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07/09/2017 | FRANCE | N°15/08602

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 07 septembre 2017, 15/08602


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 07 SEPTEMBRE 2017



N°2017/

GP













Rôle N° 15/08602







[H] [W]





C/



SARL B TERRASSEMENT ET FRERES



Association INTERPROFESSIONNELLE DE SANTE ET MEDECINE DU TRAVAIL 'AIST 83"









Grosse délivrée

le :

à :

Me Christophe COUTURIER, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE



Me [Q] D

ELCOURT, avocat au barreau de TOULON



Me Hélène BAU, avocat au barreau de TOULON



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section I - en date du 09...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 07 SEPTEMBRE 2017

N°2017/

GP

Rôle N° 15/08602

[H] [W]

C/

SARL B TERRASSEMENT ET FRERES

Association INTERPROFESSIONNELLE DE SANTE ET MEDECINE DU TRAVAIL 'AIST 83"

Grosse délivrée

le :

à :

Me Christophe COUTURIER, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Me [Q] DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

Me Hélène BAU, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section I - en date du 09 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/226.

APPELANT

Monsieur [H] [W], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christophe COUTURIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SARL B TERRASSEMENT ET FRERES, représentée par Mr [O] gérant, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me [Q] DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

Association INTERPROFESSIONNELLE DE SANTE ET MEDECINE DU TRAVAIL 'AIST 83", demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Hélène BAU, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2017

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [H] [W] a été embauché en qualité de conducteur d'engins le 3 novembre 2010 par la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES.

Il a été victime d'un accident du travail le 25 mai 2012.

Le 6 novembre 2012, Monsieur [H] [W] a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail.

Le salarié a été licencié le 12 décembre 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant la régularité et le bien-fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et réclamant le paiement d'heures supplémentaires, d'indemnités de trajet, de paniers repas et d'indemnités de rupture, Monsieur [H] [W] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 9 avril 2015, le Conseil de prud'hommes de Draguignan a dit que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [H] [W] était conforme aux textes en vigueur et ne souffrait d'aucune nullité, a condamné la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à payer à Monsieur [H] [W] les sommes suivantes :

-802,33 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

-366 € à titre d'indemnité liée à la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation,

-311,05 € brut au titre des heures supplémentaires,

-700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

a ordonné à la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES de remettre à Monsieur [H] [W] les documents sociaux rectifiés conformes au jugement, a débouté l'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83) de sa demande reconventionnelle et a mis les dépens à la charge de la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES.

Ayant relevé appel, Monsieur [H] [W] conclut à l'infirmation partielle du jugement rendu et à ce que soit prononcée la nullité du licenciement pour inaptitude du salarié au visa des articles R.4624-31 et L.1132-1 du code du travail, en conséquence, à la condamnation de la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à payer à Monsieur [H] [W] :

-28 638,36 € à titre de dommages intérêts,

-1604,67 € pour non respect de la procédure de licenciement,

-1604,67 € restant dus sur l'indemnité compensatrice de préavis,

-383,42 € d'indemnité légale de licenciement,

-2864 € d'indemnité compensatrice de congés payés,

-366 € d'indemnité liée à la perte d'une chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation,

à la condamnation de la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à lui remettre les documents rectifiés relatifs à la rupture du contrat de travail et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à la condamnation de la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à lui payer les sommes dues au titre des heures supplémentaires, à savoir :

-868,23 € pour l'année 2010,

-6588,29 € pour l'année 2011,

-1385,95 € pour l'année 2012,

et à la condamnation de la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à régler la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [H] [W] fait valoir qu'il a fait l'objet d'un examen médical de pré-reprise le 31 octobre 2012 et d'un nouvel examen médical de reprise le 6 novembre 2012, que les deux examens médicaux ne sont pas espacés d'un délai de deux semaines, mais d'une semaine uniquement, ce qui est contraire à l'article R.4624-31 3° du code du travail, que d'autre part, le médecin du travail a mentionné que la procédure était effectuée en une seule visite conformément à l'article « R.4624-312 du code du travail en raison d'une visite de pré-reprise effectuée le 31/10/2012 », qu'il appartiendra à l'employeur de justifier le contenu de cet article « R.4624-312 » dont le concluant n'a trouvé nulle trace dans le code du travail, qu'à défaut du respect du délai de deux semaines minimum entre les deux examens médicaux, le licenciement du salarié sera déclaré nul, que la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES emploie entre 10 et 19 personnes, que d'autres postes existent au sein de l'entreprise autres que celui de conducteur d'engins, que l'employeur n'a proposé aucune solution de reclassement au salarié, que le licenciement est nul, qu'il est irrégulier en ce qu'il a été notifié par courrier recommandé en date du 12 décembre 2012, moins de deux jours ouvrables après la date de l'entretien préalable du 10 décembre 2012, que son ancienneté était supérieure à deux années au sein de l'entreprise et qu'il avait droit à un préavis de deux mois, qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées par l'employeur et dont la réalisation a été sollicitée par celui-ci et qu'il doit être reçu en l'ensemble de ses réclamations.

La SARL B TERRASSEMENT ET FRERES conclut à la confirmation du jugement déféré et par conséquent, à ce qu'il soit jugé que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [H] [W] est parfaitement justifié et conforme aux textes en vigueur et qu'il ne saurait souffrir d'une quelconque nullité, à ce que Monsieur [H] [W] soit débouté de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, à ce qu'il soit jugé que la demande relative aux heures supplémentaires est mal fondée, à ce que Monsieur [H] [W] soit débouté de ses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail et en ce qui concerne les heures supplémentaires, à ce qu'il soit donné acte à Monsieur [H] [W] de ce que la société concluante est redevable de la somme de 311,05 € brut au titre des heures supplémentaires, de la somme de 1577,37 € brut au titre du préavis outre la somme de 157,73 € brut au titre des congés payés y afférents, à ce que Monsieur [H] [W] soit débouté de ses demandes d'indemnisation au titre du non-respect de la procédure, ainsi que de la perte d'une chance d'utiliser son droit au DIF, à ce que Monsieur [H] [W] soit débouté de ses demandes de paiement de l'indemnité de licenciement ainsi que des congés payés et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, reconventionnellement, à la condamnation de Monsieur [H] [W] à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens et à ce qu'il soit dit que, dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 (numéro 96/1080-tarifs des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL B TERRASSEMENT ET FRERES fait valoir que la visite de reprise a suivi une visite de pré reprise qui avait eu lieu moins de 30 jours avant, qu'il importe que le médecin du travail ait fait référence par erreur à l'article « R4624-312 » du code du travail sur la fiche de visite de reprise du 6 novembre 2012, le salarié ayant lui-même corrigé cette faute de frappe et cité l'article R4624-12 du code du travail in extenso dans ses écritures, que cette « coquille » n'a pas créé de préjudice au salarié, que la procédure de licenciement ne souffre d'aucune nullité, que la société concluante tenue à une obligation de recherche de reclassement n'avait pas d'obligation de formulation écrite d'une proposition de reclassement, dès lors qu'est démontrée l'absence de faisabilité d'un tel reclassement, notamment en l'absence d'un poste administratif au sein de la société, que Monsieur [H] [W] ne verse aucun élément sérieux au soutien de ses prétentions au titre d'heures supplémentaires, qu'il se contente de produire un tableau informatique, récapitulatif des soi-disant heures supplémentaires effectuées mensuellement sans fournir la moindre explication, que le salarié ne justifie pas du fait que les soi-disant heures supplémentaires qu'il revendique aient été effectivement effectuées à la demande de son employeur, que la société concluante démontre qu'aucune heure supplémentaire n'a été effectuée par le salarié, que les heures pour se rendre jusqu'au chantier et celles pour revenir du chantier constituent des temps de trajet, indemnisés sous forme d'indemnités de trajet, que l'indemnité de transport prévue par la convention collective nationale du bâtiment n'est pas due au salarié, qui bénéficiait d'un véhicule de fonction mis à sa disposition par la société pendant son activité, que les revendications de Monsieur [H] [W] au titre des heures supplémentaires sont fantaisistes (heures supplémentaires réclamées durant les congés payés du salarié), que la société concluante reconnaît être redevable de la somme de 311,05 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de 10 heures, qui donnent lieu à une majoration de 50 % au lieu des 25 % appliqués par erreur, que la société concluante comptait moins de 11 salariés, que la Cour ne pourra qu'appliquer dans toute sa rigueur les dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail, que Monsieur [H] [W] s'abstient de toute démonstration quant à la détermination d'un préjudice et qu'il doit être débouté de ses demandes.

L'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83) conclut, in limine litis, à ce que soient jugées irrecevables les demandes formulées par Monsieur [H] [W] en l'absence de fondement juridique et en l'absence de demandes précises et chiffrées dirigées à l'encontre de l'AIST 83, à ce que soit constatée l'absence de convocation de l'AIST 83 à la tentative de conciliation du 10 octobre 2013 et à la condamnation solidairement de Monsieur [H] [W] et de la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES au paiement de la somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

L'AIST 83 soulève, in limine litis, l'irrecevabilité de l'action engagée par Monsieur [H] [W] et dirigée contre l'AIST 83 devant le conseil de prud'hommes, puis la cour d'appel, en l'absence de demandes clairement formulées à son encontre, que la concluante a été assignée par convocation du 26 juin 2014 devant le conseil de prud'hommes en sa formation de jugement sans pour autant qu'une quelconque demande ne soit formulée contre elle, qu'elle est un tiers au contrat de travail ayant lié Monsieur [H] [W] à la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES et ne peut dès lors être juridiquement attraite devant la juridiction prud'homale, au surplus, qu'elle a été directement convoquée devant le bureau de jugement sans convocation devant le bureau de conciliation, que cette action est donc irrecevable, qu'elle a été convoquée, selon la plaidoirie de la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES devant le conseil de prud'hommes, pour venir valider son analyse juridique face aux demandes formulées par le salarié, qu'il n'est pas du rôle de l'AIST 83 de venir exposer et soutenir devant une juridiction prud'homale que telle ou telle argumentation serait à retenir, qu'elle a été contrainte de constituer avocat afin de se présenter aux audiences et de conclure à l'irrecevabilité de l'action dirigée contre elle et qu'il serait inéquitable de lui laisser à charge les frais engagés dans la présente procédure.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Monsieur [H] [W] a fait l'objet d'une visite de pré-reprise le 31 octobre 2012 et le médecin du travail a conclu, à l'issue de cette visite : « Pas d'avis d'aptitude délivré-A revoir en visite de reprise. Une inaptitude au poste de travail est à prévoir ».

Le médecin du travail a délivré le 6 novembre 2012, dans le cadre de la visite de reprise de Monsieur [H] [W], une fiche d'aptitude en ces termes : « Inapte au poste antérieurement occupé. Demeure apte à tout poste sans port ou soulèvement de charge lourde ($gt; 25 kg) et excluant tout travail en élévation dont l'escalade de cabine, benne ou plateau.

Procédure en une seule visite conformément à l'art R4624-312 du code du travail en raison d'une visite de pré-reprise effectuée le 31/10/2012.

Cette décision est susceptible d'être en rapport avec l'accident du travail du 25/05/2012 ».

Il importe peu que le médecin du travail ait cité par erreur, dans la fiche d'aptitude, l'article 'R.4624-312' au lieu de l'article R.4624-31 du code du travail, s'agissant d'une simple erreur matérielle, le médecin du travail ayant respecté les dispositions de ce dernier texte prévoyant que l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen « lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus », ce qui était le cas en l'espèce.

La visite de préreprise a eu lieu le 31 octobre 2012, soit moins d'un mois avant la visite de reprise du 6 novembre 2012. Le délai de deux semaines fixé à l'article R.4624-31 3° du code du travail ne s'applique pas à la situation d'une visite de reprise succédant à une visite de préreprise dans un délai de 30 jours.

Il s'ensuit que l'inaptitude du salarié à son poste de travail a été régulièrement constatée par le médecin du travail.

Monsieur [H] [W] a été convoqué, par lettre recommandée du 27 novembre 2012, à un entretien préalable pour le 4 décembre, reporté au 10 décembre 2012, à une mesure de licenciement, postérieurement à la visite effectuée par le médecin du travail le 15 novembre 2012 au sein de l'entreprise et dont les conclusions sont rapportées par celui-ci, dans un courrier du 12 septembre 2013. Le médecin du travail a constaté que le salarié était dans l'incapacité d'escalader une série de marchepieds verticaux pour accéder à la cabine du poids-lourds ou d'accéder à la cabine de la pelleteuse, située à 1,40 m du sol (sans marchepied, avec escalade des roues) ou à tout le moins d'en redescendre (« si la montée est possible, la descente peut être parfois acrobatique ») et a conclu que ces éléments étaient incompatibles avec la pathologie présentée par Monsieur [H] [W], l'employeur lui ayant « déclaré ne pas disposer de poste disponible excluant cette contrainte d'escalade et permettant son reclassement ».

La SARL B TERRASSEMENT ET FRERES, pour justifier de l'impossibilité du reclassement de Monsieur [H] [W], produit son registre informatique du personnel et la liste informatique de ses employés présents entre le 1er janvier 2007 et le 30 décembre 2012.

Il ressort de ces éléments que les emplois occupés au sein de l'entreprise sont des emplois de conducteur d'engins, de conducteur d'engins-chauffeur PL, de chef de chantier maître ouvrier, de chef d'équipe, de mécanicien-chauffeur ouvrier, d'ouvrier d'exécution et man'uvre ouvrier, étant observé que la dernière page du registre informatique produit (page 4) mentionne l'embauche de [Q] [I] à la date du 25 septembre 2012 sans que ne soit produite la suite du registre permettant à la Cour de vérifier qu'il n'y a pas eu d'embauche postérieurement au 25 septembre 2012 jusqu'au 12 décembre 2012, date de licenciement de Monsieur [H] [W].

Par ailleurs, alors que la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES est une entreprise qui existe depuis le 4 septembre 2009 (date de son immatriculation au registre du commerce selon extrait Kbis du 7 juin 2017 produit par le salarié), le registre informatique produit par la société ne permet pas de vérifier les embauches réalisées antérieurement au 1er juillet 2010 (première embauche mentionnée sur la page 1 du registre informatique produit : [B] [L], embauché le 1er juillet 2010).

La SARL B TERRASSEMENT ET FRERES procède donc par voie d'affirmation et non de démonstration lorsqu'elle prétend qu'il n'existe aucun poste administratif au sein de la société.

Enfin, la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES qui a soutenu auprès du médecin du travail (courrier du Dr J-L [B] du 12 septembre 2013) ne pas disposer de poste excluant la contrainte d'escalade, ne démontre pas que cette contrainte s'appliquait également aux emplois d'ouvrier ou de man'uvre ouvrier ou de mécanicien-chauffeur ouvrier, pas plus qu'elle ne démontre que de tels emplois ne répondaient pas à la préconisation du médecin du travail d'un reclassement sur un poste sans port ou soulèvement de charge lourde supérieure à 25 kg.

Les relevés informatiques produits par la société sont insuffisants à démontrer qu'un poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était pas disponible en son sein.

Il s'ensuit que le licenciement de Monsieur [H] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour défaut de tentative de reclassement par l'employeur.

Si la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES soutient qu'elle n'occupait que 10 salariés, à l'époque de la notification du licenciement de Monsieur [H] [W], il ressort cependant du registre informatique versé par la société que, contrairement à la liste des employés qu'elle produit en pièce 17 (sur laquelle sont barrés certains noms d'employés déclarés sortis, alors même qu'il est mentionné en bas de la liste : « Total employés présents : 15 »), le salarié [Z] [I] n'est pas mentionné sorti de l'entreprise à la date du 12 décembre 2012, étant observé de surcroît que le registre informatique du personnel s'arrête, en page 4, à l'embauche de [Q] [I] en date du 20 septembre 2012.

En conséquence, la Cour retient que l'effectif de l'entreprise, à la date de notification du licenciement de Monsieur [H] [W], était au moins de 11 salariés, en sorte que, Monsieur [W] ayant une ancienneté supérieure à deux ans à la date de la rupture de son contrat de travail, il y a lieu de faire application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Si la lettre de licenciement a été notifiée au salarié le 12 décembre 2012, dans un délai de moins de 2 jours ouvrables après l'entretien préalable qui s'est déroulé le 10 décembre 2012, et que la procédure de licenciement est ainsi irrégulière, l'indemnité pour irrégularité de procédure ne se cumule pas pour autant avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieure, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant plus de 10 salariés.

Monsieur [H] [W] ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle, ni sur ses ressources.

En considération de son ancienneté supérieure à 2 ans dans une entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut (1747,86 € de salaire moyen perçu sur les 6 derniers mois précédant l'accident du travail, de novembre 2011 à avril 2012, incluant les heures supplémentaires et l'indemnité de congés payés), la Cour accorde à Monsieur [H] [W] la somme de 10 500 € à titre de dommages intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SARL B TERRASSEMENT ET FRERES ne discute pas qu'il est dû au salarié un deuxième mois de préavis, au vu de l'ancienneté du salarié supérieure à deux ans, en sorte qu'il convient de faire droit à la réclamation de Monsieur [H] [W] et de lui accorder la somme de 1604,67 € à titre d'indemnité complémentaire de préavis (salaire de base et heures supplémentaires, et non le seul salaire de base de 1577,37 €).

Monsieur [H] [W] a perçu une indemnité de licenciement de 688 €. Il réclame un complément d'indemnité légale de licenciement de 383,42 €, sans expliciter son calcul.

Eu égard au montant du salaire mensuel moyen brut 1804,43 € perçu sur les 3 derniers mois précédant l'accident du travail, de février à avril 2011, incluant les heures supplémentaires et l'indemnité de congés payés (supérieur au salaire moyen de 1692,39 € perçu sur les 12 mois précédant son accident du travail, de mai 2011 à avril 2012, soit 20 308,75 €/12), il est dû au salarié, pour son ancienneté de 2 ans, 1 mois et 10 jours (du 3/11/2010 au 12/12/2012) une indemnité légale de licenciement de 761,87 € [(1804,43/5x2) + (360,886/12) + (30,0738/30x10)].

Par conséquent, la Cour accorde à Monsieur [H] [W] la somme de 73,87 € à titre de complément d'indemnité légale de licenciement (761,87-688).

Sur les congés payés :

Monsieur [H] [W] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 2864€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, sans fournir aucune explication et aucun calcul.

Or, alors que la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES produit le certificat de la Caisse des congés payés du BTP attestant que la société est en situation régulière quant au paiement des cotisations obligatoires relatives aux congés payés à la date du 31 décembre 2016, le salarié ne prétend pas et ne justifie pas ne pas avoir perçu ses indemnités de congés payés qui doivent être versées non par l'employeur mais par la Caisse des congés payés du Bâtiment.

En conséquence, la Cour déboute Monsieur [H] [W] de sa demande d'indemnité de congés payés.

Sur les droits au DIF :

Monsieur [H] [W] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 366€ d'indemnité liée à la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation, sans apporter aucune explication à cette demande ni verser d'élément sur son préjudice.

Il est mentionné sur le certificat de travail du 13 décembre 2012 délivré au salarié qu'il a acquis 44 heures de droit individuel à la formation.

Monsieur [H] [W] ne démontre pas qu'il n'a pu utiliser, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, ses droits acquis au titre du DIF.

À défaut de justifier d'un préjudice, il contient de réformer le jugement sur ce point et de débouter Monsieur [H] [W] de sa demande en paiement d'une indemnité pour la perte d'une chance d'utiliser les heures acquises au titre du droit individuel à la formation.

Sur les heures supplémentaires :

Monsieur [H] [W] réclame le paiement d'heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été payées par son employeur sur les années 2010 (novembre et décembre 2010), 2011 et 2012 (de janvier à mai 2012).

Il présente un tableau des heures supplémentaires effectuées mensuellement (par exemple 43 heures supplémentaires effectuées en novembre 2010) ainsi qu'un relevé des horaires de travail effectués chaque jour du mois, au recto du bulletin de salaire correspondant [le plus souvent : 7h30/17h (parfois 17h30, 18 heures ou 18h30), soit 9h30 de travail journalier].

Il convient d'observer que le salarié ne tient pas compte dans son décompte du temps de pause repas et ne déduit aucunement des sommes réclamées les sommes versées par l'employeur sur le bulletin de paie au titre des heures supplémentaires (par exemple : 16 heures supplémentaires réglées en novembre 2010, non déduites des 43 heures supplémentaires réclamées). Il ressort également du décompte versé par le salarié que celui-ci réclame par exemple le paiement de 19h30 supplémentaires pour le mois de février 2012 alors que lui ont été réglées 24 heures supplémentaires.

Comme relevé par les premiers juges, il ressort des horaires avancés par le salarié et des explications fournies par les parties à l'audience que Monsieur [H] [W] revendique notamment le paiement d'heures effectuées de 7h30 à 8 heures, correspondant au temps de trajet jusqu'au chantier.

La SARL B TERRASSEMENT ET FRERES soutient que ces temps de trajet ont été indemnisés par le versement d'indemnités de petit déplacement et ne correspondent pas à du temps de travail effectif, que les horaires de travail du salarié sur les chantiers étaient les suivants : du lundi au jeudi de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures (coupure d'une heure pour le déjeuner, de 12 à 13 heures) et le vendredi de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 16 heures, soit 39 heures par semaine.

Si l'indemnité de trajet, ayant un caractère forfaitaire et ayant pour objet d'indemniser une sujétion pour le salarié obligé chaque jour de se rendre sur le chantier et d'en revenir, est due indépendamment de la rémunération par l'employeur du temps de trajet si celui-ci est inclus dans l'horaire de travail, il n'en reste pas moins que sont exclus du temps de travail effectif les temps de déplacement sur le chantier dès lors que le salarié a la possibilité de se rendre directement sur le chantier par ses propres moyens sans passer obligatoirement par l'entreprise, même s'il en a la faculté.

Or, Monsieur [H] [W] ne précise aucunement s'il était tenu de venir au siège social de l'entreprise à la demande expresse de son employeur avant de se rendre sur un chantier, ni même s'il passait effectivement par l'entreprise avant d'aller sur le chantier. Il ne prétend pas qu'il se tenait à la disposition de l'employeur ou qu'il exécutait une prestation à la demande de ce dernier de 7h30 à 8 heures.

La SARL B TERRASSEMENT ET FRERES verse aux débats l'attestation du 2 juin 2014 de Monsieur [M] [V], chef de chantier, qui rapporte : « En tant que chef de chantier sur le chantier du Luc en Provence les horaires de travail appliqués étaient de 8h à 12h et 13h à 17 heures et pour des raisons de proximité avec les riverains des lotissements attenant, l'utilisation des engins avec nuisances auditives type BRH ou concasseur y était strictement appliquée. Les horaires étaient appliqués à toute personne présente sur le chantier quelque soit sa qualification. Mr [W] [H] travaillait comme chauffeur d'engins pour l'exécution de travaux de terrassement de masse. La société lui a également fourni un fourgon pour le stockage des différents outils ou éléments mécaniques nécessaires à l'entretien des machines. Les spécificités techniques du chantier dues à une forte déclivité nécessitaient une grande prudence et, suivant les travaux, la présence de personnels pouvant intervenir rapidement si nécessaire. L'exécution de ces travaux ne pouvait pas s'accommoder d'un manque de luminosité ».

Il ressort de ce témoignage que Monsieur [H] [W] disposait d'un fourgon pour se rendre sur les chantiers et aucun élément versé par le salarié ne permet de conclure que celui-ci avait une obligation de se rendre au siège social de la société, avant de se rendre sur les chantiers, et de se tenir à la disposition de son employeur.

Monsieur [H] [W] réclame également le paiement d'heures supplémentaires exécutées au-delà de 17 heures (jusqu'à 18h30), y compris durant les périodes d'hiver, sans répondre au témoignage du chef de chantier attestant de l'impossibilité d'exécuter les travaux après la nuit tombant, du fait du manque de luminosité.

Au vu des éléments versés par les parties, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [H] [W] en paiement d'heures supplémentaires, à l'exception du paiement rectifié des majorations (heures payées avec une majoration de 25 % au lieu d'une majoration de 50 %) pour un montant de 311,05 € que l'employeur reconnaît devoir au salarié.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient d'ordonner la remise par la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur la demande reconventionnelle de l'AIST 83 :

Il convient d'observer qu'aucune demande n'est formulée par Monsieur [H] [W] ou par la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à l'encontre de l'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83), laquelle a pourtant été contrainte, après sa mise en cause, de se défendre jusqu'en appel.

Il a été précisé, à l'audience de la Cour, que l'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83) a été citée à comparaître et à se défendre dans le cadre du présent litige à la requête de l'employeur et ce, pour venir valider l'analyse juridique de ce dernier face aux demandes formulées par le salarié, alors pourtant qu'il n'appartient pas au service de médecine du travail de prendre position dans un litige opposant un salarié à son employeur.

Eu égard à cette mise en cause injustifiée de l'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83), il convient de condamner la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à payer à l'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83) la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,

Reçoit les appels en la forme,

Ordonne la mise hors de cause de l'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83),

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [W] de sa demande au titre d'un licenciement nul et en ce qu'il a condamné la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à payer à Monsieur [H] [W] 311,05 € au titre des heures supplémentaires et 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Dit que le licenciement de Monsieur [H] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à payer à Monsieur [H] [W] :

-1604,67 € brut de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

-73,87 € de complément d'indemnité légale de licenciement,

-10 500 € de titre de dommages intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Ordonne la remise par la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,

Condamne la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à payer à Monsieur [H] [W] 1500€ supplémentaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL B TERRASSEMENT ET FRERES à payer à l'Association Interprofessionnelle de Santé et Médecine du travail (AIST 83) 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Rejette toute autre prétention.

Le greffier Madame Ghislaine POIRINE,

Conseiller, pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/08602
Date de la décision : 07/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°15/08602 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-07;15.08602 ?
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