont elle était propriétaire à la même adresse, reversé la somme de 429 725 euros sur le compte bancaire de M. [Y] [T] qui était, depuis le 7 juin précédent, devenu son époux et lui a fait donation, suivant acte du 18 décembre 2010, de la moitié indivise de l'appartement acquis le 17 avril 2009 et du box-garage acquis le 17 décembre 2009, pour une valeur déclarée de 407 500 euros.

L'administration fiscale a adressé à Mme [K] [H], le 23 juin 2011, une proposition de rectification à hauteur d'une somme de 383 373 euros en droits et pénalités concernant l'acquisition du 17 avril 2009, requalifiée en donation indirecte en raison de son financement.

A la suite du rejet de ses observations et du refus de réponse à sa réclamation du 22 novembre 2011, Mme [K] [H] a, par acte d'huissier du 22 avril 2013, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nice le directeur général des finances publiques pris en la personne du directeur départemental des finances publiques des Alpes Maritimes pour voir dire qu'il n'y a jamais eu de libéralité entre M. [Y] [T] et elle et lui accorder le dégrèvement de l'imposition mise en recouvrement à hauteur de 383 373 euros en droits et pénalités, outre la condamnation de l'administration fiscale à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du  11 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Nice a déclaré la procédure de rectification régulière mais a accordé à Mme [K] [H] le dégrèvement de l'imposition mise en recouvrement à hauteur de 383 373 euros. Il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné le directeur départemental des finances publiques des Alpes Maritimes aux entiers dépens, limités aux frais prévus par l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales.

Il a retenu, sur la procédure, que l'administration fiscale avait procédé à la rectification, au visa de l'article L 55 du livre des procédures fiscales, selon les modalités de la procédure contradictoire, sans qu'il y ait lieu de recourir à la procédure d'abus de droit puisque la rectification procédait d'une requalification de l'acte indépendamment de toute simulation.

Il a considéré, sur le fond, que M. [Y] [T] n'avait eu aucune intention libérale envers Mme [K] [H] qui n'avait pas expressément accepté une telle donation puisque :

les concubins ont établi une reconnaissance de dette, le jour même de l'acte d'acquisition de l'appartement,

M. [Y] [T] n'a pas renoncé à réclamer l'exécution de l'obligation de remboursement puisque Mme [K] [H] lui a, dès la vente de son premier appartement, viré la somme de 429 725 euros le 17 septembre 2010 et qu'elle a apuré sa dette en lui donnant la moitié indivise de l'appartement acquis le 18 décembre 2010,

Ce remboursement est intervenu avant la mise en 'uvre de la procédure de rectification qui lui a été notifiée le 23 juin 2011.

L'administration fiscale a interjeté appel de ce jugement suivant déclaration d'appel en date du 25 janvier 2016.

-------------------

La direction générale des finances publiques, en l'état de ses écritures n°2 signifiées le 27 mai 2016, demande à la cour de constater que Mme [K] [H] a fait l'objet d'une donation d'un montant de 422 215 euros correspondant au solde non remboursé du prêt consenti par les époux [T]-[Q], d'annuler le jugement entrepris ou à tout le moins l'infirmer et dire que les impositions supplémentaires sont fondées.

Elle soutient que l'imposition est bien fondée, considérant que la fraction du prêt non remboursée correspond à une donation indirecte, l'intimée ne pouvant se prévaloir de la donation de la moitié du bien indivis comme modalité de remboursement de ce prêt.

Pour établir l'existence d'une donation indirecte, elle expose :

Que l'intention libérale de M. [Y] [T] à l'égard de Mme [K] [H] ressort d'un faisceau d'indices, notamment l'absence de mention dans l'acte d'acquisition des modalités de paiement par un prêt, la renonciation au privilège du prêteur de deniers, l'absence de mention des modalités de remboursement des fonds, l'absence d'enregistrement de la reconnaissance de dette et de mention, sur la déclaration d'ISF de M. [Y] [T], de sa créance à l'égard de Mme [K] [H], ainsi que le caractère disproportionné du prêt par rapport aux facultés financières de celle-ci ;

Que Mme [K] [H] a accepté les sommes qui lui étaient ainsi consenties ;

Que M. [Y] [T], pourtant averti en raison de sa qualité de directeur de banque, en ne prenant aucune garantie pour le remboursement des fonds s'est dessaisi irrévocablement alors qu'il savait que Mme [K] [H] n'avait pas les moyens de le rembourser intégralement ; que Mme [Z] [Q], son épouse, intervenue comme co-emprunteur du prêt souscrit par M. [Y] [T] pour financer l'acquisition de Mme [K] [H], n'a reçu aucun remboursement et que l'état liquidatif de leur communauté intervenu le 23 décembre 2009 ne fait aucun état de cette créance de la communauté contre Mme [K] [H] ; que c'est sur la somme de 422 215 euros correspondant au différentiel entre le montant du prêt et le montant du remboursement partiel effectué que le critère de dépouillement irrévocable est rempli.

Elle ajoute que la donation de la moitié indivise de l'appartement ne peut être prise en considération pour les motifs suivants :

Les montants ne sont pas corrélés puisque l'évaluation de la donation (407 500 euros) est inférieure au solde du prêt restant dû ;

La donation ne profite qu'à M. [Y] [T] et non à son ex-épouse, Mme [Z] [Q], pourtant créancière du solde du prêt ;

Cette modalité de remboursement du prêt n'est indiquée, ni dans l'acte de prêt, ni dans l'acte de donation ; les parties n'ont pas retenu la dation en paiement qui est soumise à l'impôt de mutation exigible en matière de vente d'immeuble.

Elle termine en indiquant que le transfert d'une somme d'argent importante du patrimoine des époux [T]/[Q] vers celui de Mme [K] [H] démontre l'absence de bonne foi de cette dernière.

Répondant à l'argumentation développée par l'intimée, elle soutient que les moyens nouveaux soutenus en appel sont recevables en application de l'article L 199 C du livre des procédures fiscales et que la procédure de rectification a été mise en 'uvre régulièrement, l'article 64 du livre des procédures fiscales n'ayant pas vocation à s'appliquer dès lors que la rectification repose, non pas sur un acte fictif ou sur une fraude à la loi caractérisant l'abus de droit, mais sur une requalification de l'acte juridique, l'administration fiscale ayant le pouvoir d'établir l'impôt, non d'après la qualification erronée que les parties lui ont donnée, mais en restituant à ce acte son effet légal.

Mme [K] [H], suivant ses conclusions signifiées le 26 avril 2016, demande à la cour, au visa des articles 894 et 932 du code civil, L 55 et L 64 du livre des procédures fiscales et 1729 du code général des impôts, de :

infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la procédure de rectification régulière et dire que la procédure d'imposition est irrégulière, le service vérificateur ayant pratiqué l'abus de droit implicite, sans offrir au requérant les garanties auxquelles il avait droit en application de l'article L 64 du livre des procédures fiscales,  

confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'absence de donation indirecte ou déguisée,

dire que M. [Y] [T] n'était animé d'aucune intention libérale et que Mme [K] [H] n'a jamais accepté aucune libéralité de la part de M. [Y] [T] puisque le prêt a été constaté par un acte sous seing privé ayant date certaine,

dire, à titre subsidiaire, que les futurs époux [T] n'avaient aucune intention frauduleuse,

ce faisant, accorder à la requérante le dégrèvement de l'imposition mise en recouvrement pour un montant de 383 373 euros,

condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle explique qu'elle est aujourd'hui propriétaire de la moitié de l'appartement acquis au prix de 800 000 euros grâce à la revente de son appartement au prix de 430 000 euros, de sorte qu'elle n'a bénéficié d'aucune libéralité ; que l'achat du nouvel appartement a été fait par elle seule car M. [Y] [T] était encore marié sous le régime de la communauté légale avec Mme [Z] [Q], que le prêt a été souscrit par M. [Y] [T] car elle ne pouvait obtenir un financement bancaire, étant mère au foyer, et que le prêt consenti par M. [Y] [T] a fait l'objet d'un acte sous seing privé attesté par Me [J], notaire, le 17 avril 2009, jour de l'acquisition.

Elle conteste l'intention libérale de M. [Y] [T] au regard de la reconnaissance de dette qui, certes, n'a pas été enregistrée mais a été attestée par le notaire et reconnue dans son testament remis au notaire le 21 avril 2009. Elle conteste également le dépouillement irrévocable de M. [Y] [T] puisque le prêt était remboursé à la date à laquelle l'administration fiscale a mis en 'uvre la procédure de rectification. Elle ajoute qu'elle n'a jamais accepté une donation puisqu'elle a signé la reconnaissance de dette et remboursé le prêt. Elle indique également que si M. [Y] [T] n'a pas porté sa créance contre elle sur sa déclaration d'ISF au titre de l'année 2010, il n'a pas non plus porté au passif le prêt contracté auprès de la banque.

Elle soutient que l'administration fiscale ne peut invoquer de nouveaux faits devant le juge, la notification de redressement fixant les éléments de fait du débat ; qu'il ne s'agit pas de moyens nouveaux mais bien de faits nouveaux, puisque l'administration fiscale invoque de manière nouvelle, d'une part, l'impossibilité de prendre en considération la donation de la moitié indivise de l'appartement à défaut de corrélation entre le solde du prêt et la valeur déclarée, d'autre part l'absence de prise en considération de Mme [Z] [Q].

Elle considère que la procédure de rectification est irrégulière et que le premier juge a dénaturé les faits en retenant que l'administration fiscale avait requalifié le contrat de vente en acte de donation indirecte ; qu'elle est bien accusée par l'appelante de simulation ou dissimulation, l'acquisition étant considérée comme une donation déguisée puisque faite sous l'apparence d'un acte à titre onéreux et que l'administration fiscale doit donc prouver la simulation dans le cadre de l'article L 64 du livre des procédures fiscales. Elle invoque la jurisprudence Prominox sanctionnant l'abus de droit rampant. Elle en déduit qu'à défaut pour l'administration fiscale de se placer dans le cadre de l'article L 64 du livre des procédures fiscales et de lui avoir accordé les garanties qui y sont attachées, la procédure doit être jugée irrégulière, ce qui entraîne la décharge de l'imposition.

Elle conteste la majoration de 40% prévue en cas de manquement délibéré dès lors qu'elle avait signé une reconnaissance de dette et que M. [Y] [T] entendait acquérir la moitié indivise de l'appartement destiné à devenir le domicile conjugal ; le défaut de motivation de l'administration fiscale sur l'application des pénalités constitue un vice de procédure qui emporte décharge de celles-ci. La mauvaise foi invoquée ne se présume pas et doit être prouvée. Or, Mme [K] [H] a manifesté sa bonne foi à respecter son engagement de remboursement puisqu'elle l'a exécuté avant la mise en 'uvre de la procédure de rectification.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 septembre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la procédure :

Attendu que l'administration fiscale a adressé à Mme [K] [H] une proposition de rectification le 23 juin 2011 en utilisant la procédure de rectification contradictoire de l'article L 55 du livre des procédures fiscales qui dispose :

« Lorsque l'administration constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire. » ;

Que Mme [K] [H] soutient que la procédure est irrégulière en ce que l'administration fiscale aurait dû mettre en 'uvre la procédure de l'abus de droit prévue par l'article L 64 du livre des procédures fiscales qui accorde au contribuable des garanties supplémentaires puisqu'en cas de désaccord, le litige peut être soumis à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal ;

Que l'article L 64 du livre des procédures fiscales prévoit que l'administration est en droit, afin de leur restituer leur véritable caractère, d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

Qu'il doit être retenu que la procédure de l'article L 64 n'est pas applicable lorsque l'administration fiscale ne fonde pas son redressement sur une dissimulation d'un acte par un autre, mais entend seulement donner leur effet légal aux actes et conventions tels qu'ils lui ont été soumis ;

Qu'en l'espèce, l'administration fiscale n'a pas invoqué le caractère fictif de l'acte de vente du 17 avril 2009 ni soutenu qu'il avait été inspiré par l'intention d'éluder l'impôt, mais a considéré que cet acte constituait une donation indirecte en ce que le prix avait été payé, non par Mme [K] [H], mais par M. [Y] [T] qui avait ainsi fait donation du bien à l'acquéreur ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal, sans dénaturer les faits qui lui étaient soumis, a jugé que la procédure de rectification contradictoire de l'article L 55 du livre des procédures fiscales, en qu'elle aboutissait à la requalification de l'acte d'acquisition du 17 avril 2009 en donation indirecte, avait été justement appliquée ;

Sur le bien-fondé de la requalification :

Attendu que la requalification de l'acte en donation suppose que soient réunies trois conditions : l'intention libérale du donateur, son dépouillement irrévocable et l'acceptation par le donataire ;

Attendu que Mme [K] [H] conteste l'intention libérale de M. [Y] [T] de se dépouiller irrévocablement en sa faveur en se prévalant de la reconnaissance de dette signée par elle devant notaire le jour même de l'acte de vente, soit le 17 avril 2009, à hauteur des fonds avancés par celui-ci et du testament olographe du 21 avril 2009 remis à Me [J] pour être enregistré au fichier des dispositions de dernières volontés dans lequel elle indique avoir acquis l'appartement grâce au prêt consenti par M. [Y] [T] ; qu'elle ajoute que le prêt était remboursé à la date de la rectification puisqu'elle avait restitué à M. [Y] [T] la somme de 429 725 euros le 16 septembre 2010 et qu'elle lui avait donné la moitié indivise de l'appartement, à hauteur d'une valeur de 407 500 euros, le 18 décembre 2010 ;

Mais qu'il convient d'observer que l'intention libérale du donateur et le caractère irrévocable de son dessaisissement peuvent être retrouvés dans l'opération litigieuse au regard des éléments suivants retenus dans la proposition de rectification et qui établissent que les fonds étaient remis de manière irrévocable sans souci de leur restitution :

l'acte d'acquisition ne fait pas état du prêt ayant permis le financement du bien ; le prêteur a ainsi renoncé au privilège de prêteur de deniers lui garantissant la restitution des fonds ;

Mme [K] [H] ne présentait alors aucune capacité financière, étant sans emploi, et n'offrait aucune garantie de remboursement ;

la reconnaissance de dette du 17 avril 2009 a été faite, certes, le jour de la signature de l'acte d'acquisition devant Me [J], notaire, mais sa signature n'a pas été authentifiée et l'acte n'a pas été enregistré ;

cette reconnaissance de dette ne fait état d'aucune modalité de remboursement des fonds et ne prévoit, ni que Mme [K] [H] doit vendre son propre appartement, ni qu'elle remboursera par une dation en paiement ;

M. [Y] [T] n'a pas fait état de cette créance à l'égard de Mme [K] [H] dans sa déclaration d'ISF au titre de l'année 2010 ; il est inopérant à cet égard pour Mme [K] [H] d'indiquer qu'il n'avait pas non plus fait état dans cette déclaration de sa dette à l'égard de la banque puisqu'il est avéré, en lecture de la pièce 3 de l'intimée, que le prêt hypothécaire de 900 000 euros était entièrement et définitivement remboursé le 7 décembre 2009 ;

Mme [K] [H] n'a souscrit aucun engagement au travers de son testament qui ne vaut que pour le temps où elle n'existera plus, en application de l'article 935 du code civil, et qu'elle a conservé la possibilité de révoquer ;

La donation intervenue le 18 décembre 2010 au profit de M. [Y] [T] de la moitié indivise de l'appartement acquis le 17 avril 2009 ne peut être considérée comme une modalité de remboursement du prêt en ce que la volonté libérale de Mme [K] [H] à l'égard de M. [Y] [T], devenu son époux, y est expressément mentionnée ;

Que l'administration fiscale ajoute à juste titre, devant la cour, deux nouveaux éléments à prendre en considération concernant la donation du 18 décembre 2010 et tenant, d'une part au fait que le montant déclaré dans la donation du 18 décembre 2010 n'est pas corrélé au solde du prêt puisque Mme [K] [H] restait devoir une somme de 422 215 euros, d'autre part à l'absence de prise en considération de Mme [Z] [Q], pourtant co-emprunteur du prêt de 900 000 euros ayant permis de financer le bien ; qu'il doit en effet être constaté que Mme [Z] [Q] était co-emprunteur du prêt souscrit en commun avec son époux le 17 février 2009 et destiné à financer l'appartement acquis par Mme [K] [H] (ainsi qu'elle le reconnaît en pièce 4 bis de l'intimée), mais que la donation faite par Mme [K] [H] à M. [Y] [T] de la moitié indivise de l'appartement n'était pas de nature à libérer celle-ci de ses obligations à l'égard de Mme [Z] [Q] ;

Que c'est en vain que Mme [K] [H] conteste la recevabilité de ces éléments nouveaux en soutenant que l'administration fiscale ne pourrait invoquer aucun fait nouveau, la notification du redressement fixant les éléments soumis au juge ; qu'en effet, en application de l'article L 199 C du livre des procédures fiscales, l'administration et le contribuable peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le juge administratif que devant le juge judiciaire, l'interdiction de présenter des moyens nouveaux étant limitée à la phase administrative de la procédure ;

Que l'acceptation par Mme [K] [H] des fonds ainsi remis par M. [Y] [T] dans une intention libérale pour financer l'acquisition de son appartement est avérée ;

Qu'ainsi, les conditions de la requalification de l'acte d'acquisition du 17 avril 2009 en acte de donation indirecte se trouvent réunies ;

Attendu que le tribunal a considéré que la reconnaissance de dette établie par Mme [K] [H] avait été exécutée avant la mise en 'uvre de la procédure de rectification, d'une part par l'effet de la restitution de la somme de 429 725 euros sur le compte de M. [Y] [T], d'autre par le truchement de la donation de la moitié indivise de l'appartement et du box acquis avec les fonds prêtés ; qu'il en a déduit que Mme [K] [H] avait bien l'intention de respecter son engagement de remboursement et que M. [Y] [T] n'avait pas d'intention libérale en renonçant au privilège de prêteur de deniers et en n'explicitant pas les modalités de remboursement des fonds avancés ;

Que le directeur départemental des finances publiques des Alpes Maritimes admet, dans ses écritures, que la somme de 429 725 euros a été effectivement remboursée, de sorte que la donation ne porte que sur le solde, soit la somme de 422 215 euros ;

Que s'agissant de cette dernière somme, il ne peut être considéré qu'elle aurait été effectivement remboursée au travers de la donation du 18 décembre 2010 dès lors que, ainsi qu'il a été vu plus haut :

l'acte en cause ne fait état d'aucun remboursement ou d'aucune dation en paiement mais exprime l'intention libérale de Mme [K] [H] au profit de son conjoint, celle-ci se réservant le droit de retour de l'article 951 du code civil attaché à sa qualité de donateur ;

l'évaluation des droits ainsi transférés (407 500 euros) n'est pas équivalent au solde restant dû sur les fonds remis par M. [Y] [T] ;

la donation en cause ne permet pas de solder l'obligation de remboursement à l'égard de Mme [Z] [Q] ;

Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter la demande de dégrèvement présentée par Mme [K] [H] et de dire qu'elle est redevable de l'imposition supplémentaire due au titre d'une donation d'un montant de 422 215 euros correspondant au montant non remboursé des fonds avancés par M. [Y] [T] et Mme [Z] [Q] ;

Sur la majoration de 40% :

Attendu que l'administration fiscale a appliqué la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ; qu'elle a motivé sa décision en indiquant que Mme [K] [H] ne pouvait « ignorer l'obligation de déclarer à l'administration fiscale une libéralité d'un montant aussi important » ;

Que Mme [K] [H] fait à juste titre valoir que la mauvaise foi ne se présume pas et qu'il appartient à l'administration de démontrer l'intention frauduleuse délibérée ;

Que la décision d'appliquer une sanction fiscale doit être motivée et que le défaut de motivation des pénalités appliquées emporte décharge de la sanction ;

Qu'en l'espèce, la simple référence au montant de la libéralité ne constitue pas un motif suffisant pour établir la mauvaise foi de Mme [K] [H] ; que celle-ci fait observer qu'elle n'était pas animée, dans le montage réalisé, de l'intention de frauder ou d'éluder des droits, mais qu'elle était confrontée à l'impossibilité pour M. [Y] [T], en avril 2009, de faire l'acquisition en indivision avec elle, étant alors encore marié, sous le régime de la communauté légale, avec Mme [Z] [Q], et qu'elle a cru pouvoir, au travers des actes passés, permettre que l'appartement acquis pour lui servir de domicile conjugal avec M. [Y] [T], devenu depuis son époux, appartienne en indivision aux deux époux ;

Que sa bonne foi sera admise et qu'il convient en conséquence de la décharger de la majoration de 40 % ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice déféré en ce qu'il a dit que la procédure de rectification suivie par l'administration fiscale était régulière ;

L'infirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Constate que Mme [K] [H] a bénéficié d'une donation indirecte au travers de l'acte d'acquisition du 17 avril 2009 à hauteur de la somme de 422 215 euros correspondant au solde des fonds avancés par M. [Y] [T] et Mme [Z] [Q] ;

Déboute en conséquence Mme [K] [H] de sa demande de dégrèvement total de l'imposition supplémentaire réclamée par le directeur départemental des finances publiques des Alpes Maritimes et dit qu'elle est redevable des droits calculés sur cette donation indirecte ;

Décharge Mme [K] [H] de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [K] [H] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/01294
Date de la décision : 31/10/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/01294 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-31;16.01294 ?
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