La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2017 | FRANCE | N°16/07518

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre c, 20 juillet 2017, 16/07518


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 20 JUILLET 2017



N° 2017/579

L. L.G.













Rôle N° 16/07518







[W] [X]



C/



[M] [C]









Grosse délivrée

le :

à :





Maître BLANC



Maître JUSTON





DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande i

nstance de Marseille en date du 01 avril 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/05029.





APPELANT :



Monsieur [W] [X]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (MAROC),

demeurant [Adresse 1]



représenté et plaidant par Maître Xavier BLANC de la SCP CABINET MARC BERENGER, XAVIER ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 20 JUILLET 2017

N° 2017/579

L. L.G.

Rôle N° 16/07518

[W] [X]

C/

[M] [C]

Grosse délivrée

le :

à :

Maître BLANC

Maître JUSTON

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 01 avril 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/05029.

APPELANT :

Monsieur [W] [X]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (MAROC),

demeurant [Adresse 1]

représenté et plaidant par Maître Xavier BLANC de la SCP CABINET MARC BERENGER, XAVIER BLANC, OLIVIER BURTEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

Monsieur [M] [C]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Maître Odile GAGLIANO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 juin 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Danielle DEMONT, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, et Madame Pascale POCHIC, conseillère, chargées du rapport.

Madame Danielle DEMONT, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour,

COMPOSÉE DE :

Madame Danielle DEMONT, conseillère doyenne faisant fonction de présidente

Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseillère

Madame Pascale POCHIC, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Monsieur Serge LUCAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2017.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2017.

Signé par Madame Danielle DEMONT, présidente, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [X] et M. [C] sont voisins, [Adresse 3].

Le 9 octobre 1996, M. [X] a obtenu un permis pour modifier sa toiture et aménager les combles de sa maison, pour créer une SHON complémentaire de 58m2.

Par un arrêt confirmatif du 12 décembre 2002, une chambre correctionnelle de la présente cour d'appel a jugé M. [X] coupable, notamment, de construction sans permis et a ordonné la démolition de l'entière construction faite au mépris du permis délivré, dans un délai de six mois sous peine d'astreinte courant à compter de l'expiration de ce délai.

M. [X] ne s'exécutant pas, un protocole d'accord transactionnel a été signé par les parties les 10 et 15 juillet 2003, par lequel M. [X] s'engageait, notamment, à effectuer à ses frais divers travaux et à verser 25 000 euros à M. [C] en réparation de troubles de jouissance, somme qui serait séquestrée jusqu'à l'obtention d'un permis de régularisation.

Un arrêt de la présente cour, du 24 septembre 2015, rendu après expertise judiciaire, a condamné sous astreinte M. [X] à effectuer divers travaux pour mettre fin aux troubles anormaux de voisinage causés par la construction et à des dommages et intérêts. La cour a également débouté M. [X] de sa demande tendant à voir déclarer caduc le protocole d'accord et à voir ordonner la restitution de la somme de 25 000 euros consignée.

Par requête en date du 14 octobre 2015, M. [C] a saisi le président du tribunal de grande instance de Marseille d'une demande d'homologation du protocole d'accord de 2003.

Par ordonnance du 16 octobre 2015, rendue au visa de l'article 2052 du code civil et des articles 1565 et 1566 du code de procédure civile, le président a accueilli cette demande et conféré force exécutoire audit protocole.

Par assignation du 9 novembre 2015, M. [X] a sollicité la rétractation de l'ordonnance du 16 octobre 2015.

Par ordonnance du 1er avril 2016, le juge des référés a débouté M. [X] de sa demande et l'a condamné à payer à M. [C] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à sa charge.

Le juge a, notamment, retenu que la cour d'appel avait reconnu l'existence du protocole et avait analysé au fond sa validité, ce qui suffisait à lui conférer force exécutoire, aucune prescription ne pouvant en outre être invoquée par M. [X] en l'état de la procédure engagée en 2007 (procédure ayant abouti à l'arrêt du 24 septembre 2015).

Par déclaration du 22 avril 2016, M. [X] a formé un appel général contre cette décision.

Par ses dernières conclusions du 1er juin 2017, M. [X] demande à la cour de :

- Le recevoir en son appel.

- Au fond, le dire bien fondé.

- Réformer en conséquence l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

- Dire et juger que l'ordonnance, en ce qu'elle est contraire à l'arrêt rendu par la 4° Chambre B de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 septembre 2015, a violé les articles 1350 et 1351 du code civil,

- Dire et juger que l'action de Monsieur [C] tendant à ce que soit conférée force exécutoire au protocole est prescrite par l'article 2224 du code civil,

- Dire et juger au surplus qu'en vertu des articles 1168 et 1181 du code civil, il n'est pas possible de conférer force exécutoire à une transaction conclue sous une condition suspensive qui ne s'est pas réalisée,

- Dire et juger que la somme de 25 000 € séquestrée à la CARSAM, du fait de la non réalisation de la condition suspensive, doit être reversée à Monsieur [X] par application de l'article 7 du protocole,

- En toute hypothèse, condamner Monsieur [C] à la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du du code de procédure civile, outre aux dépens, ceux d'appel étant distraits.

Par ses dernières conclusions du 13 février 2017, M. [C] demande à la cour de :

Sur le fondement des articles 2052 du code civil, 1565 et 1566 du code de procédure civile et L. 480-14 du code de l'urbanisme,

- Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et pour ce faire,

- Rejeter comme injustifiées et mal fondées toutes les exceptions et moyens soulevés par M. [X] notamment quant à l'empêchement à l'homologation que constituerait l'existence d'une condition suspensive dans le protocole d'accord des 10 et 15 juillet 20103, et quant à la prescription de l'action tendant à donner force exécutoire au protocole,

- Rejeter par voie de conséquence la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 16 octobre 2015 qui a homologué le protocole d'accord intervenu les 10 et 15 juillet 2003 entre Monsieur [C] et Monsieur [X] lui conférant force exécutoire.

- Rejeter sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, et sur le fondement de l'article 1565 et 1566 du même code, les demandes relevant du juge du fond et non du président saisi d'une demande d'homologation, tendant à voir juger que la condition suspensive ne serait pas levée, que le protocole serait caduque et que le concluant devrait rembourser les 25 000 euros versés,

- Condamner Monsieur [X] à lui verserla somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant, le condamner à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.

- Le condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, ceux d'appel distraits.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription de l'action en homologation de l'accord :

L'action tendant à voir homologuer un accord transactionnel se prescrit par cinq années, ainsi que le considèrent les parties, par application de l'article 2224 du code civil.

Selon l'article 2241 du même code, la demande en justice interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, si l'accord a été signé le 15 juillet 2003, et que le délai de prescription expirait cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 18 juin 2013, le délai a été interrompu par l'action engagée le 17 août 2007 par M. [C] devant le Tribunal de grande instance de Marseille statuant au fond tendant à la condamnation de M. [X] à réaliser divers travaux en application du protocole d'accord puisque cette action visait à la mise à exécution de l'accord. Le délai de prescription a été interrompu pendant tout le cours de cette action, soit jusqu'au 24 septembre 2015. En conséquence, la demande d'homologation formée auprès du président du tribunal de grande instance de Marseille le 14 octobre 2015 l'a été dans le délai de prescription.

La demande n'est donc pas prescrite.

Sur la demande de rétractation :

Saisi d'une demande d'homologation d'une transaction, le juge doit vérifier que l'accord existe, qu'il présente les caractéristiques d'une transaction, notamment qu'il comporte des concessions réciproques, et qu'il n'est pas contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Le juge ne peut modifier les termes de la transaction.

Le protocole d'accord homologué par l'ordonnance du président du tribunal de grande instance, dont la rétractation est demandée, a été signé dans la perspective que M. [X] puisse échapper à la démolition de son bien en déposant un permis de construire destiné à 'régulariser' la construction et afin qu'aucun litige ne naisse entre les parties à l'occasion de cette demande de permis de construire. Il stipule que :

* M. [X] s'engage à

- céder à M. [C] deux parcelles de terrain pour 1 euro,

- effectuer à ses frais exclusifs un ensemble de travaux destinés à remédier aux inconvénients pour M. [C] de la construction illicite édifiée (condamnation de deux fenêtres, désolidarisaiton des toitures des immeubles...),

- supprimer divers aménagements à l'occasion de la demande de permis de construire qu'il devait déposer (suppression d'une porte fenêtre, suppression d'un balcon...)

- remettre à M. [C] dans le délai d'un mois des devis correspondant aux travaux susmentionnés et diverses informations concernant les entreprises devant intervenir,

- remettre à M. [C] un chèque de 25 000 euros libellé à l'ordre de la CARSAM à titre d'indemnité pour le préjudice subi du fait du maintien de la construction à démolir, cette somme devant être remise à M. [C] dès l'obtention du permis de construire modificatif ou de régularisation et le recours des tiers vidé,

* M. [C] s'engage en contrepartie, et sous réserve de la stricte exécution de ses obligations par M. [X], à se désister de toute instance ou action qui aurait pour objet de parvenir à la démolition de la maison d'ores et déjà édifiée ou à l'annulation du permis de construire modificatif ou de régularisation lorsqu'il aura été obtenu.

L'article 7 du protocole stipule :

' Le présent protocole est sousmis à la condition suspensive d'obtention par M. [X] d'un permis de construire (modificatif et/ou de régularisation) définitif légalisant la construction litigieuse. Dans l'hyptothèse où le permis était (Sic) refusé ou annulé par décision définitive d'une juridiction administrative, le présent protocole d'accord deviendrait caduque et les sommes séquestrées à la CARSAM ou entre les mains du notaire, tant au titre des travaux à exécuter que de la cession à réitérer par acte authentique, seront restituées à M. [X]'.

Il résulte de cet article que les obligations réciproques prévues au protocole ne pouvaient devenir exigibles qu'au jour où un permis modificatif ou de régularisation aurait été obtenu par M. [X]. Au cas contraire, M. [C] retrouvait toute latitude d'user de toute voie de droit destinée à obtenir la démolition de la maison construite illégalement.

M. [X] justifie avoir déposé un permis de contruire le 27 avril 2016, portant sur quelques aménagement du bâtiment, qui a été refusé le 10 août 2016. La condition suspensive n'a donc pas été réalisée, de sorte que l'accord conclu entre les parties est réputé n'être jamais entré en vigueur, ce qui fait obstacle à ce qu'il lui soit conféré force exécutoire.

Le fait que la demande de permis de construire déposée par M. [X] ne correspondrait pas à celle qui devait être déposée aux termes du protocole, ce qui n'est pas contestable, ne peut conduire à considérer que la condition suspensive se serait réalisée. En outre, s'il appartient au juge saisi de la demande d'homologation de vérifier que la transaction existe et qu'elle comporte des concessions réciproques, ce qui est le cas en l'espèce, il ne lui appartient pas de vérifier si la condition mise à son entrée en application présente un caractère potestatif ou non.

Par ailleurs, il convient de noter qu'en jugeant que l'accord n'était pas caduc l'arrêt de la cour d'appel du 24 septembre 2015 n'a pas tranché la même demande que celle jugée dans la présente instance. En effet, la cour n'est pas ici saisie d'une demande de voir déclarer l'accord caduc, mais d'une demande tendant à lui voir conférer ou non force exécutoire. La demande n'est donc pas la même. En outre, un fait nouveau, tenant au refus du permis de construire sollicité, est survenu depuis l'arrêt rendu.

Il s'ensuit qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance attaquée et de rétracter l'ordonnance ayant conféré force exécutoire à l'accord transactionnel.

La demande de M. [X] tendant à la restitution de la somme de 25 000 euros consignée en application de l'accord excède les pouvoirs du juge saisi de la demande d'homologation en application de l'article 1567 du code de procédure civile. En effet, le refus de conférer force exécutoire à l'accord n'entraîne pas la caducité ou la résiliation de celui-ci.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

- Rejette la fin de non recevoir prise de la prescription de l'action de M. [C],

- Infirme l'ordonnance, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Rétracte l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille du 16 octobre 2015 ayant conféré force exécutoire à l'accord transactionnel signé par les parties les 10 et 15 juillet 2003,

- Rejette la demande de M. [X] relative à la somme de 25 000 euros séquestrée,

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [C] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 16/07518
Date de la décision : 20/07/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°16/07518 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-20;16.07518 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award