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26/10/2017 | FRANCE | N°16/14035

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 8e chambre c, 26 octobre 2017, 16/14035


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 26 OCTOBRE 2017

No 2017/ 458

Rôle No 16/ 14035

Laurent X...
Valérie Y...épouse X...

C/

SA LA BANQUE POSTALE
Grosse délivrée
le :
à : Me E. FONTAINE
Me B. CORDIEZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le no 15/ 05658.

APPELANTS

Monsieur Laurent X...
né le 03 Février 1973 à LIVRY GARGAN,
demeurant ...
représenté p

ar Me Elodie FONTAINE de la SELAS B et F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Valérie Y...épouse X...
née le 09 Février 1966 à LIMOGES,
demeurant ...
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 26 OCTOBRE 2017

No 2017/ 458

Rôle No 16/ 14035

Laurent X...
Valérie Y...épouse X...

C/

SA LA BANQUE POSTALE
Grosse délivrée
le :
à : Me E. FONTAINE
Me B. CORDIEZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le no 15/ 05658.

APPELANTS

Monsieur Laurent X...
né le 03 Février 1973 à LIVRY GARGAN,
demeurant ...
représenté par Me Elodie FONTAINE de la SELAS B et F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Valérie Y...épouse X...
née le 09 Février 1966 à LIMOGES,
demeurant ...
représentée par Me Elodie FONTAINE de la SELAS B et F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA LA BANQUE POSTALE,
prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège est sis 115, rue de Sèvres-75006 PARIS
représentée par Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ BENJAMIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017

ARRÊT

Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme Rime GHORZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 23 mai 2016 ayant, notamment :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par la Banque Postale,
- déclaré irrecevables les conclusions et les pièces 3, 4 et 5 notifiées par la Banque Postale le 24 mars 2016,
- déclaré recevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels introduite par M. Laurent X...et par Mme Valérie Y...épouse X...à l'encontre de la Banque Postale,
- débouté M. Laurent X...et Mme Valérie X...de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamné in solidum M. Laurent X...et Mme Valérie X...à verser à la Banque Postale la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné in solidum M. Laurent X...et Mme Valérie X...aux dépens ;

Vu la déclaration du 27 juillet 2016, par laquelle M. Laurent X...et Mme Valérie X...ont relevé appel de cette décision ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 17 juillet 2017, aux termes desquelles M. Laurent X...et Mme Valérie X...demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel,
- le dire bien fondé ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuer à nouveau,
Principalement,
- dire et juger que l'offre de crédit leur ayant été adressée le 23 avril 2010 méconnaît formellement les exigences issues des dispositions de l'article L 312-8 2o et 2o bis,
- prononcer en conséquence l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels et ordonner le retour à l'intérêt légal,
- ordonner subsidiairement la déchéance de l'émetteur de l'offre de son droit aux intérêts contractuels,
- dire et juger que le crédit no 2 l'offre de crédit leur ayant été adressée le 23 avril 2010 méconnaît formellement les exigences issues des dispositions de l'article L 312-8 2o bis du code de la consommation en ce que les 96 premières échéances n'amortissent pas le crédit au sens de ce texte,
- dire et juger que de telles modalités d'amortissement constituent un abus de droit,
- en conséquence, condamner la Banque postale au paiement de la somme de 13. 531, 14 euros à titre de dommages-intérêts,
- dire et juger que l'offre de crédit leur ayant été adressée le 23 avril 2010 méconnaît formellement les exigences issues des dispositions de l'article L 312-8 4o du code de la consommation en ce qu'elle ne prévoit ni le coût de l'assurance, ni le coût de la stipulation relative aux paliers d'amortissement,
- ordonner de ce chef la déchéance de l'émetteur de l'offre de son droit aux intérêts contractuels,
Subsidiairement,
- dire et juger que le TEG mentionné aux offres de crédit immobilier émises par la Banque postale, et porté à la connaissance de l'emprunteur, est erroné,
- prononcer l'annulation des dispositions ayant mis à la charge de l'emprunteur un intérêt contractuel contenu dans l'offre de crédit immobilier du 23 avril 2010,
- ordonner subsidiairement la déchéance des intérêts de ce contrat de crédits depuis l'origine de l'amortissement,
- ordonner en conséquence la substitution du taux de l'intérêt légal pour 2010, au taux
contractuel,
- condamner la Banque postale à rembourser les intérêts perçus ayant excédés ce taux,
- la condamner à remettre aux emprunteurs deux nouveau tableaux d'amortissement faisant application de ce taux pour les échéances à venir,
- condamner la Banque postale au paiement des sommes de 13. 531, 14 euros à titre de dommages-intérêts dû à l'absence de prise en compte de l'incidence des paliers de l'amortissement du crédit no 2,
En tout état de cause,
- condamner la Banque postale à payer la somme de 5. 000 euros au titre des frais irrépétibles visés aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Banque postale aux entiers dépens de l'instance, dont distraction ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 17 juillet 2017, aux termes desquelles la Banque postale demande à la cour de :
A titre principal,
- constater la novation de l'offre de prêt du 23 avril 2010 selon avenant contractuel du 16 mai 2015,
- rappeler que seuls sont applicables aux avenants contractuels aux offres de crédit immobilier les dispositions de l'article L 312-14-1 du code de la consommation,
- dire qu'en l'état d'une novation de l'offre de prêt du 23 avril 2010 Pactys Sérénité Plus par avenant du 16 mai 2015, les demandes des époux X...sont dénuées de fondement,
- constater que les documents versés aux débats par les époux X...et dénommés « reconstitutions et vérifications du TEG » (pièces adverses no3 et 4) ne constituent pas une expertise et n'ont pas été établis contradictoirement,
- constater que ces documents ont été établis par le conseil des époux X...et qu'à ce titre, ils ne fournissent aucune garantie d'objectivité,
- dire que ces documents sont dénués de valeur probante,
En conséquence,
- débouter les époux X...de l'ensemble de leurs prétentions,
A titre subsidiaire,
- constater que l'offre de crédit du 23 avril 2010 est conforme aux dispositions de l'article 312-8 du code de la consommation,
- constater que le coût de l'assurance externe invalidité décès était inconnu à la date de l'octroi du prêt et qu'à ce titre, il ne devait pas être intégré dans le calcul du TEG,
- constater que le TEG mentionné dans l'offre de prêt du 23 avril 2010 et relatif au crédit Pactys Liberté est exact,
- constater que le TEG mentionné dans l'offre de prêt du 23 avril 2010 et relatif au crédit Pactys sérénité Plus répond aux prescriptions de l'article R 313-1 et son annexe du code de la consommation,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter les époux X...de l'ensemble de leurs prétentions,
A titre subsidiaire,
- dire non fondée et contraire aux dispositions des articles L 312-18 et L 312-33 du code de la consommation, la demande d'annulation de la clause de stipulation des intérêts au taux contractuel,
- dire que l'éventuelle erreur commise dans le calcul du TEG ne justifie qu'une déchéance très limitée du droit aux intérêts,
- dire que les éventuels intérêts trop perçus seront déduits du capital restant dû,
En tout état de cause,
- condamner les époux X...au paiement de la somme de 3. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée sur le même fondement par le premier juge,
- les condamner aux entiers dépens, dont distraction ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que le 23 avril 2010, la Banque postale a établi au profit de M. Laurent X...et de Mme Valérie X...une offre de prêt Pactys Liberté d'un montant de 100. 000 euros au taux de 3, 20 % l'an (TEG 3, 54 %) amortissable en 96 mensualités, ainsi qu'une offre de prêt Pactys Sérénité Plus d'un montant de 115. 000 euros au taux de 3, 45 % l'an (TEG 3, 58 %) amortissable en 178 mensualités ;
Que suivant avenant en date du 16 mai 2015, le montant restant dû du prêt Pactys Sérénité Plus a été fixé à la somme de 114. 346, 82 euros au taux de 2, 45 % l'an (TEG 2, 63 %) amortissable en 113 mensualités ;
Que par acte en date du 4 mai 2015, invoquant le caractère erroné du TEG, les époux X...ont assigné la Banque postale aux fins d'obtenir la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;
Qu'ils en ont été déboutés par le jugement entrepris ;

Sur la novation

Attendu qu'il sera rappelé que les premiers juges, pour dire que les époux X...ne pouvaient plus invoquer les irrégularités de l'acte initial concernant le prêt Practys Sérénité Plus souscrit le 23 avril 2010, ont retenu que l'avenant signé le 16 mai 2015 avait nové le contrat initial ;
Que les époux X..., appelants, font valoir que la novation nécessite un changement affectant l'existence même de l'obligation ; que tel n'est pas le cas de l'adjonction, de la modification ou de la suppression d'un terme, qu'il en est de même de la modification des sûretés ou des modalités de paiement ;
Que l'espèce, selon l'avenant en date du 16 mai 2015, la Banque Postale et les époux X...ont renégocié les offres de crédits immobiliers ; que les nouveaux TEG s'élèvent respectivement à 2, 45 % pour l'offre de crédit immobilier no1 et 2, 63 % pour l'offre de crédit immobilier no2 ;
Que selon eux, la banque n'est pas fondée à solliciter la requalification de l'avenant à l'offre de crédit en novation ; qu'en conséquence, ils s'estiment parfaitement fondés à demander la nullité de la clause d'intérêts conventionnels ;

Que la Banque postale rétorque que cet avenant emporte novation du contrat de crédit immobilier car en signant l'avenant du 16 mai 2015, il s'est bien agi pour " les débiteurs de contracter envers le créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte ", ce qui répond parfaitement à l'un des cas admis de novation selon les définitions édictées par l'article 1271 du code civil ;

Que, selon la banque, les époux X...se sont intentionnellement gardés de mentionner dans leur acte introductif d'instance, l'existence de l'avenant contractuel qui emporte diminution du taux de leur crédit à des conditions qui leur sont particulièrement favorables ;
Qu'elle affirme que cette omission n'est pas anodine et que les époux X...ont pleinement conscience qu'ils ont saisi le tribunal de grande instance de Marseille afin de critiquer des taux de crédit qui ne régissent plus les rapports contractuels des parties ;

Attendu, selon l'article 1271, devenu 1329, du code civil, que la novation peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties ; que selon l'article 1271, devenu 1330 du code civil, que la novation ne se présume point et qu'il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte ;

Que selon l'article L 312-8, avant-dernier alinéa, devenu L 313-27 du code de la consommation, toute modification des conditions d'obtention d'un prêt dont le taux est fixe, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable ;
Attendu qu'il est constant que l'offre établie par la Banque postale le 29 avril 2015, reçue par les époux X...le 4 mai 2015 et qu'ils ont acceptée le 16 mai suivant, s'intitule « Avenant à l'offre de prêt immobilier no 2010050233K » ; que les modifications résultant de cet avenant ne portent que sur le taux d'intérêt applicable et, par voie de conséquence, sur la durée d'amortissement du prêt, la dernière échéance étant fixée au 5 octobre 2024 au lieu du 5 mai 2025 ; que le montant emprunté, de 114. 386, 82 euros, correspondant très précisément au montant du capital restant dû à l'échéance no 59 (mai 2015) du prêt no 2010050233K ; que le montant des mensualités de remboursement, de 380, 40 euros pour le premier palier, et de 1. 569, 52 pour le deuxième palier, est inchangé ;
Qu'au surplus, la lettre de transmission de cet avenant précise que, à l'exception des modifications mentionnées dans le document ci-joint, toutes les autres dispositions sont maintenues ;
Qu'enfin, la cour ne peut que constater qu'aucune disposition n'a été prise concernant le maintien de la garantie apportée par le Crédit logement, ce qui tend à démontrer que l'obligation souscrite initialement n'a pas été éteinte ;
Qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune novation n'est intervenue par l'effet de l'acceptation de l'offre litigieuse, émise en conformité avec les dispositions sus-visées du code de la consommation, et qui ne constitue qu'un avenant au contrat de prêt faisant suite à une renégociation du taux d'intérêt ;
Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Sur la régularité de l'offre au regard de l'existence de deux prêts

Attendu que les époux X...soutiennent, en premier lieu, qu'il serait contraire à l'esprit de la loi, en l'occurrence l'article L 312-8 du code de la consommation, de formuler d'une part, une seule et unique offre comprenant deux offres distinctes de crédits, et d'autre part, de présenter plusieurs offres de crédits comptant autant de tableaux d'amortissement que d'offres ;
Qu'ils affirment qu'ayant été exposés à un cumul d'offre (s) au sein d'un instrument unique, ils n'ont pas pu mesurer la portée réelle de ce document, notamment en raison du chevauchement des périodes d'amortissement contenues dans les différentes offres ;
Qu'ils en déduisent que l'offre ne respectaient pas les dispositions susvisées, et sollicitent la déchéance des intérêts, en application de l'article L 312-33 in fine du code de la consommation ;

Mais attendu qu'ainsi que la Banque postale le fait valoir à juste titre, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose d'émettre deux offres distinctes, s'agissant d'une opération de financement constituée de deux prêts emboîtés ne pouvant coexister l'un sans l'autre ;

Que la cour constate que l'offre comporte les différentes mentions exigées par la loi, suivant une présentation juxtaposant, pour chaque mention, les caractéristiques des deux prêts, permettant aux emprunteurs d'avoir une compréhension directe et immédiate des conditions de l'opération dans sa globalité ; qu'en particulier, le coût total de chaque crédit est mentionné sur deux lignes successives, suivies d'un total pour les deux prêts ; que, de même, la juxtaposition du montant des échéances, d'un montant unique, concernant le premier prêt, et comportant deux paliers principaux, concernant le second prêt, permet d'apprécier l'effort de remboursement à chaque échéance ; que les tableaux d'amortissement annexés à l'offre permettent, complètent l'information ainsi donnée ; qu'enfin, le montant des frais de garantie Crédit logement est précisé de manière globale ;

Attendu que les époux X...soutiennent en deuxième lieu que l'offre ne mentionnerait pas le coût des intérêts des crédits alors qu'il s'agit d'une stipulation au contrat, en violation des dispositions l'article L 312-8 4o du code de la consommation ;

Mais attendu qu'ainsi qu'il a été examiné précédemment, l'offre de prêt émise le 23 avril 2010 mentionne le coût total du crédit, à savoir 14. 777, 76 euros pour le premier prêt et 47. 037, 32 euros pour le second prêt, et précise somme de ces coûts, soit 61. 815, 08 euros ;

Que s'agissant de l'avenant à l'offre de prêt, elle mentionne un coût total de 18. 502, 98 euros, comprenant les frais de renégociation (1. 143, 46 euros) ; que, certes, le montant des intérêts correspondant aux 59 premières échéances, déjà supportés par les emprunteurs à la date de la signature de l'avenant, n'est pas précisé ; que celui-ci peut, toutefois être aisément calculé à l'aide du tableau d'amortissement ; que ces éléments ne constituaient en toute hypothèse pas une condition à l'octroi du prêt ;

Attendu, en troisième lieu, que les époux X...reprochent à l'offre de prêt de ne pas mentionner le coût engendré par la mise en place des paliers d'amortissement ;

Mais attendu qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose au prêteur de faire figurer dans l'offre l'impact de l'existence de paliers de remboursement sur le coût du crédit ; qu'au demeurant, et ainsi que le relève la Banque postale sans être sérieusement contredite, le montage proposé, destiné à permettre aux emprunteurs de conserver un endettement raisonnable tout en diminuant le coût global de l'opération, tant au regard des intérêts, des cotisations d'assurance que du coût de la garantie, n'induit aucun coût supplémentaire ; que la Banque postale produit une note explicative, remise aux époux X...lors de la souscription du prêt, qui fait apparaître que, par rapport à une offre qui n'aurait comporté qu'un seul prêt, le montage proposé permet d'économiser 892, 12 euros d'intérêts, 1. 913, 34 euros d'assurance et 500 euros de frais de garantie Crédit logement ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'offre de prêt n'encourt pas les griefs invoqués par les époux X..., qui seront, dès lors, déboutés de leur demande de déchéance des intérêts fondée sur cette prétendue irrégularité ;

Sur le taux effectif global

Attendu, en premier lieu, que les époux X...font valoir que l'offre de crédit ne mentionne pas le coût des assurances alors que la banque a conditionné l'octroi du crédit à la souscription d'une assurance décès invalidité ; qu'un tel coût n'est pas négligeable, puisqu'il s'élève en l'espèce à la somme de 2. 240 euros pour le crédit no1 et à la somme de 4. 776, 33 pour le crédit no2 ;
Que, selon eux, la sanction interviendra d'autant plus fort que, s'il ne peut être admis que le prêteur ait négligé de se renseigner lors de l'émission de l'offre de crédit, cette négligence s'est prolongée lors de la mise en place de l'avenant, qui n'intègre pas davantage le coût de l'assurance dans le calcul du TEG de l'avenant, c'est à dire à un moment auquel le prêteur ne peut faire plaider qu'il en ignorait le coût ;

Qu'en réponse, la Banque postale rappelle que le coût lié à une garantie ou à des assurances doit être mentionné dans l'offre de prêt, sauf lorsque le montant de ces charges ne peut être indiqué avec précision avant la signature du contrat et que seuls doivent être renseignés les débours dont le coût réel est déterminable à la date d'octroi du prêt ;

Qu'en l'espèce, il ressort de l'offre de crédit que les appelants ont souscrit une assurance décès invalidité auprès d'un tiers, la MGEN ; que le document de la MGEN relatif au coût de l'assurance n'a été édité que le 22 mai 2010, soit un mois après l'offre de crédit émise par la Banque Postale ;
Que la Banque postale considère qu'il ne lui appartenait pas de renseigner dans l'offre de prêt et d'intégrer dans le TEG le coût afférent à l'assurance externe décès invalidité de la MGEN, dès lors que ce coût n'était pas déterminable à la date de l'émission de cette offre de prêt ;

Attendu que l'article L 312-8, 4o, devenu L 313-25, 6o, dispose que l'offre de crédit énonce, en donnant une évaluation de leur coût, les assurances qui conditionnent la conclusion du prêt ;

Attendu qu'il est constant que la banque avait subordonné l'octroi du prêt à la souscription d'une assurance décès-invalidité, cette obligation étant mentionné au paragraphe III des conditions générales du contrat de prêt ;
Qu'ayant subordonné l'octroi du crédit à la souscription d'une assurance, il lui appartenait donc de s'informer auprès des époux X...du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du coût effectif global, dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement, ce d'autant que le choix des époux X...à cet égard était arrêté à la date d'émission de l'offre de prêt, celle-ci mentionnant le nom de l'assureur MGEN ;
Qu'il ne peut qu'être constaté que l'offre comporte une omission et que le TEG est erroné ;

Attendu, en deuxième lieu, que les époux X...font valoir que le TEG figurant dans les offres de prêt n'est pas proportionnel au taux de période ;

Qu'en effet, pour les deux crédits, le taux de période est de 0, 30 %, de sorte que le TEG annuel devrait être de 3, 60 % au lieu de 3, 54 % pour le premier prêt et 3, 58 pour le second prêt ;

Qu'en réponse, la Banque postale considère que les époux X...commettent une double erreur d'analyse ; que, d'une part, seule une comparaison entre le taux de période non arrondi et comportant une infinité de décimales et le TEG non arrondi comportant une infinité de décimales permet de vérifier le respect de cette proportionnalité ; que d'autre part, après calcul du taux de période et du TEG, la banque était fondée à arrondir les taux précités à une décimale ;

Qu'il s'ensuit que le raisonnement développé par les époux X...consistant à calculer la proportionnalité du taux de période selon un chiffrage arrondi et du TEG selon un chiffrage arrondi ne pouvait qu'aboutir au constat artificiel d'un écart ;

Mais attendu qu'abstraction faite des justifications avancées par la Banque postale, l'erreur alléguée ne venant pas au détriment des emprunteurs, il s'ensuit que ceux-ci ne sont pas fondés à s'en prévaloir au soutien de leurs demandes de nullité de la stipulation d'intérêt ou de déchéance des intérêts contractuels ;

Attendu, en troisième lieu, que les époux X...soutiennent que le calcul du TEG comporterait des erreurs algébriques ;
Que concernant le crédit no1, ils font valoir qu'en intégrant les charges supplémentaires d'intérêts à l'amortissement composé du crédit, charges issues tant de l'assurance que des modalités de l'amortissement choisies par le prêteur, le TEG s'élève réellement à 4, 655 % (et non pas 3, 54 %), pour un taux de période s'élevant à 0, 38792 % (et non pas 0, 30 %) ;
Que concernant le crédit no2, les époux X...font grief à l'offre de ne pas avoir intégré au calcul du TEG l'excédent d'intérêts produits annuellement par des paliers d'amortissement, en rapportant l'amortissement du crédit à celui que produirait un crédit exactement identique, amortissable " selon la méthode des intérêts composés ", soit en l'occurrence une somme d'intérêts, sur la durée totale du crédit, s'élevant à 13. 531, 14 euros ;

Que la Banque postale rétorque que les calculs auxquels procèdent les époux X...sont nécessairement erronés puisqu'ils prennent en compte le coût de l'assurance alors que ce coût devait être exclu du calcul du taux querellé ; que, par ailleurs, le calcul proposé par les appelants est également erroné en ce qu'il est fondé sur des taux arrondis ;

Qu'elle considère, par ailleurs, que les documents relatifs à la " reconstitution et vérification du TEG de l'offre de crédit " sur lesquels se fondent les appelants sont totalement dénués de valeur probante, ayant été établis par le propre conseil des époux X..., qui ne saurait offrir la moindre garantie d'indépendance et d'impartialité dans le cadre de la présente procédure, et n'a pas la qualité d'expert ; que de surcroît, ces documents n'ont pas été établis de manière contradictoire ;
Que la banque produit quant à elle aux débats une note explicative précise établie par son service de l'actuariat pour vérifier le TEG ; que cette note comporte non seulement les modalités de calcul du TEG mais également la comparaison du coût et des avantages du crédit emboîté proposé aux époux X...par rapport à une offre qui aurait comporté un crédit unique ; qu'il en ressort que le TEG mentionné dans les offres de prêt est arithmétiquement exact ;
Que, selon elle, le terme " d'erreurs algébriques " est employé à mauvais escient par les appelants car leur critique ne porte pas sur une prétendue mauvaise application d'une formule algébrique mais sur le contenu de cette formule, au regard notamment des éléments qui doivent être pris en compte pour le calcul du TEG ;
Que la Banque postale rappelle par ailleurs que l'action en contestation d'un TEG n'est accueillie que lorsque la différence entre le TEG mentionné dans l'offre de prêt et celui qui aurait dû être mentionné est supérieure ou égale à une décimale ;
Qu'en l'espèce, les époux X...soutiennent que la différence entre le TEG mentionné dans l'offre de prêt et le taux qui aurait dû être indiqué serait :
- de 0, 06 % (3, 60 – 3, 54) pour le crédit Pactys Liberté,
- de 0, 02 % (3, 60 – 3, 58) pour le crédit Pactys Sérénité Plus.

Que les différences alléguées sont inférieures à une décimale de sorte qu'en application de la jurisprudence constante et de l'article R 313-1 du code de la consommation, aucune demande de déchéance du droit aux intérêts n'est de nature à prospérer en l'espèce ;
Que selon la banque, cet écart minime est totalement insuffisant pour justifier une quelconque contestation du TEG mentionné dans l'offre de prêt ;

Attendu qu'il sera rappelé que les parties sont libres de faire état de documents, notes, rapports, établis par leur soins ou pour leur compte, dès lors que ces éléments ont été régulièrement produits aux débats et soumis à la contradiction, ce qui n'est pas discuté en l'espèce ;

Que pour le reste, si c'est à tort que les époux X...incluent dans leurs calculs la prétendue erreur liée à l'absence de proportionnalité entre le taux de période et le TEG, et qu'ils soutiennent que le montage proposé, reposant sur des crédits emboîtés, aurait généré des surcoûts devant être pris en considération dans le calcul du TEG, il demeure que l'absence de mention du coût de l'assurance confère à celui-ci un caractère erroné ;
Attendu que les époux X...sollicitent concurremment la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels sur le fondement de l'article 1927 du code civil, auxquels elle demande que soient substitués les intérêts au taux légal, et la déchéance du banquier du droit aux intérêts conventionnels sur le fondement de l'article L 312-33 du code de la consommation ;
Attendu que contrairement à ce que soutient la Banque postale et qu'ont retenu les premiers juges, la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels encourue à raison de l'irrégularité des mentions d'une offre préalable de prêt n'est pas exclusive du prononcé de la nullité de la stipulation d'intérêts, l'offre de prêt constituant, en l'espèce, l'écrit constatant le prêt d'argent ; que la nullité n'est toutefois encourue qu'à condition que l'erreur du TEG soit supérieure à une décimale, ainsi qu'il résulte du d) de l'annexe de l'article R 313-1, devenu R 314-3, du code de la consommation ;
Que les époux X...produisent à cet égard deux feuilles de calcul établies par leur conseil, d'où il ressort le fait non discuté que l'assurance décès invalidité souscrite auprès de la MGEN représente un coût égal à 0, 28 % des sommes empruntées ; qu'un tel pourcentage, s'il avait été inclus dans le calcul du TEG aurait eu un impact supérieur à la décimale ;
Qu'il n'est pas discuté que, l'offre ayant été établie le 23 avril 2010 et acceptée plus de 10 jours après sa réception, l'assignation délivrée le 4 mai 2015 l'a été moins de 5 ans après la conclusion du contrat de prêt ; que c'est, par ailleurs, en vain que la Banque postale invoque l'irrecevabilité de l'action au motif qu'en réglant les mensualités de remboursement, les époux X...auraient confirmé l'irrégularité du TEG ;
Qu'il convient, en conséquence, de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt des deux prêts, et d'y substituer les intérêts au taux conventionnel ; que la demande en dommages-intérêts présentée à titre subsidiaire par les époux X...à raison d'un manquement de la Banque postale, se trouve dès lors sans objet ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la Banque postale, succombant dans ses prétentions, doit supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement rendu le 23 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Marseille ;
STATUANT à nouveau,
- PRONONCE la nullité de la stipulation d'intérêt contenue dans l'offre préalable établie par la Banque postale au profit des époux X...le 23 avril 2010, concernant un prêt Pactys Liberté d'un montant de 100. 000 euros et un prêt Pactys Sérénité Plus d'un montant de 115. 000 euros, ce dernier ayant été modifié selon avenant du 16 mai 2015 ;
- ORDONNE la substitution des intérêts au taux légal aux intérêts au taux conventionnel ;
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA Banque postale aux dépens de première instance et d'appel d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 16/14035
Date de la décision : 26/10/2017

Analyses

Contrat de prêt - Avenant ne portant que sur le taux d'intérêt nominal et la durée d'amortissement - Novation - Non Par application combinée des articles 1329, 1330 du code civil, et L 313-27 du code de la consommation, lorsque les modifications apportées à un contrat de prêt ne portent que sur le taux d'intérêt applicable et sur la durée d'amortissement du prêt, l'acceptation de la nouvelle offre, qui ne constitue qu'un avenant au contrat de prêt, n'emporte pas novation. Qu'il en résulte que les parties demeurent recevables à discuter de la régularité du prêt initial.   Prêts emboîtés - Nécessité d'établir deux offres de prêt - Non Aucune disposition légale ou réglementaire n'impose d'émettre deux offres distinctes s'agissant d'une opération de financement constituée de deux prêts emboîtés ne pouvant exister l'un sans l'autre. Dès lors, est régulière l'offre qui comporte les différentes mentions exigées par la loi, précisant pour chaque mention les caractéristiques de chacun des deux prêts, permettant ainsi aux emprunteurs d'avoir une compréhension directe et immédiate des conditions de l'opération dans sa globalité.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Marseille, 23 mai 2016


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2017-10-26;16.14035 ?
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