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28/04/2017 | FRANCE | N°14/23264

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 28 avril 2017, 14/23264


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2017



N°2017/



Rôle N° 14/23264







[O] [E]





C/



SAS ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE



Syndicat UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CDFT 13











Grosse délivrée le :



à :



Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE



Copie certifiée confo

rme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section - en date du 28 Novembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00512.





APPELANT



Mon...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2017

N°2017/

Rôle N° 14/23264

[O] [E]

C/

SAS ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE

Syndicat UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CDFT 13

Grosse délivrée le :

à :

Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section - en date du 28 Novembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00512.

APPELANT

Monsieur [O] [E], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE, et par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Syndicat UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CDFT 13, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller , chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2017

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [E] a obtenu le CAP mécanique automobile en juillet 1970 et il a préparé le bac F1 construction mécanique, finissant sa classe de terminale en 1973. Le 9 août 1976, il était embauché par la société SOLMER (devenue depuis SOLLAC MEDITERRANEE puis ARCELORMITTAL MEDITERRANEE) au service coulée continue de l'usine de [Localité 1], en qualité de visiteur hydraulique, statut employé spécial, coefficient 190, niveau 2, échelon 3.

À compter du 1er janvier 1977, le salarié a adhéré au syndicat CFDT METAUX de Fos-sur-Mer. Il a poursuivi sa carrière ainsi :

1er mars 1977 : coefficient 215, niveau 3, échelon 1 ;

1er mars 1979 : coefficient 225, niveau 3, échelon 2 ;

1er mars 1981 : coefficient 240, niveau 3, échelon 3 ;

1er août 1985 : coefficient 255, niveau 4, échelon 1 en qualité de préparateur de travaux ;

1er août 1989 : coefficient 270, niveau 4, échelon 2 ;

1er mai 2001 : coefficient 285, niveau 4, échelon 3 en qualité d'agent d'études.

Enfin, le salarié a pris sa retraite le 30 juin 2010 alors qu'il était toujours au coefficient 285.

Se plaignant notamment de discrimination syndicale, M. [O] [E] a saisi le 13 juin 2012 le conseil de prud'hommes de Martigues, section industrie.

Le syndicat UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CFDT BOUCHES-DU-RHÔNE est intervenu volontairement à l'instance.

Le conseil de prud'hommes, par jugement de départage rendu le 28 novembre 2014, a :

dit qu'il n'y a pas de discrimination syndicale à l'encontre du salarié ;

débouté ce dernier ainsi que le syndicat de leurs demandes indemnitaires à ce titre ;

dit qu'il n'y a pas eu d'inégalité de traitement à l'égard du salarié ;

débouté de dernier à ce titre ;

dit que le préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence est englobé dans le préjudice d'anxiété ;

condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 20 000 € au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété lié à l'inhalation des poussières d'amiante et à l'exposition aux agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction dits CMR ;

condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 1 500 € et au syndicat la somme de 200 € au titre des frais irrépétibles ;

condamné l'employeur aux dépens.

M. [O] [E] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 9 décembre 2014 alors que la société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE relevait appel limité le 23 décembre 2014. Les deux procédures étaient jointes par ordonnance du 25 septembre 2015.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par leur conseil aux termes desquelles M. [O] [E] et le syndicat UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CFDT BOUCHES-DU-RHÔNE demandent à la cour de :

infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

'condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 20 000 € au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété lié à l'inhalation des poussières d'amiante et à l'exposition aux agents CMR ;

'condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 1 500 € et au syndicat la somme de 200 € au titre des frais irrépétibles ;

à titre principal,

dire que le salarié a été victime de discrimination syndicale ;

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'124 324 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ;

'    5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

condamner l'employeur à payer au syndicat la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

à titre subsidiaire,

dire que le salarié a été victime d'une inégalité de traitement dans le déroulement de sa carrière ;

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'124 324 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ;

'    5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

en tout état de cause,

condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 15 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation des accords d'entreprise ;

condamner l'employeur à payer au salarié et au syndicat la somme de 3 000 € chacun au titre des frais irrépétibles d'appel ;

condamner l'employeur aux dépens dont les frais éventuels d'exécution.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas de discrimination syndicale et d'inégalité de traitement, pour le surplus l'infirmer en ce qu'il a retenu un préjudice d'anxiété lié à une exposition à l'amiante et aux CMR ;

dire que l'action du salarié visant à établir une discrimination est infondée faute de rapporter la preuve d'une quelconque activité syndicale connue de l'employeur ;

débouter le salarié de toutes ses demandes au titre d'une discrimination syndicale ;

rejeter les demandes indemnitaires, sur le fondement d'une prétendue discrimination syndicale, comme infondées ;

dire que le salarié n'a été victime d'aucune mesure de discrimination salariale ;

débouter le salarié de toutes ses demandes au titre d'une prétendue discrimination salariale ;

rejeter les demandes indemnitaires, sur le fondement d'une prétendue discrimination salariale, comme infondées ;

rejeter les demandes indemnitaires formulées par le syndicat ;

rejeter les demandes relatives aux frais de procédure du syndicat ;

dire le salarié irrecevable en ses demandes au visa de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ;

débouter le salarié de toutes ses prétentions liées à la réparation d'un préjudice d'anxiété ;

débouter le salarié de toutes ses prétentions liées à la réparation d'un préjudice lié à un bouleversement de ses conditions d'existence ;

le débouter de toute autre demande ;

condamner le salarié et le syndicat à payer la somme de 3 000 € chacun au titre des frais irrépétibles ;

condamner le salarié aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la discrimination syndicale

Le salarié soutient qu'il a connu une évolution de carrière normale durant les 13 années qui ont suivi son embauche mais qu'il a été discriminé à compter de 1987 et ce jusqu'à sa retraite.

Du 23 novembre 1973 au 20 février 2001 l'article L. 412-2 alinéa 1 du code du travail disposait : « Il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement. » Ce texte fut modifié par la loi du 19 février 2001 puis codifié nouvellement par l'ordonnance du 12 mars 2007 à l'article L. 2141-5 qui disposait initialement : « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. » Enfin, il a été enrichi d'un deuxième alinéa par la loi du 20 août 2008 précisant : « un accord détermine les mesures à mettre en 'uvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle. »

La cour retient que le régime probatoire de la discrimination syndicale se trouve codifié par l'article L. 1134-1 du code du travail qui disposait au jour du litige que :

« Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

1-1/ Sur l'appartenance du salarié à un syndicat

Le salarié justifie qu'il a bien adhéré au syndicat CFDT MÉTAUX de Fos-sur-Mer depuis le 1er janvier 1977. L'employeur ne conteste pas ce point mais explique qu'il n'était pas informé de cette affiliation.

1-2/ Sur la connaissance de cette appartenance par l'employeur

L'employeur soutient donc qu'il n'avait pas connaissance de l'appartenance du salarié au syndicat CFDT. Le salarié lui répond tout d'abord qu'il a participé aux grèves de 1977, 1978 et 1979. Mais la cour retient que ces mouvements collectifs ont été très largement suivis et qu'ainsi la participation à de tels conflits du travail, qui ont mobilisé une part importante du personnel, ne permettait pas à l'employeur de connaître l'appartenance syndicale du salarié.

Aucun des témoignages produits par le salarié en première instance ne permet de retenir que l'adhésion au syndicat CFDT était connue de l'employeur, les témoins ne bornant à expliciter sa participation aux divers conflits sociaux précités, laquelle n'est pas contestée, et de procéder par voie d'affirmation pour soutenir que l'employeur connaissait l'engagement syndical du salarié.

De plus, ces témoignages, qui font état du militantisme du salarié, relatent principalement des épisodes des luttes des années 1977 à 1979 alors même que le salarié explique n'avoir été discriminé qu'à compter de 1987, soit 8 ans plus tard, à une époque où il n'est nullement justifié de l'exercice d'une activité syndicale ou de ce que l'adhésion au syndicat était connue de l'employeur.

En appel, le salarié produit trois attestations supplémentaires. M. [X] [Q], collègue de travail, atteste que : « M. [O] [E] avait une activité syndicale importante au sein de la CFDT depuis 1977 sans être élu. ' Tenue des bureaux de vote lors des élections professionnelles comme assesseur. ' Distribution de tracts. ' Élaboration du cahier de revendications avec un élu CFDT- Il collectait les cotisations des adhérents CFDT de son atelier ' Il faisait remonter des problèmes de sécurité au travail au CHSCT. ' Il affichait des informations syndicales et du CE sur les emplacements prévus à cet effet ' Il participait aux différents mouvements : grèves et manifestations. » ; M. [I] [K] certifie que : « J'ai occupé le poste d'ingénieur divisionnaire, chef du service entretien mécanique de la coulée continue [Localité 1] de 1982 à 1989 et j'avais sous mes ordres M. [O] [E] pendant cette période. J'atteste que M. [O] [E] était affilié à la CFDT au sein de laquelle il militait activement (Élaboration cahiers de revendication, affichage informations syndicales, distribution de tracts, tenue de bureaux de comme assesseur lors des élections des délégués du personnel et du CE, participation aux manifestations syndicales, etc.) Il n'a jamais été élu délégué du personnel, délégué syndical, membre du CE. L'activité syndicale de M. [E] ne l'a jamais empêché de faire consciencieusement son travail de préparateur au sein d'une équipe où régnait une très bonne ambiance. » ; Mme [Y] [O] épouse [J] rapporte enfin : « En tant qu'ancienne employée au bureau du personnel du département acier à Sollac [Localité 1] (aujourd'hui ArcelorMittal), M. [O] [E] avait une activité syndicale à la CFDT depuis 1977 sans pour cela être élu. ' il tenait les bureaux de vote comme assesseur pour les élections de DP ou CE ' affichait les informations syndicales et du CE sur les panneaux d'affichage ' distribuait des tracts CFDT dans les bureaux et ateliers ' participait à l'élaboration des cahiers de revendication du service aciérie avec ses collègues de travail pour les réunions des délégués du personnel ' participait activement aux différents mouvements et manifestations lancés par son syndicat. »

Ces trois nouvelles attestations, qui n'apportent aucune précision temporelle alors même que l'activité syndicale du salarié se serait déroulée sur 30 ans, ne font état d'aucun élément circonstancié susceptible de révéler l'activité syndicale à l'employeur, en particulier l'ingénieur divisionnaire [I] [K] n'indique nullement avoir fait remonter l'information à la direction et au contraire évoque une très bonne ambiance au sein de l'équipe et l'absence de grief à l'égard du salarié. La distribution de tracts syndicaux, qui est susceptible d'être appréhendée par la direction, n'est nullement circonstanciée, même à grands traits chronologiques, et la tenue des bureaux de vote n'est étayée par aucune pièce, en particulier par aucun procès-verbal d'opérations électorales.

Ainsi, aucun élément de l'espèce ne permet à la cour de retenir que l'employeur avait effectivement connaissance, ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance, de l'appartenance du salarié à la CFDT ni de ce qu'il exerçait bien une activité syndicale.

En conséquence, le salarié et le syndicat seront déboutés de leurs demandes formées du chef de discrimination syndicale étant relevé que l'éventuelle violation des accords d'entreprise, si elle est susceptible de faire présumer la discrimination syndicale, ne présume nullement de ce que l'employeur ait connu ou aurait dû connaître l'affiliation ou l'activité syndicale du salarié.

2/ Sur l'inégalité de traitement dans le déroulement de carrière

Le principe d'égalité de traitement des salariés placés dans des situations identiques se trouve garanti par les articles 6 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et 1, 5 et 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Il appartient au salarié de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et dès lors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de traitement.

Le salarié reproche à l'employeur de l'avoir laissé 13 ans et 11 mois au coefficient 270 et 9 ans et 2 mois au coefficient 285. Il lui fait aussi grief de l'avoir changé de service trop fréquemment en sorte qu'il n'a pas pu valoriser son expérience dans les fonctions qui lui étaient confiées. Enfin, le salarié a composé un panel de comparaison de 16 salariés dont aucun n'a terminé au coefficient 285, les 5 comparants les moins favorisés terminant au coefficient 305.

L'employeur reproche à juste titre au salarié d'avoir agrégé dans son panel des salariés ne disposant pas de la même formation ni de la même qualification. Il produit en réponse un panel de 12 salariés ayant le même année d'embauche élargie à N+2 / N-2, le même coefficient à l'embauche, une qualification professionnelle comparable (employé spécial, entre ouvrier et ETAM) et une qualification académique de niveau V.

La cour retient que ce dernier panel n'encourt pas de critique significative bien qu'il agrège des salariés ayant une ancienneté groupe avec ceux disposant d'une ancienneté sur site pour éviter un panel limité à 4 salariés. Il démontre que 6 salariés ont terminé au coefficient 285 ou à un coefficient inférieur jusqu'au 240 alors que 6 ont terminé à un coefficient supérieur jusqu'en 365. Il est de plus justifié que le salarié percevait une rémunération supérieure à la rémunération moyenne de son coefficient.

Il convient encore de relever que si le salarié se plaint de mutations trop fréquentes, il ne présente aucun élément de comparaison sur ce point et bien au contraire il produit lui-même les justificatifs de 30 sessions de formation ainsi que de ses réussites professionnelles puisqu'il a touché quatre primes d'invention (en 2000, 2001, 2002 et 2006) et qu'il était même désigné lauréat des années 2001 (pour le développement d'un acier laminé à chaud) et 2003 (pour l'invention d'une pelle de récupération avec manche, roulettes, système de guide et de verrouillage en position de récupération, et tapis amovible à picots).

Procédant à une appréciation globale du déroulement de la carrière du salarié, la cour relève qu'elle a certes été plus rapide en son commencement que sur sa fin mais qu'aucun élément de comparaison pertinent ne permet de retenir une inégalité de traitement, même sur la seule période débutant en 1987, et que si le salarié justifie de difficultés avec ses supérieurs, d'une franche opposition au fait syndical de la part son encadrement immédiat, et aussi de promesses d'avancement non tenues, ces fautes ne relèvent pas de l'inégalité de traitement à défaut d'avoir influé objectivement sur le déroulement de sa carrière, la ralentissant non par rapport à ses mérites, mais par comparaison avec les carrières des autres salariés placés dans des situations suffisamment proches pour permettre une appréciation pertinente, étant relevé que la comparaison effectuée par le salarié avec son collègue de binôme, qui ne se trouvait pas dans une situation identique au regard de la formation et de l'embauche, ne saurait invalider la méthode des panels, seule pertinente dans une entreprise de grande taille.

En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef.

3/ Sur la violation des accords d'entreprise

Le salarié sollicite la somme de 15 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'accord sur la conduite de l'activité professionnelle, ACAP, du 17 décembre 1990 instituant des entretiens professionnels annuels (avenant du 6 octobre 1992) et encore pour violation de l'accord ACAP 2000 qui prévoit que le parcours de carrière se fera sur la base d'une progression moyenne de 3 points de classification par année alors qu'il n'a évolué que de 15 points de 1990 à 2010. Le salarié se plaint enfin de la violation de l'accord du 8 novembre 1988 permettant la compensation des « creux de paye » lors des changements d'horaires ou de poste.

L'employeur soutient que le salarié a bénéficié de la garantie contre les creux de paye. La cour retient qu'aucune demande salariale précise n'a été formée au titre du maintien du salaire à la suite de changement d'horaire ou de poste et qu'en conséquence aucun élément concret ne permet de retenir que le salarié n'a pas bénéficié de la garantie des creux de paye.

Concernant les entretiens individuels, l'employeur justifie que le salarié a bénéficié de 15 entretiens professionnels entre 1991 et 2008 alors même que l'accord ACAP prévoyait une mise en place progressive du dispositif. Ainsi, l'employeur n'a pas manqué à son obligation de procéder à des entretiens professionnels.

L'employeur fait encore valoir que l'accord ACAP 2000 prévoyait un parcours minimum de carrière de 1,5 points par an qui a été respecté puisque le salarié a évolué de 95 points en 34 ans au lieu du minimum de 51 points et que le parcours de référence (soit une progression de 3 points par an) prévu par l'accord ne constitue qu'un engagement moyen et non un droit ouvert au profit de chaque salarié.

La cour relève que la progression du salarié, soit 95 points, se situe entre le minimum garanti de 51 points et le parcours de référence de 102 points et qu'il se trouve singulièrement proche de ce dernier qui ne constitue qu'un objectif global et non un droit individuel. En conséquence, l'employeur a bien respecté les accords d'entreprise concernant le salarié, lequel sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

4/ Sur le préjudice d'anxiété

Le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété lié à l'inhalation des poussières d'amiante et à l'exposition aux agents CMR.

Il sera tout d'abord relevé que le préjudice d'anxiété est destiné à réparer l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ou aux agents CMR.

4-1/ Concernant l'amiante

La réparation d'un préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

En l'espèce, l'établissement en cause ne figure pas sur la liste des établissements concernés par le dispositif mis en place par la loi du 23 décembre 1998 relative à la cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante.

En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef.

4-2/ Concernant les agents CMR

Il n'existe pas de dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés aux agents CMR permettant de présumer l'existence d'un préjudice d'anxiété. Dès lors, la réalité et l'intensité d'un tel préjudice doivent être démontrées par le salarié qui l'invoque selon le droit commun de la réparation des souffrances psychiques en distinguant précisément cette souffrance de l'anxiété que chacun peut normalement développer à raison de la pollution générale de l'environnement ou même du risque de contracter une maladie professionnelle en dehors de toute faute de l'employeur.

Ce dernier demande tout d'abord à la cour de dire le salarié irrecevable en ses demandes au visa de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale. Mais ce texte prévoit qu'aucune action en réparation d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne peut être exercée conformément au droit commun et que ce contentieux relève exclusivement des juridictions de sécurité sociale alors qu'en l'état le salarié ne prétend nullement avoir été victime d'un accident du travail ni avoir développé une maladie professionnelle. En conséquence, il convient d'écarter cette fin de non-recevoir.

Il est constant que le salarié a occupé les postes suivants :

du 9 août 1976 au 30 novembre 1998, visiteur hydraulique au département aciérie ;

du 1er décembre 1998 au 28 février 2007, technicien au centre de recherche ;

du 1er mars 2007 au 30 juin 2010, technicien relations clients qualité.

Le salarié soutient que ses fonctions à la cokerie l'exposaient au benzène et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques HAP qui constituent des substances cancérogènes. Il produit à l'appui de cette affirmation :

une étude toxicologique de la CRAM réalisée en 1978 indiquant que la valeur-seuil est largement dépassée et recommandant une surveillance médicale spéciale du personnel ;

un compte-rendu de mesures et d'analyses réalisé en 1979 dans le même sens par l'INRS ;

une alerte du CHSCT d'août et septembre 1985 ;

une injonction de l'inspection du travail d'octobre 1985 constatant des dégagements de fumées contenant du benzène ;

un nouveau courrier de l'inspection du travail concernant toujours l'exposition au benzène ;

une demande de l'inspection du travail de décembre 1987 à l'employeur sollicitant de ce dernier la fourniture de moyens de protection individuels face au dépassement de la valeur limite de 0,15 microgramme par m³ ;

un procès-verbal de l'inspection du travail de novembre 1999 constatant des produits cancérogènes sur les planchers de la coulée des hauts-fourneaux ;

le rapport du docteur [T] pour l'année 2007 faisant état de 196 salariés exposés au benzène et aux HAP pour les seuls services fonte et IEG ;

la reconnaissance par la cour de céans de la faute inexcusable de l'employeur dans la maladie professionnelle de M. [V] à raison de l'exposition du salarié à des produits toxiques présentant du benzène et des agents cancérigènes de 1975 à 1986 ;

un courrier de l'inspection du travail du 3 août 2012 indiquant que la situation n'était pas conforme à la réglementation édictée depuis 2001 concernant la prévention de l'exposition aux agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques.

En réponse, l'employeur ne produit aucune étude toxicologique démontrant que les taux acceptables de benzène et de HAP aient été respectés à la cokerie ou que les salariés aient été porteurs, en permanence, de dispositifs de protection individuels.

La cour retient en conséquence, compte tenu de l'ensemble des pièces qui viennent d'être citées, qu'en raison de ses fonctions, le salarié a bien été personnellement exposé au benzène et aux HAP dans des proportions anormales et que cette exposition, connue de l'employeur, est fautive.

Dès lors, il appartient au salarié de prouver le préjudice d'anxiété dont il se prévaut, lequel ne saurait se présumer, comme il peut l'être en raison de la prégnance toute particulière du risque dans les établissements soumis au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs exposés à l'amiante.

Le salarié justifie bien qu'il est suivi pour des lésions cutanées et pour un syndrome dépressif majeur, mais ces seuls éléments, même pris en combinaison avec des mesures sanitaires normales de prévention des affections liées à l'exposition aux agents CMR, ne permettent pas d'établir la réalité d'une anxiété particulière du salarié propre à cette exposition spécifique qui soit distincte de l'anxiété que chacun peut légitimement développer à raison de la pollution générale de l'environnement ou même du risque de contracter une maladie professionnelle. En particulier, le salarié ne produit pas de témoignage de proches faisant état d'une telle anxiété spécifique ni d'attestation de psychologue ou de médecin consultés à ce propos.

En conséquence, le salarié sera débouté de ce dernier chef.

5/ Sur les autres demandes

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais par lui exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens. En conséquence, il sera débouté de ses demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris concernant l'absence de discrimination syndicale et d'inégalité de traitement dans le déroulement de carrière.

Déboute M. [O] [E] de ses demandes concernant la discrimination syndicale et l'inégalité de traitement.

Infirme le jugement entrepris pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Déboute M. [O] [E] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété.

Y ajoutant,

Dit que la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE n'a pas violé les accords d'entreprise au préjudice de M. [O] [E].

Déboute M. [O] [E] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Déboute la SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE de ses demandes relatives aux frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne M. [O] [E] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/23264
Date de la décision : 28/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°14/23264 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-28;14.23264 ?
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