COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 14 SEPTEMBRE 2017
N°2017/549
GB/FP-D
Rôle N° 15/15986
[P] [P]
C/
SAS PREFAL
Grosse délivrée le :
à :
Me Agnès ALBOU, avocat au barreau de GRASSE
Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section I - en date du 08 Juillet 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/450.
APPELANT
Monsieur [P] [P], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Agnès ALBOU, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SAS PREFAL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sophia BOUZIDI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2017
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Par lettre recommandée postée le 24 août 2015, M. [P] (mentionné par erreur [T]) a interjeté appel du jugement rendu le 8 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de Cannes, à lui notifié le 31 juillet 2015, condamnant la société Préfal à lui verser 5 712,50 euros, ainsi que 571,25 euros au titre des congés payés afférents, au titre de la rémunération des temps de pause.
M. [P] poursuit en cause d'appel la condamnation de la société Préfal à lui verser les sommes suivantes :
11 425 euros, ainsi que 1 142,25 euros au titre des congés payés afférents, au titre de la rémunération des temps de pause,
556,50 euros au titre des indemnités de panier,
9 436,22 euros en paiement d'heures supplémentaires,
3 858,26 euros pour préavis,
92 598,24 euros à titre de dommages et intérêts ensuite de la rupture illégitime de son contrat de travail,
4 000 euros pour ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.
La société Préfal conclut à la confirmation du jugement déféré à la censure de la cour.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 21 juin 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes liées au licenciement
Engagé à compter du 9 juin 2005 par la société Préfal, en qualité de chauffeur livreur manutentionnaire, M. [P] a été licencié le 5 février 2014 en raison de son inaptitude physique à occuper son poste de travail.
Le contrat de travail de M. [P] a été suspendu une première fois à la suite d'un accident du travail survenu le 9 novembre 2012, ce jusqu'au 6 juin 2013, date de sa visite de reprise le déclarant apte sous réserve de limiter le port à une charge de 10 kilos.
L'employeur affectait le salarié au poste de contrôleur qualité afin, selon lui, de respecter les préconisations du médecin du travail.
M. [P] soutient qu'il fut obligé d'aider les ouvriers à charger dans un camion une scie pesant entre 300 et 400 kilos, cet effort provoquant un oedème de son genou droit et une distorsion des ligaments, l'obligeant à nouveau à arrêter son travail à la date du 29 juillet 2013.
Faisant suite à un premier avis en date du 28 novembre 2013, le médecin du travail déclarait le 16 décembre 2013 le salarié inapte à tous postes dans l'entreprise, étant observé que la qualification d'accident du travail était retenue.
M. [P] soutient que le poste de contrôleur qualité ne respectait pas les préconisations du médecin du travail, lequel constatait le 3 décembre 2013 que l'essai au poste de contrôleur qualité n'était pas concluant et que l'état de santé du salarié ne permettait pas de proposer des tâches ou des postes existants dans l'entreprise que le salarié pourrait occuper (pièce 8 dossier employeur).
Répondant à un questionnement de l'employeur, le médecin du travail répondait, le 23 décembre 2013, qu'un poste assis, sans manutention, était une possibilité de reclassement.
L'employeur convoquait les délégués du personnel afin de leur soumettre le cas de leur collègue de travail, lesquels, réunis le 17 janvier 2014, ont estimé qu'aucune solution de reclassement n'était possible (pièce 13 dossier employeur).
C'est en cet état que se présente la contestation de M. [P] qui conteste la solution de reclassement au poste de contrôleur qualité, invoquant un détournement au regard des fonctions réellement exercées, ainsi qu'un manquement de l'employeur à ses obligations d'adaptation et de reclassement.
L'employeur ne peut éluder le fait que le déchargement des marchandises par les chauffeurs était problématique au sein de l'entreprise, cette anomalie étant pointée par les responsables de la logistique.
La cour ne peut que constater que M. [P] était employé en qualité de chauffeur lors de son accident du travail survenu le 29 juillet 2013, comme le confirment les propres attestations de salariés versées aux débats par l'employeur (pièce 20), de sorte que M. [P] occupait dans la réalité le poste qui était le sien, pour lequel il n'était plus apte, ce poste de travail nécessitant le port de charges supérieures à 10 kilos s'agissant de porter des fenêtres, portes et portails excédant ce poids.
A cet égard, l'emploi occupé par ce salarié fut toujours selon ses bulletins de salaires celui de chauffeur livreur manutentionnaire.
Cependant, le conseil du salarié ne tire de ce constat aucune conséquence au plan juridique.
.../...
Sur l'obligation de reclassement, le conseil du salarié conteste la bonne foi de l'employeur en mettant en exergue le fait que la société Alupréférence, sollicitée par l'employeur dans le cadre d'un reclassement externe, aurait répondu favorablement à l'interrogation de cet employeur dans des termes autorisant une solution, ce qui est inexact à l'examen de la réponse du dirigeant de cette société qui indiquait en réponse le 13 janvier 2014 : '... pas de poste susceptible d'être compatible' (pièce 12 dossier employeur).
Mais si l'employeur avait véritablement reclassé le salarié sur un poste de contrôleur qualité, poste disponible, il doit être retenu que cette solution, puisque cet emploi ne nécessite pas de port de charges lourdes, était une possibilité de reclassement qui n'a pas abouti par la faute de cet employeur, lequel, comme cela a déjà été dit, a détourné le contenu de cet emploi en pérennisant M. [P] dans son poste de chauffeur livreur manutentionnaire.
Sur ce seul constat, la cour, infirmant, dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [P].
Le salarié recevra un préavis égal à 2 mois de salaire représentant la somme de 3 858,26 euros dont le montant n'est pas contesté.
Âgé de 50 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, survenue en l'état d'une ancienneté de 8 ans et demi au service d'une entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés, M. [P] a perdu un salaire brut de 1 929,13 euros par mois.
L'intéressé ne justifiant pas de son devenir professionnel, la cour limitera son indemnisation liée à la perte de son emploi et au préjudice en résultant à 12 mois de salaire, comme en dispose l'article L. 1126-15 du code du travail, représentant la somme de 23 150 euros.
Sur les temps de pause
En sollicitant la confirmation du jugement, en ce compris en ce qu'il emporte condamnation des temps de pause, la société Téfal a implicitement mais nécessairement admis que le principe de cette réclamation était fondé.
Cependant, la demande en paiement de 45 minutes par jour sur une période quinquennale, représentant la somme de 11 425 euros, ne sera pas admise sachant que l'employeur a rémunéré ces temps de pause puisque nulle retenue de salaire ne fut jamais opérée à ce titre.
La demande dont la cour est saisie ne se confondant pas avec une demande de dommages et intérêts qui pourrait sanctionner les manquements de l'employeur relativement aux temps de pause, mais s'entendant d'une demande en paiement de temps de pause inclus dans le temps de travail ayant déjà reçu rémunération, la cour rejettera dans les limites de la confirmation.
Sur les indemnités de paniers
Il a été retenu que, nonobstant la contre-indication médicale émise le 6 juin 2013, M.[P] a continué à occuper de facto son poste de chauffeur livreur manutentionnaire, le salarié [T] attestant du fait que M. [P] conduisait effectivement un camion.
La prime de panier étant destinée à prendre en compte l'impossibilité journalière pour les chauffeurs de prendre leur repas à leur domicile ou dans la cantine de l'entreprise, il appartient au salarié de démontrer qu'il était placé dans des conditions ouvrant droit à la perception de cette prime ce qu'il ne fait pas, son conseil se bornant à poser le principe de son bénéfice.
La demande en paiement sera rejetée.
Sur les heures supplémentaires
Pour réclamer le paiement de la somme de 9 435,22 euros, à laquelle s'oppose fermement l'employeur, il y a lieu de relever l'erreur de calcul opérée par le salarié qui compile le nombre d'heures supplémentaires mentionnées sur ses bulletins de paie, puis y ajoute 45 minutes de pause chaque jour travaillé, cette méthode de calcul, pour être avantageuse, étant inexacte puisque les temps de pause sont inclus dans le temps que M. [P] passait effectivement au travail.
Du seul fait de l'annulation de ces temps de pause ajoutés artificiellement au temps de travail réel, le décompte présenté est vidé de sa substance.
La demande en paiement d'heures supplémentaires sera à nouveau rejetée.
Sur les dépens
L'employeur, qui succombe au principal, supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties présentes ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Confirme le jugement en ce qu'il déboute M. [P] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de primes de panier, mais lui alloue la somme de 5 712,50 euros, ainsi que 571,25 euros au titre des congés payés afférents, en rémunération d'un temps de pause.
Infirmant pour le surplus, dit le licenciement de M. [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Préfal à lui verser les sommes suivantes :
3 858,26 euros pour préavis,
23 150 euros à titre de dommages et intérêts.
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Condamne l'intimée aux entiers dépens.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Préfal à verser 3 000 euros à M. [P] pour ses frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel confondus.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT