COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 26 OCTOBRE 2017
N° 2017/ 368
Rôle N° 14/12143
SAS VAR ASSISTANCE
C/
SARLU MARION
[W] [B]
Grosse délivrée
le :
à :
Me MICHOTEY
Me JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 21 Mai 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2014 F 002.
APPELANTE
SAS VAR ASSISTANCE,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée et plaidant par Me Philippe SOLER, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SARLU MARION,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée et plaidant par Me Corinne BONVINO-ORDIONI, avocat au barreau de TOULON
PARTIE INTERVENANTE
Maître [W] [B] pris en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la sté MARION,
(jugement du 7 mars 2017)
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté et plaidant par Me Corinne BONVINO-ORDIONI, avocat au barreau de TOULON
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017,
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Le 16 février 2009 un a été conclu entre la S.A.S. VAR ASSISTANCE 'loueur' propriétaire de tels véhicules, et la S.A.R.L.U. MARION 'locataire' exerçant une activité de transport sanitaire; sont stipulés :
- la location de 2 véhicules : 1 ambulance et 1 véhicule sanitaire léger;
- article 3.1 : préalablement à l'entrée en vigueur du contrat, et conformément à l'article
R. 6312-37 du Code de la Santé Publique, la demande par le loueur au Préfet du transfert au profit du locataire des 2 autorisations de mise en service desdits véhicules;
- une durée de 3 années à compter de la date de ce transfert, puis un renouvellement du contrat par tacite reconduction;
- article 3.4 : en cas de cessation du contrat le locataire fera les démarches afin de transférer au loueur les autorisations précitées;
- article 6.3 : en cas de non-règlement des échéances dues, celles-ci seront majorées d'une pénalité de 3 %, à laquelle s'ajoutera un intérêt annuel au taux de 6 %;
- un loyer mensuel de base égal pour les 2 véhicules à 6 649 € 65 T.T.C.;
- un dépôt de garantie par le locataire égal à la somme de 16 614 € 00.
Un contrat de même type a été conclu le 1er août 2009 pour un troisième véhicule
(1 ambulance), avec un loyer de base de 3 383 € 38 T.T.C., et un dépôt de garantie à hauteur de
8 425 € 53.
Par 2 lettres du 16 juillet 2010 c'est-à-dire la société MARION a dénoncé ces 2 contrats de location aux motifs que 'La location à titre onéreux [des] autorisations étant strictement prohibée (...), ce contrat ne peut plus recevoir application dès lors que la mise à disposition et l'autorisation préfectorale étaient indissociables'. Le 28 suivant la société VAR ASSISTANCE a répondu que rien 'n'interdit la mise en location de véhicules sanitaires munis d'autorisation de mise en service', et a sommé son locataire de lui restituer les 3 véhicules et de lui transférer ces autorisations, ainsi que de lui régler les loyers en retard. Dans un courrier du 3 août la société MARION a maintenu sa position, ajoutant mettre à disposition de son loueur les véhicules mais pas les autorisations.
Le 4 octobre 2010 la société VAR ASSISTANCE a demandé à la société MARION de lui régler les factures de loyers encore dues.
Le 7 août 2012 la société VAR ASSISTANCE a fait assigner la société MARION devant le Tribunal de Commerce de TOULON, qui par jugement du 21 mai 2014 a :
* dit que le contrat sous seing privé passé entre la société VAR ASSISTANCE et la société MARION a un objet illicite, vu les articles L. 6312-5 du Code de la Santé Publique et les articles R. 6312-27 et R. 6312-42, et est en conséquence, vu l'article 1128 du Code Civil, nul et de nul effet;
* débouté la société VAR ASSISTANCE de toutes ses demandes;
* condamné la société VAR ASSISTANCE à payer à la société MARION une somme de
4 000 € 00 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
* laissé à la charge de la société VAR ASSISTANCE les entiers dépens.
La S.A.S. VAR ASSISTANCE a régulièrement interjeté appel le 19-20 juin 2014, et par dernières conclusions du 5 septembre 2017 soutient notamment que :
- l'autorisation de mise en service doit toujours être rattachée à un véhicule; la location des 2 véhicules à la société MARION s'est accompagnée d'un transfert des autorisations par l'A.R.S.; le Code de la Santé Publique ne mentionne jamais une interdiction expresse de la location d'un véhicule sanitaire;
- la société MARION n'a pas rempli ses obligations de locataire, puisqu'elle a cessé de régler les loyers ; elle doit ceux-ci outre les majorations contractuelles de 3 % et de 6 %;
- les véhicules ont été restitués en février 2011; elle a subi un préjudice de jouissance depuis cette restitution, n'ayant pu utiliser les véhicules au titre de son activité économique faute de règlement des sommes dues et des restitution des autorisations.
L'appelante demande à la Cour, vu les articles anciens 1127 et 1128 et 1134 du Code Civil, R. 6312-29 et suivants du Code de la Santé Publique, de :
* à titre principal :
- déclarer l'appel de la société VAR ASSISTANCE recevable et bien fondé;
- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions;
* et statuant à nouveau :
- constater, dire et juger que les autorisations de mise en service sont attachées au véhicule et ne sont pas délivrées intuitu personae;
- dire et juger les autorisations de mise en service cessibles, saisissables et font (sic) partie du commerce;
- dire et juger licite le contrat de location de véhicule sanitaire;
- dire et juger que la société MARION n'a pas respecté les termes contractuels prévus par le contrat;
- fixer au passif de la société MARION la créance de loyers dûs à la société VAR ASSISTANCE à la somme de 141 153 € 08, somme arrêtée au jour de la restitution des trois véhicules soit en février 2011, outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 28 juillet 2010 qui devront être majorés d'un intérêt annuel au taux de 6% jusqu'à parfait règlement;
- ordonner la restitution en nature des autorisations administratives attachées aux
véhicules objet du contrat de location de véhicules sanitaires, sous réserve de l'autorisation pour le transfert de l'autorité administrative, et ce sous astreinte de 1 000 € 00 par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir;
- à défaut de restitution des autorisations administratives pour quelque cause que ce
soit, fixer au passif de la société MARION la créance d'indemnité due à la société VAR ASSISTANCE à la somme de 200 000 € 00 par autorisation, soit la somme totale de
400 000 € 00 pour les deux autorisations;
- fixer au passif de la société MARION la créance d'indemnité due à la société VAR ASSISTANCE à hauteur de la somme de 200 000 € 00 à titre d'indemnité du fait de l'impossibilité de la remise en nature de l'autorisation de mise en circulation qui a été vendue par la société MARION;
* à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour prononce la nullité du contrat de location de véhicules sanitaires :
- remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la signature dudit contrat de location de véhicules sanitaires; en conséquence :
- ordonner à la société MARION la restitution en nature des autorisations administratives de mise en circulation des véhicules sanitaires attachées aux trois véhicules en cause dans lesdits contrats de location, et ce sous astreinte de 1 000 € 00 par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir;
- à défaut de restitution en nature des deux autorisations de mise en circulation pour
quelque cause que ce soit, fixer au passif de la société MARION la créance d'indemnité due à la société VAR ASSISTANCE à la somme de 400 000 € 00 au titre de l'action in rem verso;
- fixer au passif de la société MARION la créance d'indemnité due à la société VAR ASSISTANCE à la somme de 200 000 € 00 du fait de l'impossibilité de la remise en nature d'une des trois autorisations de mise en circulation qui a été vendue par la société MARION;
* en toutes hypothèses :
- fixer au passif de la société MARION la créance due à la société VAR
ASSISTANCE à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance la somme de
10 033 € 03 mensuelle à compter de la restitution des deux véhicules soit en février 2011, soit la somme de 722 378 € 16 arrêtée en février 2017 et à parfaire jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir;
- fixer au passif de la société MARION la créance due à la société VAR ASSISTANCE à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive la somme de 50 000 € 00;
- condamner la société MARION à verser à la société VAR ASSISTANCE D'OR la somme de 7 000 € 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La S.A.R.L.U. MARION a été mise en redressement judiciaire le 7 mars 2017, et le 10 mai la société VAR ASSISTANCE a déclaré une créance pour un total de 1 525 394 € 38; Maître [W] [B] pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la S.A.R.L.U. MARION a été assigné en intervention forcée; par dernières conclusions du 29 août 2017, identiques mais distinctes, ces 2 personnes répondent notamment que :
- l'autorisation de mise en service est exclue du commerce juridique; le contrat porte non pas sur la cession de celle-ci, mais sur sa location; l'autorisation n'est pas librement cessible, et son détenteur ne peut en disposer sans l'accord de l'A.R.S.; sa location est interdite;
- est illicite et interdit le contrat de location de l'autorisation;
- par suite la société VAR ASSISTANCE ne peut demander l'exécution dudit contrat (paiement et restitutions), il n'existe pas d'enrichissement sans cause, et la demande de dommages et intérêts pour compenser le préjudice subi du fait de l'inexécution du contrat est infondée;
- la restitution des véhicules permet à la société VAR ASSISTANCE de demander le transfert des autorisations;
- selon l'article R. 6312-42 du Code de la Santé Publique la personne ayant un droit d'usage sur le véhicule reste seule titulaire de l'autorisation quand le contrat lui ayant concédé cet usage prend fin.
Les intimés demandent chacun à la Cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement;
- en tout état de cause dire nulle les conventions;
- débouter la société VAR ASSISTANCE de l'ensemble de ses demandes;
- subsidiairement, dire que la créance ne peut porter intérêt que jusqu'au jour du jugement déclaratif;
- en ce qui concerne l'astreinte sollicitée, dire que celle-ci portera sur la demande de transfert, et non sur la restitution qui ne peut s'opérer que sous réserve de l'autorisation obtenue;
- condamner la société VAR ASSISTANCE à la somme de 7 000 € 00 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2017.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
La mise en service des véhicules de transports sanitaires doit être autorisée par le Directeur Général de l'AGENCE REGIONALE DE SANTE [], en application des articles R. 6312-33 et suivants du Code de la Santé Publique. Cette autorisation est transférable, après accord de cette autorité, '(...) en cas de (...) cession du véhicule ou du droit d'usage de ce véhicule, au profit et à la demande du cessionnaire (...)' ainsi que le précise l'article R. 6312-37.
La location d'un véhicule sanitaire muni d'une autorisation est assimilable à la cession du droit d'usage de celui-ci, et n'est interdite par aucun texte ni par le DGARS; par ailleurs la société MARION locataire des véhicules appartenant à la société VAR ASSISTANCE a utilisé ceux-ci de février et août 2009 à février 2011 soit pendant 2 ans, sans rencontrer de problèmes avec le DGARS ce qui signifie que l'autorisation de mise en service afférente auxdits véhicules dont était titulaire la seconde société lors du contrat du 26 mai 2008 a été transférée à la première après accord de ce DGARS. Au surplus la société MARION est injustement muette quant à ses démarches en vue de cet accord, tout en exposant dans le dispositif de ses conclusions être en possession de cette autorisation.
Le contrat de location, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal de Commerce, n'a donc pas un objet illicite et par suite ne peut être dit nul et de nul effet. Il doit être exécuté.
A l'issue du contrat résilié par le locataire ce dernier est dans l'obligation, conformément à l'article 3.4, de faire les démarches afin de transférer au loueur les autorisations; cette obligation sera assortie d'une astreinte pour assurer son efficacité, mais la Cour ne peut imposer la restitution en nature de celles-ci.
La société VAR ASSISTANCE , à qui les 2 véhicules ont été restitués en février 2011, n'est pas en mesure de les relouer à un tiers autre que la société MARION puisque les autorisations attachés à eux sont toujours en possession illicite de cette dernière, qui pourtant a choisi de résilier elle-même le contrat. Ce faisant la première société subit un préjudice de jouissance que la Cour évalue à la somme de 100 000 € 00.
Enfin et à titre surabondant l'article R. 6312-42 du Code de la Santé Publique invoqué par la société MARION concerne uniquement les loueurs que sont 'une entreprise de location ou un organisme de crédit-bail ou de location avec option d'achat', alors que la société VAR ASSISTANCE ne fait pas partie de ces catégories et doit donc restituer l'autorisation à l'issue du contrat de location.
Si la résistance de la société MARION était injustifiée, son caractère abusif n'est pas démontré, non plus que le préjudice spécifique qu'en aurait subi la société VAR ASSISTANCE; par suite la Cour déboutera cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Infirme en totalité le jugement du 21 mai 2014.
Fixe au passif de la S.A.R.L.U. MARION la créance de loyers de la S.A.S. VAR ASSISTANCE à la somme de 141 153 € 08 arrêtée au 8 mars 2011, outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 21 juin 2010 jusqu'au jugement de redressement judiciaire du 7 mars 2017, qui devront être majorés d'un intérêt annuel au taux de 6% jusqu'audit jugement.
Ordonne à la S.A.R.L.U. MARION de faire les démarches afin de transférer à la S.A.S. VAR ASSISTANCE les autorisations de mise en service attachées aux véhicules objets du contrat de location des 16 février et 1er août 2009, sous astreinte provisoire de 1 000 € 00 par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt.
Fixe au passif de la S.A.R.L.U. MARION la somme de 100 000 € 00 due à la S.A.S. VAR ASSISTANCE à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.
Fixe au passif de la S.A.R.L.U. MARION la somme de 7 000 € 00 due à la S.A.S. VAR ASSISTANCE sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Met les entiers dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejettes autres demandes.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.