COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 26 OCTOBRE 2017
N° 2017/ 367
Rôle N° 14/03524
[Q] [W]
SARL LE CA
C/
[R] [X]
mandataire ad litem de SARL TIMEO ET LEA
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
Grosse délivrée
le :
à :
Me CHERFILS
Me JOUSSET
Me STRATIGEAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013/06405.
APPELANTES
Mademoiselle [Q] [W]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Nadia LAIB, avocat au barreau de MARSEILLE,
SARL LE CA,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Nadia LAIB, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
Maître [R] [X] es-qualités de mandataire ad litem de la SARL TIMEO ET LEA (anciennement SARL LE V2),
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Matthieu JOUSSET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Joris RAFFY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Jean-christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Marie BOUIRAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2017,
Signé par Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
La S.A.R.L. LE V2 s'est immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 28 octobre 2008 avec son siège situé [Adresse 2], pour gérant Monsieur [H] [E], et comme activité un fonds de commerce de (sic)-viennoiseries-salades- boissons chaudes et froides-confiserie-sucreries-plats chauds et froids, le tout à emporter ou à consommer sur place$gt;.
Le 15 septembre 2010 un devis a été établi par en faveur de Monsieur [E] pour la fourniture et l'installation, [Adresse 2], d'une couverture télescopique de type M.A.N.T.T. Garden Roof moyennant le prix de 23 200 € 00 H.T.
Un arrêté n° 33/2012 pris le 6 janvier 2012 par le Maire d'[Localité 1] a autorisé le gérant de la société LE V2 'à installer sur le trottoir, au droit de l'établissement [de celle-ci], et ce dans ce seul cas, une terrasse comportant uniquement des tables avec parasols éventuellement et des chaises, comptoir exclus [sic] pour la période du 1er janvier au 31 décembre [avec] une surface autorisée de 8 m² [qui] sera matérialisée au sol'.
Le 3 avril 2012 une promesse de vente du fonds de commerce a été signée entre la S.A.R.L. LE V2 et Madame [Q] [W]; est notamment stipulée en page 2 un 'Droit de terrasse de la commune d'[Localité 1], sur laquelle est installée une bâche fermée qui se démonte chaque jour'.
Le 23 suivant Madame [W] a établi les statuts de la S.A.R.L. LE CA dont elle est l'associée unique et la gérante; cette société s'est immatriculée au R.C.S. le 26 avril avec son siège [Adresse 2], et pour enseigne .
Selon mentionnant le 24 mai 2012, et le numéro C237H7012PR, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES-PROVENCE [] a consenti à la société LE CA, avec comme cautions 2 personnes dont Madame [W], un prêt de 130 000 € 00 remboursable en 84 mois [soit 7 ans] avec un taux effectif global de 4,897 % l'an.
Le 7 juin 2012 a été établi l'acte de vente du fonds de commerce de la société LE V2 à la société LE CA; sont stipulés notamment :
- une entrée en jouissance le jour même;
- l'enseigne , et la ligne téléphonique numéro XXXXXXXXXX;
- en page 2 un 'Droit de terrasse de la commune d'[Localité 1], sur laquelle est installée une bâche fermée qui se démonte chaque jour';
- le prix principal de 150 000 € 00, payé :
. pour 130 000 € 00 par un emprunt auprès du CREDIT AGRICOLE remboursable en 84 mois c'est-à-dire 7 ans,
. pour 20 000 € 00 comptant au moyen des deniers personnels de l'acquéreur;
- en annexe la lettre de la Mairie D'[Localité 1] du 4 janvier 2012 ayant transmis au vendeur l'arrêté n° 33/2012 pris le 6 janvier 2012.
Par arrêté n° 645/2012 du 8 juin 2012 le Maire d'[Localité 1] a autorisé Madame [W] 'à installer sur le trottoir, au droit de l'établissement [LE V2], et ce dans ce seul cas, une terrasse comportant uniquement des tables avec parasols éventuellement et des chaises, comptoir exclus [sic] pour la période du 9 juin au 31 décembre [avec] une surface autorisée de 8 m² [qui] sera matérialisée au sol'.
Un avertissement a été transmis le 19 juin 2012 à Madame [W] par le Préfet des [Localité 2], suite à une inspection au titre de la sécurité sanitaire des aliments du 16 précédent, en raison d'un certain nombre de manquements à la réglementation et aux règles de bonnes pratiques d'hygiène; cette autorité a par ailleurs invité l'intéressée à la réfection de son établissement et à lui faire parvenir rapidement une déclaration d'ouverture.
Pour co-financer l'achat du fonds de commerce un personnel et sans intérêt a été consenti par l'association OUEST PROVENCE INITIATIVE à Madame [W], selon contrat du 2 juillet 2012 et pour la somme de 7 000 € 00 remboursable en 36 mois.
La société LE V2 ayant son siège [Adresse 2] d'une part est devenue la S.A.R.L. TIMEO ET LEA avec les nom commercial et enseigne , et d'autre part a transféré son siège [Adresse 5]; elle s'est immatriculée au R.C.S. le 22 novembre 2012.
Par courrier du 28 janvier 2013 le Maire d'[Localité 1] a informé Madame [W] 'qu'aucune autorisation d'urbanisme n'a été délivrée sur la parcelle (...) sise [Adresse 2], concernant une véranda'.
La société LE CA a fait établir par Huissier de Justice 2 procès-verbaux de constat :
- le premier le 26 février 2013 dont il ressort que :
. sur le site des Pages Jaunes le a pour adresse [Adresse 2], et pour numéro de téléphone 04 42 40 41 73;
. sur le site le a pour adresse [Adresse 5] dans cette Commune, et le même numéro de téléphone;
- le second le 6 mars suivant au sein de son fonds de commerce [Adresse 2] qui mentionne :
. 'la présence d'une structure de type bâche', avec une armature en 'plastique dur';
. en façade (large de 9 m 40) comme en faces latérales (larges chacune de 3 m 45) 'une bâche plastique souple' d'une superficie au sol de 32 m²;
. que la partie supérieure de la bâche est coulissante et peut s'ouvrir partiellement.
Par arrêté n° 459/2013 du 10 avril 2013 le Maire d'[Localité 1] a autorisé Madame [W] 'à installer sur le trottoir, au droit de l'établissement (...), et ce dans ce seul cas, une terrasse comportant uniquement des tables avec parasols éventuellement et des chaises, comptoir exclus [sic] pour la période du 1er avril au 31 décembre [avec] une surface autorisée de 18 m² [qui] sera matérialisée au sol'.
Le CREDIT AGRICOLE a le 31 octobre 2013 dénoncé à la société LE CA le contrat d'ouverture de crédit d'un plafond autorisé de 5 000 € 00 numéro C238VY017PR, et mis en demeure la société celle-ci de régler le solde de 3 360 € 39 sous peine de prononcer la déchéance du terme.
Le 20 novembre 2013 a été établi un procès-verbal de constat à la requête de la société TIMEO ET LEA quant à 'la présence d'une terrasse couverte structure' dans le fonds de commerce vendu à la société LE chiffre d'affaires aujourd'hui à l'enseigne .
Le décompte de prêt établi par le CREDIT AGRICOLE le 12 décembre 2013 mentionne une dette de la société LE CA égale à un total de 107 717 € 23.
Les 27 mai et 11 octobre 2013 la société LE CA et Madame [W] avaient fait assigner respectivement la société TIMEO ET LEA et le CREDIT AGRICOLE en nullités de la cession du fonds de commerce et du prêt ainsi qu'en paiement. Le Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE, par jugement du 20 janvier 2014 retenant pour l'essentiel que la société LE CA d'une part ne produit [pas] de mise en demeure de la Mairie d'[Localité 1] d'avoir à cesser d'exploiter la terrasse couverte sur le domaine public, et d'autre part n'a pas été victime d'un détournement de clientèle avec le fonds de commerce à [Localité 3], a :
* dit n'y avoir lieu à prononcer un sursis à statuer;
* débouté la société LE CA et Madame [W] de l'ensemble de leurs demandes;
* condamné solidairement la société LE CA et Madame [W] à payer au CREDIT AGRICOLE la somme de 107 717 € 23, majorée des intérêts calculés au taux contractuel de 7,64 % l'an à compter du 12 décembre 2013 et jusqu'à parfait paiement;
* condamné la société LE CA et Madame [W] à payer solidairement :
- à la société TIMEO ET LEA la somme de 3 000 € 00;
- au CREDIT AGRICOLE la somme de 700 € 00;
et ce sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
* condamné la société LE CA et Madame [W] à supporter les dépens de l'instance.
La liquidation judiciaire de la société TIMEO ET LEA a été ouverte le 6 février 2014 avec désignation comme liquidateur de Maître [R] [X], ce qui a conduit :
- la société LE CA et Madame [W] à déclarer le 24 mars deux créances chirographaires et provisionnelles respectivement de 256 147 € 43 et de 7 000 € 00;
- le CREDIT AGRICOLE à déclarer le 11 juillet une créance chirographaire et provisionnelle pour la somme de 25 000 € 00; par ordonnance du 3 octobre 2014 le Juge-Commissaire a dit que ce créancier 'ne sera pas relevé de la forclusion encourue' pour cette déclaration.
Cette liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 2 décembre 2016. Une ordonnance du 11 janvier 2017 a désigné Maître [R] [X] 'en qualité de mandataire ad litem aux fins de représenter en Justice la société TIMEO ET LEA dans l'instance' présente.
La S.A.R.L. LE CA et Madame [Q] [W], qui avaient régulièrement interjeté appel du jugement le 19-20 février 2014, par dernières conclusions du 6 septembre 2017 soutiennent notamment que :
- l'arrêté municipal du 6 janvier 2012 concernant Monsieur [E] es qualité de gérant de la société LE V2 ne leur a été remis que 2 jours après la vente, soit le 9 juin; avant cette vente existait une terrasse vitrée recouverte d'une bâche orange; l'arrêté du 8 juin 2012 les concernant, pour une terrasse vitrée d'une superficie de 32 m², ne devait pas faire l'objet d'un renouvellement à compter du 1er janvier 2013;
- la mise en demeure adressée le 31 octobre 2013 par le CREDIT AGRICOLE à la société LE CA, que celle-ci a reçu le 4 novembre, ne peut valoir déchéance du terme, puisque celle-ci a régularisé le 13 suivant soit avant le délai de dizaine;
- l'acte de cession du fonds de commerce en date du 7 juin 2012 est nul pour dol et plus précisément réticence dolosive : la terrasse vitrée de celui-ci pour une surface de près de 32 m², constituant l'élément attractif et essentiel de l'établissement, a été construite pratiquement en dur par la société LE V2 suite au devis de du 15 septembre 2010, d'où son caractère illicite; l'absence de mise en demeure par la Mairie en 2013 ne pouvait avoir d'incidence sur le caractère illicite de l'installation de la terrasse vitrée pratiquement en dur; aucun plan des lieux délimitant la terrasse vitrée empiétant sur le domaine public n'est annexé à l'acte de cession; Madame [W] en était à sa première acquisition, alors que la société LE V2 était une professionnelle de la restauration; la société LE CA a été sciemment induite en erreur par la société LE V2 sur un élément déterminant de son consentement à savoir la dimension et la consistance de la terrasse exploitable;
- la société LE CA ne peut vendre un fonds de commerce avec une terrasse illicite;
- dès le 19 juin 2012 soit quelques jours après la cession du fonds de commerce un avertissement a été donné quant à l'hygiène; ce fonds n'était donc absolument pas aux normes, ce que ne pouvait ignorer le vendeur la société LE V2; l'acquéreur la société LE CA a donc dû engager des frais (10 944 € 00), mais également fermer l'établissement pendant les travaux soit 16 jours;
- la nullité de la cession entraîne celle des 2 actes de prêts en raison de leur interdépendance et de leur indivisibilité à tous trois; le CREDIT AGRICOLE doit rembourser les mensualités versées par la société LE CA soit 30 797 € 00;
- la société TIMEO ET LEA ayant son siège à [Localité 3] mentionne à tort sur les Pages Jaunes que son établissement a pour adresse celle de la société LE CA, ce qui constitue une concurrence déloyale ayant duré du 25 octobre 2012 (acquisition de cet établissement) au 26 février 2013; la clientèle de la société LE V2 cédée à la société LE CA a été ensuite détournée par la société TIMEO ET LEA;
- le bail commercial de la société LE CA n'a jamais été résilié.
Les appelantes demandent à la Cour de :
- déclarer leur appel bien fondé;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de la société TIMEO ET LEA dans l'attente de la décision du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE quant à la procédure en responsabilité initiée à l'encontre du rédacteur de l'acte de vente litigieux du 7 juin 2012 les consorts [R];
- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions, et dès lors;
- prononcer la nullité de l'acte de cession du fonds de commerce en date du 7 juin 2012 au visa des dispositions des articles 1109 et 1116 du Code Civil et ordonner la remise en état des parties en l'état antérieur à la cession du fonds de commerce;
- débouter Maître [X] es qualité de mandataire ad litem de la société TIMEO ET LEA, anciennement la société LE V2, de toutes ses demandes;
- dire et juger que la société LE CA devra restituer le fonds de commerce objet du litige à Maître [X] es qualité de mandataire ad litem de la société TIMEO ET LEA, anciennement la société LE V2, aux frais de Maître [X] es qualité;
- prononcer de manière claire la nullité des deux contrats de prêts souscrits auprès du CREDIT AGRICOLE et de OUEST PROVENCE INITIATIVE;
- débouter le CREDIT AGRICOLE de sa demande dirigée à l'encontre de la société LE CA tendant à la restitution de la totalité des sommes prêtées et mises à sa disposition, outre intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du capital à son profit;
- condamner le CREDIT AGRICOLE à rembourser à la société LE CA la somme de
30 797 € 00 arrêtée à la date du 12 décembre 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation au fond devant le Tribunal;
- fixer au passif de la société TIMEO ET LEA la créance de 7 000 € 00 de Madame [W] au titre du prêt souscrit auprès de OUEST PROVENCE INITIATIVE le 2 juillet 2012;
* à titre principal fixer, dans le cadre de la nullité de l'acte de cession et de l'acte de prêt du CREDIT AGRICOLE, la créance de la société LE CA au passif de la liquidation judiciaire de la société TIMEO ET LEA à la somme de 89 133 € 20 € en principal, outre intérêts au taux légal et au taux contractuel tels que détaillés ci-après, ladite créance se décomposant comme suit :
- 20 000 € 00 représentant l'apport personnel de la société LE CA, outre intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation au fond devant le Tribunal;
- 9 633 € 20 au titre des frais et honoraires du compromis et de l'acte de cession réglé au rédacteur de l'acte, ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation au fond devant le Tribunal;
- 30 000 € 00 au titre des frais d'emménagement, de ceux à venir pour son déménagement, des dépenses relatives à la conservation de l'immeuble et des équipements dont elle a doté le fonds de commerce, ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation introductive d'instance;
- 30 000 € 00 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral exclusivement imputable au dol, c'est-à-dire celui résultant notamment des tracas liés à la découverte de l'illicéité de la construction sur le domaine public, de l'action en Justice et de l'annulation de la vente;
* à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait suivre l'argumentation du CREDIT AGRICOLE, fixer la créance de la société LE CA au passif de la liquidation judiciaire de la société TIMEO ET LEA à la somme de 228 147 € 00, outre intérêts au taux légal et au taux contractuel tels que détaillés ci-après, ladite créance se décomposant comme suit :
- 20 000 € 00 représentant l'apport personnel de la société LE CA, outre intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation au fond devant le Tribunal;
- 30 797 € 00 au titre des mensualités réglées par la société LE CA à la date du 12 décembre 2013, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation au fond devant le Tribunal, au titre du prêt de 130 000 € 00 souscrit par acte sous seing privé du 24 mai 2012 auprès du CREDIT AGRICOLE;
- 107 717 € 23 au titre du solde du prêt susvisé, majorés des intérêts calculés au taux contractuel de 7,64 % l'an à compter du 12 décembre 2013 jusqu'à parfait paiement;
- 9 633 € 20 au titre des frais et honoraires du compromis et de l'acte de cession
réglé au rédacteur de l'acte, ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation au fond devant le Tribunal;
- 30 000 € 00 au titre des frais d'emménagement, de ceux à venir pour son déménagement, des dépenses relatives à la conservation de l'immeuble et des équipements dont elle a doté le fonds de commerce, ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation introductive d'instance;
- 30 000 € 00 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral exclusivement imputable au dol, c'est-à-dire celui résultant notamment des tracas liés à la découverte de l'illicéité de la construction sur le domaine public, de l'action en Justice et de l'annulation de la vente;
* fixer la créance de Madame [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société TIMEO ET LEA à la somme de 7 000 € 00 en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013 date de l'assignation au fond devant le Tribunal, en remboursement du prêt d'honneur souscrit auprès de l'association OUEST PROVENCE INITIATIVE le 2 juillet 2012, accordé en vue de réaliser son projet d'entreprise, à savoir l'acquisition du fonds de commerce de la société TIMEO ET LEA par la société LE CA le 7 juin 2012, fonds sis [Adresse 2];
* dire et juger que la société TIMEO ET LEA s'était bien rendue coupable de concurrence déloyale par détournement de clientèle au préjudice de la société LE CA, et dès lors;
* fixer la créance de la société LE CA à la liquidation judiciaire de la société TIMEO ET LEA à la somme de 20 000 € 00 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et/ou moral, ce sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code Civil, eu égard au comportement fautif de la société TIMEO ET LEA anciennement la société LE V2;
* débouter le CREDIT AGRICOLE de toutes ses demandes, exception faite de celle concernant la confirmation du sursis a statuer;
* condamner le CREDIT AGRICOLE à payer à la société LE CA et à Madame [W] la somme de 5 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par dernières conclusions du 19 janvier 2016 la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES-PROVENCE répond notamment que :
- la validité du prêt qu'elle a consenti à la société LE CA n'est pas discutée;
- elle n'a pas à s'immiscer dans le débat opposant la société LE CA et Madame [W] à la société TIMEO ET LEA quant au dol du contrat de vente du fonds de commerce;
- malgré l'annulation judiciaire éventuelle de la vente la société LE CA reste tenue à l'exécution du contrat de prêt; le remboursement de celui-ci a cessé depuis septembre 2013, ce qui le rend immédiatement exigible (page 7 du contrat);
- la mise en demeure du 31 octobre 2013 de payer dans les 10 jours, réceptionnée par la société LE CA le 2 novembre, a entraîné la déchéance du terme le 12 suivant; les versements ultérieurs n'ont pas suffi à solder tout le retard; la défaillance de cette société est acquise;
- si la vente est annulée judiciairement, l'interdépendance entre celle-ci et le prêt conduira la Cour à prononcer le cas échéant la caducité de la convention de prêt; la société LE CA devra donc restituer la totalité des sommes prêtées, majorées des intérêts légaux sur le montant du capital;
- elle-même subi en outre un préjudice financier égal à 25 000 € 00, car les intérêts contractuels auraient représenté la somme de 22 502 € 00.
L'intimée demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer;
- statuer ce qu'il appartiendra sur les demandes que s'opposent respectivement la société LE CA et Madame [W] de première part, et la société TIMEO ET LEA de seconde part;
- dans l'hypothèse où la Cour dirait n'y avoir lieu à annulation judiciaire de la vente :
. dire en ce cas que la société LE CA reste redevable de l'intégralité des sommes contractuellement dues au CREDIT AGRICOLE en vertu du contrat de prêt souscrit, selon les clauses de stipulation figurant audit acte, et que Madame [W] reste elle-même redevable des sommes contractuellement dues en vertu de son acte d'engagement de caution solidaire;
. en ce même cas, vu les articles 1134 et 1905 du Code Civil, ensemble l'article 2288 du même Code, rejeter les demandes des appelantes et confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société LE CA et Madame [W] à payer au CREDIT AGRICOLE la somme principale de 107 717 € 23, majorée des intérêts calculés au taux contractuel de 7,64 % l'an à compter du 12 décembre 2013 et jusqu'à parfait paiement;
- dans l'hypothèse où la Cour prononcerait l'annulation judiciaire du contrat de vente, et où elle prononcerait subséquemment la caducité ou l'annulation du prêt :
. condamner alors la société LE CA à restituer au CREDIT AGRICOLE la totalité du capital prêté au titre du prêt consenti, soit la somme de 130 000 € 00, diminuée du montant des versements effectués par la société LE CA, outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise à disposition des sommes prêtées à la société LE CA (5 juin 2012, date de réalisation du prêt);
. en ce même cas, vu l'article 1382 du Code Civil, dire que la société TIMEO ET LEA dont la responsabilité serait appréciée et retenue par la Cour comme ayant concouru en tout ou partie à la réalisation du dommage, à raison de la caractérisation de ses fautes et manquements directement préjudiciables au CREDIT AGRICOLE, doit réparation de son préjudice financier;
. fixer à la somme de 25 000 € 00 la créance de dommages et intérêts du CREDIT AGRICOLE au passif de la liquidation judiciaire de la société TIMEO ET LEA;
- en tout état de cause, vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamner tous succombants à payer au CREDIT AGRICOLE une indemnité de procédure de 3 000 € 00.
La S.A.R.L. TIMEO ET LEA, représentée par son mandataire ad litem agissant ès qualités Maître [R] [X], par dernières conclusions du 24 mars 2017, soutient notamment que :
- avant la promesse de vente du fonds de commerce du 3 avril 2012, Madame [W] a visité à plusieurs reprises celui-ci, ayant connaissance notamment du droit d'exploitation de la terrasse; ce droit, qui est une occupation temporaire et révocable du domaine public, dépend de l'autorité municipale, et n'est pas un élément appartenant au vendeur; le bail commercial ne fait pas état de cette terrasse; les 2 arrêtés de 2012 (du 6 janvier pour le vendeur, et du 8 juin pour l'acheteur) contiennent les mêmes dispositions; il ne s'agit pas d'une véranda;
- la Mairie d'[Localité 1] n'a pas constaté des infractions de la société LE CA sur le domaine public, ni mis celle-là en demeure de faire cesser l'occupation de celui-ci; cette société continue à exploiter le fonds de commerce dans les mêmes conditions que la société TIMEO ET LEA; la même ne saurait se prévaloir d'un droit à utilisation du domaine public;
- les Pages Jaunes n'ont pas modifié l'adresse à [Localité 1] du siège de la société TIMEO ET LEA; mais le numéro de téléphone de celle-ci est bien celui du RESTAURANT [Établissement 1], et l'adresse de ce dernier est bien à [Localité 3]; en outre la société LE CA ne rapporte pas la preuve d'une faute de la société TIMEO ET LEA ni de son propre préjudice;
- la créance du CREDIT AGRICOLE contre la société TIMEO ET LEA n'a pas été déclarée dans les délais, et a été jugée forclose par une ordonnance du 3 octobre 2014; elle est donc inopposable à la liquidation judiciaire, aujourd'hui clôturée, de cette société.
L'intimée demande à la Cour, vu les articles 122 et suivants du Code de Procédure Civile, 1116 et 1382 du Code Civil, 9 du Code de Procédure Civile, L. 622-24 et L. 622-26 du Code de Commerce, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions;
- y ajouter;
- dire et juger que Maître [X] intervient ès qualités de mandataire ad litem de la société TIMEO ET LEA et que toute demande dirigée contre elle in personam est irrecevable;
- dire et juger que Me [X], ès qualités de mandataire ad litem de la société TIMEO ET
LEA, maintient les moyens et demandes formulés par la société TIMEO ET LEA dans ses conclusions de première instance;
- dire et juger irrecevables en leur demande de fixation de la créance du CREDIT AGRICOLE au passif de la liquidation judiciaire de TIMEO ET LEA aujourd'hui clôturée pour défaut de qualité à agir, cette demande n'ayant pas vocation à satisfaire un droit qui leur est propre, ce dernier étant celui d'un tiers, le CREDIT AGRICOLE;
* en tout état de cause :
- débouter la société LE CA, Madame [W] et le CREDIT AGRICOLE de toutes leurs demandes dirigées contre la société TIMEO ET LEA ou Maître [X] ès qualités;
- condamner tous succombants formant des demandes contre la société TIMEO ET LEA ou Maître [X] ès qualités à payer à Maître [X] ès qualités la somme de 1 500 € 00 chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens solidairement.
L'ordonnance de clôture a été rendue à l'audience le 14 septembre 2017.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
Sur les demandes de la société LE CA et de Madame [W] :
Aucun élément ne permet de déterminer :
- le sort réservé au devis établi le 15 septembre 2010 par L.A.S.P. SYSTEM en faveur de Monsieur [E] gérant de la société LE V2;
- si la couverture téléscopique prévue par ce document a été effectivement installée;
- si cet élément fait partie de la terrasse autorisée les 6 janvier et 8 juin 2012 par la Commune d'[Localité 1], et/ou de la véranda exclue par cette dernière le 28 janvier 2013, et/ou de la structure constatée par un Huissier de Justice le 20 novembre suivant.
La société LE CA comme sa gérante Madame [W] ont évidemment, avant d'acheter le fonds de commerce de la société LE V2, visité celui-ci et pu constater l'étendue et la consistance de la partie de celui-ci situé à l'extérieur du bâtiment.
Cette partie est qualifiée de terrasse démontable donc sans structure fixe :
- par l'arrêté municipal du 6 janvier 2012 délivré à la société LE V2;
- par la promesse de vente de fonds de commerce signée le 3 avril 2012 entre cette société et Madame [W] pour le compte de la société LE CA;
- et par l'acte de vente dudit fonds du 7 juin 2012, auquel est en outre annexé la transmission par la Mairie d'[Localité 1] de l'arrêté précité, alors que la société LE CA et Madame [W] ne rapportent pas la preuve de leur allégation de cette transmission 2 jours après ledit acte.
Par ailleurs cette Mairie n'a nullement verbalisé le fonds de commerce acquis par la société LE CA pour la partie extérieure de celui-ci telle que constatée par un Huissier de Justice le 6 mars 2013 pour une superficie de 32 m², ni mis cette société en demeure de régulariser cette partie; en outre Madame [W] n'explique pas la raison de l'absence pour l'année 2013 d'un arrêté municipal semblable à ceux pris les 6 janvier et 8 juin 2012.
Enfin la société LE CA ne démontre pas que les problèmes d'hygiène du fonds de commerce acheté à la société LE V2, tels que détaillés dans l'avertissement transmis le 19 juin 2012 par le Préfet des [Localité 2], d'une part sont exclusivement imputables à ce vendeur, et d'autre part ont vicié la totalité de son consentement audit achat, d'autant qu'ils sont apparents, ainsi qu'aux dires mêmes de cette autorité moyens pour 5 et mineurs pour 8.
C'est par suite à tort que la société LE CA comme Madame [W] soutiennent que la présence d'une terrasse en dur de 32 m² constituait pour elles l'élément essentiel et attractif du fonds de commerce qu'elles ont acquis, et que cet élément prétendument illicite et irrégulier a déterminé leur consentement à cette vente du 7 juin 2012. Le jugement est en conséquence confirmé pour les avoir déboutées.
Pour la période du 25 octobre 2012 au 26 février 2013 les Pages Jaunes ont indiqué à tort que l'établissement de la société TIMEO ET LEA avait pour adresse celle de la société LE CA soit [Adresse 2]; pour autant celle-ci ne démontre pas que ce fait a effectivement détourné sa clientèle même potentielle vers celle-là. C'est par suite également à juste titre que le jugement a débouté la société LE CA sur ce point.
Sur les demandes du CREDIT AGRICOLE :
La mise en demeure adressée le 31 octobre 2013 par le CREDIT AGRICOLE à la société LE CA de régler le solde dû, sous peine de prononcer la déchéance du terme, concerne exclusivement le contrat d'ouverture de crédit d'un plafond autorisé de 5 000 € 00 numéro C238VY017PR, et nullement le contrat de prêt numéro C237H7012PR daté du 24 mai 2012 pour un montant de 130 000 € 00 remboursable en 84 mois soit 7 ans; ce dernier court donc jusqu'au 24 mai 2019 ce qui signifie qu'il n'est aujourd'hui 26 octobre 2017 pas encore arrivé à son terme; par suite le CREDIT AGRICOLE n'est pas fondé à réclamer quelque somme que ce soit tant à la société LE CA qu'à Madame [W].
La déclaration de créance faite par le CREDIT AGRICOLE au passif de la liquidation judiciaire de la société TIMEO ET LEA a été définitivement jugée forclose par l'ordonnance du Juge-Commissaire rendue le 3 octobre 2014; de ce fait c'est à bon droit que cette société et Maître [X] es qualité demandent à la Cour de dire et juger irrecevables les réclamations de ce créancier.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire.
Confirme le jugement du 20 janvier 2014 pour :
* avoir dit n'y avoir lieu à prononcer un sursis à statuer;
* avoir débouté la S.A.R.L. LE CA et Madame [Q] [W] de l'ensemble de leurs demandes, et les avoir condamnées en faveur de la S.A.R.L. TIMEO ET LEA ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance.
Infirme le jugement pour avoir condamné la S.A.R.L. LE CA et Madame [W] en faveur de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES-PROVENCE, et déboute celle-ci de toutes ses demandes contre celles-là.
Juge irrecevables les demandes de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES-PROVENCE à l'encontre de la société TIMEO ET LEA.
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne in solidum la S.A.R.L. LE CA et Madame [Q] [W] à payer à la S.A.R.L. TIMEO ET LEA représentée par son mandataire ad litem Maître [R] [X] une indemnité unique de 1 500 € 00 au titre des frais irrépétibles.
Condamne in solidum la S.A.R.L. LE CA et Madame [Q] [W] aux entiers dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes autres demandes.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.