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23/06/2017 | FRANCE | N°15/00175

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 23 juin 2017, 15/00175


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2017



N°2017/



Rôle N° 15/00175







[S] [Z]





C/



LA POSTE - DOTC 13















Grosse délivrée le :



à :



Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Francis PETITET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



D

écision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 16 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1264.





APPELANTE



Madame [S] [Z], demeurant [Adresse 1]



comparante en p...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2017

N°2017/

Rôle N° 15/00175

[S] [Z]

C/

LA POSTE - DOTC 13

Grosse délivrée le :

à :

Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Francis PETITET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 16 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1264.

APPELANTE

Madame [S] [Z], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

LA POSTE - DOTC 13, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Francis PETITET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller , chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2017

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [S] [Z] a été embauchée le 1er septembre 1993 par la société LA POSTE suivant contrat de travail à durée déterminée. À compter du 30 avril 1994, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. La salariée occupait le poste d'agent rouleur-distributeur ACC13. Au dernier état de la relation contractuelle la salariée percevait une rémunération moyenne brute mensuelle de 1 770,69 €.

La salariée a été victime d'un accident du travail le 7 mai 2007 dont elle informait son employeur dans les termes suivants : « Ce jour en effectuant la tournée n° 1 ayant distribué au n° [Adresse 3] en virant pour aller en face au [Localité 1], la chaussée légèrement bombée le cyclo très chargé je n'ai pu retenir celui-ci, le cyclo m'est tombé sur la jambe au niveau du genou principalement. J'ai terminé la tournée, mon genou est douloureux, pliant difficilement la jambe. » À la suite de cette entorse, la salariée a été placée en arrêts de travail renouvelés jusqu'au 24 juillet 2007.

La salariée ayant repris le travail, elle a été soumise à une visite médicale de reprise le 31 juillet 2007 à l'issue de laquelle le médecin du travail notait : « apte sous réserve : x 3 mois maximum, tournée uniquement sur mobylette avec montée et descente des étages très limitée ou travail sédentaire en position préférentiellement assise. »

Mais, dès le 3 septembre 2007, la salariée était à nouveau placée en arrêt de travail au titre de la prolongation des arrêts précédents pour accident du travail, toujours en raison de son entorse au genou.

La caisse primaire d'assurance maladie a ainsi servi à la salariée des indemnités journalières pour accident du travail jusqu'au 30 avril 2009 puis à compter du 1er mai 2009 pour maladie simple, l'intéressée souffrant alors notamment d'un syndrome dépressif. Les arrêts de travail pour maladie ont été renouvelés jusqu'au 31 août 2011.

Par décision du 8 juin 2011, la salariée a été classée en invalidité de catégorie II à compter du 1er septembre 2011. Elle a été soumise à une première visite de reprise le 18 octobre 2011 au terme de laquelle le médecin du travail notait : « inaptitude définitive, aucun poste compatible avec l'état de santé de l'agent » puis à une seconde visite, le 7 novembre 2011, conclue ainsi : « Inaptitude définitive, aucun poste compatible avec l'état de l'agent, inaptitude définitive confirmée. »

N'ayant donné aucune suite à ces avis, et la salariée n'ayant pas repris le travail, l'employeur a de nouveau provoqué une visite de reprise le 23 octobre 2012 au terme de laquelle le médecin du travail notait : « inaptitude définitive 1° visite, aucun poste compatible avec l'état de santé de l'agent (déjà officialisé par visites médicales des 18/10/11 et 7/11/11 » puis une seconde visite, le 13 novembre 2012, conclue ainsi : « Inaptitude définitive 2e visite, inapte définitif tout poste. »

La salariée a saisi le 7 décembre 2012 la formation de référé du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, laquelle a rendu le 25 janvier 2013 une décision ordonnant à l'employeur de lui régler les sommes suivantes :

19 021,16 € à titre de rappel de salaire de décembre 2011 à décembre 2012, en deniers ou quittance ;

1 500,00 € à titre de provision sur congés payés ;

1 000,00 € au titre des frais irrépétibles.

Se plaignant d'un manquement à l'obligation de sécurité et sollicitant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, Mme [S] [Z] a saisi au fond, ce même 7 décembre 2012, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section commerce.

La salariée a été licenciée pour inaptitude par lettre du 12 mars 2013 ainsi rédigée : « Par courrier envoyé par LRAR en date du 1er février 2013, Mme la directrice des ressources humaines de la DOTC/13 vous a convoquée à un entretien préalable au licenciement avec Mme [U], directrice d'établissement de [Localité 2] le vendredi 15 février 2013 à 15 heures dans les locaux de la DOTC/BDR. Ce courrier a été réceptionné par vos soins et resté sans suite. Je vous rappelle que la raison qui a conduit La Poste à envisager une mesure de licenciement est la suivante : après diverses recherches de poste effectuées sur le Groupe La Poste, tant au niveau local que national, aucune possibilité de reclassement sur un poste adapté au regard de vos aptitudes médicales. En conséquence, et après consultation de la commission consultative paritaire qui s'est tenue le jeudi 7 mars 2013, je vous informe que j'ai décidé de vous licencier pour impossibilité de reclassement suite à inaptitudes médicales. Je vous informe que dans le cas d'un licenciement pour inaptitudes médicales, l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due. Par contre, remplissant les conditions d'attribution de l'indemnité légale de licenciement, ainsi que de l'indemnité de congés payés, celles-ci vous seront payées par La Poste sans aucune formalité de votre part. Cette mesure prend effet à compter de la date d'envoi de la présente notification. »

Le conseil de prud'hommes, par jugement rendu le 16 décembre 2014, a :

condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

'21 248,28 € en deniers ou quittance en règlement des salaires ;

'  2 124,82 € en deniers ou quittance au titre des congés payés y afférents ;

'  5 312,07 € en règlement du préavis ;

'     531,20 € au titre des congés payés y afférents ;

'  3 549,55 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

'  2 817,74 € à titre de rappel de congés payés ;

'  1 080,00 € au titre des frais irrépétibles ;

ordonné de délivrer à la salariée un reçu pour solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi régulière sous astreinte de 20 € par jour de retard pendant 30 jours à partir du 15e jour suivant la notification du jugement, le bureau de jugement se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

dit que les condamnations porteront intérêts à compter de la demande en Justice avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1153 du code civil ;

ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par le débiteur en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté la salariée du surplus de ses demandes ;

débouté l'employeur de ses demandes ;

condamné l'employeur aux dépens.

Mme [S] [Z] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 9 janvier 2015.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [S] [Z] demande à la cour de :

infirmer partiellement le jugement entrepris ;

dire que l'employeur a exécuté de manière déloyale et fautive le contrat de travail ;

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'  5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

'21 248,28 € à titre de rappel de salaires de décembre 2011 à décembre 2012 par application des dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail ;

'  2 124,82 € au titre des congés payés y afférents ;

prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ;

dire que la résiliation judiciaire doit s'analyser en une mesure de licenciement illégitime ;

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'  8 853,45 € au titre du préavis ;

'     885,20 € au titre des congés payés y afférents ;

'  3 697,11 € à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

'43 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ;

fixer la date de résiliation judiciaire du contrat de travail au 12 mars 2013 ;

subsidiairement sur la rupture du contrat de travail,

condamner l'employeur, par application des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail, à lui payer les sommes suivantes :

'8 853,45 € au titre du préavis ;

'   885,20 € au titre des congés payés y afférents ;

dire que la mesure de licenciement pour inaptitude est illégitime ;

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'  8 853,45 € au titre du préavis ;

'     885,20 € au titre des congés payés y afférents ;

'  3 697,11 € au titre du reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

'43 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ;

'21 248,00 € à titre subsidiaire en application des dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail ;

'  2 817,74 € à titre de rappel de congés payés ;

'  5 601,15 € à titre remboursement de retenues indues de salaires ;

ordonner à l'employeur de lui délivrer un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi régulières sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

dire que les condamnations porteront intérêts à compter du jour de la demande en Justice avec capitalisation des intérêts ;

condamner l'employeur à lui payer la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;

dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l'employeur en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la société LA POSTE demande à la cour de :

débouter la salariée des fins de son appel ;

infirmer partiellement le jugement entrepris ;

débouter la salariée de ses demandes :

'au titre de l'incidence congés payés de 2 124,82 € sur le rappel de salaire brut de 21 248,28 €, rappel de salaire exclu des débats en cause d'appel puisque non discuté par les parties ;

'au titre de l'indemnité de préavis de 5 312,07 € et de l'incidence de congés payés de 531,20 € ;

'au titre d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement de 3 459,55 € ;

'au titre d'un solde de divers congés payés pour 2 817,74 € ;

'au titre des frais irrépétibles ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

condamner la salariée au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ;

la condamner aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le caractère professionnel de l'inaptitude

La salariée fait valoir que son inaptitude est la conséquence de l'accident du travail du 7 mai 2007. L'employeur conteste cette prétention en faisant valoir qu'elle souffrait au dernier état notamment d'un syndrome dépressif et que c'est ainsi qu'elle n'a plus été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie qu'au titre de la maladie simple à compter du 1er mai 2009.

Mais les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, étant relevé que le juge prud'homal n'est pas lié par la qualification retenue par la caisse primaire d'assurance maladie lorsque celle-ci s'est prononcée sur le défaut de caractère professionnel de la maladie.

En l'espèce, la cour retient qu'il n'est pas contesté que l'entorse dont a été victime la salariée, le 7 mai 2007, a bien causé son arrêt de travail jusqu'au 30 avril 2009, soit pendant près de deux ans. Une telle durée n'est nullement en rapport avec les délais de guérison habituellement constatés pour une telle affection. En conséquence, le rapport partiel d'une si longue durée d'arrêt de travail avec le syndrome dépressif dont a souffert la salariée dans une stricte continuité doit être retenu en l'absence de tout élément allant dans le sens d'une parfaite autonomie de ce dernier.

En conséquence, la cour retient que l'inaptitude de la salariée définitivement constatée le 7 novembre 2011 est bien d'origine partiellement professionnelle en sorte qu'elle devait bénéficier des règles protectrices relatives aux accidents du travail.

2/ Sur le grief d'exécution fautive du contrat de travail

2-1/ Sur l'obligation de sécurité

La salariée reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité pour ne pas avoir respecté les prescriptions médicales lors de sa reprise du 25 juillet 2007 au 3 septembre 2007.

Mais la salariée n'explique nullement en quoi l'employeur aurait violé les prescriptions du médecin du travail qui autorisait bien la reprise du travail. Ainsi, il n'apparaît pas que l'employeur ait manqué à son obligation de sécurité, laquelle constitue une obligation de moyen renforcée.

2-2/ Sur l'absence de réaction de l'employeur à l'issue des visites médicales des 18 octobre et 7 novembre 2011

L'employeur reconnaît qu'il n'a réagi qu'avec près d'un an de retard à l'inaptitude de la salariée, la laissant sans rémunération en dehors de toute procédure de licenciement.

Le fait de laisser ainsi une salariée souffrant d'un syndrome dépressif dans l'expectative durant plus d'un an à partir de la fin de son arrêt de travail a causé à cette dernière un préjudice indépendant du défaut de paiement du salaire qui sera réparé par l'allocation de la somme de 2 000 €.

3/ Sur la demande de rappel de salaire de décembre 2011 à décembre 2012

La salariée sollicite le paiement de ses salaires de décembre 2011 à décembre 2012 pour un montant de 21 248,28 € outre la somme de 2 124,82 € au titre des congés payés y afférents.

L'employeur soutient en réponse avoir réglé la somme de 19 021,16 € nets pendant le délibéré de l'ordonnance de référé soit la somme réclamée de 21 248,28 € bruts. Ce point n'est pas contesté en sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation de ce chef, même en deniers ou quittance.

Par contre, l'employeur conteste devoir les congés payés y afférents au motif que la période n'a pas été effectivement travaillée et n'ouvrait donc pas droit à congés payés.

L'article L. 3141-5 du code du travail disposait au temps du litige que :

« Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

[...]

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; »

En application de ce texte, au-delà d'un an, la durée de la suspension du contrat de travail en raison d'un accident du travail ne donne pas droit à congés payés. En conséquence, la salariée sera déboutée de ce chef.

4/ Sur la demande résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur

La salariée sollicite la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur au motif que ce dernier est resté sans réaction après sa déclaration d'inaptitude et ce durant un an.

L'employeur répond que la salariée ne peut tout à la fois réclamer le paiement de ses salaires en référé et la résiliation du contrat de travail et que de toute façon le manquement a été rapidement régularisé et encore que sa gravité n'est pas établie dès lors que la salariée n'a présenté aucune réclamation durant l'année concernée par le défaut de paiement des salaires.

La résiliation du contrat de travail ne peut être prononcée qu'en cas de manquements graves de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. S'il appartient normalement aux juges d'apprécier les manquements imputés à l'employeur au jour de leur décision, encore faut-il qu'il n'ait pas alors déjà été mis fin au contrat de travail, ce qui rendrait alors sans objet la question de sa poursuite.

Ainsi, en l'espèce, il convient de se placer au 12 mars 2013, date du licenciement, pour apprécier si la gravité des manquements de l'employeur était suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Or, à cette date, l'employeur avait déjà régularisé la situation conformément à l'ordonnance de référé rendue le 25 janvier 2013.

En conséquence, il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

5/ Sur la nullité du licenciement

La salariée soutient que le licenciement est nul au motif que son inaptitude aurait été causée par les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Mais, comme il a été dit au point 2-1, tel n'est pas le cas. Dès lors, ce moyen de nullité sera écarté.

6/ Sur la consultation des délégués du personnel

L'article L. 1226-10 du code du travail disposait au temps du litige que :

« Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. »

Le non-respect des obligations relatives à la formalité de consultation des délégués du personnel se trouve sanctionné par l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail.

En l'espèce, l'employeur n'a pas consulté les délégués du personnel mais s'est contenté de soumettre le cas de la salariée à une commission consultative paritaire le 7 mars 2013, c'est-à-dire postérieurement à l'entretien préalable du 15 février 2013.

En conséquence, le licenciement se trouve dénué de cause réelle et sérieuse et il ne pourra pas être alloué à la salariée à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de son emploi une somme inférieure à 1 770,69 € x 12 mois = 21 248,28 €.

7/ Sur l'indemnité de préavis

Il sera alloué à la salariée une indemnité de préavis pour le montant réclamé de 8 853,45 € en raison de l'origine professionnelle de son inaptitude. Par contre, la salariée sera déboutée de sa demande concernant l'incidence sur les congés payés, ces derniers n'étant plus dus au-delà de la première année de suspension du contrat de travail comme il a été dit au point trois.

8/ Sur le reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement

La salariée sollicite la somme de 3 697,11 € concernant l'indemnité conventionnelle de licenciement et produit en pièce n° 72 un décompte précis justifiant cette demande. L'employeur fournit un décompte contraire au motif qu'il convient d'effectuer un calcul de prorata concernant les périodes travaillées à temps partiel conformément aux dispositions de l'article L. 3123-13 du code du travail.

La cour relève que l'article 70 de la convention collective ne déroge pas au principe posé par l'article L. 3123-13 du code du travail et qu'ainsi la salariée a été remplie de ses droits concernant l'indemnité conventionnelle de licenciement.

9/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

La salariée sollicite la somme de 43 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La cour retient que la salariée bénéficiait d'une ancienneté de plus de 19 ans et qu'elle était âgée de 56 ans au temps du licenciement. En conséquence, le préjudice causé par la perte de son emploi sera réparé par une somme équivalente à 15 mois de salaires soit 1 770,69 € x 15 mois = 26 560,35 € à titre de dommages et intérêts.

10/ Sur les congés payés

La salariée sollicite le paiement des congés payés suivants :

24 jours acquis avant le 7 mai 2007 et 2,5 jours acquis du 24 juillet au 3 septembre 2007, soit 1 310,86 € ;

30 jours de congés payés au titre de l'arrêt de travail, soit 1 770,69 € ;

1 500 € au titre de la provision accordée par l'ordonnance de référé.

La cour retient que les demandes concernant les congés payés acquis avant le 7 mai 2007 et du 24 juillet au 3 septembre 2007 ainsi que celle concernant la première année d'accident du travail ne sont pas prescrites dès lors qu'il appartenait à l'employeur de solder les droits de la salariée à la rupture du contrat de travail et que c'est à cette date que la prescription doit s'apprécier.

La demande concernant la somme de 1 500 € n'est fondée sur aucune période précise. Dès lors, la salariée sera déboutée de ce chef. De plus, il n'est pas contesté que cette somme a déjà été payée en net par l'employeur en exécution de l'ordonnance, soit pour un montant de 1 274,96 €. En conséquence, l'employeur devra régler à la salariée la somme de 3 081,55 € ' 1 500 € = 1 581,55 € au titre des congés payés.

11/ Sur la demande de remboursement d'un trop perçu

L'employeur sollicite le remboursement d'un trop perçu de 5 615,15 € en faisant valoir que la salariée a reconnu cette dette par acte du 27 janvier 2011.

La salariée répond que l'employeur a lui-même prélevé les sommes de 5 606,71 € et 5 600,59 € et qu'ainsi il reste au contraire débiteur de la somme de 11 216,30 € ' 5 615,15 € = 5 601,15 € dont elle réclame le paiement.

La cour retient, à l'examen des bulletins de salaires, que l'employeur a passé deux écritures pour 5 606,71 € et 5 600,59 € en sens inverse et qu'en conséquence elles s'annulent, alors que la salariée ne conteste pas sa dette initiale de 5 615,15 € au paiement de laquelle elle sera dès lors condamnée.

12/ Sur les autres demandes

L'employeur remettra à la salariée une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un reçu pour solde de tout compte rectifiés sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure d'astreinte.

Les créances salariales produiront des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013, date du bureau de conciliation, la date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant ce dernier n'étant pas connue de la cour. Les créances indemnitaires produiront intérêts à compter du présent arrêt.

Les intérêts seront capitalisés pour autant qu'ils sont dus pour une année entière.

L'équité commande d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

L'article R. 444-52 du code de commerce dispose que, préalablement à l'accomplissement de toute prestation devant être immédiatement réalisée, la partie qui requiert l'huissier de justice lui verse une provision suffisante pour couvrir l'émolument correspondant ainsi que les éventuels frais et débours. Mais l'article suivant précise que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le recouvrement ou l'encaissement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail. L'article R. 444-55 du même code précise encore que les émoluments de la prestation mentionnée au numéro 129 de ce tableau ne sont pas dus concernant les créances nées de l'exécution d'un contrat de travail. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 relatif au tarif des huissiers de Justice abrogé au 29 février 2016.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris uniquement concernant les frais irrépétibles et les dépens.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [S] [Z] de sa demande de résiliation du contrat de travail et d'annulation du licenciement.

Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société LA POSTE à payer à Mme [S] [Z] les sommes suivantes :

2 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

26 560,35 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

8 853,45 € à titre d'indemnité de préavis ;

1 581,55 € au titre des congés payés ;

1 500,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Déboute Mme [S] [Z] de ses autres demandes.

Condamne Mme [S] [Z] à payer à la société LA POSTE la somme de 5 615,15 € à titre de remboursement de trop perçu.

Dit la société LA POSTE remettra à Mme [S] [Z] une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un reçu pour solde de tout compte rectifiés sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure d'astreinte.

Dit que les créances salariales produiront des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.

Dit que les intérêts seront capitalisés pour autant qu'ils sont dus pour une année entière.

Condamne la société LA POSTE aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/00175
Date de la décision : 23/06/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°15/00175 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-23;15.00175 ?
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