COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 02 MAI 2017
A.D
N° 2017/
Rôle N° 15/16095
SCI LES JARDINS DE PESSICART
C/
[V] [T]
SCP [I] [P] [T] ET [U]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Barbancon Hillion
Me Guedj
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 10 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00377.
APPELANTE
SCI LES JARDINS DE PESSICART prise en la personne de son représentant légal dûment habilité à cet effet, dont le siège social [Adresse 1]
représentée par Me Pascale BARBANCON-HILLION, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMES
Maître [V] [T],
notaire, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Philippe DUTERTRE, avocat au barreau de NICE, plaidant
SCP [I] [P] [T] ET [U] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Philippe DUTERTRE, avocat au barreau de NICE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2017,
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE :
Vu le jugement, contradictoire, rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 10 juillet 2015, ayant statué ainsi qu'il suit :
- dit que Me [T] a commis une faute dans la rédaction des deux actes de vente du 3 novembre et 3 décembre 2010, qu'il y a un lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice allégué par la société civile immobilière Les jardins de Pessicart, lié à la procédure de redressement engagée par l'administration fiscale au titre de la rectification du montant de la TVA pour l'exercice 2010,
- rejette la demande de condamnation de la société civile immobilière contre le notaire et la société notariale pour les sommes de 107'341 € et 36'086 €, ainsi que ses autres demandes,
- rejette la demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société civile immobilière aux dépens.
Vu l'appel interjeté par la société civile immobilière Les jardins de Pessicart le 4 septembre 2015.
Vu les conclusions de l'appelante en date du 3 décembre 2015, demandant de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute et d'un lien de causalité,
- le réformer en ce qu'il a rejeté ses demandes de condamnations pécuniaires et statuant à nouveau,
- condamner Me [T] ainsi que la société notariale solidairement à lui verser la somme de 107'341 € représentant le montant de la TVA, outre les pénalités appliquées par les services fiscaux, soit 36'086 €, ainsi qu'un préjudice financier et moral complémentaire de 25'000 €,
- condamner les intimés solidairement à lui verser la somme de 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Vu les conclusions de Me [T] et de la société civile notariale en date du 1er février 2016, demandant de :
- dire que Me [T] n'a commis aucune faute et que la société civile immobilière ne justifie d'aucun préjudice actuel et certain en lien causal avec l'hypothétique faute reprochée,
- confirmer le jugement,
- condamner l'appelante à leur verser la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 21 février 2017.
Motifs
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.
Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.
Attendu qu'il est reproché par la société civile immobilière Les jardins de Pessicart au notaire, qui a été chargé de réaliser l'ensemble des actes afférents à la promotion immobilière de la société civile, d'avoir mentionné, lors des ventes du 3 novembre 2010 et du 3 décembre 2010, de deux lots à deux personnes physiques, que pour l'une, le prix de vente était de 320'000 €, avec un prix hors taxe de 267'558,58 euros, de sorte que la TVA s'élevait à 52'441,47 euros, et que pour l'autre, le prix de vente était de 335 000€ avec un prix hors taxes de 280'100 € et une TVA de 54'899,67 euros ;
Attendu que la société civile immobilière expose que l'administration fiscale l'a redressé sur la TVA qu'elle n'avait pas acquittée, en retenant que, même si elle bénéficiait de plein droit du régime dérogatoire permettant de ne pas soumettre le prix en sa totalité à la TVA, les mentions portées par le notaire dans l'acte avaient pour conséquence que la totalité du prix était soumise à la TVA en application de l'article 283-3 du code général des impôts, aux termes duquel toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture en est redevable du seul fait de sa facturation ;
Qu'il est ajouté que le notaire a d'ailleurs reconnu son erreur dans un courrier du 16 novembre 2011 ; que malgré son engagement de rectifier les actes et la relance de sa part, il n'y a pas procédé et la société civile immobilière a reçu une proposition de rectification reprenant la TVA sur la totalité du prix, outre les pénalités.
Attendu que le notaire conteste, en premier lieu, la faute faisant valoir que son client a été parfaitement informé de ce que les ventes étaient soumises au régime de la TVA sur le prix total et soulignant qu'en contrepartie, les droits d'enregistrement ont pu être appliqués à un taux réduit, ce qui n'aurait pas été le cas si la TVA ne s'était appliquée que sur la marge ;
Attendu qu'en second lieu, il conteste le préjudice et le lien de causalité
Attendu que la lecture des actes de vente permet de retenir qu'ils sont parfaitement clairs sur la ventilation du prix mentionnant d'une façon, en effet, particulièrement précise que le prix est de 335 000€ (acte du 3 novembre 2010) ; que ' ce prix s'entend taxe sur la valeur ajoutée incluse ; le prix hors taxes s'élève à 280 100,33 euros ; la taxe sur la valeur ajoutée s'élève à 54'899,67€';
Que par ailleurs , il est précisé au titre de la déclaration fiscale :
« le vendeur est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 A du code général des impôts. La présente vente entre dans le champ d'application des droits d'enregistrement, l'acquisition du terrain par le vendeur ayant ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et l'acquéreur n'étant pas un assujetti au sens de l'article 256 A sus visé. Les droits réduits prévus par l'article 1594 F Quinquies A du code général des impôts sont en conséquence applicables.
Le vendeur déclare opter à la taxe sur la valeur ajoutée conformément aux dispositions de l'article 260 -5 bis du code général des impôts et ce sur le prix total.
Le vendeur a effectué sa déclaration d'existence au centre des impôts [Localité 1] .... En sa qualité d'assujetti habituel , il effectue le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée sur un imprimé CA3. »
Attendu que les mêmes mentions sont portées sur l'acte du 3 décembre 2010.
Attendu que la société n'a donc pu se méprendre sur le prix dû par l'acquéreur, lequel a, en outre, été arrêté en conséquence du montant de la TVA ainsi arrêtée, aux termes d'une négociation d'ensemble permettant également à l'acheteur de bénéficier de droits réduits pour l'enregistrement ; que d'ailleurs, l'économie de l'opération ainsi conçue et entendue est confortée :
- par la lettre de M [O], acquéreur aux termes de l'acte du 3 décembre 2010, en date du 10 mai 2012, adressée au notaire qui lui avait demandé s'il acceptait la rectification de l'acte, et auquel il oppose son refus de payer la somme complémentaire demandée de 13'142 € , en expliquant que les conditions de l'achat étaient parfaitement claires et que son budget avait été construit sur les bases arrêtées lors de la signature ;
- et par le courrier de l'avocat de M [E], acheteur aux termes de l'acte du 3 novembre 2010, qui expose qu'une telle option « modifie de façon substantielle l'équilibre économique de l'opération, l'acquéreur s'étant engagé sur un prix toutes taxes comprises dans le compromis et ..., sans modification dans l'acte définitif , qui a seulement précisé le mode de calcul de la TVA exigible » ; et qui poursuit en ajoutant qu'il ressort « explicitement des deux actes la volonté non équivoque de l'acquéreur et du vendeur de s'entendre sur les dispositions fiscales suivantes : la TVA est due sur le prix total par le vendeur et non sur sa marge, en conséquence, les droits d'enregistrement dus par l'acquéreur bénéficient du taux réduit en vertu de l'article 15 94 F quiquies A du code général des impôts' ;
Attendu que les acheteurs n'ayant ainsi consenti à payer que des droits d'enregistrement à un taux réduit et non pas au taux normal, il en résulte que l'accord des parties sur le prix procède d'une négociation générale prenant en compte l'ensemble des éléments constituant le coût de l'opération, et qu'il n'est, dans ces conditions, pas démontré que la solution fiscale appliquée n'était pas celle adaptée à la situation et aux objectifs poursuivis par les parties contractantes.
Que par ailleurs, dans sa lettre du 16 novembre 2011, si le notaire expose que le régime de TVA sur la marge était effectivement applicable et que sa mise en oeuvre supposait la rectification des actes, il fait néanmoins immédiatement la réserve de la nécessité, pour établir cette rectification, d'obtenir le consentement des acheteurs ' car ils sont corrélativement soumis aux droits d'enregistrement au taux de droit commun » .
Attendu que, même s'il était considéré que, malgré les clauses claires sur le régime de TVA applicable et sur la contrepartie en résultant pour les droits d'enregistrement, le notaire ne s'était pas exécuté de son devoir de conseil pour n'avoir pas délivré à son client l'information sur la possibilité d'appliquer la TVA sur la marge, le lien causal entre cette faute et le préjudice invoqué n'est, en toute hypothèse, pas établi .
Qu'en effet, la cause du préjudice invoqué consistant dans le redressement fiscal est constituée par la non déclaration de la société auprès du service des impôts, que celle-ci n'est pas en relation de causalité directe avec le défaut de conseil reproché, la société n'ayant pas déclaré la TVA au titre de ses déclarations 2010, alors pourtant qu'elle savait pertinemment qu'elle la devait au vu des mentions claires des actes ; que l'administration fiscale a, de surcroît, relevé que cette TVA avait été portée en comptabilité au crédit du compte 44571- TVA collectée pour les montants exacts portés aux actes de vente et qu'en application de l'article 283-3 du CGI , la TVA mentionnée dans les actes de vente équivaut à sa facturation.
Attendu que la responsabilité du notaire ne sera donc pas retenue et que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SCI Les Jardins de Pessicart.
Vu les 696 et suivants du code de procédure civile, vu la succombance de la société Les jardins de Pessicart sur son appel et attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI les Jardins de Pessicart de toutes ses demandes à l'encontre de Me [T] au titre de sa responsabilité professionnelle dans la rédaction des actes de vente des 3 novembre 2010 et 3 décembre 2010 ;
Le confirme également sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Y ajoutant :
Rejette les demandes plus amples,
Condamne la société Les Jardins de Pessicart aux dépens de la procédure d'appel et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT