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19/09/2017 | FRANCE | N°15/22264

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 19 septembre 2017, 15/22264


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 19 SEPTEMBRE 2017

A.D

N°2017/













Rôle N° 15/22264







[F] [E]





C/



[L] [L] épouse [X]





































Grosse délivrée

le :

à :Me Comte

Me Casanova









Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 01 Décembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/08860.





APPELANT



Monsieur [F] [E]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Olivier COMTE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

plaidant



INTIMEE



Madame [L]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 19 SEPTEMBRE 2017

A.D

N°2017/

Rôle N° 15/22264

[F] [E]

C/

[L] [L] épouse [X]

Grosse délivrée

le :

à :Me Comte

Me Casanova

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 01 Décembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/08860.

APPELANT

Monsieur [F] [E]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivier COMTE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

plaidant

INTIMEE

Madame [L] [L] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1947 , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédéric CASANOVA, avocat au barreau de TOULON

plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne VIDAL, Présidente, et Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2017.

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier du 16 septembre 2014, M. [F] [E] a fait assigner Mme [L] [X] devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour obtenir sa condamnation à lui verser, sur le fondement des articles 1134, 1135, 1341 et 1347 du code civil, la somme de 276.099,52 euros correspondant aux fonds qu'il a investis dans la construction de la villa appartenant à la défenderesse, outre 50.000 euros de dommages et intérêts et 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il invoquait la remise à Mme [X], avec laquelle il a vécu entre 2007 et 2010, d'une somme de 100.000 euros à titre de prêt et avoir participé financièrement aux travaux de construction de sa villa et soutenait que le prêt était remboursable en fonction de la plus-value apportée et de la fluctuation du marché immobilier.  Mme [X] se défendait en opposant que la reconnaissance de dette invoquée par M. [F] [E] du 24 novembre 2007 devait être requalifiée en testament et que ce testament a été révoqué le 6 octobre 2010.

Par jugement du 1er décembre 2015, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

Dit que la reconnaissance de dette signée le 24 novembre 2007 ne constitue pas un testament,

Dit que Mme [L] [X] ne rapporte la preuve d'aucun vice du consentement de nature à entacher de nullité la reconnaissance de dette précitée,

Débouté M. [F] [E] de ses demandes tendant à la condamnation de Mme [L] [X] à lui payer les sommes de 276.099,52 euros correspondant aux fonds investis dans la construction de sa villa, et de 50.000 euros de dommages et intérêts,

Débouté M. [F] [E] de sa demande d'expertise,

Condamné M. [F] [E] à verser à Mme [L] [X] une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Après avoir rejeté les moyens de défense opposés par Mme [L] [X] sur la qualification de testament et sur l'existence d'un vice du consentement, il a retenu que le terme du prêt de 100.000 euros n'était pas arrivé puisqu'il était fixé à 5 ans après le décès de Mme [L] [X] et que le fait que M. [F] [E] n'était plus hébergé gratuitement dans la villa ne permettait pas de rendre caduc le terme fixé. Il a ajouté que M. [F] [E] ne rapportait pas la preuve d'avoir investi la somme de 176.099,52 euros supplémentaire et a rejeté la demande d'expertise sur le fondement de l'article 146 du code de procédure civile. Il a également rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [F] [E] en relevant qu'il ne démontrait pas de faute de Mme [L] [X].

M. [F] [E] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 17 décembre 2015.

--------------------

M. [F] [E], suivant ses dernières conclusions signifiées le 23 mai 2017, demande à la cour, au visa des articles 1102, 1134, 1154 et suivants, 1184 et suivants, 1271 et suivants, ainsi que des articles 1315, 1341 et 1347 du code civil et des articles 145 et suivants du code de procédure civile, de :

- dire que la convention synallagmatique du 24 novembre 2007 doit être résiliée aux torts exclusifs de Mme [L] [X] et en tout état de cause s'appliquer au titre de l'indemnisation prévue,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] [E] de ses demandes contre Mme [L] [X] et de sa demande d'expertise et en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme [L] [X] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Compte tenu de la plus-value apportée à la villa grâce aux travaux financés et de l'évolution du prix du marché immobilier,

- condamner Mme [L] [X] au paiement de la somme de 100.000 euros et 176.099,52 euros, soit 276.099,52 euros, le tout réévalué à 328.880,30 euros pour tenir compte de la plus-value apportée à la villa grâce aux travaux financés et de l'évolution du prix du marché immobilier,

- condamner Mme [L] [X] au paiement de la somme de 85.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice découlant de l'inexécution de l'acte du 24 novembre 2007,

A titre subsidiaire,

- condamner Mme [L] [X] à payer à M. [F] [E] une provision de 250.000 euros,

- ordonner une expertise avant dire droit et donner pour mission à l'expert désigné d'évaluer les travaux réalisés par M. [F] [E] dans la villa de Mme [L] [X] et leurs coûts, étudier les mouvements de fonds des comptes bancaires et donner tous éléments permettant de déterminer le montant total de la dette contractée par Mme [L] [X] et d'évaluer l'évolution du marché immobilier entre les travaux et aujourd'hui, outre le préjudice subi par M. [F] [E] du fait de la privation d'un hébergement gratuit depuis septembre 2010,

En tout état de cause,

- condamner Mme [L] [X] à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 

Il invoque l'acte de reconnaissance de dette signé le 24 novembre 2007 à hauteur de 100.000 euros et l'avance de sommes supplémentaires à hauteur de 176.099,52 euros au cours des années 2008 à 2010 et soutient que Mme [L] [X] devait l'héberger à titre gratuit dans la maison. Or, il a été mis à la porte en septembre 2010 et Mme [L] [X] ne lui a offert que 100.000 euros de remboursement, sans tenir compte de la plus-value et de l'évolution des prix du marché, et sans prendre en considération les travaux supplémentaires qu'il a financés.

Il soutient que l'acte du 24 novembre 2007 a un caractère synallagmatique puisqu'il s'engage à nover sa créance en prêt sans intérêt et au terme incertain et que Mme [L] [X] s'engage à lui donner un droit d'hébergement à titre gratuit jusqu'au remboursement ; qu'en vertu des articles 1156 et 1157 du code civil, la clause doit être interprétée comme prévoyant un droit d'hébergement en contrepartie du terme fixé et que, dès lors que ce droit d'hébergement s'est éteint, le terme fixé est devenu caduc et la dette est immédiatement exigible.   Il se fonde également sur l'article 1188 du code civil pour dire que le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme lorsqu'il a diminué les sûretés qu'il avait données au créancier. Il prétend également à l'application de l'article 1184 du code civil  en indiquant qu'à partir du moment où Mme [L] [X] n'a plus respecté son engagement de l'héberger à titre gratuit, la convention doit être résiliée aux torts exclusifs de celle-ci et elle ne peut plus invoquer le terme.

Il réclame la réévaluation de la somme de 100.000 euros au regard de la plus-value apportée à la villa et soutient que Mme [L] [X] est devenue débitrice d'une nouvelle dette à son égard pour les travaux de la villa financés entre 2007 et 2010 à hauteur de 176.099,52 euros. Il dit prouver cette dette au regard de l'acte du 24 novembre 2007, des courriers de Mme [L] [X], des opérations de débit ordonnées par Mme [L] [X] sur les comptes de M. [F] [E] et des factures de matériaux qu'il produit. Il réclame également qu'il soit tenu compte de l'évolution du marché immobilier au regard du coût de la villa (528.378 euros) dont 52% ont été financés par ses soins et de sa valeur en octobre 2013 (622.000 euros), de sorte que sa créance devrait être fixée à 622.000 euros x 52% = 328.880,30 euros.

Il termine en réclamant réparation du préjudice résultant de la perte de son droit de jouissance évalué sur la base de 1.000 euros par mois depuis le mois de septembre 2010, soit 65.000 euros, outre 20.000 euros de préjudice moral.

Il conteste l'argumentaire développé par Mme [L] [X] sur la qualification de l'acte qui constitue, selon lui, une convention synallagmatique et sur le prétendu vice du consentement et ajoute que Mme [L] [X] ne peut discuter la remise des 100.000 euros qu'elle reconnaît elle-même dans l'acte du 24 novembre 2007 et que la preuve des dépenses à hauteur de 176.099,52 euros est rapportée par les pièces produites aux débats.

Mme [L] [X], en l'état de ses écritures signifiées le 13 mai 2016, demande à la cour de confirmer le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions, de débouter M. [F] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions et de le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle développe son argumentation autour des points suivants :

La lettre du 24 novembre 2007 est un testament et a été enregistrée comme telle par Me [Q], notaire ;

Il n'est nullement écrit que, si M. [F] [E] n'est plus hébergé à titre gratuit, il peut prétendre au remboursement de la somme de 100.000 euros, sauf à dénaturer les termes clairs de l'acte ;

Son consentement a été vicié car elle a vécu pendant 8 ans sous l'emprise psychologique de M. [F] [E], ainsi qu'en attestent les témoignages produits aux débats ;

La preuve de la remise des 100.000 euros n'est pas rapportée et doit au demeurant être rapportée aux 96 mois de vie commune, soit une participation de l'ordre de 1.000 euros par mois aux charges de la vie commune, ou pourrait constituer un don manuel et ne pourrait être récupérée au travers d'un enrichissement sans cause, la cause étant la vie commune ;

Il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise, M. [F] [E] ne produisant aucun début de preuve, si ce n'est des documents écrits de sa main ; l'expertise est inutile s'il a des preuves écrites de ses investissements ; d'ailleurs l'expertise lui a été refusée en référé et il ne peut représenter une demande au fond.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 juin 2017.

 

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que M. [F] [E] et Mme [L] [X] ont vécu en concubinage pendant huit années et que, depuis septembre 2010, le couple s'est séparé et M. [F] [E] a quitté la villa de [Localité 2] appartenant à celle-ci ;

Que M. [F] [E] réclame le remboursement, sur le fondement contractuel, de sommes qu'il dit avoir prêtées à Mme [L] [X] pour financer les travaux de construction de cette villa et produit pour ce faire un acte en date du 24 novembre 2007 ainsi que diverses factures et documents bancaires ;

Attendu que l'acte du 24 novembre 2007 signé par Mme [L] [X] et par M. [F] [E] est ainsi rédigé :

«  Je soussignée, [L] [X], reconnaît devoir à M. [F] [E] la somme de 100.000 euros (cent mille euros) qu'il m'a prêtée ce jour pour m'aider à financer les travaux de ma villa de [Localité 2].

Cette somme est non productive d'intérêt et sera remboursable dans un délai de cinq ans à partir de mon décès.

Le montant remboursé sera au minimum de la somme prêtée mais évoluera en fonction, d'une part, de la plus-value apportée du fait des travaux financés et d'autre part, de l'évolution des prix du marché immobilier.

Tant que cette somme réévaluée ne sera pas remboursée, M. [F] [E] occupera l'immeuble à titre gratuit en dédommagement. »

Attendu que c'est en vain que Mme [L] [X] prétend que cet acte constituerait un testament, motifs étant tirés, d'une part de la référence à son décès, d'autre part de son enregistrement par Me [Q] à titre de testament ; qu'en effet, par cet acte, Mme [L] [X] n'entend pas disposer de son patrimoine au profit de M. [F] [E] après sa mort mais prend l'engagement de lui rembourser une dette en fixant le terme à une date postérieure à son décès, de sorte que cette dette incombe à ses héritiers ; que cet acte, ainsi qu'il sera vu plus loin, constitue un acte synallagmatique et que Mme [L] [X] ne pouvait donc, en révoquant ce 'testament', remettre en cause unilatéralement l'engagement qu'elle avait souscrit ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la qualification de testament proposée par Mme [L] [X] ;

Attendu que c'est également vainement que Mme [L] [X] prétend que cet acte serait nul en raison des vices du consentement dont elle aurait été victime ; que les attestations qu'elle verse aux débats, si elles font état de mouvements de colère ou de mauvaise humeur de M. [F] [E] à l'égard de sa compagne ou de ses voisins, ne suffisent pas à établir que, lors de la rédaction de l'acte du 24 novembre 2007, soit trois ans avant la séparation du couple, le consentement de celle-ci aurait été surpris par la contrainte ou la violence ; que les pièces médicales produites faisant état d'un état anxio-dépressif sont datées de 2010 et sont en lien avec la séparation du couple et que les prescriptions médicales antérieures n'établissent pas que Mme [L] [X] aurait été particulièrement vulnérable et 'sous emprise'; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de l'acte ;

Attendu que l'acte doit s'analyser comme un acte synallagmatique de prêt, signé par les deux parties, en ce qu'il constate que M. [F] [E] a prêté la somme de 100.000 euros, remise ce jour à l'emprunteur, et en ce que Mme [L] [X] s'engage à lui rembourser cette somme, le prêteur acceptant le report du terme d'exigibilité à une date fixée à cinq ans après le décès de l'emprunteur et l'absence de toute stipulation d'intérêt, l'emprunteur s'engageant de son côté à lui rembourser une somme réévaluée en fonction de la plus-value apportée par les travaux et de l'évolution des prix du marché immobilier ;

Que les parties sont opposées sur le sens à donner au dernier paragraphe de l'acte qui prévoit que 'Tant que cette somme réévaluée ne sera pas remboursée, M. [F] [E] occupera l'immeuble à titre gratuit en dédommagement'; que, si les obligations énoncées dans les paragraphes précédents de l'acte sont claires et non ambiguëes, il n'en est pas de même de cette clause ; que Mme [L] [X] prétend que l'occupation à titre gratuit de M. [E] ne constitue pas une condition du terme d'exigibilité du prêt, alors que M. [E] soutient que son droit d'hébergement gratuit constitue la contrepartie du terme fixé ;

Qu'en application de l'article 1157 du code civil, 'lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun' ; que par ailleurs l'article 1161 ajoute que les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ;

Que seul le sens retenu par M. [F] [E] selon lequel l'occupation gratuite de l'immeuble par M. [F] [E] est en lien avec le prêt et constitue la contrepartie du report de son exigibilité, comporte un effet et s'inscrit dans l'économie du contrat passé par les parties qui, vivant en concubinage, ont aménagé les conditions de leur participation, durant leur vie commune, aux frais de construction et d'aménagement de la maison qu'ils occupaient ensemble, ces conditions disparaissant avec la cessation de la vie commune ; que le sens proposé par Mme [L] [X] serait sans aucun effet en cas de cessation de l'occupation des lieux par M. [F] [E] puisqu'aucun 'dédommagement' n'est effectivement prévu ;

Qu'il convient en conséquence de retenir que l'occupation à titre gratuit de l'immeuble constitue la contrepartie du report de l'exigibilité du prêt ;

Attendu qu'en application de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue pour le cas où l'une des deux parties ne respecterait point son engagement, la résolution pouvant alors être demandée en justice ;

Qu'en l'espèce, il est constant que, depuis une lettre adressée le 20 septembre 2010 par Mme [L] [X] à M. [F] [E], ce dernier n'occupe plus la villa de [Localité 2] ; que celle-ci lui écrivait alors : 'Je t'ai demandé plusieurs fois de partir (...) Comme je te l'ai déjà dit, je te rendrai ce que je te dois quand j'aurai vendu [Localité 3]. En attendant, tu n'es pas sans le sou (environ 120.000 € la dernière fois que j'ai pu consulter tes comptes, c'est à dire fin juillet, avant que tu ne fasses supprimer les identifiants pour que je n'ai plus d'accès) et tu peux facilement louer un logement. (...) Alors, je te demande de t'organiser pour ne plus revenir à la maison, d'envoyer les enfants chercher tes affaires et mobilier t'appartenant, après m'avoir appelée. (...) Si tu pénètres dans la propriété, il y a violation de domicile et je suis en droit d'appeler les gendarmes. ';

Qu'il doit en conséquence être constaté que l'obligation pesant sur l'emprunteur de permettre à M. [F] [E] d'occuper l'immeuble à titre gratuit tant que le prêt ne sera pas remboursé n'est plus remplie depuis le mois de septembre 2010 et que M. [F] [E] est bien fondé à solliciter la résiliation du contrat, ce qui emporte l'exigibilité immédiate des fonds prêtés ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [F] [E] de sa demande en remboursement de la somme de 100.000 euros au titre de l'acte de prêt ;

Attendu que M. [F] [E] réclame, outre le remboursement de la somme de 100.000 euros, celle de 176.099,52 euros dont il affirme qu'elle correspond aux dépenses qu'il a faites pour financer les travaux de construction au-delà du mois de novembre 2007, jusqu'à la séparation du couple en 2010 ; qu'il entend fonder sa demande sur le contrat de prêt du 24 novembre 2007 en soutenant qu'il prévoirait le remboursement de toutes sommes apportées pour les travaux en ce qu'il indique que la somme remboursée évoluera en fonction de la plus-value apportée du fait des travaux financés ; mais que cette stipulation ne vaut que pour les 100.000 euros apportés par M. [F] [E] et dont il est précisé qu'ils servent à financer les travaux de la villa, les parties prévoyant que le remboursement de cette somme se fera au regard, non pas du montant nominal prêté, mais de la plus-value générée par les travaux ;

Que dès lors, il convient de constater que M. [F] [E] ne rapporte pas la preuve écrite de l'engagement pris par Mme [L] [X] de lui rembourser les sommes qu'il prétend avoir dépensées entre 2008 et 2010 pour les travaux de la villa ; que l'article 1341 du code civil prévoit que la preuve d'un tel engagement doit être apportée par un écrit ; que M. [F] [E] ne pourrait se prévaloir de l'impossibilité morale de se constituer un écrit puisque, précisément, un écrit a été passé pour le prêt de 100.000 euros ; qu'il ne produit aucun commencement de preuve par écrit, au sens de l'article 1326 du code civil, et que la mise en place d'une mesure d'expertise ne pourra suppléer l'absence de preuve écrite de l'engagement de remboursement allégué ;

Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] [E] de sa demande en paiement de la somme de 176.099,52 euros ;

Attendu, sur la détermination du montant dû par Mme [L] [X] au titre du remboursement du prêt de 100.000 euros, qu'il y a lieu de faire application de la clause de revalorisation en prenant en considération les éléments suivants :

-le coût du terrain (150.000 euros) et le coût total des travaux (202.279 euros dont les 100.000 euros prêtés par M. [F] [E]), soit une somme de 352.279 euros sur laquelle le prêt représente 28,38 %,

- la valeur actuelle de la villa de 622.000 euros, telle qu'elle ressort de l'avis de valeur produit par Mme [L] [X] et non discuté par M. [F] [E] ;

Qu'ainsi, la somme de 100.000 euros doit être réévaluée, au regard de la plus-value apportée par les travaux ainsi financés et de la valeur du bien immobilier à la date de son remboursement, selon la formule suivante : 622.000 euros x 28,38% = 176.532,60 euros ;

Attendu que c'est en vain que M. [F] [E] sollicite, outre le remboursement anticipé du prêt à raison de la cessation de son droit d'occupation gratuite, l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de ce droit depuis 2010 ; qu'il a été vu plus haut que la clause d'occupation gratuite était stipulée comme constituant la contrepartie du report de l'exigibilité mais n'était pas prévue à peine de dédommagement ; que la demande sera donc rejetée ;

Que sera également rejetée sa demande en réparation d'un préjudice moral, M. [F] [E] ne pouvant faire reproche à Mme [L] [X] de ne pas avoir respecté l'obligation d'hébergement qui devait lui bénéficier, s'agissant d'une conséquence de la rupture de leur vie commune qui ne peut être imputée à faute plus à l'un qu'à l'autre en l'état des éléments produits aux débats ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [F] [E] de sa demande en paiement de la somme de 176.099,52 euros au titre des travaux supplémentaires qu'il dit avoir financés entre 2008 et 2010 dans la villa de [Localité 2] appartenant à Mme [L] [X] et de sa demande en dommages et intérêts et en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise ;

Le confirme également en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [L] [X] en requalification de l'acte du 24 novembre 2007 en testament et en nullité de cet acte pour vices du consentement ;

Le réforme pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résiliation du contrat de prêt consenti par M. [F] [E] à Mme [L] [X] à raison du non-respect du droit d'occupation à titre gratuit de M. [F] [E] sur l'immeuble ;

Condamne Mme [L] [X] à payer à M. [F] [E] la somme de 176.532,60 euros correspondant au remboursement du prêt de 100.000 euros réévalué en fonction de la plus-value apportée par les travaux et de l'évolution des prix du marché immobilier ;

Condamne Mme [L] [X] à payer à M. [F] [E] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de première instance et aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 15/22264
Date de la décision : 19/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/22264 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-19;15.22264 ?
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