COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 09 MAI 2017
A.V
N° 2017/
Rôle N° 15/16183
[S] [V]
[L] [V] épouse [H]
C/
SCP [U] [D] [Z]
SCP [L] [S] [C]
SARL ETUDE DES VOSGES
Grosse délivrée
le :
à :ME CARDIX
ME GUEDJ
ME IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 11/05839.
APPELANTS
Monsieur [S] [V]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Michel CARDIX, avocat au barreau de NICE, plaidant
Madame [L] [V] épouse [H]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michel CARDIX, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEES
SCP [U] [D] [Z] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Tiffany BALLE, avocat au barreau de NICE, plaidant
SCP [L] [S] [C] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié [Adresse 3]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Tiffany BALLE, avocat au barreau de NICE, plaidant
SARL ETUDE DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 4]
représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2017,
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
[H] [I] Vve [J] a, par acte sous seing privé du 10 octobre 2001 qualifié de promesse synallagmatique de vente conclu avec l'entremise de l'agence immobilière Etude des Vosges, vendu à M. et Mme [V] une maison d'habitation à [Localité 2] qu'elle avait acquise avec son époux, [M] [J], décédé le [Date décès 1] 1998, moyennant le prix de 1.100.000 F (soit 167.693,92 euros), sous les conditions suspensives de l'obtention d'un prêt par les acquéreurs, de l'absence d'inscription hypothécaire excédant le prix et du règlement de la succession de feu [M] [J], et sous la condition résolutoire de main levée de la saisie immobilière. En raison des difficultés de réitération de la vente, Mme [H] [I] Vve [J] leur consentait, le 23 mai 2002, un bail d'habitation sur la maison avec une clause selon laquelle ils étaient prioritaires en cas de vente, aux conditions de l'acte du 10 octobre 2001, et M. et Mme [V] renonçaient, par courrier du 25 mai 2002, à leur projet d'acquisition et obtenaient la restitution de leur acompte de 15.244,91 euros.
Dans le cadre d'une procédure engagée par Mme [H] [I] Vve [J] contre M. et Mme [V], l'association Emmaüs, créancier hypothécaire, le curateur à la succession vacante de feu [M] [J] désigné à la suite de la renonciation à la succession de tous les héritiers, au contradictoire de l'agence immobilière Etude des Vosges, appelée par M. et Mme [V], la cour d'appel d'Aix-en-Provence
- d'une part jugeait, pour l'essentiel, par arrêt du 23 juin 2011, que l'acte du 10 octobre 2001 était sans valeur ni portée juridique en l'absence de signature de tous les héritiers de feu [M] [J], Mme [H] [I] Vve [J] n'en détenant que l'usufruit et la moitié en nue-propriété, et déboutait M. et Mme [V] de leurs demandes en dommages et intérêts à l'encontre de Mme [H] [I] Vve [J] et de l'agence immobilière Etude des Vosges, renvoyant le surplus du dossier devant le tribunal de grande instance de Nice qui avait sursis à statuer sur les demandes relatives au bail d'habitation,
- d'autre part constatait, par arrêt du 14 janvier 2014, la résiliation à la date du 2 novembre 2004 du bail d'habitation du 23 mai 2002 et la libération des lieux par M. et Mme [V] depuis le 25 novembre 2013, et condamnait M. et Mme [V] à payer à [H] [I] Vve [J] la somme de 14.222 euros au titre de la dette locative, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2006, constatait le versement par M. et Mme [V] d'une somme de 7.000 euros le 2 octobre 2012 et les condamnait à verser une indemnité d'occupation de 55,32 euros par jour du 2 novembre 2004 jusqu'à la libération des lieux, outre les charges locatives et les taxes d'enlèvement des ordures ménagères.
Suivant acte d'huissier du 7 octobre 2011, M. et Mme [V] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nice la SCP [U] [D] [Z], notaires à Contes (06) et la SCP [C] [L] [S], notaires à Nice, ainsi que la SARL Etude des Vosges, leur reprochant d'avoir manqué à leur obligation de conseil en ne les informant pas de l'absence d'effet juridique du compromis de vente du 10 octobre 2011 et de l'impossibilité juridique de régulariser la vente en raison de divers faits juridiques (renonciation des héritiers de [M] [J] à la succession en 2005 seulement, hypothèque grevant le bien supérieure au prix de vente) et réclamaient leur condamnation in solidum à leur verser la somme de 75.000 euros correspondant au préjudice relatif aux loyers réclamés par Mme [H] [I] Vve [J], outre 5.000 euros pour le préjudice tenant aux frais irrépétibles auxquels ils ont été condamnés, au titre de la perte de chance d'avoir pu éviter le litige, et celles de 20.398 euros pour le montant des travaux et dépenses d'entretien dans l'immeuble et de 3.824 euros pour les frais financiers liés à l'obtention d'un nouveau prêt du Crédit Lyonnais, enfin celle de 12.958 euros pour le préjudice relatif aux loyers payés à Mme [H] [I] Vve [J], au titre de la perte de chance de réaliser des économies.
Par jugement en date du 10 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Nice a :
- déclaré irrecevable, au visa de l'article 1351 du code civil et de l'autorité de la chose jugée, la demande formulée par M. et Mme [V] contre la SARL Etude des Vosges relative au remboursement des travaux effectués dans la maison de [Localité 2], cette demande indemnitaire ayant déjà été rejetée par l'arrêt du 23 juin 2011,
- déclaré recevables les autres demandes formulées par M. et Mme [V] qui n'entraient pas dans l'objet du litige tranché par la cour le 23 juin 2011,
- déclaré la SARL Etude des Vosges responsable du préjudice subi par M. et Mme [V] du fait de la faute commise par cette agence immobilière dans le cadre de la rédaction de la promesse synallagmatique de vente du 10 octobre 2001,
- condamné la SARL Etude des Vosges à payer à M. et Mme [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance subie par eux d'éviter le litige les ayant opposés à Mme [H] [I] Vve [J] quant à la validité de la promesse synallagmatique de vente et celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. et Mme [V] du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts en lien avec le contrat de bail sous seing privé du 23 mai 2002, dans le cadre duquel ni la SARL Etude des Vosges ni les SCP ne sont intervenues,
- débouté M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre des SCP notariales,
- condamné in solidum M. et Mme [V] à verser à la SCP [U] [D] [Z] et à la SCP [C] [L] [S] la somme de 1.000 euros à chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1.000 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Etude des Vosges aux dépens, à l'exception de ceux afférents à la mise en cause de la SCP [U] [D] [Z] et de la SCP [C] [L] [S] qui seront laissés à la charge de M. et Mme [V].
Il a retenu, pour l'essentiel, que la SARL Etude des Vosges avait commis une faute professionnelle en faisant signer un acte en omettant l'un des vendeurs et en faisant croire que cette absence pourrait passer au titre d'une condition suspensive, alors qu'il n'était pas acquis, à supposer que les héritiers de [M] [J] acceptent sa succession, qu'ils acceptent la vente. Il a évalué le préjudice en résultant en terme de perte de chance d'éviter le litige ayant opposé M. et Mme [V] à Mme [H] [I] Vve [J] quant à la validité de la promesse et donc d'éviter les tracasseries et frais liés à cette procédure, le litige relatif au bail d'habitation étant par contre sans lien avec cette faute.
Il a rejeté les demandes présentées contre les notaires en retenant que la promesse du 10 octobre 2001 avait été passée sans leur concours, que c'était en pleine connaissance des problèmes de réalisation de celle-ci qu'ils avaient renoncé à l'acquisition en mai 2002 et que les notaires ne pouvaient être tenus pour responsables du délai de renonciation des héritiers de feu [M] [J].
M. et Mme [V] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 8 septembre 2015.
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M. et Mme [V], suivant conclusions récapitulatives signifiées par RVPA le 16 juin 2016, demandent à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 du code civil, de :
- réformer le jugement dont appel,
- déclarer les SCP notariales intimées coupables d'avoir commis à l'égard de M. et Mme [V] de graves fautes dans l'accomplissement de leurs obligations de conseil et de vérification,
- dire que ces fautes ont été directement à l'origine des préjudices matériel, financier et moral subis par les concluants,
En conséquence,
- condamner in solidum les sociétés notariales intimées à réparer l'intégralité du préjudice financier subi par M. et Mme [V] tel que déterminé par l'arrêt du 14 janvier 2014, à savoir : la somme de 24.130,55 euros au titre des loyers avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2006, le montant de l'indemnité d'occupation, soit 55,32 euros par jour, due par les concluants à Mme [H] [I] Vve [J] du 2 novembre 2004 jusqu'au 25 novembre 2013, outre les charges locatives et les taxes d'enlèvement des ordures ménagères, et la somme de 20.398 euros au titre du remboursement des travaux réalisés par M. et Mme [V] dans l'immeuble litigieux,
- déclarer la SARL Etude des Vosges responsable de n'avoir pu éviter le litige ayant opposé M. et Mme [V] à la SARL Etude des Vosges et aux notaires, parties à la présente procédure,
- condamner in solidum les sociétés notariales intimées et la SARL Etude des Vosges à leur payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Ils fondent leur argumentation contre les notaires en rappelant que l'arrêt du 23 juin 2011 énonce que la promesse de vente, non signée de tous les propriétaires, ne pouvait aboutir à une vente ; que l'acte sous seing privé prévoyait une date de réitération le 28 décembre 2001 avec les deux SCP de notaires, la SCP [U] [D] [Z] et la SCP [C] [L] [S], et que celles-ci détenaient donc, dès octobre 2001, un exemplaire de la promesse, M. et Mme [V] ayant d'ailleurs établi un chèque de 100.000 F à l'ordre de Me [C], notaire ; que les notaires savaient que Mme [H] [I] Vve [J] avait signé l'acte, nonobstant le décès de son époux, et auraient dû informer les parties ; que, dans un courrier du 15 mars 2004, Me [D] leur donnait encore de faux espoirs ; que M. et Mme [V] ont ainsi vendu leur résidence principale et que c'est Me [D] qui a contribué à la rédaction du bail en insérant la clause leur donnant une priorité en cas de vente ; qu'ils n'ont jamais considéré la promesse comme caduque et qu'à la demande de Me [D], ils ont régulièrement renouvelé leur demande de prêt.
Ils soutiennent que c'est la grave défaillance des notaires qui est à l'origine de la situation juridique gravement préjudiciable qu'ils ont subie et que ceux-ci doivent être condamnés à les indemniser de toutes les sommes mises à leur charge par l'arrêt du 14 janvier 2014.
Ils font valoir, à l'égard de la SARL Etude des Vosges, que l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 23 juin 2011 ne vaut que pour ce qui a été tranché dans le dispositif de la décision et que l'objet du présent litige est différent de celui soumis alors à la cour. Ils estiment cependant que la somme allouée par le tribunal est insuffisante pour couvrir leur préjudice moral.
La SCP [U] [D] [Z] et la SCP [C] [L] [S], en l'état de leurs écritures signifiées le 5 février 2016, demandent à la cour de :
- dire que M. et Mme [V] ne rapportent pas la preuve d'une faute de Me [C] en relation de causalité avec un préjudice certain susceptible d'engager la responsabilité de la SCP [C] [L] [S] sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- dire que M. et Mme [V] ne rapportent pas la preuve d'une faute de Me [D] en relation de causalité avec un préjudice certain susceptible d'engager la responsabilité de la SCP [U] [D] [Z] sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [V] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, radicalement infondées et d'une parfaite mauvaise foi, telles que dirigées à l'encontre des SCP notariales et en ce qu'il les a condamnés à payer à chacune des SCP une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Elles contestent toute faute commise par les études de notaires :
- ni Me [C], notaire de M. et Mme [V], ni Me [D], notaire de Mme [H] [I] Vve [J], n'ont participé à la négociation et à la rédaction du compromis du 10 octobre 2001 : ils ne peuvent se voir reprocher, ni un manquement au devoir de conseil, ni une défectuosité de l'acte ;
- M. et Mme [V] ne pouvaient ignorer que la vente supposait l'accord des héritiers de [M] [J] puisque c'était une condition suspensive de l'acte et les notaires ne pouvaient plus exercer leur devoir de conseil, le compromis ne pouvant être valable que pour autant que les héritiers l'acceptent ; ils ont également été avisés de ce que Mme [H] [I] Vve [J] avait renoncé à la succession, ce qui impliquait la recherche des ascendants et collatéraux, et les notaires ne sont pas responsables du fait que ceux-ci ont attendu 2005 pour prendre position et finalement renoncer eux aussi à la succession ;
- le prétendu défaut d'information sur le fait que la succession était déficitaire est inopérant dès lors que Me [C] n'était pas en charge du réglement de la succession et que Me [D] était tenu au secret professionnel ; quant à la situation hypothécaire du bien, M. et Mme [V] en ont été tenus informés puisque c'est en raison de l'absence de purge amiable qu'ils ont renoncé à l'acquisition ;
- le litige résulte en réalité du bail et du non-paiement des loyers, de sorte que la perte de chance d'éviter le litige est sans lien avec la signature du compromis de vente ;
- en tout état de cause, M. et Mme [V] ont renoncé, en mai 2002, à leur projet d'acquisition 'classé sans suite' et obtenu la restitution de leur dépôt de garantie ; à la suite de quoi la mission de Me [C] a pris fin et il n'a jamais entretenu M. et Mme [V] dans une quelconque illusion après cette date ; c'est sur la sommation que M. et Mme [V] ont fait délivrer aux consorts [J] en février 2005 d'avoir à signer l'acte de vente qu'il a dû établir un PV de difficulté puisque la vente était impossible ; quant à Me [D], il a poursuivi ses démarches auprès des créanciers inscrits en raison de sa qualité de notaire chargé de la succession et n'a fait qu'informer les héritiers [J] de l'évolution favorable de la situation, ainsi que M. et Mme [V] qui le sollicitaient.
Elles contestent également tout préjudice en lien de causalité avec les griefs formulés puisque la situation dommageable existait avant leur intervention, que les notaires ne sont en rien responsables de la non réalisation de la vente et que, même si l'information avait été donnée, il n'est pas établi que M. et Mme [V] auraient agi autrement. Elles ajoutent que ce n'est pas en vertu de l'acte de vente que les appelants ont dû payer des loyers ou qu'ils ont réalisé des travaux dans la maison louée, mais en vertu du contrat de bail auquel les notaires sont étrangers ; que, si M. et Mme [V] se sont dispensés de payer leur loyer, ils ne peuvent en faire supporter le remboursement aux notaires ; que les travaux ont été réalisés de leur seule initiative ; que la faute de la victime dans la réalisation du dommage est exonératoire de responsabilité.
La SARL Etude des Vosges, par conclusions en réponse signifiées le 3 février 2016, demande à la cour de débouter M. et Mme [V] de toutes leurs demandes en appel en le disant tant injustifié que mal fondé et, faisant droit à l'appel incident de la SARL Etude des Vosges, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a déclaré que partiellement irrecevables les demandes présentées contre elle par M. et Mme [V],
Statuant à nouveau,
Vu l'article 1351 du code civil et l'obligation de concentration des moyens,
- déclarer irrecevable l'action en responsabilité de M. et Mme [V] à l'encontre de la SARL Etude des Vosges, celle-ci se heurtant à l'autorité définitive de la chose jugée sur la responsabilité de la SARL Etude des Vosges dans ses rapports avec M. et Mme [V] attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 juin 2011,
- infirmer par conséquent sur ce point la décision et rejeter toutes les demandes de M. et Mme [V],
Infiniment subsidiairement,
Vu la novation des rapports entre les parties matérialisée par la conclusion d'un bail au lieu et place de la promesse synallagmatique de vente de 2001 et le maintien dans les lieux de M. et Mme [V],
- constater que les demandes aujourd'hui formulées contre la SARL Etude des Vosges ne sont que la conséquence des rapports locatifs entre [H] [I] Vve [J] et M. et Mme [V],
- infirmer en toute hypothèse le jugement entrepris en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la SARL Etude des Vosges et débouter M. et Mme [V] de leurs demandes en les disant injustifiées, infondées en leur principe, si ce n'est irrecevables et non étayées dans leurs montants,
- condamner M. et Mme [V] à payer à la SARL Etude des Vosges la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- les condamner conjointement et solidairement à lui payer une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle soutient l'argumentation suivante :
sur l'autorité de la chose jugée : il appartient au demandeur de concentrer ses moyens à l'occasion d'un procès pour éviter de se voir opposer l'autorité de la chose jugée d'une décision précédente ; or, M. et Mme [V] ont assigné la SARL Etude des Vosges devant le tribunal de grande instance de Nice pour solliciter sa condamnation à leur verser une somme de 187.306 euros et à les relever et garantir des condamnations prononcées contre eux à la demande de Mme [H] [I] Vve [J] ; devant la cour, M. et Mme [V] demandaient, si la promesse de vente était déclarée caduque, la condamnation de l'agence à leur verser des dommages et intérêts et l'action en responsabilité de l'agence a donc été définitivement jugée par l'arrêt du 23 juin 2011 qui a rejeté les demandes de M. et Mme [V] qui étaient, dans leur objet, même si ce n'est pas dans leur montant, les mêmes qu'aujourd'hui ;
ni le jugement du 7 janvier 2013, ni l'arrêt du 14 janvier ne peuvent constituer des éléments nouveaux permettant de faire revivre la responsablité de la concluante puisqu'ils sont postérieurs à l'assignation en responsabilité du 7 octobre 2011 et qu'ils ont trait au bail d'habitation, sans incidence avec la responsabilité de la concluante ;
sur le fond : M. et Mme [V] ne peuvent imputer à la SARL Etude des Vosges les condamnations qui ont été prononcées contre eux par le jugement du 7 janvier 2013 qui a stigmatisé leur mauvaise foi ; en outre, la cour ne pourrait ajouter quelque somme supplémentaire que ce soit à ce qu'a arbitré l'arrêt de 2011.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 février 2017.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que M. et Mme [V] entendent voir retenir la responsabilité quasi-délictuelle de la SARL Etude des Vosges, agent immobilier, au titre de son intervention dans la rédaction du compromis de vente du 10 octobre 2001 jugé totalement inefficace par l'arrêt du 23 juin 2011, et des deux SCP de notaires, au titre du manquement à leur devoir de conseil dans le cadre de la réalisation de cette vente ;
Attendu, s'agissant de la responsabilité la SARL Etude des Vosges, que cette dernière oppose l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 23 juin 2011 ;
Qu'en application de l'article 1351 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, l'autorité de la chose jugée a lieu à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, à la condition que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit présentée entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'il appartient au demandeur de présenter, dès l'instance relative à sa première demande, l'ensemble des demandes et des moyens qu'il estime de nature à fonder son action ; que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsqu'il est survenu des événements postérieurs venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ;
Qu'il y a lieu de constater, en l'espèce, que M. et Mme [V] avaient assigné la SARL Etude des Vosges devant le tribunal de grande instance de Nice le 8 juin 2007 aux fins d'obtenir sa condamnation à leur payer une somme de 187.306 euros à titre de dommages et intérêts et à les relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre eux au bénéfice de Mme [H] [I] Vve [J] ; qu'ils invoquaient la négligence, l'incompétence ou la connivence de l'agent immobilier avec la venderesse pour fonder leur demande indemnitaire ; qu'ils ont été déboutés par le tribunal qui a retenu que le compromis était devenu caduque pour des raisons étrangères à la faute reprochée à l'agence tenant au défaut de qualité pour vendre de Mme [H] [I] Vve [J] ; qu'ils ont également été déboutés par la cour d'appel, dans son arrêt du 23 juin 2011, la cour retenant que, si la SARL Etude des Vosges avait fait preuve de maladresse en rédigeant l'acte du 10 octobre 2001 en faisant du réglement de la succession de feu [M] [J] une condition suspensive de réalisation de la vente, le préjudice de M. et Mme [V] consistait en une perte de chance d'avoir pu éviter le litige, demande qui n'était pas présentée devant elle ;
Qu'il ressort suffisamment de la lecture de l'arrêt du 23 juin 2011, que la cour a statué définitivement sur l'action en responsabilité de la SARL Etude des Vosges à l'égard de M. et Mme [V] au titre de la rédaction du compromis ;
Que la demande en responsabilité et en indemnisation formée par M. et Mme [V] contre la SARL Etude des Vosges dans le cadre de l'instance qui nous occupe présente une identité de parties, d'objet et de cause avec celle jugée par la cour en 2011 ; qu'ils prétendent vainement que leur demande ne serait pas identique dans la mesure où ils réclament la condamnation de l'agent immobilier au titre d'une perte de chance d'éviter le litige, dès lors qu'il leur appartenait, en application du principe de concentration des moyens, de présenter cette demande dès l'instance initiale ;
Qu'il n'est survenu aucun élément nouveau ou aucune circonstance nouvelle justifiant qu'une nouvelle demande soit présentée ; qu'en effet, le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 7 janvier 2013 et l'arrêt du 14 janvier 2014 n'ont en rien modifié la situation juridique qui existait lors de la décision rendue le 23 juin 2011, ces décisions étant intervenues dans le même cadre procédural que l'arrêt du 23 juin 2011 et ne constituant que l'issue de la partie du litige intéressant plus particulièrement la situation locative de M. et Mme [V] à l'égard de Mme [H] [I] Vve [J] ;
Que dès lors, il y a lieu de retenir que l'action en responsabilité de M. et Mme [V] contre la SARL Etude des Vosges se heurte à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 23 juin 2011 qui a définitivement statué sur cette question en les déboutant de leurs demandes, et de déclarer l'ensemble des prétentions actuelles de M. et Mme [V] contre l'agent immobilier irrecevables ;
Attendu, s'agissant de la responsabilité des notaires, qu'il appartient à M. et Mme [V] de démontrer l'existence d'une faute commise par Me [D] et par Me [C] et d'un préjudice en lien de causalité directe avec cette faute ;
Qu'il doit être retenu que l'acte portant promesse de vente du 10 octobre 2001 a été établi par l'agent immobilier, sans aucun concours des notaires ; que la mention dans cet acte d'une date de réitération chez Me [D] et Me [C] fixée au 28 décembre 2001 n'est pas significative d'une quelconque participation de ces deux notaires à l'élaboration du compromis ; que le dépôt de garantie de 100.000 F versé par chèque CCF le jour de la signature a été séquestré chez Me [C], notaire des vendeurs, mais que l'acte du 10 octobre 2001 ne mentionne pas le nom de ce notaire comme séquestre, preuve que Me [C] n'est aucunement intervenu à cet acte ; qu'il ne peut donc être fait aucun grief aux notaires quant au défaut d'efficacité de cet acte auquel ils sont totalement étrangers ;
Que M. et Mme [V] font grief à Me [D] et à Me [C] d'avoir manqué à leur devoir de conseil en suite de la signature de la promesse de vente et de les avoir entretenus dans l'illusion que la vente pourrait se réaliser ; mais qu'il convient de relever :
- que M. et Mme [V] savaient, par l'introduction dans l'acte du 10 octobre 2001 de la condition suspensive tenant au règlement de la succession et de la condition résolutoire de main levée de saisie immobilière, que la réalisation de la vente était soumise à des aléas ; qu'ils ont commis une imprudence en procédant, malgré ce, à la vente de leur maison d'habitation, sans attendre que les difficultés qu'ils connaissaient soient résolues ; qu'au surplus, l'acte authentique de vente de leur villa a été signé le 5 novembre 2001 avec une entrée en jouissance des acquéreurs au 30 juin 2001, ce qui démontre que cette opération avait été décidée avant même la signature de l'acte sous seing privé du 10 octobre 2001 en cause ;
- que, par courrier du 22 janvier 2002, Me [D] a informé son confrère de la difficulté tenant à la succession de feu [M] [J] à laquelle sa veuve et sa fille avaient renoncé ; - que, par lettre du 25 mai 2002, M. et Mme [V] ont écrit à leur notaire, Me [C] : 'Nous avons le regret de porter à votre connaissance que notre projet d'acquisition a été classé sans suite. En conséquence, nous sollicitons la restitution de notre versement du 22/01/2002 d'un montant de 15.244,91 euros.'; que cette lettre traduit la connaissance qu'ils avaient alors de l'impossibilité de poursuivre la vente, impossibilité confirmée par l'échange de courriers des notaires faisant état du refus des créanciers de donner mainlevée et permettant la libération du dépôt de garantie ; qu'à partir de cette date, la mission de Me [C] a pris fin ;
- qu'il n'est pas établi que Me [D] aurait rédigé le bail d'habitation du 23 mai 2002 - même si sa présentation formelle est celle d'un acte de notaire - et qu'en tout état de cause, il n'est formulé aucun reproche sur les clauses et conditions de ce bail qui permettait à M. et Mme [V] de se loger et qui était valablement consenti à leur profit par Mme [H] [I] Vve [J] puisque celle-ci était usufruitière en totalité du bien immobilier;
- que ce sont les époux [V] qui ont sollicité Me [D] par lettre du 15 janvier 2003 pour connaître l'évolution du dossier du côté des créanciers, de sorte qu'ils ne peuvent lui reprocher de les avoir informés, le 15 mars 2004, de ce que la situation évoluait favorablement concernant la créance du Trésor public ;
- que la tardiveté de la décision de renonciation des consorts [J] à la succession de [M] [J], début 2005 - rendant impossible la signature de l'acte de vente malgré la sommation des 21 et 24 février 2005 délivrée par M. et Mme [V] - n'est pas imputable à Me [D] ;
Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. et Mme [V] n'établissent pas que Me [C] ou Me [D] auraient manqué à leur devoir de conseil et auraient commis une faute de nature à engager leur responsabilité à leur égard ;
Qu'au demeurant, le préjudice dont ils demandent réparation est sans aucun lien de causalité avec les prétendus manquements des notaires en suite de la signature du compromis puisque les demandes indemnitaires qui sont présentées concernent les loyers, indemnités d'occupation, charges et taxes dus au titre de leur occupation en qualité de locataires, en exécution du bail d'habitation auquel ils ont librement consenti et auquel aucun reproche ne peut être fait ; que la nécessité pour M. et Mme [V] de trouver une solution de relogement ne tient pas à une faute des notaires mais bien à leur décision de vendre leur maison d'habitation avant même que ne soit signé le compromis d'acquisition de la maison de Mme [H] [I] Vve [J] ; que les condamnations prononcées contre eux au profit de cette dernière ne sont que la conséquence du non-respect de leurs obligations de locataires, sans lien avec le compromis du 10 octobre 2001 auquel ils avaient renoncé en obtenant la restitution de leur dépôt de garantie ; qu'il ne peut être question de condamner les notaires à supporter l'arriéré locatif de M. et Mme [V] qui ont occupé l'immeuble sans bourse délier pendant plus de dix ans ;
Que le préjudice tenant à la réalisation de travaux dans l'immeuble, outre qu'il n'est justifié par aucune pièce, est également sans aucun lien de causalité avec les prétendues fautes des notaires ; qu'en effet, M. et Mme [V] connaissaient leur qualité de simples locataires, que le bail prévoyait qu'ils exécuteraient un certain nombre de travaux (chiffrés à 7.317,55 euros) dont ils récupéreraient le coût sur le loyer des douze premiers mois et que, s'ils ont pris l'initiative de faire d'autres travaux, c'est à leur bénéfice d'occupants et à leurs risques et périls;
Qu'enfin la perte de chance d'éviter le litige ne peut être imputée aux notaires, tant pour ce qui concerne le litige relatif à la validité du compromis dont ils ne sont pas les rédacteurs, que pour ce qui concerne le litige relatif à la résiliation du bail d'habitation due à l'inexécution par les locataires de leurs obligations contractuelles ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [V] de toutes leurs demandes à l'encontre de la SCP [U] [D] [Z] et de la SCP [C] [L] [S] ;
Attendu qu'il n'est pas établi qu'en engageant la présente procédure, M. et Mme [V] étaient animés d'une intention de nuire et qu'ils auraient commis une faute équipollente au dol justifiant leur condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [V] de ce chef ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement
et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. et Mme [V] de toutes leurs demandes présentées à l'encontre de la SCP [U] [D] [Z] et de la SCP [C] [L] [S] et en ce qu'il a condamné M. et Mme [V] à leur payer la somme de 1.000 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'infirme pour le surplus de ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare la totalité des demandes de M. et Mme [V] à l'encontre de la SARL Etude des Vosges irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 23 juin 2011 ayant définitivement statué sur la responsabilité de la SARL Etude des Vosges ;
Déboute la SCP [C] [L] [S] et la SCP [U] [D] [Z] de leurs demandes en dommages et intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. et Mme [V], tant en première instance qu'en appel ;
Condamne M. et Mme [V] à payer à la SARL Etude des Vosges, à la SCP [U] [D] [Z] et à la SCP [C] [L] [S] une somme de 1.500 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Les condamne aux entiers dépens de première instance et à ceux d'appel, dont distraction au profit des avocats de la cause sur leur déclaration, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT