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14/09/2017 | FRANCE | N°15/05066

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 14 septembre 2017, 15/05066


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 14 SEPTEMBRE 2017



N°2017/360

SP













Rôle N° 15/05066







SOCIETE KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE (KMBSF)





C/



[V] [U]

















Grosse délivrée le :

à :

Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS



Me Christian DELUCCA, avocat au barreau de NICE




r>Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 26 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/671.





APPELANTE



SOCIETE KONICA MINOLTA ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 14 SEPTEMBRE 2017

N°2017/360

SP

Rôle N° 15/05066

SOCIETE KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE (KMBSF)

C/

[V] [U]

Grosse délivrée le :

à :

Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS

Me Christian DELUCCA, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 26 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/671.

APPELANTE

SOCIETE KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE (KMBSF), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS

([Adresse 2])

substitué par Me Fabrice LAFFON, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [V] [U], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Christian DELUCCA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786, 910 et 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 juin 2017 à 09h00, en audience publique, les avocats ayant été invités à l'appel des causes à demander à ce que l'affaire soit renvoyée à une audience collégiale s'ils n'acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l'affaire a été débattue devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller et Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2017

Signé par Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [V] [U] a été engagé par la société Konica Minolta business solutions France (ci-après désignée la société « KMBSF») à compter du 1er septembre 2008 en qualité d'ingénieur commercial Grands Comptes région.

L'activité de la société KMBSF consiste en la commercialisation de matériel de bureautique (copieurs, imprimantes etc.), la maintenance des produits vendus et des services associés.

Le contrat de travail prévoyait une rémunération en partie fixe, en partie variable calculée conformément à un plan de rémunération des ventes dit « PRV ».

Par courrier RAR du 5 mai 2014, Monsieur [U] a notifié son refus du nouveau PRV 2014/2015 et a demandé à son employeur de lui faire application du PRV 2013/2014 qui lui était applicable jusqu'alors.

Le 5 mai 2014, Monsieur [U] a en outre saisi le conseil de prud'hommes de Nice d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Après convocation par courrier RAR du 22 avril 2014, à un entretien préalable fixé au 12 mai 2014, Monsieur [U] a été licencié par courrier RAR du 16 mai 2014 pour les motifs suivants :

« (...) 1. (...) vous avez été engagé en date du 11 septembre 2008 en qualité d'ingénieur commercial grands comptes région 2, statut cadre II indice 100, par contrat à durée indéterminée. Cette carrière vous a donné une parfaite connaissance du métier que vous avez ainsi exercé depuis presque six ans. Votre fonction consistait notamment à prendre en charge la gestion et le développement d'un portefeuille clients et prospects sur un secteur géographique déterminé afin d'apporter une réponse globale, sur-mesure et innovante aux problématiques de vos interlocuteurs.

2. Nous avons constaté un déficit important de vos résultats, qui, depuis plusieurs mois, apparaissaient très insuffisants au regard des objectifs qui vous étaient fixés. Il vous a notamment été fait part des inquiétudes liées à la faiblesse de vos résultats à l'occasion d'un entretien avec votre supérieur hiérarchique, le 4 juillet 2013 (appréciations consignées dans le document d'appréciation et de développement du professionnalisme de juillet 2013). En effet :

Au cours de la période d'avril 2013 au 15 octobre 2013 (période arrêt accident non comptabilisée)

critères

objectif

réalisation

% réalisation

CA total

424 800 €

240 000 €

56 %

Placements MFP

91

47

52 %

CA solutions

47 200

20 000 €

42 %

Placement A4

57

18

30 %

'Moyenne sur ces quatre critères : 46 %

'si nous incluons le nombre d'audits réalisés sur cette période qui est à zéro, votre moyenne chute à 36 %

Par ailleurs, nous avons constaté régulièrement que vos résultats d'activités hebdomadaires n'étaient pas respectés par rapport aux différents objectifs fixés dans votre plan de rémunération variable.

De plus, les deux dernières revues de compte réalisées en date du 10 octobre et 12 novembre 2013 n'ont pas permis d'apprécier votre progression en termes de qualification de vos cibles prioritaires telles que les marchés de la Santé par exemple.

3. Partant de ces différents constats, un plan de retour à la performance ci-après désigné PRP vous a été proposé le 15 janvier 2014, pour une durée de trois mois. Ce plan devait vous permettre de vous orienter et de vous accompagner dans votre travail quotidien afin que vous puissiez graduellement :

'progresser dans vos découvertes d'affaires en vous apportant une visibilité sur vos cibles tout en vous offrant un cadre propice à la réussite

'privilégier vos rendez-vous avec les ressources transverses mises à votre disposition afin de vous accompagner vers une meilleure maîtrise de notre méthodologie commerciale (OPS)

'améliorer votre connaissance et votre niveau de qualification de vos comptes cibles en réalisant une quantité de visites spontanées hebdomadaires.

4. Vos réalisations sur la période de votre PRP, en termes d'activité, ont cependant encore été très en deçà de l'objectif :

1-résultats d'activité en rendez-vous découverte (source suite réception de vos mails d'activité)

Mois

Objectif

Réalisation

%Réalisation

Janvier/février

16

9

56 %

Février/mars

16

9

56 %

Mars/avril

16

12

75 %

% de réalisation sur la période : 62 %

2-résultats d'activité en rendez-vous d'accompagnement (source suite réception de vos mails d'activité)

Mois

Objectif

Réalisation

%Réalisation

Janvier/février

8

6

75 %

Février/mars

8

0

0 %

Mars/avril

8

4

50 %

% de réalisation sur la période : 42 %

3-résultats d'activité en nombre de visites spontanées

objectif de 40/mois soit 120 sur les trois mois

résultat : aucune activité réalisée sur la période. Aucun retour de fiches découvertes.

Cette démarche a été complètement laissée de côté malgré nos multiples relances orales et écrites. C'était pourtant déjà le cas avant la mise en place de votre PRP. Elle avait pour objectif de vous relancer et de vous permettre d'approfondir la connaissance de votre secteur en obtenant chez vos prospects sur place des informations capitales (date d'échéance marché, interlocuteurs, solutions en place etc.) que vous n'arrivez pas à avoir par téléphone lors des T-days. Cette étape que vous n'avez pas réalisée avait également pour but de soulever plus de portefeuille et de réaliser à moyen terme plus de production. Ce manquement est inexplicable alors même que cette action fait partie intégralement de votre mission d'ingénieur commercial grands comptes. (...) »

Par jugement du 26 février 2015, le conseil de prud'hommes de Nice a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [U] aux torts de la société KMBSF, a dit que cette résiliation judiciaire prend effet à la date du licenciement soit au 16 mai 2014, et en conséquence a condamné la société KMBSF à payer à Monsieur [U] 55 000 € à titre de dommages-intérêts pour l'entier préjudice. Le conseil de prud'hommes a jugé qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties des autres demandes tant principales que reconventionnelles, laissant les dépens à la charge de la partie défenderesse.

La société KMBSF, à qui ce jugement a été notifié le 17 mars 2015, a interjeté appel le 18 mars 2015.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société KMBSF, appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 26 février 2015 par le conseil de prud'hommes de Nice, et statuant à nouveau, à titre principal, de dire sans objet l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail. À titre subsidiaire, la société KMBSF demande à la cour de constater l'absence de tous faits de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, de rejeter en conséquence l'action en résiliation judiciaire et de débouter Monsieur [U] de toutes les demandes afférentes. En tout état de cause, la société KMBSF demande à la cour de juger le licenciement fondé sur un motif réel et sérieux et exclusif de tout abus, de débouter Monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner, outre aux entiers dépens, à verser la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U], intimé, demande à la cour de confirmer l'arrêt déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, et le réformant partiellement pour le surplus, de condamner la société KMBSF à lui verser les sommes suivantes :

'102 336 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

'465 € à titre de rappel de salaire et 46,50 euros de congés payés afférents

'10 000 € pour exécution fautive du contrat de travail

'20 000 € pour licenciement abusif

'4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Monsieur [U] demande, si la cour ne retenait pas la résiliation judiciaire, de voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de voir en conséquence condamner la société KMBSF à lui régler les mêmes sommes que ci-dessus, sauf en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 700 pour laquelle Monsieur [U] demande 6000 €.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat

La chronologie suivante n'est pas discutée et résulte en tout état de cause du dossier du conseil de prud'hommes et des pièces versées aux débats:

'22 avril 2014 : envoi du courrier RAR de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement

'5 mai 2014 : monsieur [U] adresse d'une part un courrier RAR pour notifier à son employeur son refus du nouveau PRV, et d'autre part saisit le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire

'12 mai 2014: tenue de l'entretien préalable

'16 mai 2014 : envoi du courrier RAR de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Il en résulte que le salarié a d'abord demandé la résiliation judiciaire de son contrat avant que l'employeur ne lui notifie le licenciement, de sorte que la cour doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire est justifiée.

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Monsieur [U] invoque le changement discrétionnaire par l'employeur du PRV au mépris du refus express du salarié. L'intimé soutient que ce nouveau PRV constitue une novation des obligations réciproques et portant sur un élément essentiel par nature de celui-ci, à savoir la rémunération. Il ajoute que les seules causes prévues par la loi autorisant l'employeur à modifier unilatéralement le contrat travail sur des éléments essentiels par nature, comme la rémunération, sont celles prévues à l'article L 1233'3 du code du travail c'est-à-dire des motifs économiques, qui n'ont jamais été invoqués par la société employeur ; que l'accord du salarié est obligatoire pour toutes modifications de sa rémunération et qu'en cas de refus du salarié, l'employeur doit, soit maintenir les conditions de rémunérations antérieures, soit tirer les conséquences du refus du salarié en procédant à son licenciement.

La société KMBSF fait valoir en réponse que le demandeur ne démontre pas la modification du contrat de travail, et a fortiori des manquements suffisamment graves justifiant la résiliation judiciaire. La société appelante soutient que le nouveau PRV est plus favorable que l'ancien et n'entraîne pas de modification de la structure de la rémunération ; que l'évolution des modalités de la rémunération du collaborateur s'est toujours faite en application de stipulations contractuelles auquel il avait donné son accord formel ; que le plan de rémunération est fondé sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié, n'a pas pour effet de réduire la rémunération au-dessous des minima légaux et conventionnels ; que les modifications alléguées du contrat de travail ne sont pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

* *

Monsieur [U] a notifié par courrier RAR du 5 mai 2014 son refus du nouveau PRV 2014/2015 et a demandé à son employeur de lui faire application du PRV 2013/2014 qui lui était applicable qu'alors.

Il n'est pas discuté que M. [U] a continué à travailler pour la société KMBSF jusqu'à la notification postérieure de son licenciement et qu'entre temps, la société KMBSF a appliqué à l'intéressé le nouveau PRV (entré en vigueur avec le nouvel exercice commençant le 1er avril 2014) nonobstant le refus du salarié. (Ce n'est que par note interne du 4 juillet 2014, c'est-à-dire après le licenciement, que la direction a apporté des « ajustements au PRV vendeurs »)

Au terme du contrat de travail liant les parties, il est stipulé que Monsieur [U] percevra une rémunération mensuelle forfaitaire brute outre des primes variables et que « Les principes et modalités des primes variables sont définis dans le cadre du plan de rémunération dont les conditions sont adaptées à la stratégie et aux objectifs de l'entreprise et dont les modalités précises sont portées à la connaissance de Monsieur [U] régulièrement par notes de la hiérarchie. (...) l'acceptation du contrat de travail comporte l'acceptation d'une remise en cause régulière du plan de rémunération variable. (...)  »

Une clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement un élément du contrat de travail tel que la rémunération.

Le contrat peut toutefois prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

En l'espèce la clause qui permet de modifier les bases de la rémunération variable en la faisant dépendre d'un plan de rémunération « dont les conditions sont adaptées à la stratégie et aux objectifs de l'entreprise» ne repose pas sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, mais repose au contraire sur les choix de celui-ci.

De plus, la comparaison des PRV litigieux démontre que l'employeur a entendu appliquer désormais des bases de calculs différentes en ce qui concerne la part variable de la rémunération, de sorte qu'il s'agit d'une modification des modalités de la rémunération, modification intervenue sans l'accord du salarié.

Ainsi, il résulte du document d'information remis par la société KMBSF au comité d'entreprise sur le projet de plan de rémunération variable des commerciaux pour l'exercice 2014/2015 (pièces 52 de l'employeur) que :

'« dans le nouveau projet de plan de rémunération variable, chaque ingénieur commercial aura, pour chaque vente, un commissionnement bonifié ou malusé en fonction du prix page vendu »

'l'atteinte des objectifs de marge sur la vente de « solutions » devient un composant essentiel de l'activité et de la rémunération variable (afin d'inciter les commerciaux à suivre l'axe stratégique de la société qui vise à développer les ventes de « solutions »).

Ces éléments sont confirmés par la comparaison des PRV (pièces 2 et 3). C'est ainsi que le PRV 2014/ 2015 mentionne que la prime mensuelle sur Placements A3 couleur, sur dossier prise d'ordre, est versée à compter du 1er palier placements A3 en couleur en PO et d'une pondération avec bonus/malus suivant la réalisation de Marge solutions en PO (plafond à 120 %). Il est indiqué les exemples suivants :

« 100 % Marge Sol : 100 % prime placement

50 % Marge sol : 50 % Prime placements

160 % marge sol : 120 % prime placement »

Le nouveau PRV introduit donc la notion de bonus-malus et réoriente la rémunération variable sur des critères nouveaux.

C'est ainsi d'ailleurs que la société KMBSF écrit : « les aménagements apportés au plan de rémunération variable pour l'exercice 2014/2015 sont d'une envergure plus importante que ceux précédemment réalisés dans la mesure où ils intègrent les nouveaux axes stratégiques de l'entreprise avec une refonte de la structure qui vise à la fois à une simplification et à une optimisation de l'activité des populations commerciales. »

Le fait allégué par la société KMBSF selon lequel ce nouveau PRV serait plus avantageux que le précédent, à le supposer démontré, est indifférent. En tout état de cause, l'absence de diminution de la rémunération pour les salariés qui ne remplissent pas leur objectif n'est pas démontrée. De plus, lors du comité d'entreprise du 25 juin 2014, qui s'est donc tenu quelques trois mois après la mise en 'uvre du nouveau PRV, a été mis à l'ordre du jour la question suivante : « avec le nouveau payplan les commerciaux font face à une perte de salaire significative. Malgré de nombreuses interpellations rien ne bouge. La direction compte-t-elle laisser la situation se dégrader encore ' ». En réponse la direction a indiqué « que dans les jours qui viennent, Monsieur [J] [H] va annoncer ces différents ajustements qui devraient permettre aux commerciaux de gagner une juste rémunération des contrats signés » et que « la direction ne compte pas laisser la situation se dégrader ».

La mise en place par la société KMBSF au 1er avril 2014, d'un PRV modifiant la rémunération variable de Monsieur [U], sans l'accord de ce dernier, et le maintien de ce nouveau mode de rémunération malgré la notification par le salarié de son refus express, constituent un manquement de l'employeur d'une gravité suffisante justifiant la résiliation judiciaire du contrat à ses torts.

La résiliation judiciaire prendra effet à la date à laquelle le contrat de travail a été effectivement rompu, soit le 16 mai 2014, date de la notification du licenciement, et produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de sa demande indemnitaire à hauteur de 102 336 €, Monsieur [U] fait valoir qu'il avait six années d'ancienneté, et que la moyenne de sa rémunération mensuelle brute s'élevait sur les 12 derniers mois à 4264 € ; qu'il a connu une période de chômage avec une perte de revenus ; qu'il a connu une baisse supplémentaire de revenus de 17 348 € en 2014 au regard de ses revenus de 2013.

L'employeur répond que Monsieur [U] ne rapporte pas la preuve de son préjudice, d'autant qu'il a retrouvé un emploi dans une entreprise concurrente (Toshiba) dans le prolongement de son licenciement et occupe aujourd'hui un poste de « responsable de secteur » dans une autre entreprise.

Monsieur [U] verse les pièces suivantes:

'ses bulletins de salaire justifiant de sa rémunération, au demeurant non contestée

'une attestation pôle emploi dont il résulte que consécutivement à la fin du contrat de travail au 19 août 2014, Monsieur [U] a été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 23 octobre 2014 jusqu'au 2 décembre 2014

'avis d'impôt 2014 sur les revenus 2013 dont il résulte que l'intéressé a déclaré des revenus pour un montant de 48 388 €

'avis d'impôt 2015 sur les revenus 2014 dont il résulte que l'intéressé a déclaré des revenus pour un montant de 33 449 €

'avis d'impôt 2016 sur les revenus 2015 dont il résulte que l'intéressé a déclaré des revenus pour un montant de 40 036 €.

Si Monsieur [U] ne précise pas à la cour la durée de la période de chômage qu'il a subie, ni sa situation postérieure, la société KMBSF produit quant à elle le profil de Monsieur [U] sur le site professionnel LinkedIn, dont il résulte que l'intéressé déclare avoir occupé le poste de Chef des ventes chez Toshiba France de janvier 2015 à mai 2016, puis celui de Responsable de secteur ingénierie financière chez Factum finance depuis juin 2016.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que Monsieur [U] a connu environ six mois de chômage avant de retrouver une situation professionnelle comparable, mais qu'il a toutefois subi une perte de revenus en 2014 et dans une moindre mesure en 2015.

En considération de son âge comme étant né en 1972, de son ancienneté dans l'emploi (six ans), et de ces éléments, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 30 000 €.

Sur les autres demandes de Monsieur [U]

Monsieur [U] demande la condamnation de la société KMBSF à lui régler 10 000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, pour avoir changé unilatéralement le PRV et le lui avoir imposé malgré son refus express.

Faute toutefois pour Monsieur [U] de démontrer l'existence d'un préjudice qui n'aurait d'ores et déjà été indemnisé, la demande doit être rejetée.

Monsieur [U], sollicite en outre la somme de 20 000 € de dommages et intérêts pour licenciement « abusif ». Monsieur [U] n'articule toutefois aucun moyen de fait au soutien de cette demande. Faute de justifier de circonstances de nature à créer un préjudice, notamment moral, distinct de la perte d'emploi, la demande doit être rejetée.

Monsieur [U] demande la condamnation de la société KMBSF à lui régler un rappel de salaire de 465€ outre 46,50 euros au titre des congés payés afférents, invoquant une perte de rémunération avant la rupture du contrat de travail, sur la période d'application unilatérale du nouveau PRV.

Dès lors que l'application de ce nouveau PRV requérait l'accord du salarié, accord qui n'a pas été obtenu, la demande est fondée en son principe. La société employeur ne démontre pas avoir rempli son obligation de régler l'entière rémunération au regard des critères du PRV 2013/2014. Il y a lieu dès lors de faire droit à la demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [U] la charge des frais irrépétibles par lui exposée à l'occasion de la présente procédure, tant en première instance qu'en appel. La société KMBSF sera condamnée à lui régler la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de la société KMBSF, sur ce même fondement, sera en revanche rejetée.

La société appelante, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Sur l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail

L'effectif de l'entreprise étant supérieur à 11 salariés et M. [U] ayant plus de deux ans d'ancienneté, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées au salarié du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois, la résiliation ordonnée judiciairement produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit les parties en leurs appels,

Sur le fond,

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Nice du 26 février 2015 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [V] [U] aux torts de la Sas Konica Minolta, et en ce qu'il a dit que cette résiliation judiciaire prend effet à la date du licenciement de Monsieur [V] [U] soit le 16 mai 2014

Infirme le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau,

Condamne la société Konica Minolta Business Solutions France à payer à Monsieur [V] [U] les sommes suivantes :

'30 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'465 € à titre de rappel de salaire outre 46,50 euros de congés payés afférents

'2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne le remboursement par l'employeur, la société Konica Minolta Business Solutions France, aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, M. [V] [U], du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage

Condamne la société Konica Minolta Business Solutions France aux dépens de première instance et d'appel

Rejette toutes autres prétentions.

Le greffier Madame Sophie PISTRE, Conseiller,

pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/05066
Date de la décision : 14/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°15/05066 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-14;15.05066 ?
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