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11/05/2017 | FRANCE | N°16/10556

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 11 mai 2017, 16/10556


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2017



N° 2017/

JLT/FP-D











Rôle N° 16/10556





[T] [D]





C/



SARL MANAIA DUJARDIN

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Audrey SASPORTAS-

MENANT, avocat au barreau de NICE



Me Patrick LE DONNE, avocat au barr

eau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section CO - en date du 29 Avril 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/01291.







APPELANT



Monsieur [T] [D]

(bénéficie d'une...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2017

N° 2017/

JLT/FP-D

Rôle N° 16/10556

[T] [D]

C/

SARL MANAIA DUJARDIN

Grosse délivrée

le :

à :

Me Audrey SASPORTAS-

MENANT, avocat au barreau de NICE

Me Patrick LE DONNE, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section CO - en date du 29 Avril 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/01291.

APPELANT

Monsieur [T] [D]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2016/007312 du 04/07/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Audrey SASPORTAS-MENANT, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 566 substitué par Me Marine PADELLEC, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL MANAIA DUJARDIN, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patrick LE DONNE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Mars 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2017.

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [T] [D] a été embauché par la S.A.R.L. MANAIA DUJARDIN, en qualité de cuisinier, par un contrat de travail à durée indéterminée du 8 juillet 2009.

Suite à un arrêt de travail pour maladie débuté le 19 septembre 2013, M. [D] a été déclaré par le médecin du travail inapte à tous les postes dans l'entreprise le 17 mars 2014.

M. [D] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 juin 2014.

Saisi par le salarié le 2 octobre 2014, le Conseil de Prud'hommes de Nice, par jugement du 29 avril 2016, a :

- dit le licenciement pour inaptitude fondé,

- condamné la S.A.R.L. MANAIA DUJARDIN à payer à M. [D] les sommes de:

* 455,00 € à titre de rappel de salaire,

* 45,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 150,00 € pour non-respect de la visite médicale d'embauche,

* 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a ordonné la rectification des documents sociaux et débouté M. [D] de ses autres demandes.

M. [D] a relevé appel le 7 juin 2016 de ce jugement notifié le 25 mai 2016.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience M. [D], concluant à la réformation partielle du jugement, sollicite de condamner la S.A.R.L. MANAIA DUJARDIN à lui payer les sommes de :

- 5 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour absence d'organisation de la visite médicale d'embauche, des visites médicales périodiques et de la visite médicale de reprise,

- 201 698,25 € à titre de rappel de salaires d'octobre 2011 à juin 2014 en application des quatre avenants établis par l'employeur ayant augmenté la durée hebdomadaire de travail,

- 20 169,82 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 20 437,87 € à titre de rappel de salaire pour la période d'octobre 2011 à juin 2014, en raison de la nullité de la convention de forfait,

- 11 510,28 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé en raison de l'absence de déclaration préalable à l'embauche, de la modification unilatérale de sa qualification, de l'application de taux horaires erronés sur les bulletins de salaire,

- 34 530,84 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de recherche de reclassement,

- 3 836,76 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 383,67 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 145,32 € à titre de rappel de salaire pour la période du 3 au 4 juin 2014,

- 14,53 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 20 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 1 918,38 € à titre de dommages-intérêts pour procédure de licenciement irrégulière,

- 2 500,00 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- 1 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande :

- d'ordonner la rectification de tous les documents sociaux (reçu pour solde de tout compte, attestation Pôle Emploi, certificat de travail) et de l'ensemble des bulletins de salaire,

- d'assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal avec capitalisation.

Il se plaint de ne pas avoir bénéficié d'une visite médicale d'embauche, ni de visites médicales périodiques, ni d'une visite de reprise suite à l'arrêt de travail terminé le 9 mai 2012.

Il reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté les dispositions contractuelles par lesquelles il s'est engagé à le rémunérer pour une durée hebdomadaire convenue et, à titre subsidiaire, qu'il a été rémunéré selon une convention de forfait nulle.

Il soutient qu'à la suite de la déclaration d'inaptitude, l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement et il lui reproche un harcèlement moral trouvant sa source dans les manoeuvres de son supérieur hiérarchique tendant à l'humilier et à le rabaisser.

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, la S.A.R.L. MANAIA DUJARDIN, concluant à la réformation partielle du jugement, demande de débouter M. [D] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient, en ce qui concerne les demandes de rappels de salaire, que le salarié a été entièrement rempli de ses droits, qu'aucun reclassement suite à la déclaration d'inaptitude n'a été possible et que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Elle ajoute que la procédure de licenciement a été suivie régulièrement et elle conteste le harcèlement moral allégué.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de visites médicales

M. [D] se plaint de ne pas avoir bénéficié d'une visite médicale lors de son embauche, de n'avoir bénéficié d'une visite médicale périodique que le 26 octobre 2009 et le 26 mars 2013 mais non en 2011 et de ne pas avoir bénéficié d'une visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail du 7 décembre 2011 au 9 mai 2012.

Il fait valoir qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie dès le début de sa prise de fonction, que les arrêts de travail se sont ensuite multipliés et qu'une visite régulière auprès du médecin du travail aurait permis que sa situation psychologique ne se dégrade davantage.

Il convient, toutefois, de relever que M. [D] a, à tout le moins, bénéficié de deux visites médicales périodiques et l'employeur souligne, à juste titre, qu'il a été déclaré apte à occuper son poste à l'occasion de la visite du 26 mars 2013, dernière en date avant l'arrêt de travail qui a précédé la déclaration d'inaptitude.

Dans ces conditions, M. [D] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice qui lui aurait été causé en raison de l'absence des visites médicales qu'il invoque.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaires fondée sur les avenants au contrat de travail

M. [D] se prévaut de la rédaction de 4 avenants qui ont modifié la durée du travail en indiquant :

- dans l'avenant du 30 septembre 2011, que la durée 'hebdomadaire' de travail est portée à 151,67 heures,

- dans l'avenant du 31 mai 2012, que la durée 'hebdomadaire' de travail est portée à 182 heures,

- dans l'avenant du 30 septembre 2012, que la durée 'hebdomadaire' de travail est portée à 36 heures,

- dans l'avenant du 31 mai 2013, que la durée 'hebdomadaire' de travail est portée à 182 heures.

Si l'avenant du 30 septembre 2012 qui précise la répartition des heures de travail dans la semaine pour un total de 36 heures, mentionne exactement la durée hebdomadaire de travail convenue, M. [D] ne peut soutenir qu'il aurait été convenu, par les autres avenants d'une durée de travail hebdomadaire de 151,67 heures ou de 182 heures alors que la durée d'une semaine, nuits comprises, n'est que de 168 heures.

Compte tenu qu'il doit être recherché dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes et que, lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun, il est manifeste que la mention d'une durée 'hebdomadaire' dans les avenants du 30 septembre 2011, du 31 mai 2012 et du 31 mai 2013, résulte d'une simple erreur matérielle et que les parties ont entendu fixer la durée mensuelle du travail.

Le principe de faveur auquel se réfère le salarié ne saurait lui permettre de prétendre au paiement de sommes ne correspondant pas aux conventions réellement passées.

M. [D] n'est, en conséquence, pas fondé à solliciter un rappel de salaires sur la base d'une durée hebdomadaire. Il en est de même en ce qui concerne sa demande de dommages-intérêts, le salarié ne pouvant se plaindre d'aucun préjudice résultant du non-paiement de salaire sur la base de l'horaire hebdomadaire qu'il revendique.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaires fondée sur le contrat de travail

Le contrat de travail prévoit, en son article 4, que M. [D] bénéficie d'une 'rémunération mensuelle brut de 1 654,64 € pour une durée de travail mensuelle de 182 heures'. Il est précisé que cette rémunération est 'forfaitaire' et qu'elle 'inclut la rémunération majorée des heures supplémentaires comprise dans la durée du travail'.

Pour solliciter de prononcer la nullité du forfait, M. [D] fait valoir que l'employeur n'aurait pas respecté la rétribution minimale du forfait, soutenant que, compte tenu de la durée du travail prévue, la rétribution minimale aurait été de 1 710,21 € par mois en 2009.

Cependant, le calcul présenté par le salarié pour aboutir à un salaire mensuel revendiqué de 1 710,21 € ne saurait être retenu, ce calcul reposant sur des données inexactes puisqu'il calcule 4 heures supplémentaires majorables au taux de 10% sur la base du mois et 4 heures supplémentaires majorables au taux de 20% également sur la base du mois pour permettre de retenir 22,33 heures par mois majorables au taux de 50%.

Or, M. [D], dont la durée hebdomadaire du travail était, initialement, de 42 heures, était seulement en droit de prétendre à des majorations sur 4 heures par semaine (de la 36ème à la 39ème) au taux de 10% et sur les 3 heures suivantes (de la 39ème à la 42ème) au taux de 20% sans pouvoir jamais prétendre à des heures supplémentaires au taux de 50%.

Contrairement à ce que soutient M. [D], le salaire versé par l'employeur a été exactement calculé en fonction de cette durée du travail et des majorations applicables. En 2009, la rémunération mensuelle brut de 1 654,64 € pour une durée de travail mensuelle de 182 heures correspondait à la rémunération due.

M. [D] soutient, par ailleurs, que la convention de forfait ne répondrait pas aux exigences légales des articles L 3121-39 et L 3121-41 du code du travail ni aux exigences de la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants et, notamment, de l'article 20 de l'annexe I sur l'aménagement du temps de travail de l'avenant n°1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail.

Toutefois, les dispositions qu'il invoque, applicables soit aux conventions de forfait en heures ou en jours sur l'année, soit aux dispositifs de modulation du temps de travail sont inapplicables au cas d'espèce puisqu'aux termes du contrat de travail, les parties ont convenu d'une convention de forfait en heures sur le mois régies par les dispositions de L 3121-38 du code du travail ('La durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois').

Par conséquent, les prétentions du salarié doivent être rejetées en ce qu'elles tendent à l'annulation de la convention de forfait au motif que celle-ci n'est pas conforme aux dispositions de l'article 20 précité et que l'employeur n'a pas respecté les prescriptions conventionnelles relatives au bilan de modulation et au décompte du salarié en matière de modulation du temps de travail.

Il est vrai que la convention de forfait devait néanmoins respecter les dispositions alors applicables et notamment celles de l'article L 3121-41 du code du travail selon lesquelles la rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures doit être au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait augmenté des majorations pour heures supplémentaires

Mais, en l'espèce, alors que M. [D] se plaint de ce que le salaire minimum n'a pas été respecté et qu'il revendique un rappel de salaire pour la période d'octobre 2011 à juin 2014, les bulletins de salaire montre qu'il a toujours perçu la rémunération prévue pour la durée du travail convenue et que les seules périodes où les bulletins de salaire mentionne une durée du travail et une rémunération inférieures sont celles pendant lesquelles il se trouvait en arrêt de travail pour maladie et percevait des indemnités journalières de sécurité sociale ainsi que le complément conventionnel de salaire.

Il apparaît seulement qu'à partir de juillet 2012 jusqu'à octobre 2012, le taux de salaire horaire est resté fixé à 9,54 € alors que le salaire minimum avait été porté à 9,72 € mais l'employeur justifie que la régularisation est intervenue sur le bulletin de salaire d'octobre 2012. En revanche, sa rémunération a été régulièrement augmentée en tenant compte du nouveau taux de salaire applicable à compter du mois de juin 2013.

Il s'ensuit que M. [D] a été entièrement rempli de ses droits et qu'il ne peut se prévaloir d'aucun manquement de l'employeur dans le paiement du salaire. Il sera débouté de ses demandes à ce titre et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande de rappel de salaire au titre de la revalorisation du taux de salaire horaire de 2012 et 2013.

Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions de L 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, il n'est pas démontré que l'employeur aurait mentionné sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ni que l'emploi n'aurait pas été régulièrement déclaré alors que des bulletins de salaire ont été régulièrement établis, que des cotisations sociales ont toujours été prélevées et que les arrêts de travail pour maladie du salarié ont toujours été pris en charge par les organismes de sécurité sociale.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié sur ce point.

Sur l'absence de visite de reprise suite à l'arrêt maladie du 7 décembre 2011 au 9 mai 2012

M. [D] fait valoir qu'à la suite de son arrêt de travail pour maladie du 7 décembre 2011 au 9 mai 2012, l'employeur ne lui a pas fait bénéficier d'une visite médicale de reprise. Il en titre la conclusion que son contrat de travail est resté suspendu et que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour être intervenu pendant la période de suspension, estimant que l'employeur ne peut se prévaloir de la visite de reprise intervenue le 24 février 2014 qui ne concernait que l'arrêt de travail correspondant à la période du 19 septembre 2013 au 4 juin 2014.

Cependant, si le fait pour un employeur de laisser un salarié reprendre son travail sans l'avoir fait bénéficier de la visite constitue un manquement à son obligation de sécurité de résultat pouvant justifier l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi et si le salarié peut invoquer, le cas échéant, la méconnaissance par l'employeur de son obligation pour prendre acte de la rupture du contrat et faire ensuite juger la rupture comme sans cause réelle ni sérieuse, l'absence de visite de reprise ne peut, en l'espèce, être utilement invoquée.

Il convient de relever qu'à la suite de l'arrêt de travail litigieux ayant pris fin le 9 mai 2012, M. [D] a repris le travail sans solliciter lui-même, ainsi qu'il en avait la faculté, une visite médicale auprès du médecin du travail. Il n'a pas non plus pris acte de la rupture en se plaignant du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat. Il a, au contraire, exécuté sa prestation de travail pendant plus d'un an après la fin de l'arrêt de travail litigieux lorsqu'il a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail du 19 septembre 2013 au 4 juin 2014 à l'issue duquel il a régulièrement fait l'objet d'une visite médicale de reprise.

Contrairement à ce que M. [D] soutient, le licenciement est intervenu après la fin de la suspension du contrat de travail et ne peut donc, pour ce motif, être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur le licenciement

Le licenciement est ainsi motivé :

'Par courrier RAR en date du 19 mai 2014 vous avez été convoqué à un entretien préalable en vue de votre licenciement (...).

Vous n'avez pas cru devoir vous présenter (...) tout comme vous n'avez pas cru devoir déférer à la convocation qui vous a été remise (...) pour envisager toute suite à donner à votre contrat de travail et éventuellement toute solution, stage de perfectionnement ou de formation ensuite de la déclaration d'inaptitude qui a été prise par la Médecine du travail le 17 mars 2014 pour tout poste dans l'entreprise.

(...) Après avoir interrogé les services de Santé et Travail 06 sur les possibilités de pouvoir étudier le poste que vous occupiez au sein de l'entreprise, à savoir cuisiner et tout aménagement ou toute mesure de reclassement, le médecin du travail a conclu à votre inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise.

Après avoir effectué toute recherche ou vous avoir interrogé par courrier du 6 mai 2014 sur les possibilités d'un suivi de formation professionnelle, aucune répons favorable n'a été fournie par vos soins pour vous permettre d'envisager une solution alternative à la mesure de licenciement.

(...) S'étant déplacé au siège de l'entreprise le 17 mars 2014 pour vérifier les possibilités d'aménagement de poste dans le cadre de la petite structure qui est la nôtre au sein de la S.A.R.L. MANIA DU JARDIN, il s'est avéré qu'à ce jour, aucune modification ou un aménagement de votre temps de travail n'étaient envisageables, tout comme un stage de reclassement professionnel auquel vous n'avez pas cru devoir répondre (...).

Dans ces conditions et dans la mesure où il n'existe pas de solution permettant une mutation ou une transformation voire un reclassement à un poste compatible avec votre état de santé, votre maintien dans l'entreprise ne s'avère plus possible (...)'.

Suite à la visite de reprise du 24 février 2014, le médecin du travail a émis l'avis suivant : 'inapte temporaire. Etude de poste pour le 24/02". A l'issue de la seconde visite, le 17 mars 2014, il a estimé M. [D] 'inapte à tout poste dans l'entreprise'.

Suite à cet avis, l'employeur a interrogé le médecin du travail, le 24 avril 2014, pour lui demander de 'confirmer qu'aucune mutation ou transformation, voire reclassement ne permettrait le maintien dans l'entreprise'.

Il a, le 6 mai 2014, invité le salarié à se présenter au siège de l'entreprise 'pour envisager la suite à donner à (son) contrat de travail et éventuellement toute solution, notamment, un stage de reclassement professionnel ou de formation qui pourrait être envisagé'. Il est constant que M. [D] ne s'est pas rendu à cette convocation.

Compte tenu que l'entreprise ne compte que deux salariés, qu'elle est de petite taille et qu'elle n'appartient à aucun groupe, il apparaît, eu égard aux préconisations du médecin du travail, qu'aucune solution de reclassement ne pouvait être proposée à M. [D] autre que celle envisagée par l'employeur et à laquelle le salarié n'a pas donné suite.

Il s'ensuit qu'il ne peut être reproché à l'employeur aucun manquement à son obligation de recherche de reclassement et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes à ce titre.

Sur la procédure de licenciement

M. [D] se plaint de ce que la lettre du 6 mai 2014 par laquelle l'employeur l'a convoqué pour envisager la suite à donner à son contrat de travail, il n'indique pas qu'il pouvait se faire assister comme le prévoit l'article R 1232-1 du code du travail.

Cependant, l'obligation prévue par l'article R 1232-1 de rappeler au salarié qu'il peut se faire assister ne s'applique qu'à l'entretien préalable au licenciement.

Or, en l'espèce, il résulte des termes mêmes de la lettre du 6 mai 2014 que celle-ci n'avait pour objet que d'inviter le salarié à un entretien destiné à rechercher les possibilités de reclassement.

Par conséquent, les dispositions de l'article R 1232-1 n'étaient pas applicables.

M. [D] soutient encore que la convocation à l'entretien préalable du 19 mai 2014 révélerait que la décision de le licencier était déjà prise en ce qu'elle mentionne qu' 'après avoir effectué toute recherche ou vous avoir interrogé sur les possibilités d'un suivi de formation de reclassement professionnel, aucune réponse favorable n'a été fournie par vos soins. Par conséquent, nous nous voyons contraints de vous convoquer à un entretien préalable en vue de votre licenciement'.

Le fait qu'il soit convoqué 'en vue' de son licenciement montre seulement que le licenciement était envisagé. Il ne peut être tiré de cette formule que la décision était déjà prise.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la période du 17 mars 2014 au 17 avril 2014 et des journées des 3 et 4 juin 2014

En application de l'article L 1226-4 du code du travail, l'employeur doit reprendre le paiement du salaire à l'expiration du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail lorsque le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié.

En l'espèce, alors que l'avis d'inaptitude a été rendu le 17 mars 2014, l'employeur a repris le paiement du salaire à compter du 17 avril 2014 ainsi qu'il résulte des bulletins de salaire.

M. [D] n'est pas fondé à lui reprocher de ne pas lui avoir payé le salaire correspondant à la période du 17 mars 2014 au 17 avril 2014, l'employeur s'étant exactement conformé aux exigences légales.

Il résulte du bulletin de salaire du mois de juin 2014 que l'employeur a cessé de payer le salaire à compter du 3 juin 2014.

Comme le licenciement a été prononcé le 2 juin 2014, M. [D] n'est pas fondé à prétendre au paiement du salaire pour les journées des 3 et 4 juin 2014.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre du harcèlement moral

Pour soutenir avoir été victime d'un harcèlement moral, M. [D] verse aux débats le certificat établi par son médecin psychiatre le 13 février 2014 ainsi libellé :

'Ce patient présente un syndrome anxio-dépressif suite à une situation de stress sur son lieu de travail.

On note : (...) intense fatigue, trouble du sommeil et une anorexie intense avec perte de poids importante. (...) manque d'investissement dans les activités de la vie quotidienne (...) et sentiment de détresse.

Il est impossible pour ce patient de reprendre ses activités au sein de cette boîte car ça provoque une intense angoisse et met en péril le travail thérapeutique. Devant l'exposé, il me semble souhaitable et nécessaire de prononcer une inaptitude immédiate et définitive pour tous les postes au sein de cette entreprise dans le but de préserver sa santé mentale et sa sécurité'.

Il est, certes, fait référence à une situation de stress sur le lieu de travail mais une telle situation peut avoir de multiples causes. En l'état des éléments versés aux débats, cet unique document n'est pas de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral dont M. [D] aurait été victime.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement sauf :

- en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. MANAIA DUJARDIN à payer à M. [T] [D] les sommes de:

* 455,00 € à titre de rappel de salaire,

* 45,50 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 150,00 € pour non-respect de la visite médicale d'embauche,

* 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en ce qu'il a ordonné la rectification des documents sociaux,

Infirmant sur ces points et statuant à nouveau,

- Déboute M. [T] [D] de ses demandes,

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que M. [T] [D] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/10556
Date de la décision : 11/05/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°16/10556 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-11;16.10556 ?
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