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01/06/2017 | FRANCE | N°14/21422

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 01 juin 2017, 14/21422


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2017



N° 2017/ 280













Rôle N° 14/21422







[R] [K]





C/



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR





















Grosse délivrée

le :

à :JUSTON

TEBIEL

















Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 15 Octobre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013F00315.





APPELANT



Monsieur [R] [K]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2017

N° 2017/ 280

Rôle N° 14/21422

[R] [K]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR

Grosse délivrée

le :

à :JUSTON

TEBIEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 15 Octobre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013F00315.

APPELANT

Monsieur [R] [K]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Nadège HARIOT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

[Adresse 2] venant aux droits de la Caisse Régionale de crédit agricole mutuel du Var, représentée par le président et les membres du conseil d'administration, dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Dominique PONSOT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2017,

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR

Vu le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 15 octobre 2014, ayant :

- rejeté une exception d'incompétence ;

- condamné M. [R] [K] à payer à la [Adresse 2] (le Crédit agricole) la somme de 3 572 283,66 €, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

- condamné M. [K] à payer au Crédit agricole la somme de 15 000 € au titre d'une indemnité de recouvrement ;

- alloué au Crédit agricole la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [K] aux dépens ;

Vu la déclaration du 12 novembre 2014, par laquelle M. [K] a relevé appel de cette décision ;

Vu l'arrêt de la cour du 15 décembre 2016 ayant ordonné la réouverture des débats et invité M. [K] à justifier de la nature et de la valeur du patrimoine à l'origine des revenus fonciers mentionnés sur les avis d'imposition des années 2007 et 2008 ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 3 avril 2017, aux termes desquelles M. [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- dire que l'engagement de caution est manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;

- constater l'impossibilité pour le Crédit agricole de se prévaloir de l'acte de cautionnement ;

- rejeter la demande en paiement ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris sur l'application d'intérêts au taux légal ;

-réduire l'indemnité de recouvrement à la somme d'un euro ;

En tout état de cause,

- condamner le Crédit agricole aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 mars 2017, aux termes desquelles le Crédit agricole demande à la cour de :

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a fait application des intérêts au taux légal et réduit l'indemnité de recouvrement à la somme de 15 000 € ;

- dire que la condamnation porte intérêts au taux de 4,85 % à compter du 4 avril 2013 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner M. [K] à payer la somme de 217 295,84 € au titre de l'indemnité de recouvrement ;

- condamner M. [K] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

A la fin de l'année 2008, M. [R] [K] a cédé le fonds de commerce de pharmacie qu'il exploitait à [Localité 2]. Dans le même temps, la SCI Maxalex, dont M. [K] détenait 99% du capital social, a cédé l'immeuble dans lequel la pharmacie était exploitée.

Le 18 février 2010, M. [K] a constitué la SELARL Pharmacie de la gare (la SELARL). Titulaire de 99% des parts, M. [K] en a été désigné gérant.

La SELARL a acquis, le 29 juin 2010, un fonds de commerce de pharmacie situé à [Localité 3], au prix de 3 600 000 €, financé intégralement au moyen d'un prêt consenti, le 17 juin précédent, par le Crédit agricole. Le prêt s'amortit sur 12 ans, au taux de 2,85 %, par échéances mensuelles de 29 547,59 €.

Par acte du 17 juin 2010, M. [K] s'est porté caution solidaire en garantie du prêt, dans la limite de 4 680 000 €.

La SELARL ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, le 2 juillet 2012, le Crédit agricole a déclaré au passif une créance de 26 572,84 €, au titre des échéances impayées, et une créance de 3 545 710,82 €, au titre des échéances à échoir.

Le 3 juin 2013, le Crédit agricole a fait assigner M. [K] en paiement de la somme de

3 572 283,66 €, avec intérêts au taux de 4,85 %, et de la somme de 217 295,84 €, montant de l'indemnité conventionnelle de recouvrement stipulée dans la proportion de 7 % du capital restant dû.

Le jugement entrepris a écarté le grief de disproportion manifeste de l'engagement de caution, a accueilli la demande en paiement de la somme de 3 572 283,66 €, a dit que la créance porte intérêts au taux légal, a fixé le point de départ des intérêts moratoires au jour de la signification du jugement, a modéré l'indemnité de recouvrement en fixant son montant à 15 000 €.

Constatant qu'en 2007 et 2008, M. [K] avait déclaré des revenus fonciers de 20 000 € environ, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer sur le patrimoine à l'origine de ces revenus.

****

M. [K] soutient que son engagement de caution, d'un montant de 4 680 000 €, était manifestement disproportionné aux biens et aux revenus dont il disposait lorsqu'il s'est obligé.

Le Crédit agricole le conteste en se prévalant, pour l'essentiel, de la valeur des parts sociales dont M. [K] était titulaire, dans une proportion de 99 %, au sein du capital de la SELARL. Il évalue ces parts à la somme de 3 564 000 €, en se référant au seul chiffre d'affaires moyen, de l'ordre de 4 000 000 €, réalisé par le cédant du fonds de commerce au cours des quatre derniers exercices.

En vertu des dispositions de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La fiche de renseignements patrimoniaux signée par M. [K] le 10 Juin 2010, quelques jours avant la souscription du cautionnement, fait mention d'un revenu annuel de 48 000 €, d'un patrimoine immobilier représenté par une maison d'habitation d'une valeur de 363 000 € et d'un patrimoine financier de 800 000 €.

Le revenu déclaré correspond à l'évaluation faite dans le compte d'exploitation prévisionnel produit au soutien de la demande de crédit. Il est en adéquation avec le revenu effectivement perçu dont il est justifié par les avis d'imposition.

La maison d'habitation, située à [Localité 2], a été vendue au prix de 363 000 €, postérieurement à la souscription du cautionnement.

Quant au patrimoine financier de 800 000 €, il est issu de la cession du fonds de commerce de pharmacie dont M. [K] était propriétaire jusqu'en 2008 et de la cession de l'immeuble, appartenant à la SCI Maxalex, dans lequel le fonds était exploité.

La banque, qui mêle des éléments de patrimoine s'étant succédé dans le temps, ne peut se prévaloir pour l'appréciation de la disproportion au 17 juin 2010, ni des revenus perçus en 2007 et 2008 dans l'exploitation du fonds de commerce de Charleville-Mézières, puisque ce fonds avait été cédé au jour de l'engagement de caution, ni de la propriété d'une maison d'habitation acquise postérieurement au cautionnement par réemploi du produit de la vente de la maison de Charleville- Mézières, ni d'une créance sur la SELARL résultant d'un apport en compte courant d'associé effectué au moyen du patrimoine financier de 800 000 €, ni, enfin, des revenus fonciers que M. [K] a perçu, par l'intermédiaire de la SCI Maxalex, puisque le seul immeuble détenu par cette société a été vendu à la fin de l'année 2008.

Au jour de la souscription du cautionnement, la SELARL venait d'être constituée et n'avait connu aucune activité. Elle n'était pas encore propriétaire du fonds de commerce de pharmacie et, lorsqu'elle le deviendra, quelques jours plus tard, l'actif représenté par le fonds aura pour contrepartie un passif de même montant, représenté par le prêt souscrit pour financer intégralement son acquisition. En outre, un apport en compte courant d'associé de plus de

500 000 € sera nécessaire au démarrage de l'activité. Il s'ensuit que la valeur des parts de la SELARL était proche de leur montant nominal, soit 200 000 €.

L'évaluation des parts effectuée par la banque, sur la base du seul chiffre d'affaires moyen réalisé au cours des quatre derniers exercices par le précédent exploitant, ne s'applique qu'au fonds de commerce. Elle n'est pas transposable à la société dont la valorisation est fonction des éléments d'actif et de passif, en faisant application de correctifs tirés, notamment, de la rentabilité et des perspectives d'avenir de l'affaire.

Il résulte de ces motifs qu'au jour de sa conclusion, le cautionnement souscrit par M. [K], dans la limite de 4 680 000 €, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La valeur du patrimoine et les revenus de M. [K] n'ont pas connu une évolution favorable depuis que le cautionnement a été appelé. M. [K] justifie par ses avis d'imposition d'un revenu annuel de 36 000 €. Il est propriétaire d'une maison d'habitation acquise le 9 septembre 2010 au prix de 615 000 €, financé pour partie au moyen d'un prêt de 250 000 €, et il dispose d'une créance en compte courant d'associé de 540 000 €. Ainsi qu'il le fait valoir, les parts de la SELARL n'ont aucune valeur puisqu'en raison, notamment, d'une dépréciation du fonds de commerce découlant de la diminution du chiffre d'affaires, l'actif ne s'élève qu'à 1 800 000 € pour un passif de 4 200 000 €.

Dès lors, M. [K] n'est pas en mesure de faire face à son obligation, d'un montant de plus de 3 780 000 €.

Le Crédit agricole ne peut, en conséquence, se prévaloir de l'acte de cautionnement sur lequel il fonde sa demande en paiement.

****

La demande en paiement est rejetée.

Le Crédit agricole, qui succombe, est condamné aux dépens.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

Dit que la [Adresse 2] ne peut se prévaloir de l'engagement de caution souscrit par M. [R] [K], le 17 juin 2010, en garantie d'un prêt consenti à la SELARL Pharmacie de la gare,

Rejette la demande en paiement formée par la [Adresse 2] à l'encontre de M. [R] [K],

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la [Adresse 2] aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Mme Sandra Juston, avocat.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/21422
Date de la décision : 01/06/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°14/21422 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-01;14.21422 ?
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