COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 OCTOBRE 2017
A.D
N° 2017/
Rôle N° 16/00068
SA [Adresse 1]
C/
Etablissement Public DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
Grosse délivrée
le :
à :Me Cherfils
Me Desombre
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02071.
APPELANTE
SA [Adresse 1] représentée par son administrateur Monsieur [B] [W] demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Pierre-Marie FONTANEAU, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEE
Etablissement Public DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES Direction Départementale des Finances Publiques des Alpes Maritimes, représentée par son Directeur en exercice domicilié en cette qualité en ses bureaux, [Adresse 3]
représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2017,
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Expose :
Vu le jugement, rendu contradictoirement par le tribunal de grande instance de Nice le 11 décembre 2015, ayant déclaré régulière la procédure de taxation d'office contre la société [Adresse 1], ayant rejeté la demande de décharge des impositions formée par cette société au titre de la taxe de 3 % pour les années 2008 à 2011 et l'ayant condamnée aux entiers dépens.
Vu l'appel interjeté par la société [Adresse 1].
Vu les conclusions de la société appelante en date du 9 mai 2017, demandant à la cour de :
- à titre principal, infirmer le jugement,
- constater l'irrégularité de la procédure de taxation d'office et en conséquence, prononcer la décharge totale de l'imposition, accompagnée des intérêts moratoires jusqu'au complet remboursement des sommes par l'administration,
- à titre subsidiaire, constater le caractère excessif de l'évaluation de la valeur vénale du bien et prononcer la décharge de l'imposition d'un montant de 5'782'899 € avec les intérêts moratoires jusqu'au remboursement des sommes par l'administration,
- à titre infiniment subsidiaire, constater l'insuffisante motivation des pénalités et prononcer la décharge pour un montant de 2'848'482 € avec intérêts moratoires jusqu'au complet remboursement des sommes par l'administration,
- en tout état de cause, condamner l'administration à lui rembourser les entiers dépens, ainsi qu'à lui verser la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions de la direction générale des finances publiques du 11 juin 2017, demandant de :
- constater la régularité de la procédure d'imposition d'office et confirmer la valeur de la propriété,
- rejeter les demandes de l'appelante,
- confirmer le jugement,
- lui allouer la somme de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner l'appelante aux dépens.
Vu l'ordonnance de clôture.
Motifs
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.
Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.
Attendu que la société anonyme [Adresse 1], domiciliée en Suisse, à Genève, a fait l'objet d'une proposition de rectification concernant son assujettissement à la taxe de 3 % pour les années 2008, 2009, 2010, et 2011 sur la valeur vénale d'un ensemble immobilier dont elle est propriétaire à [Localité 1] ; que l'administration lui a adressé une lettre recommandée le 26 septembre 2011 , réceptionnée le 3 octobre 2011, la mettant en demeure de respecter ses obligations au regard de l'article 990 E 3° d et e du code général des impôts, qui n'a été suivie d'aucune réponse, lui reprochant alors de ne pas avoir souscrit les déclarations 2746 et de n'avoir pas repris l'engagement requis pour les années considérées avant le 31 décembre 2009.
Attendu que l'administration fiscale a, en conséquence, adressé à la société appelante quatre avis de mise en recouvrement le 22 juillet 2013 pour les montants respectifs en droits sur les années 2008 à 2011 de 914'100 €, 1'191'000 €, 1'392'000 € , 1'830'000 € , outre les pénalités.
Attendu que la société appelante conteste, en premier lieu, la régularité de la procédure de taxation d'office, faisant essentiellement valoir qu'elle a correctement rempli ses obligations en matière de taxe de 3 % en prenant, le 11 mai 2004, l'engagement initial de communiquer à l'administration française sur sa demande et chaque année les renseignements requis sur la situation des immeubles, leur consistance, l'identité des actionnaires, et le nombre des actions de chacun ; qu'elle n'avait pas à renouveler, suite à la loi rectificative de 2007, cet engagement, ce texte n'ayant ni remis en cause le bénéfice de l'exonération pour les personnes morales qui étaient déjà exonérées, ni aggravé les conditions prévues pour cette exonération ; qu'elle expose donc que l'administration n'avait pas à recevoir de nouvel engagement avant le 31 décembre 2009 dès lors qu'elle avait pris son engagement en 2004 ; qu'en toute hypothèse, elle s'est néanmoins spontanément conformée à l'instruction du 7 août 2008 et qu'elle a pris un nouvel engagement qu'elle a envoyé à l'administration le 14 décembre 2009, ce que l'administration conteste expliquant qu'elle ne l'a pas reçu ; qu'à cet égard , elle indique produire la confirmation de quittance de la poste suisse du 14 décembre 2009, 15:26 , mentionnant qu'une lettre recommandée a été envoyée au service des impôts de [Localité 2] ; que la condamnation d'un fonctionnaire de l'administration fiscale fait douter de la probité de l'agent des impôts ayant diligenté la mise en demeure ; qu'ainsi, l'administration ne pouvait lui adresser une mise en demeure de première infraction, à régulariser dans le délai d'un mois et que l'éventuel retard dans la réception de sa réponse est sans incidence ; qu'elle devait lui demander sous un délai de deux mois de tenir son engagement et que n'ayant pas régulièrement demandé à la société d'honorer son engagement, l'administration ne peut lui reprocher un défaut de réponse, ni justifier du bien-fondé de la taxation d'office ; qu'enfin, la demande adressée le 26 septembre 2011 lui laissant un délai de 60 jours pour justifier les divers renseignements demandés ne portait que sur les années 2005 à 2007 et ne peut donc être invoquée pour la proposition concernant les années 2008 à 2011 ; qu' en outre, elle avait répondu dans le délai aux renseignements demandés pour les années 2005 à 2007 ; qu'il y a une disproportion entre le redressement réclamé et les conséquences de la méconnaissance d'une simple formalité.
Attendu qu'à titre subsidiaire, elle conteste l'évaluation du bien en exposant qu'il convient de tenir compte de la détention de l'immeuble par le biais d'une société , d'où il résulte une absence de liquidité pour la disposition du bien et une décote consécutive de 20 % ; qu'il n'y a pas de termes de comparaison semblables, ni de similitudes et que les immeubles invoqués par l'administration ne sont pas dans des situations comparables ; que les références des ventes sont trop éloignées dans le temps ; que l'administration ne tient pas compte de l'exposition, de la vue mer, de la situation par rapport à la mer ; qu'elle fait également valoir la vétusté alors que les travaux de réhabilitation pour un montant de 32'000 000 € n'ont été terminés qu'en avril 2011.
Attendu qu'elle conteste, enfin, le bien-fondé de l'application des pénalités de 40 %.
Attendu que l'administration fait, de son côté, principalement valoir que le régime de la taxe a été modifié par la loi du 25 décembre 2007, applicable à compter du 1er janvier 2008, le texte précisant que l'engagement est pris à la date de l'acquisition par l'entité propriétaire du bien immobilier pour les biens déjà possédés au 1er janvier 2008, au plus tard le 15 mai 2008 ; qu'elle souligne que la loi ne limite pas la souscription de l'engagement aux sociétés nouvellement créées ou aux sociétés qui peuvent bénéficier pour la première fois de l'exonération ; qu'une instruction a finalement autorisé les entités juridiques à renouveler leur engagement au plus tard le 31 décembre 2009 ; qu'elle n'a pas reçu la lettre invoquée de ce chef par la société et que si la société appelante produit la confirmation de quittance de remise à la poste suisse, cette quittance ne précise pas l'expéditeur du courrier et que seule est prouvée la transmission de documents par l'étude [W] à la société [Adresse 1] ; qu'aucun accusé de réception n'est produit et qu'ainsi, il n'est pas justifié de la réception par l'administration et notamment par le service des impôts des entreprises [Localité 2] de la lettre d'engagement ; que, par suite, la mise en demeure de première infraction a été délivrée à bon droit ; que la société appelante ne démontre aucun lien entre la procédure pénale ayant concerné l'agent des impôts à l'origine de l'envoi de la mise en demeure et l'envoi de cet acte ; que celle ci a été réceptionnée le 3 octobre 2011 et que la société n'a répondu que par une lettre remise à la poste le 10 novembre 2011 au-delà du délai de 30 jours, d'où le bien fondé de la mise en oeuvre de la taxation d'office en application des articles L 66-4 et L 67 du LPF ainsi que de l'article 1728.1.b du code général des impots sur la majoration des intérêts ;
Attendu qu'elle expose encore que la majoration de 40 % est légale et sur le problème de la proportionnalité souligne que la procédure de taxation est la conséquence de son retard dans sa réponse alors que le service vérificateur a fait un contrôle respectant la législation en vigueur.
Attendu, sur les obligations déclaratives de la société au regard du texte applicable, qu'il convient de rappeler que le régime de la taxe litigieuse de 3% prévu pour les entités étrangères, propriétaires de biens immobiliers sis en France, a été modifié par la loi du 25 décembre 2007, applicable à compter du 1er janvier 2008 ; que le texte précise néanmoins que l'engagement est pris à la date de l'acquisition par l'entité propriétaire du bien immobilier et pour les biens déjà possédés au 1er janvier 2008, au plus tard le 15 mai 2008 ; que la loi ne limite pas la souscription de l'engagement aux sociétés nouvellement créées ou aux sociétés qui peuvent bénéficier pour la première fois de l'exonération et envisage aussi le cas des sociétés déjà propriétaires au 1er janvier 2008 ; que la date limite initialement fixée pour procéder à la déclaration a finalement été repoussée par une instruction du 7 août 2008, autorisant les entités juridiques à renouveler leur engagement au plus tard le 31 décembre 2009 ;
Attendu qu'il en résulte que la société [Adresse 1] avait bien l'obligation, pour prétendre être exonérée de cette taxe, soit de prendre l'engagement de communiquer chaque année les éléments requis avant le 15 mai 2008, soit de prendre l'engagement de répondre aux demandes de l'administration avant le 31 décembre 2009.
Attendu qu'au regard des exigences de ce texte, la cour relève que pour justifier de ses prétentions à exonération et de sa bonne exécution déclarative avant le 31 décembre 2009, la société appelante produit :
- la copie de sa lettre, datée du 14 décembre 2009 portant la mention de son envoi en recommandé au service des impots des entreprises de [Localité 2],
- la confirmation d'une quittance de remise à la poste suisse du 14 décembre 2009 à 15h26;
Attendu que cette quittance, certes, ne précise pas l'expéditeur du courrier, mais qu'elle revêt exactement la même forme que celle correspondant à l'envoi de la déclaration faite en 2004 par le même bureau de poste suisse, qui est aussi versée aux débats , qui ne mentionne pas plus le nom de l'exéditeur et que l'administration n'a jamais contesté avoir reçu ;
Qu'elle présente également la même forme que l'envoi par la société appelante du courrier du 10 novembre 2011 répondant à la mise en demeure de l'administration du 26 septembre 2011 pour lequel l'administration n'a, non plus, jamais contesté que son expéditeur fût la société [Adresse 1];
Que la quittance d'envoi de la poste suisse en date du 14 décembre 2009, 15h26, est, en outre, corroborée par l'envoi à la société par l'étude [W], en charge de la réalisation de cette formalité des récépissés des plis recommandés, le même jour, à 15h57, soit dans un temps parfaitement cohérent avec l'envoi postal;
Qu'il résulte, par ailleurs, d'un mail du 10 décembre 2009, que l'étude [W] avait bien été requise à cette date à fin d'établir pour la société [Adresse 1] le nouvel engagement à prendre sur le fondement de l' article 990 E 3° d, dont il était alors déjà prévu qu'il devait être envoyé au service des impôts des entreprises [Localité 2] ;
Que le 14 décembre 2009 à 11h55, l'étude [W] a précisément envoyé un mail en réponse au précédent, joignant copie des documents régularisés et signalant que les originaux seront envoyés ce jour par courrier recommandé;
Qu'enfin, lorsqu'elle a reçu la mise en demeure de l'administration du 26 septembre 2011, la société lui a répondu, non pas en contestant son obligation, mais en faisant spontanément état de cet envoi du 14 décembre 2009.
Attendu, dans ces conditions, que la preuve de ce que la société [Adresse 1] a bien envoyé l'engagement requis dans le délai expirant au 31 décembre 2009 est suffisamment rapportée, sans qu'il y ait lieu d'exiger la preuve de sa réception .
Attendu que la preuve de ce que la société appelante a rempli ses obligations pour prétendre bénéficier de l'exonération de la taxe de 3% étant ainsi retenue, la procédure de taxation d'office mise en oeuvre contre la société [Adresse 1] sera déclarée irrégulière pour les années 2008 à 2011 ; qu'il sera, en conséquence, prononcé la décharge totale de l'imposition, accompagnée, ainsi que l'appelante le demande, des intérêts moratoires jusqu'à complet remboursement par l'administration des sommes qu'elle ne conteste pas avoir reçu en paiement.
Attendu que le jugement sera, en conséquence, infirmé et que les demandes subsidiaires de la société appelante sont désormais sans objet.
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Déclare irrégulière la procédure de taxation d'office mise en oeuvre par l'administration fiscale à l'encontre de la société [Adresse 1] au titre de la taxe de 3% des années 2008 à 2011 et en conséquence, prononce la décharge totale de l'imposition, avec les intérêts moratoires jusqu'à complet remboursement des sommes par l'administration,
Condamne la Direction générale des finances publiques, Direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes à verser à la société [Adresse 1] la somme de 3 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples,
Condamne la Direction générale des finances publiques, Direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT