COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 26 OCTOBRE 2017
N°2017/
NT/FP-D
Rôle N° 15/09872
[T] [V]
C/
[I] [C]
AGS - CGEA DE [Localité 1]
SELARL JSA ANCIENNEMENT DENOMMEE GAUTHIER SOHM
SA IQSIM
SELARL JSA
Grosse délivrée le :
à :
Me Sarah GHASEM-
JUPPEAUX, avocat au barreau de GRASSE
Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-
PROVENCE
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section E - en date du 13 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/00581.
APPELANT
Monsieur [T] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sarah GHASEM-JUPPEAUX, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Julie DOMENE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [I] [C] liquidateur judiciaire de la SA QUESCOM, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jennifer MARIETTI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
AGS - CGEA DE [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Vanessa STARK, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SELARL JSA ANCIENNEMENT DENOMMEE GAUTHIER SOHM prise en la personne de ses représentants légaux agissant es qualité de mandataire judiciaire de IQSIM, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jennifer MARIETTI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SA IQSIM, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jennifer MARIETTI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
SELARL JSA agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SA IQSIM, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jennifer MARIETTI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [T] [V] a été recruté le 15 octobre 2004 en qualité de directeur des ventes internationales par la société Quescom, ayant pour activité le développement et la commercialisation d'équipements électroniques et de solutions informatiques, puis promu, ultérieurement, directeur commercial et marketing.
La société Quescom dont le capital a été intégralement racheté le 8 juin 2012 par la société Iqsim, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Grasse le 12 décembre 2012 et M. [T] [V] a signé le 10 janvier 2013 un contrat de sécurisation professionnelle dans le cadre d'une procédure de licenciement économique engagée par Me [I] [C] le liquidateur judiciaire.
Ayant saisi le 30 mai 2013 le conseil de prud'hommes de Grasse en vue de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités, M. [T] [V] a été débouté de toutes ses demandes par jugement du 13 mai 2015, notifié le 20 mai 2015.
Par déclaration datée du 2 juin 2016, M. [T] [V] a relevé appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation.
Suivant arrêt avant dire droit du 18 mai 2017, les débats ont été rouverts afin que le mandataire judiciaire de la société Iqsim, objet d'une procédure judiciaire de sauvegarde soit appelé en la cause
M. [T] [V] reproche, devant la cour, à l'employeur de ne pas avoir inclus la part variable de sa rémunération dans l'indemnisation de ses congés payés alors que deux salariés de l'entreprise ont bénéficié d'une telle intégration et conteste son licenciement économique en ce qu'il existait une situation de co-emploi avec la société Iqsim et en raison du non-respect de l'obligation de reclassement par le liquidateur judiciaire de la société Qescom.
L'appelant sollicite, en conséquence, la condamnation solidaire de la société Qescom et de la société Iqsim à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts échus :
13 156,97 € à titre de complément d'indemnité de congés payés,
132 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de faire valoir son droit individuel à la formation,
3 000 € au titre de ses frais irrépétibles.
Me [I] [C], liquidateur judiciaire de la société Quescom, objecte que le licenciement de M. [T] [V] est intervenu en raison des difficultés économiques et financières avérées de la société Quescom ayant conduit à la cessation de son activité, soutient avoir entrepris des recherches de reclassement internes et externes suffisantes quand bien même se sont-elles avérées négatives, précise que la lettre de licenciement comporte l'information relative au droit individuel à la formation du salarié qui ne justifie d'aucun préjudice et fait valoir que les primes d'objectifs, calculées sur le chiffre d'affaires, n'ayant pas de lien direct avec les objectifs et performances personnels du salarié, n'avaient pas à être prises en compte dans l'indemnisation de ses congés payés.
Le liquidateur judiciaire de la société Quescom conclut ainsi à la confirmation de la décision prud'homale, au rejet de toutes les demandes de M. [T] [V] et à sa condamnation au paiement de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Selarl JSA, mandataire judiciaire de la société Iqsim, objet d'une procédure de sauvegarde ouverte le 26 janvier 2016, soutient que M. [T] [V] n'a jamais travaillé pour le compte de la société Iqsim, ne démontre pas l'existence d'une situation de co-emploi et sollicite la confirmation du jugement déféré.
Le Centre de gestion et d'étude AGS de [Localité 1] rappelle les limites légales de sa garantie et sollicite à titre principal, la confirmation de la décision prudhomale.
Exposant avoir servi à M. [T] [V], dans le cadre de la liquidation de la société Quscom, des indemnités (72 744 €) correspond au plafond légal applicable, elle en sollicite le remboursement par la société Iqsim dans le cas où sa qualité de co-employeur serait retenue.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 20 mars 2017.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur l'indemnisation des congés payés
Attendu que l'article 4 du contrat de travail de M. [T] [V], daté du 15 octobre 2004, prévoit en sa faveur la rémunération suivante :
« (...) un salaire annuel fixe brut de 70 000 € payable en 12 mensualités égales,
-un prime variable annuelle à objectif atteint de 30 000 € sera attribuée (') selon des conditions à définir, pour la première année, au titre des 3 premiers mois, la prime sera garantie prorata temporis soit 7 500 €, la deuxième année, le montant de la prime variable annuelle à objectifs atteints est porté à 46 666 € selon des conditions à définir (...) »
Attendu que le seul document contractuel produit définissant le montant de la rémunération variable de M. [T] [V] (pièce 2) intéresse la période de juillet 2012 à juin 2013 et définit des quotas de chiffre d'affaires par équipe sur lesquels est appliqué un « taux de réalisation en % » ; qu'il doit en être déduit que le montant de la rémunération variable, représentant un intéressement général sur les résultats du service commercial n'avait manifestement pas de rapport immédiat et nécessaire avec le travail personnel du salarié, de sorte que le conseil de prud'hommes a justement considéré qu'elle ne devait pas être intégrée dans l'assiette de calcul des congés payés ; que s'il est évoqué la situation de deux commerciaux de l'entreprise, MM [T] et [G], qui auraient bénéficié d'une intégration de leur rémunération variable dans leurs congés payés, aucun document produit ne permet de le constater et n'autorise à retenir une atteinte au principe « à travail égal salaire égal » dans l'entreprise ; qu'en l'état de ces constatations, la décision déférée ayant rejeté la demande au titre des congés payés sera confirmée ;
2) Sur le licenciement
Attendu qu'il est constant que la société Iqsim a racheté la totalité du capital de la société Quescom au mois de juin 2012 ; qu'un organigramme dénommé « functionnal organisation Iqsim et Quescom », daté du mois de juin 2012, donc antérieur au licenciement (pièce 10 de l'appelant), positionne M. [T] [V] en qualité de « sales director » sous la subordination de M. [W] [F], « CEO » et président de la société Iqsim selon un extrait du registre du commerce et des sociétés produit (pièce 11) ; qu'un article de la presse économique cite des propos de ce même [W] [F] indiquant l'entière intégration des activités commerciales de la société Quescom dans celles de la société Iqsim (pièce 15), ce que confirme d'ailleurs la chute de plus de 50 % du chiffre d'affaires de la société Quescom dans les trois mois de son rachat (pièce 16), puis sa liquidation judiciaire prononcée dès le mois de décembre 2012 ; qu'il doit être déduit de ces constatations qu'en absorbant la société Quescom, constituant une entité économique autonome au sens de l'article L1224-1 du travail, la société Iqsim s'est vue transférer le contrat de travail de M. [T] [V] et avait donc la qualité d'employeur lors de sa rupture ; que dès lors, le licenciement de M. [T] [V] par le liquidateur de la société Quescom en raison de sa cessation d'activité qui a, en réalité, été intégrée à celle de la société Iqsim, ne saurait ainsi reposer sur un motif économique valable ; qu'il sera, en conséquence, déclaré sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que compte tenu de l'ancienneté de M. [T] [V], supérieure à 2 ans (approximativement 8 ans), au service d'une entreprise employant plus de 11 salariés, de sa rémunération mensuelle brute (salaire mensuel brut moyen de 10 234 € en 2012) et des pièces relatives à sa situation professionnelle (perception de l'allocation de sécurisation professionnelle justifiée jusqu'au mois d'avril 2013), il lui sera alloué une indemnité de licenciement abusif fixée à 100 000 €, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, qu sera inscrite au passif de la société Iqsim dès lors qu'il y a lieu de la considérer comme l'employeur de M. [T] [V] à la date de rupture du contrat de travail qu'elle a été fautive de ne pas poursuivre ;
Attendu que la demande de l'AGS en remboursement par la société Iqsim des indemnités versées à M. [T] [V] dans le cadre de la liquidation de la société Quescom sera rejetée, seul le bénéficiaire de sommes indûment versées pouvant être tenu de les restituer ;
3) Sur le droit individuel à la formation
Attendu que M. [T] [V] évoque une perte de chance de faire valoir son droit individuel à la formation en raison de l'absence d'information sur le nombre d'heures acquises ; que cependant, la lettre de licenciement datée du 26 décembre 2012 informe le salarié, même si le nombre d'heures acquises n'est pas précisé, de son droit individuel à la formation ; que M. [T] [V] ne justifiant la réalité d'aucun préjudice matériellement indemnisable sur ce point, le rejet de sa demande en dommages et intérêts sera confirmée ;
4 ) Sur les autres demandes
Attendu que l'équité exige d'allouer à M. [T] [V] 3 000 € en compensation de ses frais non compris dans les dépens par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que sera constatée la suspension du cours des intérêts légaux quant aux créances fixées par cette décision en raison de l'ouverture, par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 26 janvier 2016, d'une procédure de sauvegarde en faveur de la société Iqsim ;
Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de la société Iqsim ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Grasse du 13 mai 2015 en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du rappel de congé payés et du droit individuel à la formation ;
-Infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
-Dit le licenciement de M. [T] [V] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-Inscrit au passif de la société Iqsim les sommes de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile dues à M. [T] [V] ;
-Constate la suspension du cours des intérêts légaux ;
-Déclare cette décision opposable à Me [I] [C], liquidateur judiciaire de la société Quescom, à la Selarl JSA, mandataire judiciaire de la société Iqsim et au Centre de gestion et d'étude AGS de [Localité 1] ;
-Rejette toute autre demande ;
-Inscrit au passif de la société Iqsim les dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT