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21/09/2017 | FRANCE | N°16/14695

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre c, 21 septembre 2017, 16/14695


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



1re chambre C



ARRÊT

DU 21 SEPTEMBRE 2017



N° 2017/647













Rôle N° 16/14695







SASU LEHWOOD NICE





C/



UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT NICE





















Grosse délivrée

le :

à :

Me PASSET

Me MUSACCHIA

















Décision déférée Ã

  la cour :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Nice en date du 26 juillet 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/00930.





APPELANTE



LA SASU LEHWOOD NICE

dont le siège est [Adresse 1]



représentée par Me Eric PASSET substitué par Me Evelyne MARCHI, avocat au barreau d'Ai...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re chambre C

ARRÊT

DU 21 SEPTEMBRE 2017

N° 2017/647

Rôle N° 16/14695

SASU LEHWOOD NICE

C/

UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT NICE

Grosse délivrée

le :

à :

Me PASSET

Me MUSACCHIA

Décision déférée à la cour :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Nice en date du 26 juillet 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/00930.

APPELANTE

LA SASU LEHWOOD NICE

dont le siège est [Adresse 1]

représentée par Me Eric PASSET substitué par Me Evelyne MARCHI, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

assistée par par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de Nice

INTIMÉE

L' UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT NICE

dont le siège est [Adresse 2]

représentée par Me Elie MUSACCHIA substitué par Me Marie-Madeleine EZZINE, avocats au barreau d'Aix-en-Provence

assistée par par Me Emmanuel PARDO, avocat au barreau de Nice

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 juin 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Lise Leroy-Gissinger, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Mme Danielle DEMONT, conseiller doyen faisant fonction de président

Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseiller

Madame Pascale POCHIC, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2017,

Signé par Mme Danielle DEMONT, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

La société Lehwood Nice exploite l'hôtel Le Méridien [Adresse 3], dans lequel travaillent plus de 200 salariés dont certains sont payés au pourboire en application de l'article L. 3244-1 du code du travail.

Le 12 mai 2016, l'union locale des syndicats CGT Nice (la CGT) a assigné la société Lehwood Nice (la société), hôtel Le Méridien, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice, en sollicitant essentiellement la condamnation de la société à régler aux salariés la contrepartie forfaitaire de 10 minutes de repos rémunéré par jour en compensation du temps de déshabillage et d'habillage des salariés en uniforme, les cinq minutes de pause telle que définie à l'article 7 de l'accord relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail, le temps de formation des salariés ainsi que les majorations des heures supplémentaires effectuées par eux, sans que la masse commune des pourboires ait à supporter l'ensemble de ces règlements, sous astreinte.

Par ordonnance du 26 juillet 2016, le juge des référés a :

Au visa de l'article L. 2132 ' 3 du code du travail, :

' dit que le juge des référés était compétent pour statuer sur les demandes de la CGT,

Au visa des articles L. 3244 ' 1 et L. 6321 ' 2 du code du travail, de l'avenant n°2 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 5 février 2007 et de l'accord relatif à l'aménagement et la réduction de la durée du travail du 1er octobre 2002,

' dit que les temps d'habillage et de déshabillage et les temps de pause sont exclus du temps de travail effectif des salariés en contact avec la clientèle portant ou non un uniforme,

' ordonné en conséquence à la société de régler à ses salariés en uniforme ou non et en contact de la clientèle, la contrepartie forfaitaire de dix minutes de repos rémunéré par jour en compensation du temps de déshabillage et d'habillage des salariés en uniforme et à régler les cinq minutes de pause telle que définie à l'article 7 de l'accord relatif à l'aménagement et la réduction de la durée du temps de travail, sans que la masse commune des pourboires n'ait à supporter l'ensemble de ces règlements,

' dit que les heures supplémentaires faisant l'objet d'une majoration et les heures de formation des salariés entrent dans le temps de travail effectif dont le règlement peut être imputé sur la masse des pourboires,

' rejeté le surplus des demandes des parties,

' condamné la société à payer la CGT la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le juge des référés a considéré qu'il était compétent pour interpréter les textes de loi et la convention collective sur lesquels le demandeur se fondait, sauf à contrôler si les demandes de celui-ci se heurtaient ou non à des contestations sérieuses.

Il a retenu au fond, que les temps d'habillage et de déshabillage et le temps de pause étaient exclus du temps de travail effectif des salariés en contact avec la clientèle, portant ou non un uniforme et qu'ils n'entraient donc pas dans la contrepartie soumise à la masse des pourboires et n'avaient pas à être réglés en puisant dans celle-ci, en se fondant sur les articles 6 et 7 de l'accord relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail du 1er octobre 2002. Il a par ailleurs considéré qu'il était évident que les heures supplémentaires entraient dans le temps de travail effectif des salariés et que leur majoration devait être imputée sur la masse des pourboires de même que les heures de formation.

Par déclaration du 8 août 2016, la société Lehwood Nice a formé un appel contre cette décision, limité à 'la recevabilité du recours devant le juge des référés pour interpréter la loi, la convention collective et les accords d'entreprise et en ce qu'il a ordonné à la société le paiement du temps d'habillage et de déshabillage hors masse'. Par déclaration du 21 septembre 2016, la CGT a formé un appel contre cette décision limité au débouté de la demande relative à la majoration des heures supplémentaires.

Par ordonnance du 20 octobre 2016, ces deux instances ont été jointes.

Par ses dernières conclusions du 13 février 2017, la société demande à la cour de :

' juger qu'il existe une contestation sérieuse faisant obstacle à l'exécution de l'obligation de faire sollicitée,

' donner acte à l'union locale de son renoncement concernant ses prétentions relatives aux heures de formation,

' infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné à la société de régler à ses salariés la contrepartie correspondant au temps d'habillage de déshabillage sans que cette rémunération ne soit effectuée sur la masse des pourboires,

' confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit que les majorations relatives aux heures supplémentaires peuvent être prélevées sur la masse des pourboires, de même que concernant les heures de formation des salariés,

' débouter l'union locale de l'ensemble de ses prétentions,

' la condamner à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société soutient qu'il existe une contestation sérieuse que le juge des référés ne peut trancher. Elle considère, en substance, que les salariés bénéficiant du mode de paiement au pourboire ne peuvent obtenir de paiement salarial que prélevé sur la masse des pourboires, l'article L. 3244-1 du code du travail faisant référence à une catégorie de personnel (celui au contact de la clientèle) et non à un temps de travail effectif. Elle considère donc que l'ensemble

des rémunérations concernant ces salariés doit être prélevé sur la masse des pourboires, le critère pertinent étant le maintien d'un lien de subordination à l'égard de l'employeur pendant les tâches à rémunérer.

Par ses dernières conclusions du 23 décembre 2016, la CGT demande à la cour de :

' confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit que les temps d'habillage et déshabillage et les temps de pause sont exclus du temps de travail effectif des salariés en contact avec la clientèle portant ou non un uniforme,

' réformer l'ordonnance et par là-même dire et juger que les majorations d'heures supplémentaires ne peuvent pas être imputées sur la masse des pourboires en vertu de l'avenant n° 2 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 5 février 2007,

' en conséquence ordonner à la société de :

* régler à ses salariés, en uniforme ou non, et en contact avec la clientèle, la contrepartie forfaitaire de 10 minutes de repos rémunéré par jour en compensation du temps d'habillage et déshabillage des salariés en uniforme,

*régler les cinq minutes de pause telle que définie à l'article 7 de l'accord relatif à l'aménagement et la réduction de la durée du temps de travail,

*régler les majorations des heures supplémentaires effectuées par les salariés en application de l'avenant n° 2 de la convention collective nationale du 5 février 2007 et plus exactement de son article 5.2,

le tout, sans que la masse commune des pourboires n'ait à supporter l'ensemble de ces règlements,

' condamner la société à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

En appel, la décision de première instance n'est critiquée qu'en ce que le juge des référés s'est déclaré 'compétent' et en ce qu'il a jugé, d'une part, que la rémunération des temps d'habillage et de déshabillage et de pause devaient être payés 'hors masse des pourboires', d'autre part, que le règlement des heures supplémentaires faisant l'objet d'une majoration pouvait être imputé sur la masse des pourboires.

A titre préalable, il sera observé que la critique développée par la société portant sur le chef du dispositif relatif à la compétence vise exclusivement à soutenir que les demandes s'opposent à une contestation sérieuse et que le juge des référés a excédé ses pouvoirs.

En application du second alinéa de l'article 809 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Selon les articles L.3244-1 et L. 3244-2 du code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites «pour le service» par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement. Ces sommes s'ajoutent au salaire fixe, sauf dans le cas où un salaire minimum a été garanti par l'employeur.

Si ces dispositions ne font pas de distinction, pour les salariés rémunérés au pourboire, entre la part de leur temps de travail passé effectivement en contact avec la clientèle et celle durant laquelle ils n'y sont pas, la masse des pourboires ne peut rémunérer qu'un temps de travail effectif déterminé, le cas échéant, par la convention collective ou un accord collectif. Ainsi, ces dispositions n'ont pas pour conséquence que tous les éléments de la rémunération de

la catégorie de personnel rémunérée au pourboire doivent être prélevés sur la masse des pourboires.

1- Sur la rémunération des temps d'habillage et de deshabillage et du temps de pause :

L'article 7, alinéa 2, de l'avenant n°2 à la convention collective nationale des hotels, cafés, restaurants du 5 février 2007, invoquée par les deux parties, dispose que le temps d'habillage et de déshabillage est exclu de la durée du travail telle que définie par cet accord et que lorsque le port d'une tenue de travail est imposé et que l'habillage et le deshabillage se fait dans l'entreprise, ce qui est le cas en l'espèce, le temps nécessaire à ces opérations fait l'objet d'une contrepartie en temps de repos ou financière. L'article 6 de l'accord relatif à l'aménagement et à la réduction de la durée du travail concernant la société Someni-Hôtel Méridien Nice (pièce 4 de la société) confirme que ce temps n'est pas un temps de travail effectif.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu, en l'état de cette disposition claire et n'appelant aucune contestation sérieuse, que la rémunération correspondant à ce temps, qui ne constitue pas un temps de travail effectif, ne pouvait être faite par prélèvement sur la masse des pourboires.

Il en va de même du temps de pause prévu à l'article 7 de l'accord relatif à l'aménagement et à la réduction de la durée du travail concernant la société Someni-Hôtel Méridien Nice, dès lors que cette disposition précise expressément que ce temps n'est pas considéré comme du temps de travail effectif.

3 - Sur la rémunération de la majoration des heures supplémentaires :

A titre liminaire, il sera noté qu'il résulte clairement de l'article 5.1 (alinéas 1 et 2) de l'avenant n°2 de la convention collective signé en 2007 que, contrairement à ce que soutient la société, les heures supplémentaires peuvent faire l'objet d'une majoration donnant lieu à un versement pécuniaire. Ceci est confirmé par le compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 16 juin 2015 qui mentionne le paiement des heures 'complémentaires majorées'. Le fait que l'accord d'entreprise, signé antérieurement, en 2002, n'y fasse pas allusion ne peut à l'évidence conduire à considérer que cette majoration ne peut donner lieu qu'à un repos compensateur.

Or, l'article 5.2 de l'avenant n°2 , sur l'application duquel la société ne s'est pas spécifiquement expliquée, prévoit que, pour les salariés rémunérés au service, 'la rémunération tirée du pourcentage service calculé sur le chiffre d'affaires est réputée rémunérer l'intégralité des heures de travail', mais que 'toutefois, l'entreprise devra ajouter au pourcentage service le paiement des majorations prévues à l'article 4 du présent avenant [cet article définit le taux de majoration des heures supplémentaires en fonction de leur volume] au titre des heures supplémentaires exécutées'.

Cette disposition, ainsi que le soutient la CGT, prévoit donc d'évidence qu'à titre dérogatoire (utilisation du terme 'toutefois'), le paiement de ces majorations ne se fait pas par prélèvement sur la masse des pourboires.

La décision de première instance sera donc infirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

- Confirme la décision, sauf en ce qui concerne le paiement des majorations pour heures supplémentaires,

Statuant à nouveau de ce chef,

- Dit que la société Lehwood Nice devra régler les majorations des heures supplémentaires effectuées par les salariés rémunérés au pourboire sans prélèvement sur la masse commune des pourboires,

- Condamne la société Lehwood Nice à verser à l'Union Locale des Syndicats CGT Nice la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Lehwood Nice aux dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 16/14695
Date de la décision : 21/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°16/14695 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-21;16.14695 ?
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