COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 18 MAI 2017
N° 2017/ 264
Rôle N° 15/02916
[D] [J]
[R] [C] épouse [J]
C/
SA SOCIETE GENERALE
Grosse délivrée
le :
à :
BUY
PAYEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Février 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02761.
APPELANTS
Monsieur [D] [J]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté de Me Guillaume BUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [R] [C] épouse [J]
née le [Date naissance 2] 1972
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Guillaume BUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA Société Générale, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée par Me Caroline PAYEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
substituant Me PAYEN, avocat
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017, après prorogation du délibéré
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement contradictoire en date du 19 février 2015 par lequel le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :
- condamné solidairement M. [D] [J] et Mme [R] [C] épouse [J] à payer à la S.A. Société générale la somme de 287.302,38 euros outre intérêts au taux contractuel de 8,26% à compter du 19 mai 2011 jusqu'à parfait paiement,
- condamné solidairement M. [D] [J] et Mme [R] [C] épouse [J] à payer à la S.A. Société générale la somme de 306.493,55 euros outre intérêts au taux contractuel de 5,37% à compter du 19 mai 2011 jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la capitalisation des intérêts en application de 1'article 1154 du code civil,
- condamné M. [D] [J] et Mme [R] [C] épouse [J] à payer à la Société générale la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [D] [J] et Mme [R] [C] épouse [J] de toutes leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. [D] [J] et Mme [R] [C] épouse [J] aux dépens dont distraction au profit de Me Caroline Payen ;
Vu l'appel interjeté le 26 février 2015 par M. et Mme [J] ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 22 août 2016 par lesquelles M. [D] [J] et Mme [R] [C] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement du 19 février 2015,
- dire et juger que l'engagement des cautions est manifestement disproportionné par rapport à leurs biens et revenus personnels,
- faire application de l'article L 341-4 du code de la consommation et déclarer que la Société générale ne pourra se prévaloir de cet acte de cautionnement à l'encontre de M. et Mme [J], - rejeter les demandes de la société générale ;
A titre subsidiaire :
- infirmer le jugement du 19 février 2015,
Sur la décharge de la caution
Vu l'article 2314 du code civil
- constater l'existence d'une faute de la Société générale,
- prononcer la décharge de la caution,
- rejeter les demandes de la Société générale,
Sur le devoir de mise en garde
- dire et juger que la Société générale a commis une faute en ne respectant pas son devoir de mise en garde,
- condamner la Société générale à 761.900 euros de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation des sommes réclamées par la Société générale avec les dommages et intérêts auxquels celle-ci sera condamnée du fait des fautes qu'elle a commises ;
En tout état de cause
- condamner la Société générale aux entiers dépens de l'instance,
- condamner la Société générale à payer à la société une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 18 janvier 2017 par lesquelles la Société générale demande à la cour de :
- débouter M. et Mme [J] de leur appel comme irrecevable car infondé et injustifié,
- dire et juger que les deux engagements de caution de Mme [R] [J] et M. [D] [J] n'étaient pas manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus,
- dire et juger qu'elle n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde et ne peut être considérée comme fautive,
- dire et juger que les deux prêts contractés par la SCI Monanthony, anciennement dénommée SCI Mavictoria lui permettait de mettre sur pied une opération immobilière lucrative qui devait nécessairement augmenter les revenus de Mme [J] en tant qu'associée caution et de M. [J] en tant que dirigeant caution,
- dire et juger qu'il n'est pas démontré que la Société générale ait pu avoir des informations à leurs revenus, à son patrimoine ou à ses facultés prévisibles de remboursement au vu du succès de l'opération financée et qu'elle ignorait elle-même ces informations.
- dire et juger que la Société générale ne peut être déclarée responsable de l'exactitude des informations portées à sa connaissance par les cautions,
- dire et juger que le préjudice direct et certain n'est absolument pas démontré, les cautions ne
rapportant pas la preuve d'un éventuel renoncement de leur part à souscrire les engagements de caution solidaire.
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- condamner M. et Mme [J] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [J] au paiement des entiers dépens distraits au profit de Me Caroline Payen, avocat membre de la SCP Drujon d'Astros Baldo et associés ;
SUR CE
Attendu que selon offres acceptées le 6 septembre 2008, la SCI Mavictoria, devenue ensuite Monanthony, a souscrit auprès de la Société générale deux prêts afin de financer l'acquisition d'un terrain et la construction d'une résidence principale à [Localité 2] :
- un prêt relais n°808020399735 d'un montant de 264 000 euros, au taux de 5,37 %, remboursable selon avenant du 12 octobre 2008 en 23 échéances de 114,87 euros puis une échéance de 294 765,07 euros ;
- un prêt n°808020399443 d'un montant de 271 000 euros, au taux de 5,26 %, remboursable selon avenant du 12 octobre 2008 en 24 échéances de 1304 euros puis 180 échéances de
2 296,05 euros ;
Que M. [J] et Mme [J] se sont portés caution solidaire des deux prêts, chacun, à hauteur de 396 000 euros et 406 500 euros en principal, intérêts, pénalités ou intérêts de retard ;
Que la Société [J], qui détenait 100 % des parts de la SCI Monanthony, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 12 mai 2011 ;
Que la procédure a été étendue aux autres sociétés du groupe (Daillant, Servea, Stockisol, Usinea, Holding Massane, Installations Electriques SIE SAS) ainsi qu'à la SCI Monanthony par jugement du 19 mai 2011 ;
Que la Société générale a déclaré ses créances au passif de la société Monanthony pour les sommes de 293 207,17 euros et 268 583,83 euros ;
Qu'après avoir vainement délivré mises en demeure aux cautions, elle a fait assigner, suivant acte d'huissier du 13 avril 2012, Mme [R] [C] épouse [J] et M. [D] [J] en paiement des sommes de 306 493,55 euros et de 287 302,38 euros, outre intérêts ;
Que le tribunal de grande instance a fait droit à ses demandes dans les termes susvisés ;
Que concomitamment à cette procédure, une instance a opposé Me [P] agissant en qualité de liquidateur du groupe [J] et la Société générale ;
Que par jugement du 10 décembre 2013, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a condamné la banque à payer la somme de 5 000 000 euros au mandataire judiciaire ;
Que par arrêt du 23 avril 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé cette décision et débouté Me [P] de sa demande de dommages et intérêts ;
Que le présent appel concerne la condamnation des époux [J] ès qualités de caution de la SCI Monanthony ;
Sur la demande en paiement de la banque
Sur la disproportion
Attendu que M. [J] expose avoir constitué un groupe de sociétés spécialisées dans le génie climatique, dont la société mère était la société [J] créée le 22 novembre 2007 ; qu'il explique les difficultés financières du groupe [J] en 2010-2011 en lien avec des fautes de la banque et qui ont conduit, selon ses dires, à la mise en liquidation judiciaire des sociétés ;
Que les appelants sollicitent la décharge de leurs engagements de caution au motif qu'ils sont manifestement disproportionnés ; qu'ils reprochent à la Société générale de ne pas avoir vérifié leur solvabilité alors qu'elle aurait dû les interroger sur leur situation financière et leur faire remplir une fiche de renseignements actualisée lors de l'octroi des prêts ; qu'ils estiment que le document établi un an plus tôt ne prend pas en considération les événements survenus par la suite ; qu'ils affirment qu'ils n'avaient pas dès 2007 les revenus et le patrimoine nécessaires ; qu'ils allèguent avoir perçu des revenus de 44 000 euros par an, mais ajoutent qu'ils n'ont pas payé d'impôt sur les revenus 2008 ; qu'ils commentent la situation des trois sociétés civiles Kernevel, La Talene, Ana Carla, propriétaires de biens immobiliers grevés d'emprunts ; qu'ils indiquent que les biens de la SCI La Talene ont été vendus fin 2007 pour financer LBO et que M. [J] s'est porté caution à hauteur de 389 000 euros ;
Que selon leurs calculs, ils disposaient d'un actif net de 375 000 euros (revenus 44 000 euros ; valeur d'achat des biens 731 884 euros - endettement bancaire 399 889 euros) ;
Qu'ils arguent des engagements de caution souscrit par M. [J] à hauteur de 50 000 euros au profit de la Compagnie générale d'affacturage, filiale de la Société générale, et de 389 000 euros au profit de la Société générale ;
Qu'ils font valoir que la disproportion a perduré ; qu'ils indiquent que la banque a pris de nombreuses garanties sur leur patrimoine ; qu'ils expliquent avoir été contraints de céder les biens de la SCI Ana Carla afin de subvenir à leurs besoins, évaluant le solde de la vente à la somme de 70 000 euros après déduction du prêt ; qu'ils précisent que la SCI Kernevel est propriétaire de leur maison d'habitation mais que subsiste un emprunt de plus de 130 000 euros ; qu'ils exposent leurs revenus par référence aux avis d'imposition et la situation de leurs comptes bancaires ;
Attendu que la Société générale conteste l'argumentation des appelants ; qu'elle se prévaut de la fiche de renseignements signée par M. [J] quelques mois avant la première offre de prêt du 26 août 2008 ; qu'elle indique que la valeur réelle des biens immobiliers alors déclarée s'élevait à la somme de 2 524 500 euros ; qu'elle souligne que la SCI Kernevel était propriétaire de plusieurs terrains dont la valeur a été précisée et d'une bastide ancienne de 300 m2 ; qu'elle relève que M. [J] était propriétaire en propre d'un terrain constructible estimé à 10 000 euros alors que sa valeur réelle au mois d'octobre 2007 était de 280 000 euros ; qu'elle argue des parts sociales détenues par les cautions ;
Qu'elle observe que M. [J] n'a pas mentionné l'existence d'engagements de caution auprès de la CGA, entité juridique distincte et qu'elle n'avait aucun pouvoir de vérification à ce titre ;
Qu'elle affirme que les époux [J] sont en mesure de faire face à leurs obligations au regard de leur patrimoine ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 341- 4, devenu les articles L 332-1 et L 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Qu'il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier, qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ;
Que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement du contrat s'apprécie au moment de la signature du cautionnement en considération d'une part de l'ensemble des engagements souscrits par la caution et d'autre part de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie ;
- les actes de caution de M. [J]
Attendu que M. [J] a signé le 27 novembre 2007 une fiche de renseignements comprenant un tableau précis concernant son patrimoine ;
Qu'il ressort de ce document les éléments suivants :
- marié sous le régime de la séparation de biens (mariage le 24 juillet 2004) ;
- patrimoine :
. SCI kernevel :
valeur d'achat 395 000 ; prêt 274 000 euros ; solde 220 463 euros ; valeur réelle 645 000 euros ;
biens immobiliers : bastide ancienne de 300 m2 sur terrain de 7397m2 dont parcelle détachée de 6 100 m2 ; trois parcelles constructibles 250 000 + 290 000+350 000 ;
. SCI la Talène :
valeur d'achat 160 000 ; prêt 143 302 ; solde 48 139 euros ; valeur réelle 465 000 euros ;
biens immobiliers : locaux d'activités loués [Adresse 3] ; valeur d'achat 29 884 € ; prêts 29 884 €;
. SCI Ana Carla :
acquisition mai 2005 appartement T3 60 m2 valeur d'achat 137 000 euros ; prêt 130 000 euros ; solde 119 227 euros ; valeur réelle 193 500 euros ;
. SARL ambiance aixoise (80 % des parts sociales) :
magasin de décoration locataire SCI le Kernevel ; compte courant associé 51 000 euros ;
. terrain constructible : valeur d'achat 10 000 euros ; prêt néant ; valeur réelle 280 000 euros ;
- revenus 2007 des trois SCI 80 200 euros dont à déduire 55 500 euros de charges d'emprunt,
- revenus Daillant : 45 000 euros ;
- revenus fonciers nets : 29 516 euros ;
- pension : 7 200 euros, prêt à la consommation 4 000 euros ;
Qu'il a estimé lui-même son patrimoine à la somme totale 2 524 500 euros et le montant des prêts à la somme de 577 186 euros ;
Que le banquier n'est pas tenu de vérifier l'exactitude des informations transmises par la caution, sauf en présence d'anomalies apparentes lesquelles n'existaient pas en l'espèce ;
Qu'aucun élément ne permet de remettre en cause les évaluations précitées au moment des deux cautionnements litigieux conclus quelques mois plus tard ;
Que M. [J] a contracté le 11 décembre 2007 un acte de caution d'un montant de 389 000 euros au profit de la Société générale, ce dont elle a été nécessairement informée ;
Qu'en revanche, l'appelant ne produit pas de document de nature à démontrer que la banque connaissait l'existence d'autres engagements de caution qu'il aurait souscrits au profit de la Compagnie générale d'affacturage ; qu'en effet, le seul fait que cette société soit une filiale de la Société générale ne crée pas de présomption alors que les deux sociétés sont des personnes morales distinctes ; qu'en toute hypothèse, l'acte de caution du 27 juillet 2009 consenti l'année suivante à hauteur de 50 000 euros ne saurait être pris en considération ;
Que de même, il n'établit pas avoir avisé la banque de la cession des parts qu'il détenait au sein de la SCI la Talène ;
Que tous les actes juridiques postérieurs aux cautionnements contestés sont inopérants pour apprécier la disproportion manifeste alléguée ;
Que pour autant, même en admettant le cautionnement de 389 000 euros, M. [J] échoue à rapporter la preuve que ses engagements de caution souscrit pour la somme totale de 802 500 euros étaient manifestement disproportionnés à ses biens, revenus, endettement, au mois de septembre 2008 ; qu'il ne saurait être déchargé de son obligation ;
- les actes de caution de Mme [C] épouse [J]
Attendu que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens ainsi qu'il a été rappelé ; que Mme [C] épouse [J] n'a pas signé la fiche de renseignements versée aux débats ;
Que les avis d'imposition mentionne qu'elle a perçu des salaires ou assimilés d'un montant de 21 861 euros en 2007 ;
Qu'elle a apporté la somme de 70 000 euros à la SCI Ana Carla au capital de 140 000 euros dont les 500 parts ont été réparties par moitié entre les époux [J] ; que la SCI a procédé à l'acquisition au mois de mai 2005 d'un appartement T3 au prix de 137 000 euros et a contracté un prêt 130 000 euros ; que M. [J] a fourni une estimation de valeur de 193 500 euros ;
Que Mme [C] épouse [J] a acquis 20 % des parts représentant 200 euros de la SCI Mavictoria ; que néanmoins, il résulte des statuts que le capital s'élevait à la somme de 1 000 euros ; que le 10 octobre 2008, Mme [J] a cédé ses 20 parts à son époux, lequel a apporté la somme de 250 000 euros à la suite d'une assemblée générale du 31 octobre 2008 ; qu'il a ensuite cédé ses parts à hauteur de 250 000 euros à la SARL HRP ; que ces événements sont postérieurs aux cautionnements souscrits par l'appelante ;
Que les statuts versés aux débats concernant la SCI Kernevel font apparaître que M. [J] a été associé avec Mme [C] [H] ;
Que Mme [C] épouse [J] n'apparaît pas en qualité d'associée de la SCI le Kernevel et de la SCI la Talène ;
Qu'il suit des développements qui précèdent que la situation patrimoniale de l'appelante n'est pas comparable à celle de son conjoint ;
Qu'il y a lieu d'admettre que ses engagements de caution souscrits sont manifestement disproportionnés à ses biens, revenus et endettement ;
Que dès lors, il convient de vérifier si elle est en mesure de faire face à son obligation ;
Attendu que Mme [C] épouse [J] a perçu des salaires et assimilés d'un montant de 27 662 euros en 2012 et de 29 928 euros en 2013 ;
Que la synthèse de ses comptes au Crédit agricole 16 février 2015 mentionne :
- livret A : 118,91 euros ;
- codebis : 10,06 euros ;
- livret de développement durable : 2 577,24 euros ;
- compte chèque : - 374,99 euros
Que l'appartement dont était propriétaire la SCI Ana Carla a été vendu le 3 octobre 2011 au prix de 200 000 euros ; que cependant, l'immeuble était grevé d'un prêt dont la banque n'allègue pas qu'il n'a pas été remboursé ;
Que la Société générale précise dans ses écritures que M. [J] est propriétaire de l'intégralité des parts de la SCI le Kernevel et d'un bail emphytéotique publié le 7 mars 2011 ;
Que l'intimée ne produit pas d'éléments probants suffisants pour considérer que Mme [C] épouse [J] est en mesure de faire face à son obligation ; qu'elle doit être déboutée de ses demandes à l'encontre de ladite caution ;
Qu'en conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point ;
Sur le recours subrogatoire
Attendu que l'appelant demande à être déchargé de ses engagements au visa de l'article 2314 du code civil ; qu'il soutient que la Société générale est à l'origine de la déconfiture du groupe [J] et que sa faute a été reconnue par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; qu'il allègue du soutien abusif de la banque puis de la rupture des concours ; qu'il affirme que la subrogation ne pourra s'opérer compte tenu du comportement de la banque, de sa qualité de créancier chirographaire et du passif important ;
Attendu que la Société générale relève la nouveauté de l'argumentation en cause d'appel ; qu'elle conteste avoir commis une faute dans l'octroi et la rupture de ses concours et être à l'origine de la liquidation judiciaire du groupe [J] ; qu'elle fait valoir qu'en tout état de cause la simple insolvabilité du débiteur même imputable au créancier ne permet pas à la caution de se prévaloir de l'article 2314 du code civil ; qu'elle observe que les appelants ne font état d'aucun droit préférentiel précis existant au moment de la conclusion de leurs engagements et dont ils auraient perdu le bénéfice de son fait ; qu'elle indique que le raisonnement selon lequel leur recours subrogatoire aurait abouti est purement hypothétique ;
Attendu que M. [J] ne caractérise pas le droit préférentiel existant à la date du cautionnement et perdu par la faute exclusive de la banque ; que ses explications sur la déconfiture du groupe [J] ne peuvent pallier sa carence dans la démonstration que toutes les conditions prévues à l'article 2314 du code civil sont réunies ;
Que le moyen doit être écarté de même que la demande de décharge sur ce fondement juridique ;
Sur le montant de la créance
Attendu que la Société générale a déclaré ses créances pour les sommes de 293 207,17 euros et 268 583,83 euros ;
Qu'elle a mis en demeure M. [J] de verser les sommes de 264 000 euros et 268 583,83 euros par courriers du 14 juin 2011 puis de verser les sommes de 306 493,55 euros et
287 302,38 euros par courriers du 22 mars 2012 ;
Que les décomptes annexés aux mises en demeure du 22 mars 2012 font ressortir les intérêts comptabilisés entre le 19 mai 2011 et le 22 mars 2012 ;
Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur la condamnation prononcée à l'encontre de M. [J] s'agissant des sommes en principal, du taux d'intérêt, de la capitalisation des intérêts, mais de l'infirmer sur le point de départ des intérêts qui sera fixé au 23 mars 2012 ;
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts
Attendu que les époux [J] sollicitent la somme de 761 900 euros de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde ; qu'ils invoquent un risque d'endettement excessif au regard de leurs ressources et leur qualité de caution non avertie ; qu'ils font valoir que Mme [J] n'était pas dirigeante des sociétés du groupe [J] et de la société Monanthony, tandis que M. [J] n'avait ni qualification économique ni juridique ;
Qu'ils soutiennent que leur préjudice doit être fixé à une somme représentant 95 % des sommes susceptibles de leur être réclamées, que la plupart de leurs biens ont été saisis et qu'ils n'ont plus de revenus ; qu'ils déclarent qu'ils n'auraient pas contracté si le devoir de mise en garde avait été respecté ;
Attendu que la Société générale se prévaut du patrimoine conséquent des époux [J] et de leur qualité de caution avertie ; qu'elle observe que l'appelant détenait en qualité de gérant toutes les informations pour apprécier la portée des engagements souscrits par sa société ;
Qu'elle souligne le curriculum vitae de M. [J] mentionné au business Plan, l'évolution de ses fonctions au sein de la société Prat et cie dont il est devenu le directeur général en 1999, ses fonctions de gérant de la SARL Cabisud de 1999 à 2005, ses fonctions de président du conseil d'administration de la société Ralux SAS en 2005-2006, ses fonctions de dirigeant du groupe [J] à compter de 2007 ;
Qu'elle ajoute que les appelants ne démontrent pas l'existence d'un éventuel renoncement de leur part à souscrire les engagements de caution contestés et ne rapportent pas la preuve d'un préjudice direct et certain ;
Attendu que le banquier qui consent un crédit est tenu d'une obligation de mise en garde envers la caution non avertie au regard des capacités financières de celle-ci et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt ;
Attendu que Mme [C] épouse [J], qui a été déchargée de ses engagements de caution, ne subit pas de préjudice de nature à lui accorder des dommages et intérêts ;
Attendu que M. [J] a exercé des postes de responsabilités dans diverses sociétés commerciales ; qu'il a été aussi le dirigeant de plusieurs sociétés civiles, notamment la SCI le Kernevel constituée en 2001, la SCI Ana Carla constituée en 2004, la SCI Mavictoria devenue Monanthony ;
Qu'il a créé en 2007 la société [J] dont il est devenu le gérant ; que l'organigramme communiqué résume les participations de HRP dans les sociétés Daillant (achetée en 2007), Servea, Stockisol, Usinea, Holding Massane, SCI Monanthony ; que l'ambition du groupe était de devenir un acteur régional de référence dans l'installation de génie climatique ;
Qu'il a acquis des connaissances et une expérience particulièrement étendues concernant la gestion des sociétés et le monde des affaires ;
Que sa qualité de dirigeant et de caution averti est avérée ;
Qu'en conséquence, la Société générale n'était tenue d'un devoir de mise en garde à l' égard de M. [J] ;
Que, ainsi que l'a relevé le juge de première instance, il n'est pas établi que la banque avait des informations sur la situation des époux [J] que ces derniers ignoraient ;
Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur le rejet de la demande de dommages et intérêts ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que l'équité justifie de condamner M. [D] [J] à verser à l'intimée la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions concernant :
- les condamnations de Mme [R] [C] épouse [J] ès qualités de caution,
- le point de départ des intérêts contractuels des sommes dues par M.[J] ès qualités de caution,
- les frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau,
Déboute la Société générale de ses demandes en paiement à l'encontre de Mme [R] [C] épouse [J] ;
Condamne M. [D] [J], ès qualités de caution de la SCI Mavictoria devenue Monanthony, à payer a la S.A. Société générale :
- la somme de 306.493,55 euros, outre intérêts au taux contractuel de 5,37% à compter du 23 mars 2012, au titre du prêt relais de 264 000 euros ;
- au titre du prêt de 271 000 euros la somme de 287.302,38 euros, outre intérêts au taux contractuel de 8,26% à compter du 23 mars 2012, au titre du prêt de 271 000 euros ;
Condamne M. [D] [J] à verser à la Société générale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. [D] [J] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT