COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2017
N°2017/261
GP
Rôle N° 15/04715
[D] [N]
C/
SA LES RAPIDES DU LITTORAL
Grosse délivrée le :
à :
Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE
Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section C - en date du 07 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/278.
APPELANT
Monsieur [D] [N], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA LES RAPIDES DU LITTORAL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS
([Adresse 3])
substitué par Me Julie DE OLIVEIRA, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786, 910 et 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 avril 2017 à 14h00, en audience publique, les avocats ayant été invités à l'appel des causes à demander à ce que l'affaire soit renvoyée à une audience collégiale s'ils n'acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l'affaire a été débattue devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller et Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2017
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le Président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [D] [N] a été embauché en qualité de conducteur receveur le 1er septembre 1991 par la société LES RAPIDES COTE D'AZUR.
Le 11 janvier 2000 Monsieur [D] [N], la société LES RAPIDES COTE D'AZUR et la SA LES RAPIDES DU LITTORAL ont signé un accord tripartite de mutation du salarié au sein de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL, avec rupture de la relation de travail entre Monsieur [D] [N] et la société LES RAPIDES COTE D'AZUR et signature d'un nouveau contrat de travail avec la société de droit monégasque LES RAPIDES DU LITTORAL, le salarié conservant l'ancienneté acquise chez son ancien employeur.
Le 22 juillet 2005, Monsieur [D] [N] s'est vu notifier une mise à pied, qu'il a contestée devant le conseil de prud'hommes de Nice, lequel a débouté le salarié de ses demandes.
Monsieur [D] [N] s'est vu notifier, les 3 novembre 2008, 9 décembre 2008 et 12 mars 2009, des mises à pied disciplinaires, respectivement d'un jour, de cinq jours et d'un jour.
Par requête du 30 septembre 2010, Monsieur [D] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice de demandes en paiement de rappels de salaire, de congés payés, de prime d'ancienneté, d'heures supplémentaires et de dommages intérêts.
Monsieur [D] [N] a été licencié le 8 octobre 2010. Il a formé, devant le conseil de prud'hommes de Nice, une demande de réintégration et des demandes en paiement d'indemnités de rupture.
Par jugement de départage du 7 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Nice a :
-dit n'y avoir lieu à statuer sur la compétence du Conseil, faute d'exception d'incompétence soulevée,
-déclaré recevables les demandes de Monsieur [D] [N] relatives aux rappel de salaire, aux sanctions disciplinaires et au licenciement,
-dit que le contrat de travail signé le 11 janvier 2000, liant Monsieur [D] [N] et la SA LES RAPIDES DU LITTORAL, se trouvait régi par la loi monégasque,
-dit que la loi française n'est applicable au litige, outre pour ce qui est des règles de procédure, qu'en ce qui concerne le licenciement dont a été l'objet le salarié,
-débouté Monsieur [D] [N] de sa demande d'application de la convention collective nationale (française) des transports publics urbains de voyageurs à sa relation de travail avec la SA LES RAPIDES DU LITTORAL,
-débouté Monsieur [D] [N] de ses demandes de condamnation de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL au titre des heures supplémentaires, de prime d'ancienneté, de 13ème mois, de rappel de salaire sur jours fériés et de congés payés afférents,
-débouté Monsieur [D] [N] de ses demandes au titre de l'irrégularité de la procédure disciplinaire et de l'annulation des mises à pied disciplinaires notifiées les 3 novembre 2008, 9 décembre 2008 et 12 mars 2009,
-débouté Monsieur [D] [N] de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,
-dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [D] [N] en date du 8 octobre 2010 est fondé,
-débouté Monsieur [D] [N] de ses demandes au titre d'une réintégration et au titre d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, ainsi que de sa demande de remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte,
-dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur [D] [N] aux dépens.
Ayant relevé appel, Monsieur [D] [N] conclut à ce qu'il soit constaté qu'il est résident français, que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec le territoire français, que la procédure de sanction disciplinaire n'a pas été respectée, que la procédure de licenciement n'a pas été respectée et qu'il n'a commis aucune faute, en conséquence, à la confirmation du jugement rendu le 7 janvier 2015 par le conseil de prud'hommes de Nice en ce qu'il a déclaré les demandes du concluant postérieures au 18 septembre 2006, date des plaidoiries du précédent jugement, recevables, à l'infirmation du jugement du 7 janvier 2015 en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau, à ce qu'il soit jugé que la loi française est applicable, à ce qu'il soit jugé que la convention collective nationale des transports publics urbains de voyageurs est applicable, à ce qu'il soit jugé que la procédure disciplinaire n'a pas été respectée, à ce que soient annulées les mises à pied disciplinaires notifiées le 3 novembre 2008, 9 décembre 2008 et le 12 mars 2009, en conséquence,
À titre principal : à ce qu'il soit jugé que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, à ce que soit prononcée sa réintégration au sein de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL, à ce qu'il soit jugé que la société devra effectuer un rappel de salaire du licenciement du salarié jusqu'à sa réintégration, à la condamnation de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL au paiement des sommes suivantes :
-69 726,69 € d'indemnité pour la période de privation de son emploi,
À titre subsidiaire : à ce qu'il soit jugé que la procédure de licenciement fixée par la convention collective n'a pas été respectée, à ce qu'il soit jugé que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, à la condamnation de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL au paiement des sommes suivantes :
-5164,94 € d'indemnité compensatrice de préavis,
-516,49 € de congés payés sur préavis,
-13 916,64 € d'indemnité légale de licenciement,
-69 726,69 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause : à la condamnation de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL au paiement des sommes suivantes :
-2253,27 € de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
-225,33 € de congés payés sur rappel de salaire,
-270,39 € de rappel de salaire sur prime d'ancienneté,
-27,04 € de congés payés sur rappel de salaire,
-245,16 € de rappel de salaire sur 13ème mois,
-24,52 € de congés payés sur rappel de salaire sur 13ème mois,
-1081,71 € de rappel de salaire au titre des jours fériés,
-108,71 € de congés payés sur rappel de salaire,
à ce qu'il soit ordonné à la SA LES RAPIDES DU LITTORAL de lui remettre ses documents sociaux et ses bulletins de salaire rectifiés (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés, rappel de salaire pour prime d'ancienneté et congés payés, rappel de salaire pour primes de 13ème mois et congés payés, rappel de salaire pour prime de fériés et congés payés), sous une astreinte de 300 € par jour de retard, d'ores et déjà arrêtée à 30 jours par la juridiction statuant, à ce qu'il soit dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice et à la condamnation de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL au paiement de la somme de 3000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La SA LES RAPIDES DU LITTORAL conclut à ce que soit déclaré mal fondé l'appel interjeté par Monsieur [D] [N], à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement de départage du conseil de prud'hommes de Nice du 7 janvier 2015, à ce qu'il soit jugé que le contrat de travail signé le 11 janvier 2000 entre la société concluante et Monsieur [D] [N] se trouve régi par la loi monégasque, à ce qu'il soit jugé que la loi française n'est applicable au litige, outre ce qui est des règles de procédure, qu'en ce qui concerne le licenciement du salarié, à ce qu'il soit jugé que la société concluante relève de la convention collective nationale des transports routiers, à ce qu'il soit jugé que le licenciement du salarié repose sur une faute grave, à ce qu'il soit jugé que les sanctions disciplinaires des 3 novembre 2008, 9 décembre 2008 et 12 mars 2009 sont régulières et justifiées, en conséquence, au débouté de Monsieur [D] [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et à la condamnation de Monsieur [D] [N] à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur la loi applicable :
Monsieur [D] [N] fait valoir que la loi française est applicable en vertu de l'article 8 du règlement Rome I n° 593/2008 du 17 juin 2008 relatif aux contrats individuels de travail et de la Convention de Rome du 19 juin 1980, dont l'article 2 pose le principe de l'universalité de son application même aux pays non contractants, ainsi qu'en vertu de l'article 2 de l'accord du 9 juillet 1968 entre la Principauté de Monaco et la France relatif aux transports routiers, qui prévoit que « la législation et la réglementation monégasques concernant les transports routiers seront identiques à la législation et à la réglementation françaises en la matière » ; que le contrat de travail ne contient aucun accord exprès des parties concernant la loi applicable ; qu'à défaut de choix exprès, les éléments suivants tendent en faveur de l'application de la loi française :
-le salarié est de nationalité française et réside habituellement en France ;
-il ressort du contrat de travail que la SA LES RAPIDES DU LITTORAL applique une convention collective française et a donc accepté spontanément de se soumettre à la législation française ;
-de même, l'employeur fait application dans la lettre de licenciement de l'accord international professionnel du 11 janvier 2008 en son article 14 alors même que cet accord est applicable uniquement en France ;
-que la clause attributive de compétence territoriale prévue au contrat de travail est nulle en vertu de l'article L.1221-5 du code du travail et elle est sans effet ni sur la détermination de la juridiction compétente, ni sur la détermination de la loi applicable ;
-enfin, que la prestation de travail du salarié s'effectuait quasi-exclusivement en France, dans la mesure où il débutait son service à Nice et qu'il le finissait également à Nice, ne se rendant jamais dans les locaux monégasques lors de l'exécution de sa relation contractuelle ;
-qu'en tout état de cause, il n'est pas possible de déroger aux dispositions impératives du droit du travail français, notamment au régime légal des heures supplémentaires qui est d'ordre public et aux dispositions relatives au respect de la procédure de licenciement et à la motivation de celui-ci.
La SA LES RAPIDES DU LITTORAL réplique que la loi applicable est la loi monégasque pour les motifs suivants :
-le salarié ne peut invoquer l'article 8 du Règlement Rome I n° 593/2008 du 17 juin 2008 qui n'est applicable qu'aux seuls contrats de travail signés à partir du 17 décembre 2009 et seule la Convention de Rome du 19 juin 1980 est applicable dans le cadre du présent litige ;
-l'ordonnance n° 4095 du 22 août 1968 ne concerne pas le droit du travail applicable aux salariés travaillant pour les entreprises de transports franco-monégasques ;
-en l'absence de clause contractuelle expresse, les juges recherchent les indices résultant des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause (article 3.1 de la Convention de Rome), leur permettant de déterminer la volonté des parties sur le choix de la loi applicable ;
-ainsi, l'existence d'une clause attributive de juridiction, désignant la juridiction monégasque seule compétente pour connaître des litiges relatifs au contrat, constitue un indice explicite de la volonté des parties de soumettre le contrat à la loi monégasque, nonobstant qu'une telle clause puisse être considérée comme nulle dans certains états membres ;
-d'autres indices s'ajoutent à celui-ci : la société concluante est une société de droit monégasque, son siège social est situé à Monaco, elle a ses comptes bancaires à Monaco ; le contrat de travail et l'accord tripartite de mutation ont été signés tous les deux à Monaco, le lieu de travail expressément prévu au contrat est à Monaco, certaines prises de service du salarié ayant lieu sur la Principauté ; l'embauche de Monsieur [D] [N] était subordonnée à l'autorisation préalable de la Direction de la Main-d''uvre monégasque et à sa déclaration d'aptitude par la médecine du travail ; le salarié a toujours passé ses visites médicales auprès de la médecine monégasque ; la caisse de retraite, l'AMRR, est une caisse monégasque et les charges sociales sont versées auprès des caisses sociales de Monaco (CCSSS) ; la société applique la majoration des 5 % monégasques sur l'ensemble des primes conventionnelles ; elle applique la durée du travail monégasque, soit 169 heures par mois; le décompte des jours fériés est effectué conformément à la loi monégasque ;
-Monsieur [D] [N] lui-même a appliqué la loi monégasque lorsqu'il s'est fait désigner en 2005, 2006 et 2007 comme délégué syndical par le syndicat monégasque des Transports et Déménagements ; il est même le signataire de sa première désignation le 28 janvier 2005 comme délégué syndical, en sa qualité de Secrétaire Général de ce syndicat monégasque ; les courriers de désignation font tous référence au droit syndical monégasque ; durant l'exercice de ses mandats, Monsieur [D] [N] n'a jamais remis en cause l'application de la loi monégasque aux salariés de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL ;
-la Direction du Travail et des Affaires Sociales de Monaco applique aux salariés sur réclamation de ceux-ci, le droit du travail monégasque, notamment en termes de rémunération (application de la majoration de 5 % des rémunérations propre à la législation monégasque) ;
-les éléments qui précèdent constituent tous des indices au sens de la Convention de Rome démontrant que les parties ont volontairement fait le choix de se soumettre à la loi monégasque.
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Contrairement à ce qui est prétendu par le salarié, l'accord du 9 juillet 1968 entre la Principauté de Monaco et la France relatif aux transports routiers, rendu exécutoire par ordonnance n° 4.095 du 22 août 1968, prévoyant l'application d'une législation et d'une réglementation monégasques identiques à la législation et à la réglementation françaises concernant les transports routiers, ne porte pas sur la législation sociale applicable aux salariés travaillant dans les entreprises de transports routiers.
La Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, seule applicable au contrat de travail signé entre les parties le 11 janvier 2000, précise en son article 3 intitulé « Liberté de choix » que « 1 - Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat... ».
Le contrat de travail signé à Monaco le 11 janvier 2000 entre les parties prévoit que le lieu de travail de Monsieur [D] [N] est fixé à l'adresse de la société, domiciliée [Adresse 4], que le salaire de base mensuel s'élève à 7745,38 Fr. pour une durée de travail effectif égale à 169 heures par mois, que la Caisse de retraite est l'AMRR, qui est une caisse monégasque, et que « les parties conviennent que tout litige relatif à l'interprétation, l'exécution ou la rupture du présent contrat sera portée devant le Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco ».
Monsieur [D] [N] a passé une visite médicale d'embauche auprès du service de médecine monégasque, étant observé qu'il était précisé, dans l'accord tripartite de mutation signé à Monaco le 11 janvier 2000, que si le salarié était déclaré inapte lors de la première visite médicale du travail monégasque, il serait réintégré au sein de la société RAPIDES CÔTE D'AZUR. De même, l'embauche de Monsieur [D] [N] par la société monégasque était subordonnée à l'autorisation de travail de la Direction de la Main-d''uvre monégasque et il était prévu, dans l'accord tripartite de mutation, qu'en l'absence d'autorisation de travail, Monsieur [D] [N] serait réintégré au sein de la société RAPIDES CÔTE D'AZUR.
Monsieur [D] [N], qui soutient que sa prestation de travail s'effectuait « quasi exclusivement » en France dans la mesure où il débutait son service à Nice et qu'il le finissait également à Nice et qu'il ne se rendait jamais dans les locaux monégasques lors de l'exécution de sa relation contractuelle, ne verse aucun élément à l'appui de son allégation.
Il est constant que les lignes de bus exploitées par la SA LES RAPIDES DU LITTORAL desservent des villes côtières entre Nice et Menton, via des arrêts sur Monaco (plusieurs arrêts sur Monaco selon la feuille de service versée en pièce 15 par l'employeur, ainsi que les plans des lignes -pièces 41 et 41 bis). Au surplus, il ressort du planning produit en pièce 47 que la prise de service et la fin de service pouvaient s'effectuer au dépôt de Monaco. Il est donc démontré que le salarié accomplissait son travail tant sur Monaco que sur le territoire français.
Enfin, il résulte des pièces 27 produites par l'employeur que Monsieur [D] [N], Secrétaire Général du syndicat monégasque Transports et Déménagements, a fait part au Directeur de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL, par courrier du 28 janvier 2005, qu'il était désigné comme délégué syndical au sein de l'entreprise et revendiquait à ce titre, « conformément à la loi (monégasque) n° 957 » des heures de délégation pour l'exercice de son mandat et la mise à sa disposition de panneaux d'affichage. Il n'est pas prétendu qu'à ce titre, Monsieur [D] [N] ait revendiqué l'application d'un droit autre que le droit monégasque aux salariés de l'entreprise, l'inspection du travail ayant rappelé le 3 février 2005 à l'employeur, suite à « une réclamation », qu'il devait appliquer les « 5 % monégasques » notamment sur les primes versées (pièces 5 versées par l'employeur).
Il résulte ainsi, de façon certaine, tant des dispositions du contrat de travail que des circonstances de son application que les parties ont tacitement entendu se soumettre à la loi monégasque, peu important que la société LES RAPIDES DU LITTORAL ait décidé de faire une application de la convention collective française des transports routiers et activité auxiliaire du transport à défaut de tout autre convention collective applicable sur le territoire monégasque.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le contrat de travail du 11 janvier 2000 liant Monsieur [D] [N] et la SA LES RAPIDES DU LITTORAL était régi par la loi monégasque choisie par les parties.
Ce choix peut ne concerner qu'une partie du contrat, en vertu de l'article 3.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 qui précise que : « par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».
Or, il résulte de la lettre de licenciement notifiée le 8 octobre 2010 à Monsieur [D] [N] que l'employeur a fait application de l'article 14 de l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, expressément cité dans la lettre de rupture, et a offert au salarié la possibilité d'opter pour le maintien des couvertures complémentaires santé.
Ainsi, s'agissant de la rupture du contrat de travail, l'employeur a fait application de la loi française.
Enfin, aux termes de l'article 6.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, « dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article ».
Il n'est pas prétendu qu'une autre loi que la loi française serait applicable, à défaut du choix de la loi monégasque, et il n'est pas discuté que les dispositions impératives de la loi française doivent s'appliquer au contrat de travail liant les parties.
Sur la convention collective applicable :
Si Monsieur [D] [N] expose qu'il n'est pas possible de déroger aux dispositions impératives du droit du travail français en matière de rupture du contrat de travail, de durée du travail et de rémunération des heures supplémentaires, en matière de travail dissimulé, de respect de la procédure de licenciement et de la motivation de celui-ci, il ne prétend pas que l'application de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs est une norme impérative du droit français.
Il discute de l'applicabilité de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, en fonction de l'activité économique principale de la SA LES RAPIDES DU LITTORAL, dans le cadre de l'application de la loi français au contrat de travail.
Or, il a été jugé ci-dessus que c'était la loi monégasque qui était applicable à l'exécution du contrat de travail liant les parties.
Le salarié se bornant à demander l'application de la loi française, sans prétendre que la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs est une norme impérative, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté sa demande d'application de ladite convention.
En l'absence de convention collective des transports existant en droit monégasque, seule la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, dont la société LES RAPIDES DU LITTORAL a fait une application volontaire, est applicable à la relation salariale.
Sur la demande d'annulation des mises à pied disciplinaires :
Monsieur [D] [N] invoque l'irrégularité des trois mises à pied disciplinaires notifiées les 3 novembre 2008, 9 décembre 2008 et 12 mars 2009 pour irrégularité de procédure, faisant valoir qu'elles ne respectent pas les dispositions de l'article 49 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.
Cependant, seule la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport est applicable à la relation salariale. Il n'est pas prétendu qu'une disposition de forme de ladite convention n'ait pas été respectée par l'employeur.
Monsieur [D] [N] invoque par ailleurs que les mises à pied disciplinaires qui lui ont été infligées sont injustifiées et en tout état de cause disproportionnées. Il ne fournit pour autant aucune explication, ne discute pas la réalité des griefs qui ont été ainsi sanctionnés et ne verse aucun élément probant.
Monsieur [D] [N] a été sanctionné par une mise à pied disciplinaire d'un jour, par courrier recommandé du 3 novembre 2008 pour avoir introduit et proposé une vente illicite de gasoil au sein de l'entreprise. Ce grief est établi par l'attestation du 18 janvier 2013 de Monsieur [Q] [R], responsable technique (pièce 30 versée par l'employeur)
Monsieur [D] [N] a été sanctionné par une mise à pied disciplinaire de cinq jours, par courrier recommandé du 9 décembre 2008, pour avoir délivré des tickets incomplets aux clients le 31 octobre 2008, un tel procédé laissant à penser que le salarié détournait une certaine somme d'argent à son profit puisque cela lui permettait de faire payer le titre de transport à deux clients et d'encaisser trois clients. Ce grief est établi par le rapport du contrôleur en date du 31 octobre 2008 (pièce 28 versée par l'employeur).
Monsieur [D] [N] a été sanctionné par une mise à pied disciplinaire d'un jour, par courrier recommandé du 12 mars 2009, pour avoir eu le 3 février 2009 une attitude irrévérencieuse envers un client. Ce grief est établi par le courrier du 10 février 2009 d'un client, qui précise avoir déjà écrit quelques années auparavant pour se plaindre du comportement odieux du chauffeur et que le 3 février, à la demande d'un voyageur de fermer les fenêtres du plafond, le chauffeur a répondu :
« Allez vous faire enculer ! Et les fenêtres je ne les fermerai pas » (pièce 29 versée par l'employeur).
Au vu des éléments versés par la SA LES RAPIDES DU LITTORAL, les trois sanctions disciplinaires sont justifiées et proportionnées aux fautes commises par Monsieur [D] [N].
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'annulation desdites sanctions disciplinaires.
Sur les heures supplémentaires :
Monsieur [D] [N] revendique l'application des dispositions impératives de la loi française en matière de durée du travail et de rémunération des heures supplémentaires. Il sollicite en conséquence le paiement des majorations dues sur heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires, soit la somme totale de 2253,27 € de juin 2006 à octobre 2010, ainsi que les congés payés afférents.
La SA LES RAPIDES DU LITTORAL réplique que la durée légale du travail en France (35 heures hebdomadaires) n'est pas considérée comme une règle impérative au sens de la Convention de Rome, la loi française permettant elle-même une dérogation par accord collectif, d'une part, à la durée hebdomadaire de travail et, d'autre part, au montant de la majoration pour heures supplémentaires et que, dès lors, Monsieur [D] [N] doit être débouté de sa demande de ce chef.
Le choix par les parties de la loi monégasque ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française. Il résulte des dispositions de l'article 3.3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que les dispositions impératives d'une loi sont celles auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par contrat.
Alors que la loi monégasque prévoit une durée hebdomadaire de travail de 39 heures, sans paiement de majoration des heures effectuées entre la 36ème et la 39ème heure, la loi française fixe la durée légale de travail à 35 heures hebdomadaires. S'il peut être dérogé à cette durée de travail, des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 35ème heure doivent cependant être rémunérées à un taux horaire majoré.
Ces dispositions impératives du droit français, qui protègent les salariés en matière de la rémunération des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires de travail, sont donc plus favorables que le droit monégasque.
En conséquence, il convient de réformer le jugement sur ce point et de faire droit à la réclamation du salarié en paiement des majorations sur heures supplémentaires exécutées au-delà de 35 heures hebdomadaires, selon le calcul détaillé qu'il présente dans ses écritures et non discuté par l'employeur, pour un montant total brut de 2253,27 €, ainsi que 225,33 € de congés payés y afférents.
Sur le rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté :
Monsieur [D] [N], dont il n'est pas discuté qu'il percevait une prime d'ancienneté correspondant à 12 % de son salaire de base brut, réclame à juste titre le paiement d'un rappel de sa prime d'ancienneté calculé sur le rappel de salaire alloué au titre de la majoration sur heures supplémentaires.
La Cour lui accorde la somme brute de 270,39 € (2253,27 € x 12 %) à titre de rappel de prime d'ancienneté, ainsi que la somme de 27,04 € au titre des congés payés y afférents.
Sur le rappel de prime 13ème mois :
En l'état du rappel de prime d'ancienneté alloué ci-dessus, Monsieur [D] [N] réclame le paiement d'un rappel de prime de 13ème mois selon le calcul détaillé et exact présenté dans ses écritures et non utilement discuté par l'employeur.
La Cour fait droit à sa réclamation justifiée et lui accorde la somme brute de 245,16 € à titre de rappel de prime de 13e mois, ainsi que la somme brute de 24,52 € au titre des congés payés y afférents.
Sur le rappel de salaire sur jours fériés :
Monsieur [D] [N] réclame le paiement de 3 jours fériés en France, donnant lieu à majoration sur salaire, à savoir le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, en application de l'article 32 de la convention collective.
Monsieur [D] [N] a cependant perçu le paiement majoré des jours fériés monégasques (le 27 janvier, le 19 novembre et le 8 décembre), tel que cela résulte de l'examen de ses bulletins de paie.
La SA LES RAPIDES DU LITTORAL produit un tableau récapitulatif en pièce 22, démontrant que le droit monégasque concernant les jours fériés est plus favorable que le droit français. Au surplus, il a été vu ci-dessus que la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, dont le salarié revendique l'application au titre de la majoration des jours fériés travaillés, n'est pas applicable à la relation salariale.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [N] de sa demande de rappel de salaire sur jours fériés.
Sur le licenciement :
Monsieur [D] [N] a été convoqué, par courrier recommandé du 22 septembre 2010, à un entretien préalable pour le 5 octobre 2010 à une mesure de licenciement, puis il a été licencié pour faute grave le 8 octobre 2010 en ces termes, exactement reproduits :
« Le 17 septembre dernier, vous n'avez pas assuré le service NOCT3 avec une prise de service à 21h25 et une fin de service à 5h35 au dépôt ; service qui vous était affecté et dont vous aviez connaissance.
Nous vous rappelons que durant ce service
-vous devez être en possession d'un téléphone portable pour la permanence de nuit,
-vous êtes basé à partir de 21h55 au Terminal 1 de l'aéroport de Nice avec un bus de réserve pris au dépôt lors de votre prise de service,
-vous êtes en charge de la régulation des services « Noctambus » de notre établissement, ligne 100, mais également des « Noctambus » de la ligne 200 et 600, exploitée par une autre entreprise du groupe, soit 5 cars par nuit.
Or le 20 septembre dernier, nous avons reçu une réclamation du Responsable d'Exploitation de la ligne 200 concernant les faits qui se sont produits dans la nuit du 17 au 18 septembre 2010.
Les faits indiqués dans la réclamation sont les suivants :
Le 18 septembre vers 2h00 du matin, le conducteur du service NC1, de la ligne 200, a rencontré un problème de surchauffe moteur sur son car.
Il s'est alors rendu au Terminal 1 de l'aéroport afin de pouvoir récupérer le car de réserve et finir son service. Or, vous ne vous trouviez pas à votre poste de travail. Il vous a alors contacté sur le téléphone portable de permanence. Vous êtes arrivé au terminal 1 de l'aéroport 10 minutes plus tard avec votre véhicule particulier.
Contre toute attente, vous n'aviez pas le car de réserve permettant de dépanner le conducteur, qui a dû intervenir sur le refroidissement du moteur de son véhicule de service pour pouvoir réaliser la fin de son service.
Malheureusement, ce dépannage de fortune n'a pas permis au conducteur d'exécuter la fin de son service. En effet, vers 3h30 du matin le bus est tombé définitivement en panne à Golfe-Juan. Le conducteur a alors tenté de vous joindre, en vain.
Après avoir effectué des recherches pour en savoir plus sur les événements survenus la nuit du 17 au 18 septembre dernier, il s'avère que :
-le bus affecté au service NOCT3 était resté au dépôt (comme l'atteste le chronotachygraphe) alors que vous auriez dû vous rendre à l'aéroport à 21h55 avec,
-vous avez été vu par le gardien du dépôt, arrivant sur le site à 22h, en repartir à 23h, et revenir au dépôt avec votre véhicule personnel à 3h20 alors que durant tout ce temps, vous auriez dû vous trouver au Terminal 1 de l'aéroport, conformément à votre feuille de service,
-le téléphone portable de permanence de nuit était au bureau, selon plusieurs témoignages de conducteurs qui se trouvaient sur les lieux vers 4h15, alors que vous deviez l'avoir pris avec vous.
Par ailleurs, durant votre service vous devez indiquer, sur le cahier polycopié de la main courante, les événements survenus pendant la permanence.
En l'espèce, le feuillet « original » détachable de la main courante, mis dans la « bannette exploitation » mentionne votre intervention à 2h30 à l'aéroport. Or le duplicata, qui reste attaché au livre de la main courante, n'en fait aucunement mention. Les éléments concernant votre intervention à l'aéroport ont donc été ajoutés plus tard.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il s'avère que vous n'avez pas effectué votre service du 17 septembre dernier tel qu'il est prévu sur votre feuille de service. Vous ne vous êtes donc pas conformé aux instructions qui vous ont été données et avez quitté votre service de votre propre initiative, sans en avertir au préalable votre supérieur hiérarchique.
Un tel comportement, sans égard pour l'organisation du service, a eu d'importantes répercussions dans la mesure où un bus est tombé en panne engendrant une dégradation de la qualité de service fourni à la clientèle et l'intervention de personnel pour assister le conducteur dont le véhicule était en panne.
Nous vous rappelons que ces faits ne sont pas isolés. Vous avez déjà fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires' Vous n'avez pas tenu compte de ces diverses mises en garde. Tout au contraire, la situation n'a fait que s'aggraver puisque vous persistez dans des actes d'insubordination et choisissez de votre propre initiative quels seront vos horaires de travail et des services à effectuer ou non.
En effet, le 29 septembre dernier, vous étiez affecté au service NM8S. Lors du départ de 16h05 de la Gare Routière de Nice en direction de Menton, vous aviez un retard de 30 minutes. La régulation vous a alors demandé d'effectuer le départ de votre service, à l'heure « [Localité 1] en vous y rendant directement par la Moyenne Corniche, déviant ainsi votre itinéraire habituel. Or, vous avez délibérément pris votre départ « [Localité 2], et n'avez par conséquent pas desservi 3 arrêts « [Localité 1] », « [Localité 3] » et « [Localité 4] ».
Lors de notre entretien, vous avez également reconnu que ce même jour au départ de 18h05 de la Gare Routière de Nice, vous avez à nouveau emprunté la Moyenne Corniche, sur ordre de la régulation. Or, nous n'avons aucune trace de la demande de ce changement d'itinéraire sur la main courante JESI.
Une fois encore vous n'avez pas respecté votre feuille de service et les consignes qui vous ont été données impactant la qualité de service fourni par notre établissement.
Un tel comportement qui dénote un manque certain de professionnalisme est inadmissible de la part d'un conducteur professionnel et ne saurait être toléré davantage car il constitue un manquement grave à vos obligations professionnelles et contractuelles' ».
Il a été vu ci-dessus que la loi française s'appliquait à la rupture du contrat de travail, étant observé de surcroît que les dispositions relatives à la procédure de licenciement et à la motivation de la lettre de rupture sont des dispositions impératives du droit français, dont il n'est pas discuté qu'elles sont plus favorables que les dispositions de la loi monégasque.
À défaut d'applicabilité de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, le moyen soulevé par Monsieur [D] [N] quant à l'absence de respect de la garantie de fond prévue à l'article 49 de ladite convention doit être écarté.
À l'appui du premier grief cité dans la lettre de licenciement, la SA LES RAPIDES DU LITTORAL produit les éléments suivants :
-la feuille de service du NOCT3, sur laquelle sont mentionnées une prise de service au dépôt à 21h25, l'heure d'arrivée à Nice Aérogare 1 à 21h55, l'heure de départ de l'Aérogare 1 à 5h01 et la fin de service au dépôt à 5h30 ;
-une note de service du 7 juillet 2008 intitulée « note de service pour les conducteurs assurant service de nuit aéroport-Menton » indiquant que « le conducteur assurant le service NOCT3 doit se mettre en place à l'aéroport de Nice à partir de 21h55 avec un bus afin d'assurer la continuité du service en cas de problème mécanique durant les services » ;
-la feuille de la main courante de la nuit du 17 au 18 septembre 2010 remplie et signée par [H] [S], qui a mentionné à 22 heures l'« arrivée chauffeur régulation », à 23 heures le départ du régulateur et à 3h20 le « retour régulateur/voiture personnelle » ;
-le disque chronotachygraphe du bus de réserve, sur lequel n'est mentionné aucun mouvement de conduite après 19h31 ;
-le courriel du 20 septembre 2010 de [D] [T], responsable d'exploitation, ayant pour objet la « panne ligne 200 Noctambus » en ces termes : « le conducteur qui effectuait le service NC1 est venu me signaler dans la nuit du vendredi 17 au samedi 18 septembre 2010, avoir eu un problème de chauffe moteur sur son car Setra 6047, à la hauteur de [Localité 5] aux environs de 2h00 du matin. Il a pu se rendre jusqu'à l'aéroport. Ne voyant pas le car de réserve en gare routière de l'aéroport, il a téléphoné au service régulation ; le régulateur s'est présenté 10 minutes plus tard avec son propre véhicule « Peugeot 206 grise » en tenue de ville « costume ».
Le conducteur s'est dépanné seul en remplissant des bouteilles d'eau trouvées dans les poubelles ; il a pu repartir tant bien que mal. À la hauteur de Juan les pins, aux environs de 3h15, le régulateur a rappelé le conducteur pour savoir si tout allait bien ; le conducteur lui a répondu que « oui ». Arrivé à Golfe-Juan vers 3h30 le bus est tombé définitivement en panne, le conducteur a téléphoné à plusieurs reprises, mais personne a répondu. C'est ensuite notre service « permanence mécanique» qui a pris le problème en charge (déplacement à Golfe Juan sur demande de notre conducteur). Il est regrettable que le service régulation ne réponde plus, comme il est prévu, jusqu'à 5h00 du matin, sans parler de l'absence de réserve ; tout cela a engendré une dégradation de la qualité du service, une inquiétude légitime pour le conducteur concerné, ainsi que des heures supplémentaires pour le vigile, pour mon conducteur ainsi que pour le mécano » ;
-la feuille de main courante (l'original) de la nuit du 17 au 18 septembre 2010, sur laquelle est mentionné le rapport de l'incident par Monsieur [D] [N] ; le carbone de la feuille de main courante sur lequel n'apparaît pas le rapport d'incident de Monsieur [D] [N] ;
-l'attestation du 20 septembre 2010 de Messieurs [R] [Y] et [I] [G] qui déclarent: « avoir constaté sur le répondeur du téléphone de JESI que un Cr de Cannes en service Noctambus a appelé dans la nuit du 17 septembre 2010 au 18 septembre 2010 car son bus était en panne depuis 3h30. À 3h50 dernier appel du CR de Cannes sans nouvelle de la Régul. Ces appels ont été constatés à 5h30 mais je n'avais pas le numéro du Cr pour le rappeler, y a un rappel Auto qui n'a pas abouti », ainsi que la photocopie de permis de conduire de Messieurs [Y] et [G] ;
-l'attestation du 20 septembre 2010 de Monsieur [K] qui déclare : « le 18 septembre 2010 j'ai fini mon service vers 04h00 au dépôt Nice est, j'ai fait mon plein etc. j'ai discuté un petit moment avec le gardien du dépôt, j'ai rangé le véhicule 1228 vers 4h15, je suis rentré à la salle du planning RCA pour finir mon travail, je n'ai pas vu Mr [N], le portable était sur le bureau j'ai attendu sioumpoulian jusqu'à 5h15 pour le ramener chez lui », ainsi que la photocopie du permis de conduire de Monsieur [K] ;
-la lettre du 18 octobre 2010 de Monsieur [D] [N] contestant son licenciement et qui précise qu'il était bien présent pour la prise de service du NOCT1 à 21h25 au dépôt, qu'il a bien assuré le service NOCT3, qu'il était bien en possession du téléphone portable de permanence, qu'aucun conducteur affecté au service NOCT3 ne se base à partir de 21h55 à l'aéroport de Nice mais à partir de 23h25, qu'il était bien présent à l'aéroport (son poste de travail ne se situant pas précisément sur les quais de la gare routière en l'absence d'aménagement d'une structure), que le bus du service NC1 a pu repartir après avoir refait le niveau du réservoir de liquide de refroidissement, qu'il avait eu à 4 heures le message du conducteur l'informant qu'il était immobilisé à Golfe-Juan, qu'il avait contacté le conducteur du NC2 qui partait à 4h10 pour l'informer qu'il devait s'arrêter à Golfe Juan pour récupérer les 3 clients, le vigile et le conducteur du véhicule en panne, qu'il n'avait pas jugé utile de partir à 4 heures du matin à Golfe Juan sachant qu'un autobus partait à 4h10, comme indiqué sur la main courante, et qu'il n'a commis aucune faute « mise à part le fait (qu'il a) reconnu lors de l'entretien ne pas avoir pris le bus de réserve pour (se) rendre à l'aéroport » ;
Monsieur [D] [N] ne verse aucun élément susceptible de contredire les éléments produits par l'employeur. Il ne justifie pas de son arrivée au dépôt à 21h25, alors que la feuille de main courante remplie par le gardien du dépôt mentionne son arrivée à 22 heures. Il ne fournit aucune explication sur son départ du dépôt à 23 heures (selon mention du gardien du dépôt sur la feuille de main courante), avec son véhicule personnel, alors qu'il devait partir avec le bus de réserve pour se rendre à l'aéroport, tel qu'il l'a reconnu dans son courrier du 18 octobre 2010. Alors qu'il prétend qu'il était bien présent à l'aéroport, sans précision de l'endroit où il se trouvait mais à proximité des quais de la gare routière selon lui, il n'explique pas pour quelle raison le conducteur du car en panne l'a vu arriver « 10 minutes plus tard avec son propre véhicule « Peugeot 206 grise » en tenue de ville «costume» ».
Monsieur [D] [N], qui ne discute pas qu'il devait se trouver à l'aéroport jusqu'à 5 heures, n'explique pas plus le motif de son arrivée au dépôt constatée par le gardien à 3h20. Il n'explique pas pourquoi il n'a pu répondre au conducteur du car en panne, qui l'a rappelé à partir de 3h30, même s'il prétend avoir eu son message à 4 heures, alors même qu'il ressort du témoignage de Monsieur [K] que le portable de permanence était dans la salle de planning à 4h15.
Dans ces conditions, le conseil de prud'hommes a justement constaté que le premier grief cité dans la lettre de licenciement était établi. Monsieur [D] [N] n'a donc pas exécuté pleinement son service durant la nuit du 17 au 18 septembre 2010, ne s'est pas rendu avec le bus de réserve à l'aéroport de Nice et n'était plus joignable à partir de 3h30 alors même que son service se terminait à 5h30.
Alors même que le salarié avait déjà été précédemment sanctionné pour des manquements professionnels, ce grief est à lui seul suffisamment grave pour justifier le licenciement immédiat du salarié, entraînant la privation de ses indemnités de rupture.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [N] de ses demandes de réintégration et de paiement d'une indemnité pour la période de privation de son emploi, d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, de l'indemnité légale de licenciement et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la remise des documents sociaux :
Il convient d'ordonner la remise par la SA LES RAPIDES DU LITTORAL d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée conformément au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Réforme le jugement sauf en ce qu'il a dit que le contrat de travail liant les parties était régi par la loi monégasque, à l'exception de l'application de la loi française à la rupture du contrat de travail, en ce qu'il a écarté l'application de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, et en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [D] [N] d'annulation des mises à pied disciplinaires et de paiement de rappel de salaire au titre des jours fériés et d'indemnités au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA LES RAPIDES DU LITTORAL à payer à Monsieur [D] [N] :
-2253,27 € brut de majorations sur heures supplémentaires,
-225,33 € brut de congés payés sur heures supplémentaires,
-270,39 € brut de rappel de prime d'ancienneté,
-27,04 € brut de congés payés sur rappel de prime d'ancienneté,
-245,16 € brut de rappel de prime de 13ème mois,
-24,52 € brut de congés payés sur rappel de prime de 13ème mois,
Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 11 octobre 2010, avec capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d'une année à compter de la demande en justice formée par citation en date du 7 mars 2013,
Ordonne la remise par la SA LES RAPIDES DU LITTORAL d'un bulletin de salaire mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée, en conformité avec le présent arrêt,
Condamne la SA LES RAPIDES DU LITTORAL aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [D] [N] 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Madame Ghislaine POIRINE,
Conseiller, pour le président empêché