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22/09/2017 | FRANCE | N°15/13278

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 22 septembre 2017, 15/13278


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2017



N°2017/418

CB













Rôle N° 15/13278







ORGANISME DE GESTION DE L'INSTITUTION SAINTE JEANNE D'ARC





C/



[I] [P]

































Grosse délivrée le :

à :



Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE
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Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section E - en date du 30 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/243.





APPELANTE
...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2017

N°2017/418

CB

Rôle N° 15/13278

ORGANISME DE GESTION DE L'INSTITUTION SAINTE JEANNE D'ARC

C/

[I] [P]

Grosse délivrée le :

à :

Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section E - en date du 30 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/243.

APPELANTE

ORGANISME DE GESTION DE L'INSTITUTION SAINTE JEANNE D'ARC, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [I] [P], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON ([Adresse 3])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Chantal BARON, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du conseil des prud'hommes de Draguignan du 30 juin 2015, notifié aux parties le 2 juillet 2015, la juridiction a jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour faute grave par lettre du 26 mars 2014 par son employeur, l'OGEC (Organisme de gestion de l'enseignement catholique) Sainte Jeanne d'Arc, à l'encontre de [I] [P], qui exerçait dans l'entreprise, par contrat à durée indéterminée conclu le 1er septembre 2006, et pour une rémunération mensuelle brute de 6559,57 euros, les fonctions de directeur d'établissement.

La juridiction a accueilli la demande en paiement formée par [I] [P] en lui accordant les sommes de 37'784,58 euros à titre d'indemnité de licenciement ; 6297,45 euros représentant les dommages-intérêts pour licenciement irrégulier ; 37'784,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3778,46 euros au titre des congés payés afférents ; 37'784,58 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement infondé ; 10'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ; et 2500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté du surplus de sa demande.

Par acte du 10 juillet 2015, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, l'OGEC Sainte Jeanne d'Arcc a régulièrement relevé appel général de la décision.

L'OGEC Sainte Jeanne d'Arcc soutient,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que le jugement déféré est nul, l'un des conseillers qui a siégé à l'audience, n'appartenant pas à la section du conseil des prud'hommes compétente, et n'ayant pas été délégué par ordonnance du président de la juridiction ; qu'il convient par conséquent de prononcer la nullité du jugement et de renvoyer la cause et les parties devant le conseil des prud'hommes,

' subsidiairement, que [I] [P] a commis une faute grave en acceptant soit de considérer comme des heures supplémentaires effectuées par des enseignants, des déplacements de ceux-ci pour des visites en entreprise dans le cadre des périodes de formation en milieu professionnel, ou des heures de catéchèse ; soit de considérer que ces heures supplémentaires constituaient la récompense de l'implication des enseignants, et de transmettre au rectorat les éléments nécessaires au paiement de ces heures, en réalité non effectuées,

' que [I] [P] a ainsi fait de fausses déclarations, organisant un système occulte de rémunération en faisant payer sur des fonds publics des activités n'ayant aucun lien avec l'enseignement, ce que ni le rectorat, ni le président de l'association OGEC ne pouvaient savoir ni contrôler,

' que le licenciement prononcé le 26 mars 2014 est par conséquent parfaitement régulier et fondé, la demande en paiement de dommages-intérêts devant, encore plus subsidiairement, être réduite à de plus justes proportions.

L'employeur demande à la Cour d'infirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions, de débouter [I] [P] de toutes ses demandes en paiement et de lui allouer en définitive le paiement de la somme de 5000 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

[I] [P] réplique,

par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions :

' que le licenciement est infondé ; qu'en effet, les heures supplémentaires versées à une enseignante en rémunération de ses frais de déplacement dans le cadre du suivi des stages des élèves l'ont été en rémunération du temps de trajet constituant du temps de travail, et en suivant d'ailleurs un usage établi par les prédécesseurs du salarié,

' que le licenciement se fonde en réalité sur une perte de confiance, qui ne saurait, en l'absence d'éléments objectifs, constituer une faute grave,

' que les attestations produites par l'employeur ont été obtenues en exerçant des pressions sur les enseignants, ainsi que l'établissent les pièces produites par le salarié,

' que le motif caché du licenciement est en réalité une divergence d'appréciation sur les modalités de gestion le l'établissement et des ressources humaines, entre la tutelle diocésaine, l'OGEC et le salarié, dans la gestion de l'établissement ayant conduit à un conflit et finalement au licenciement de [I] [P],

' que le licenciement est irrégulier, le statut du chef d'établissement prévoyant que la dénonciation du contrat doit être notifié par l'organisme de gestion plus tard le 1er mars de l'année en cours, alors qu'il a été notifié le 26 mars ; que sont donc dûs les salaires échus du 26 mars au 31 août 2014, réclamés au titre de l'indemnité de préavis,

' que le préjudice considérable subi par le salarié justifie l'allocation de 26 mois de salaire, outre, compte tenu des méthodes employées par l'OGEC Sainte Jeanne d'Arcc portante atteinte à son honneur et à sa réputation, des dommages-intérêts en réparation du caractère vexatoire de la procédure.

Le salarié demande à la Cour de confirmer la décision des premiers juges dans toutes ses dispositions et de lui allouer en définitive paiement des sommes de :

-163'733,18 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6297,45 euros à titre de dommages-intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement,

-10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

-37'784,58 euros à titre d'indemnité de préavis,

-3778,46 euros à titre de rappel de congés payés sur préavis,

-37'784,58 euros à titre d'indemnité de licenciement,

outre 10'000 euros représentant ses frais irrépétibles sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du jugement déféré

En droit, l'article 430 du code de procédure civile dispose que la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire. Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats et la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.

En l'espèce, l'appelant avait nécessairement connaissance, de l'ouverture des débats, de la composition de la juridiction, moyen qui n'a pas été soulevé en première instance et qui est donc irrecevable en cause d'appel.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 26 mars 2014 indique :

« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave. En effet, vous avez utilisé des heures supplémentaires d'enseignement, heures rémunérées par l'État, pour d'autres actions que celles pour lesquelles elles sont normalement attribuées. Vous avez de ce fait utiliser les fonds publics pour un usage autre que celui pour lequel ils étaient prévus et nous sommes dans l'obligation d'en informer l'administration rectorale.

Les explications recueillies auprès de cours de notre entretien du vendredi 21 mars 2014 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En effet :

' Par courriel daté du mercredi 10 juillet 2013 dont vous reconnaissez être l'auteur, vous faites droit à la demande d'une enseignante d'être rémunérée de ses frais de déplacement en HSE. Ce courriel laisse entendre qu'il s'agit d'une pratique habituelle de l'établissement.

' Vous nous avez expliqué le versement de 51 HSE à une enseignante, pour l'année scolaire 2012-2013, nous indiquant qu'elles rémunéraient un temps d'enseignement de « méthodologie ' projet de classe » avec la 5ème 2. Vous les avez d'ailleurs déclarées au Rectorat comme deux heures d'histoire ' géographie, accompagnement personnalisé, avec la 5ème 2. Aussi, soit les 51 HSE ont réellement servi à rémunérer la « méthodologie ' projet de classe » avec la 5ème 2 et cela veut dire que vous avez rémunéré deux fois cet enseignement (une fois en heure année et une fois en HSE ) soit elles ont servi à rémunérer une autre activité que vous ne souhaitez pas vous révéler. Cette dernière hypothèse semble probable.

Outre les conséquences de cette pratique que nous aurons à gérer avec l'administration rectorale, ce comportement frauduleux ne peut que porter atteinte à l'image de notre institution et aux valeurs que nous voulons transmettre aux jeunes qui nous sont confiés dans un but d'éducation.

Compte tenu de sa mission, un chef d'établissement d'enseignement catholique doit avoir notamment pour souci primordial de veiller au développement moral et intellectuel de nos élèves afin qu'ils acquièrent un sens des responsabilités et deviennent capables de participer à la vie sociale en respectant ces règles.

En effectuant intentionnellement de fausses déclarations quant à l'utilisation des HSE vous avez failli à votre mission et l'exemplarité dans tout chef d'établissement se doit de faire preuve vis-à-vis non seulement des élèves mais également de l'ensemble de la communauté éducative.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. »

En droit, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations découlant du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période de préavis, étant précisé que la gravité de la faute peut résulter de la répétition des mêmes faits fautifs. La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur et implique la mise en oeuvre immédiate du licenciement, dès que l'employeur a connaissance de la réalité et de la nature de cette faute.

En l'espèce, l'employeur produit à l'appui de ses affirmations un échange de courriels entre [I] [P] et une enseignante nommée [N] [I], d'où il résulte que celle-ci réclamait le paiement d'heures supplémentaires en remboursement de frais de déplacement engagés avec son véhicule pour faire des visites d'évaluation des entreprises lieux de stage, pour signer les conventions et définir les objectifs avec les tuteurs, enfin pour effectuer des allers-retours pour conduire les élèves, lors des périodes de formation en milieu professionnel (dénommées PFMP). En réponse, [I] [P] indique : « [N], dans votre mail, vous soulignez la réalité des frais engagés. Je me permets de vous rappeler ce que je souligne à chaque rentrée scolaire. Bon nombre d'heures payées à l'année ne sont pas effectuées, à commencer par les heures des rentrées décalées (première semaine de l'année). Par ailleurs, les PFMP sont également nombreuses sur l'année en lycée professionnel et l'ensemble des heures devant élèves reste rémunérées. Il ne semble pas que les professeurs effectuent durant cette période l'ensemble des heures en déplacement ; enfin, j'ai souhaité anticiper des frais éventuels de déplacement pour prendre en compte l'investissement de chacun des professeurs, mais cela ne fait en aucun cas partie des règles appliquées par l'Education nationale ! Je souhaite prendre en compte votre demande et vous ai attribué un complément d'HSE. Je terminerai en vous indiquant que vous êtes la seule enseignante à faire cette demande d'aller au-delà de ce qui est déjà mis en place. »

L'employeur produit également un état des heures supplémentaires transmises au rectorat, pour la même enseignante, rémunérant deux heures de catéchèse. Enfin, il produit plusieurs attestations d'enseignants indiquant qu'ils ont perçu des heures supplémentaires pour des remplacements de courte durée non effectués : « A l'arrivée de [I] [P], j'ai commencé à percevoir des heures HSE pour des remplacements de courte durée que je n'ai pas effectués. Ces heures servaient à récompenser mon investissement auprès des élèves de lycée, notamment lors des révisions ou des oraux selon [I] [P]. J'ai également perçu des heures HSE pour rémunérer la mission de délégué du personnel et la participation aux réunions du comité d'entreprise. Enfin j'ai également perçu deux primes IFIC (indemnité pour fonction d'intérêt collectif) sans l'avoir demandé. J'ai alors demandé au secrétariat de mon établissement de m'expliquer à quoi ces somme correspondaient. La première raison invoquée était le rattrapage de la perte de pouvoir d'achat, puis Monsieur [I] [P] m'a convoqué pour m'expliquer que c'était pour récompenser mon implication dans la vie de l'établissement » (attestation [Q])' « Les déplacements effectués pour des visites en entreprise dans le cadre des PFMP ont fait de la part de Monsieur [I] [P] d'affectation (sic) d'HSE (heures supplémentaires d'enseignement pour rencontrer les tuteurs de stage en entreprise). J'atteste sur l'honneur que les heures de méthodologie-projet pour la 5ème 2 étaient rémunérées en heures année, déclarées dans le procès-verbal annuel comme des heures d'histoire ' géographie (51 heures sur l'année effectuée). J'atteste sur l'honneur avoir effectué à la demande de Monsieur [I] [P] la catéchèse sur l'ensemble de l'année pour les 3ème, mardi après-midi (deux heures par semaine, représentant environ 51 heures en comptant absences et cours de pastorale annulés). Ces heures de pastorale m'ont été rémunérées en heures supplémentaires payées sur le rectorat. J'atteste sur l'honneur n'avoir jamais remplacé Madame [T], M. [W], Mme [V], Mme [F]... » (Attestation [I])' « Par la présente, je confirme avoir reçu, à l'instar d'autres enseignants, des HSE de type remplacements de courte durée, sans les avoir effectués en classe devant élèves, mais en gratification d'actions éducatives menées au sein de l'établissement. » (Attestation [X])' « J'ai reçu des HSE sur lesquelles il était manuscrit "Pour le CE" ; "pour la kermesse". Ces heures n'étant pas effectuées devant les élèves pour le remplacement d'un collègue, j'avais conscience que je ne pouvais pas être indemnisé grâce à ces heures, mais j'avais la faiblesse de les accepter. Je recevais cet argent en juillet, l'établissement était fermé, et, à la rentrée, nous constations que nous étions plusieurs à avoir profité de ces heures. J'ai par ailleurs reçu l'IFIC en novembre 2013. Je me souviens que le montant de mon salaire m'a surpris lorsqu'il a été versé. J'ai alors demandé à la secrétaire de direction (Monsieur [I] [P] étant en congé maladie) à quoi correspondait cette augmentation. Dans un premier temps, elle m'a dit que tous les cinq ans il y avait un rattrapage de salaires des enseignants du privé, puis au retour de Monsieur [I] [P] on m'a dit que c'était une prime pour les délégués du personnel. Mais nous étions une dizaine à l'avoir touchée ! Un mois et demi plus tard, j'ai reçu ma fiche de paye sur laquelle il était noté IFIC. J'ai donc profité de cette utilisation des HSE et des indemnités. J'ai longtemps remercié le directeur pour ces heures qui étaient destinées au remplacement des absents mais au fil du temps j'ai pris conscience du danger que l'utilisation de ces heures faisait peser sur l'institution. J'ai prévenu Monsieur [I] [P] lors d'entretiens particuliers et même au cours d'un déjeuner qu'il fallait qu'il change radicalement sa façon de diriger l'établissement, mais rien n'a changé. » (Attestation [H]). D'autres attestations encore font état de la perception d'HSE et de primes IFIC, qui ne correspondaient ni à des heures supplémentaires effectivement réalisées devant les élèves, ni à des travaux d'intérêt collectif pour l'établissement (attestations [Q], [E], [N], [U]).

Il est donc largement établi que [I] [P] a sollicité du rectorat d'académie le paiement, sur des fonds publics, au bénéfice des enseignants de l'établissement, d'heures supplémentaires et de primes ne correspondant à aucuns travaux effectifs répondant aux conditions d'attribution de ces fonds, et par surcroît, selon des critères obscurs et à justification variable ou parfois totalement inexistante.

[I] [P] reconnaît lui-même dans son courriel précité, que les déplacements pour les activités de PFMP ne pouvaient être considérés comme du temps de travail et être indemnisé en heures supplémentaires.

La matérialité des faits est largement établie par le nombre important de témoignages produits aux débats, [I] [P] ne pouvant soutenir que toutes les personnes qui ont témoigné lui étaient hostiles ou ont été l'objet de pressions, alors que bon nombre de ces témoignages indiquent au contraire les excellentes relations que les enseignants entretenaient avec le directeur.

Or, de tels faits constituent manifestement une faute grave, dont [I] [P] ne saurait s'exonérer en soutenant comme il le fait qu'il existait une divergence d'appréciation, entre l'OGEC Sainte Jeanne d'Arcc, partisan d'une gestion traditionnelle, et lui-même, tenant d'un management moderne, dans la gestion des ressources humaines de l'établissement, le mésusage des fonds publics ne pouvant s'expliquer par aucune innovation managériale.

Il convient donc de dire fondé sur une faute grave le licenciement prononcé par lettre du 26 mars 2014.

Sur la procédure de licenciement

Le statut du chef d'établissement du second degré de l'enseignement catholique, applicable au contrat en cause, stipule que, hormis les cas de faute lourde ou grave ou de licenciement économique, la dénonciation du contrat de chef d'établissement doit être notifiée par l'organisme de gestion au plus tard le 1er mars de l'année en cours, par lettre recommandée avec avis de réception. Sauf accord entre les parties et hormis les cas de faute lourde ou grave, le contrat prend fin le 31 août de l'année en cours.

Le licenciement étant fondé sur une faute grave, la procédure est donc régulière. [I] [P] sera en conséquence débouté de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et infondé, ainsi que des demandes en paiement d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement.

Sur le licenciement vexatoire

En droit, le caractère vexatoire du licenciement peut résulter des conditions et circonstances dans lesquelles la mesure a été prise. Il appartient au salarié d'établir que l'employeur a observé un comportement fautif, caractérisé par des circonstances particulières, brusques ou humiliantes, et que ce comportement lui a occasionné un préjudice distinct de celui causé par la perte de son emploi.

En l'espèce, [I] [P] ne se prévaut d'aucune circonstance particulière susceptible de caractériser la brutalité ou le caractère humiliant de la mesure prise à son encontre et se contente de soutenir qu'il évoluait dans un milieu socio-professionnel et confessionnel particulièrement sensible aux valeurs morales, ce dernier point ne pouvant être contesté, mais n'établissant pas le caractère vexatoire de la mesure bien fondée prise à son encontre.

Il convient donc de le débouter de cette demande.

Sur les autres demandes

L'équité en la cause commande de condamner [I] [P] à payer à l'OGEC Sainte Jeanne d'Arcc la somme de 4000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Réforme le jugement déféré et, statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,

Dit fondé sur une faute grave le licenciement prononcé à l'encontre de [I] [P] par lettre du 26 mars 2014,

Déboute le salarié de toutes ses demandes,

Condamne [I] [P] à verser à l'OGEC Sainte Jeanne d'Arcc la somme de 4000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne [I] [P] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 15/13278
Date de la décision : 22/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°15/13278 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-22;15.13278 ?
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