La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2017 | FRANCE | N°14/13966

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 28 avril 2017, 14/13966


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2017



N°2017/



Rôle N° 14/13966







Société NUVIA STRUCTUREvenant aux droit de NUVIA TRAVAUX SPECIAUX





C/



[A] [C]

















Grosse délivrée le :



à :



Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS



Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Copie certifiée conforme

délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section I - en date du 05 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/265.





APPELANTE



Société NUVIA...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2017

N°2017/

Rôle N° 14/13966

Société NUVIA STRUCTUREvenant aux droit de NUVIA TRAVAUX SPECIAUX

C/

[A] [C]

Grosse délivrée le :

à :

Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS

Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section I - en date du 05 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/265.

APPELANTE

Société NUVIA STRUCTUREvenant aux droits de NUVIA TRAVAUX SPECIAUX, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [A] [C], demeurant [Adresse 2]

comparante en personne, assistée de Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Salomé CASSUTO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2017

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 2006, Mme [A] [C] a été embauchée par la société FREYSSINET NUCLÉAIRE TRAVAUX SPÉCIAUX, devenue NUVIA STRUCTURE, en qualité de secrétaire de direction, catégorie ETAM, niveau E, pour un salaire mensuel brute de 1 800 € outre une prime de vacances égale à 30 % de l'indemnité de congés payés.

Dans le dernier état des relations contractuelles, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1 825 € pour un horaire de travail de 157 heures.

Les rapports contractuels des parties sont régis par la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965.

À compter du 24 janvier 2008 la salariée a été placée en arrêt maladie pour dépression et ce jusqu'au 9 avril 2010.

Par lettre du 26 mai 2008, la salariée dénonçait ainsi à son employeur des faits de harcèlement moral : « Je me permets de vous écrire afin de réitérer ma demande d'entretien qui n'a pas abouti en février dernier. En effet, je suis tombée malade et je suis en arrêt maladie depuis le 24/01/08 pour dépression, car j'ai été victime de harcèlement moral. Sachez que je n'ai aucunement l'intention de démissionner. Je ne veux pas être licenciée et je ne veux pas non plus causer de tort à l'entreprise. Cependant, il vous appartient, en tant qu'employeur, de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé des salariés. Vous devez assurer la santé tant physique que mentale des salariés par conséquent je m'en remets à vous. Je vous demande de trouver une solution compte tenu du préjudice que j'ai subi. Je vous infirme, par ailleurs que je n'ai cessé d'alerter mon supérieur hiérarchique qui a tenté de se débarrasser de moi (sans faire de bruit). Au mois de février dernier il a organisé mon licenciement sans respecter la procédure et en abusant de ma vulnérabilité compte tenu de mon état de santé. »

L'employeur répondait le 16 juin 2008 : « Nous accusons réception de votre courrier du 26 mai 2008 et sommes surpris par son contenu. En effet, vous aviez convenu d'un rendez-vous le 11 février 2008 avec M. [H] [N] et vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien. Aussi, nous vous proposons un nouveau rendez-vous le 3 juillet 2008 à 9h30 pour trouver une solution à votre situation et clarifier votre ressenti sur le harcèlement moral. Nous prendrons alors toutes les mesures nécessaires afin d'apporter une solution à vos problèmes, s'ils sont avérés. »

La salariée s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé à compter du 5 février 2009.

La salariée a bénéficié d'une visite médicale de reprise le 13 avril 2010 puis d'un suivi régulier par le médecin du travail qui rendait successivement les avis suivants :

13 avril 2010 : « apte avec restriction, organisation du temps partiel thérapeutique en demi-journée, apte à mi-temps thérapeutique, à revoir le mercredi 21 avril 2010 » ;

21 avril 2010 : « apte avec restriction, maintien sur le temps partiel thérapeutique à organiser en demi-journée sur la semaine 16 suis à partir de la semaine 17 et 18, possibilité d'augmenter le temps de travail en effectuant une journée complète à positionner librement, à revoir le vendredi 7 mai 2010 » ;

7 mai 2010 : « apte avec restriction, maintien sur le temps partiel thérapeutique à organiser en demi-journée avec possibilité d'augmenter le temps de travail en effectuant une ou deux journées complètes à positionner librement en fonction de l'état de santé, visite à prévoir 2010/05 » ;

27 mai 2010 : « apte avec restriction, maintien sur le temps partiel thérapeutique à organiser en demi-journée avec possibilité d'augmenter le temps de travail en effectuant deux ou trois journées complètes à positionner librement en fonction de l'état de santé, visite à prévoir 2010/06 » ;

9 juin 2010 : « apte, reprise à temps complet sur son poste. »

La salariée a été licenciée par lettre recommandée du 26 juillet 2010 ainsi rédigée : « Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement en date du 22 juillet 2010 au cours duquel nous avons été amenés à vous exposer nos griefs. Malgré les explications que vous nous avez fournies à cette occasion, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement au motif suivant : Depuis un certain nombre de mois, vous avez proféré à plusieurs reprises à l'encontre de la société des accusations de harcèlement sans apporter aucun élément de nature à justifier vos allégations. Aucune personne n'a en effet concrètement été visée et aucun fait précis n'a à aucun moment été décrit. Le climat de travail s'en retrouve pour le moins perturbé, les autres salariés de l'entreprise vivant dans la crainte que leurs faits et gestes donnent lieu à un mauvais ressenti de votre part. Pour cette raison, les personnes avec lesquelles vous devriez être amenés à travailler soit se défaussent pour traiter elles-mêmes leurs dossiers au lieu de vous les confier, soit confient ces tâches à d'autres personnes en ayant notamment recours à de l'intérim sur [Localité 1] ou en Île-de-France. Or, de part vos fonctions de secrétariat de direction, vous vous devez d'assurer une fonction de communication entre la direction et les salariés. La défiance qui s'est installée entre vous-même et le reste des équipes de NTS nuit grandement à la réalisation de votre mission. Par ailleurs, nous avons eu le regret de constater un certain nombre d'erreurs pénalisantes pour la société dans votre travail. Ainsi, vous vous êtes par exemple montrée incapable de suivre les dossiers d'appels d'offres de manière autonome. Nous avons été contraints de vous superviser de manière appuyée au niveau de la gestion des offres, de leur planning ou de leur publication ou même parfois de confier les dossiers les plus stratégiques à d'autres personnes. Cela a notamment été le cas pour les projets ITER ou MRI qui ont été pris en charge directement par les ingénieurs en charge du dossier. Un mauvais traitement des appels d'offres est de nature à nous faire perdre une affaire, ces processus étant très formalisés. Nous ne pouvons pas tolérer qu'une erreur administrative soit de nature à remettre en cause le travail réalisé en amont par nos équipes, travail dès lors non rétribués par notre client et représentant alors un coût. Nous ne pouvons pas non plus tolérer que l'organisation définie soit remise en cause par vos manquements et que la réactivité de notre organisation soit ainsi compromise. Cette réactivité est pourtant nécessaire pour que nous puissions apporter une prestation efficace à nos clients. Nous avons également constaté un certain nombre d'erreurs de base dans vos fonctions de secrétariat sur des tâches telles que des problèmes de mises en page, de relecture ou de correction des documents. Ces erreurs sont de nature à remettre en cause l'image de la société et son professionnalisme dès lors que les documents en cause sont amenés à être publiés à l'extérieur. C'est une nouvelle fois le cas dans le cadre des appels d'offres. À tout ceci s'ajoute une lenteur dans la réalisation des taches qui vous sont confiées qui n'est pas compatible avec votre fonction qui nécessite rapidité et réactivité. Ces écueils, s'ils portent atteinte à notre organisation en interne, sont également pénalisants en externe. Vos fonctions doivent vous amener à être en relation permanente avec nos clients dans le cadre d'échanges divers et variés qui requièrent une confiance totale, l'image de la société étant en jeux. Il est difficilement imaginable de ne pas pouvoir se reposer pleinement sur vous pour des fonctions essentielles telles que la prise de messages téléphoniques ou les prises de rendez-vous. Or, les différentes erreurs que vous êtes amenée à commettre et la mauvaise transmission de l'information, les autres salariés ne vous sollicitant pas, sont de nature à compromettre cette partie importante de votre mission. A titre d'exemple plusieurs salariés, dont je fais partie, se chargent dorénavant eux-mêmes de la diffusion de leurs offres sur les portails achats clients par crainte que les délais ne soient pas tenus. Afin de mettre un terme aux troubles que vous êtes amenés à soulever, nous nous voyons donc contraints de mettre un terme à votre contrat de travail. Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer, démarrera à la date de première présentation de cette lettre à votre domicile. Votre solde de tout compte, votre attestation ASSEDIC ainsi que votre certificat de travail vous seront adressés ultérieurement. Votre droit individuel à la formation s'élève à 80 heures, à utiliser dans les conditions légales et conventionnelles en vigueur. À ce titre, il vous est possible de demander, pendant le préavis, à bénéficier d'une action de bilan de compétence, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. »

Se plaignant de harcèlement moral, de discrimination à raison de son état de santé, et contestant son licenciement, Mme [A] [C] a saisi le 10 mars 2011 le conseil de prud'hommes d'[Localité 2], section industrie, lequel, par jugement de départage rendu le 5 juin 2014, a :

dit que le licenciement est nul ;

dit que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

'15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

'  5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

'  1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

dit que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts précitées ne produiront intérêts au taux légal qu'à compter du jugement ;

ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

ordonné à l'employeur de délivrer à la salariée un reçu de solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés conformément aux termes du jugement ;

dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par l'employeur ;

débouté la salariée du surplus de ses demandes ;

rappelé l'exécution provisoire de droit conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail ;

ordonné l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;

condamné l'employeur aux dépens.

La SAS NUVIA STRUCTURE a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 2 juillet 2014.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles la SAS NUVIA STRUCTURE demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'dit que le licenciement est nul ;

'dit que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

'condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

'15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

'  5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

'  1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

'débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

'débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

'débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire ;

débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

ordonner le remboursement par la salariée des sommes indûment perçues au titre de l'exécution provisoire de la décision entreprise, à savoir :

'15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

'  5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de résultat ;

'  1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner la salariée au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner la salariée aux dépens.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles Mme [A] [C] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement nul et en ce qu'il a dit que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

infirmer le jugement pour le surplus et sur le quantum des condamnations ;

dire que le licenciement est nul ;

dire qu'en toute hypothèse le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

dire que l'employeur s'est rendu coupable de harcèlement moral ;

dire que l'employeur a exécuté de façon lourdement fautive le contrat de travail ;

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

'10 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

'32 850,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

'  5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

'     813,69 € à titre de rappel de salaire ;

'       81,36 € au titre des congés payés y afférents ;

'  5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail ;

ordonner la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés, conformément à l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document manquant à compter de la notification de l'arrêt ;

dire que l'intégralité des sommes allouées produira intérêts de droit à compter de la demande en Justice avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du code civil ;

dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par l'employeur, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner l'employeur aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le harcèlement moral et l'obligation de sécurité

L'article L. 1154-1 du code du travail dispose que :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

En application de l'article L. 1152-4 du code du travail, ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

La salariée soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral, lequel serait à l'origine de la dépression qui a justifié de nombreux arrêts de travail depuis le mois de juillet 2007. Elle reproche de plus à l'employeur de ne pas avoir respecté son mi-temps thérapeutique à compter du 9 avril 2010 en lui imposant de nombreuses heures complémentaires et enfin de l'avoir licenciée au motif qu'elle dénonçait son harcèlement moral.

Il est constant que la salariée a souffert d'une grave dépression qui a motivé un arrêt de travail de plus de 2 ans, qu'elle a été reconnue travailleur handicapé et enfin placée en mi-temps thérapeutique. Ces faits permettent de présumer le harcèlement moral dont elle se plaint et il appartient dès lors à l'employeur de justifier tant des comportements qui lui sont précisément reprochés que de son respect de l'ensemble des mesures de prévention des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

La salariée se plaint des faits suivants qui auraient été commis tant par son supérieur hiérarchique que par les autres salariés de l'entreprise à savoir qu'elle :

' devait effectuer des tâches subalternes non contractuellement prévues ;

' a été placée brutalement et de manière vexatoire sous la subordination d'autres salariés ;

' subissait quotidiennement des pressions et des propos méprisants ;

' subissait une surcharge de travail.

La salariée ne détaille guère plus ses griefs, mais elle produit tout d'abord deux lettres postérieures à celle déjà citée qu'elle présente comme explicitant le harcèlement dont elle se plaint :

' lettre du 26 juin 2008 : « J'ai bien reçu votre courrier en date du 16 juin 2008 et vous remercie d'avoir répondu à ma demande en me fixant rendez-vous le 3 juillet prochain. Cependant, je ne pourrai pas me présenter à cet entretien en raison de mon état de santé. Vous trouverez ci-joint, le certificat de mon médecin. Je vous prie de bien vouloir m'en excuser. En ce qui concerne le rendez-vous du 8 février 2008 et non du 11 février qui m'a été fixé, il est vrai que je ne m'y suis pas présentée, car j'ai failli avoir un accident sur la route, j'étais dans un tel état de stress que je n'ai pas pu poursuivre ma route. De plus, j'avais demandé à vous rencontrer vous et non M. [H] [N]. Je souhaitais vous parler et l'occasion ne m'a pas été donnée. Il m'a surtout été recommandé de ne pas parler de mes problèmes et cet entretien a été fixé dans le but de me faire signer un protocole d'accord en vue de mon licenciement avec le motif suivant « incompatibilité d'humeur ». C'est la raison pour laquelle j'écris dans mon courrier du 26 mai dernier que ma demande n'a pas abouti parce que je demandais un simple entretien, je souhaitais tout simplement vous parler. Comme je l'ai écrit dans mon premier courrier, je n'ai cessé d'alerter mon supérieur hiérarchique, je me suis plainte à plusieurs reprises. J'ai sollicité un entretien au mois de décembre 2007 qui a eu lieu le 18 janvier 2008. J'ai informé M. [H] [N] des difficultés que je rencontrais. Il m'a dit ce jour-là de me remettre en question. Il m'a dit aussi qu'il fallait que j'évite le conflit avec la personne concernée. Je n'ai aucun soutien de sa part. D'autre part, en ce qui concerne le harcèlement moral, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas de ressenti de ma part, mais de fait. Il m'a été dit devant témoin au mois de juillet 2007 pendant mes congés : « [A] ne rester pas, elle est trop réservée et elle se plaint tout le temps ». La personne concernée me claquait régulièrement la porte au nez. Elle faisait semblant de ne pas entendre lorsque je lui adressais la parole ou me répondait sur un ton méprisant. Et elle se permettait de me donner des ordres. Elle a tenté de récupérer certaines de mes tâches. Elle a cherché par tous moyens à me provoquer par exemple en me passant devant lorsque je me trouvais au photocopieur et ce sans s'excuser. Il lui est arrivé d'annuler mon travail pour me passer devant uniquement dans le but de provoquer des disputes. C'est impossible à gérer au quotidien tout en travaillant. Depuis juillet 2007, je n'ai reçu les communications téléphoniques inhérentes à mon poste et notamment les relations extérieures de mon supérieur hiérarchiques. Au mois de juillet 2007 j'avais déjà informé M. [H] [N] de certains faits soit le 24 juillet au cours d'un entretien que j'ai sollicité à la suite duquel j'ai dû m'arrêter de travailler (arrêt du 25 juillet 2007 au 8 août 2007). »

' lettre du 14 mai 2009 : « Je fais suite à l'entretien du 26 février 2009 au cours duquel j'ai informé M. [O] de mon intention de reprendre le travail après avoir réglé mes problèmes de santé. Ce dernier m'a répondu que si je reprenais, ce serait dans les mêmes conditions qu'auparavant et qu'il ne pouvait pas me garder dans l'entreprise, car il ne pouvait pas prendre le risque pour l'entreprise compte tenu qu'il était impossible de définir mon poste. Je tiens à vous rappeler par la présente, que l'altération de mon état de santé est consécutif au harcèlement moral dont j'ai été victime au sein de l'entreprise, et ce, par plusieurs personnes. Vous m'avez convoqué à un entretien en vue de mon retour au sein de la société, pour faire le point de ma situation, discuter de mes attentes et de mes projets. Je ne comprends pas, car le seul projet qui m'ai été proposé c'est une rupture conventionnelle de mon contrat de travail. Au cours de cet entretien M. [O] m'a fait savoir que le seul DRH au sein de l'entreprise c'était lui parce que j'ai pris de cours du soir dans ce domaine. Cependant je vous informe que je n'ai rien demandé à l'entreprise, j'ai financé moi-même cette formation et surtout je n'ai aucun cas demandé de poste qui soit en relation avec cette formation. Enfin, je n'ai pas pu poursuivre ces cours compte tenu de mon état de santé. Je ne comprends pas et je pense que cela relève de ma vie privée. D'autre part, j'ai informé M. [O] de ma rencontre avec le médecin du travail qui est au courant de mes différents problèmes de santé, et qui m'a recommandé une reprise à temps partiel soit un mi-temps thérapeutique pendant six mois afin que je puisse me réadapter. M. [O] a catégoriquement refusé le mi-temps thérapeutique en invoquant l'impossibilité de cet aménagement de temps en rapport au fonctionnement de l'entreprise. Et il a rajouté que ce n'était pas dans le rôle du médecin du travail, que ce dernier devait juste dire si j'étais apte ou inapte et qu'en cas d'inaptitude je pouvais être licenciée. Enfin, il a fait une comparaison de mon poste avec celui de la secrétaire de M. [D] en me disant qu'elle travaillait elle aussi avec plusieurs personnes. Je ne comprends pas cette comparaison. Il m'a également dit que j'avais des problèmes relationnels. Sachez que je ne suis pas d'accord pour rompre mon contrat de travail, car je vous le répète il y a eu harcèlement moral. Je suis tombée malade et outre, ma dépression je souffre désormais d'une maladie chronique depuis février 2008 déclenchée par le stress que j'ai subi. Je suis sous traitement depuis le mois de juillet 2008 et obligée de suivre ce traitement à vie. De plus je ne sais pas comment peut évoluer cette maladie. »

La salariée produit de plus des courriels antérieurs à son arrêt de travail qu'elle estime harcelants, mais, à leur lecture attentive, ces messages témoignent uniquement des tensions bénignes qui peuvent parcourir le secrétariat d'une entreprise.

C'est à juste titre que l'employeur fait valoir que la salariée ne précise pas la matérialité des faits dont elle se plaint, évoquant le 26 juin 2008 une seule collègue dont le comportement aurait été inapproprié, puis plusieurs sans précision le 14 mai 2009, et maintenant l'ensemble de ses collègues et de son encadrement.

L'employeur justifie de ce qu'il a toujours accordé des entretiens à la salariée quand elle le sollicitait mais que c'est elle qui n'a pas honoré les rendez-vous comme elle l'explique elle-même. Il conteste formellement lui avoir refusé un mi-temps thérapeutique et justifie au contraire qu'il l'a bien mis en place en étroite collaboration avec le médecin du travail qui en a fait précisément évoluer le contenu jusqu'à la reprise à temps complet comme il a déjà été rapporté, sans qu'une telle évolution de la durée du travail, sous le contrôle étroit du médecin du travail, ne puisse être assimilée à l'exécution d'heures complémentaires indues contrairement à ce que soutient la salariée.

L'employeur justifie encore de ses relations avec l'association de prévention et de lutte contre le harcèlement au travail, Alphamotra-PACA, mandatée par la salariée, qu'il a informé le 27 mai 2009 de ce que l'enquête menée au sein de l'entreprise n'avait pas permis de déceler une situation de harcèlement moral et que cette association n'a pas souhaité le rencontrer.

L'employeur produit de plus la fiche de poste de la salariée qui est bien celle d'une secrétaire de direction. Il produit un certain nombre d'attestations et de correspondances de M. [X], M. [A], Mme [B] et Mme [W] reprochant à la salariée un volume de travail insuffisant, des erreurs, des retards et des oublis.

Ainsi, l'employeur, à qui un harcèlement moral n'a été dénoncé par la salariée qui s'en prétendait victime qu'une fois placée en arrêt de travail, s'est acquitté de l'ensemble de ses obligations de sécurité en proposant rapidement et à plusieurs reprises de recevoir la salariée, en diligentant une enquête, en proposant de recevoir l'association spécialisée mandatée par la salariée et finalement en organisant le retour de cette dernière dans l'entreprise en liaison étroite avec le médecin du travail qui a examiné la salariée 5 fois en moins de deux mois sans relever de grief de harcèlement moral mais au contraire en décidant à chaque fois d'augmenter son temps de travail jusqu'à la déclarer apte sans réserve.

En conséquence, la salariée sera déboutée de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, le manquement à l'obligation de sécurité, l'exécution fautive du contrat de travail et visant à la réparation de son préjudice moral.

2/ Sur la nullité du licenciement

L'article L. 1152-2 du code du travail disposait au temps du litige qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Ne bénéficie pas de la protection de ce texte, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral de mauvaise foi, laquelle mauvaise foi ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis mais suppose la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

En l'espèce, la salariée connaissait nécessairement l'absence de faits de harcèlement moral, même si la pathologie dont elle souffrait a pu altérer son jugement. La cour, se limitant ainsi à une appréciation objective, retient que l'employeur pouvait valablement reprocher à la salariée de porter de mauvaise foi des accusations de harcèlement moral contre ses collègues ce qui perturbait le fonctionnement du service sans que le licenciement encourt la nullité découlant du texte précité.

3/ Sur la cause réelle et sérieuse

La salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, à la fois pour des faits non-fautifs d'insuffisance professionnelle et à titre disciplinaire pour une faute simple consistant à nuire à ses collègues en les accusant indûment de harcèlement moral.

L'employeur justifie des griefs qu'il articule précisément dans la lettre de licenciement en produisant les attestations déjà examinées au premier point.

En réponse la salariée ne produit aucune pièce permettant de justifier la mauvaise ambiance de travail dont elle se plaint en retour pas plus que d'une surcharge de travail.

Il sera relevé que dans le dernier temps d'exécution du contrat de travail, qui fonde le licenciement, et qui est particulièrement bref puisque la salariée a repris le 9 avril 2010 et a été licenciée le 26 juillet 2010, cette dernière a rencontré 5 fois le médecin du travail sans que ce dernier note aucun des griefs qu'elle articule aujourd'hui et qui se seraient opposé au passage graduel du mi-temps thérapeutique au temps complet qui a été prescrit le 9 juin 2010, qu'elle interprète aujourd'hui comme des heures complémentaires indues.

La cour retient ainsi que l'ensemble des éléments produits au débat permet de dire que le licenciement est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse.

4/ Sur le rappel de salaire

La salariée sollicite le paiement de 70 heures complémentaires, mais elle ne produit aucune pièce de nature à étayer cette demande de laquelle elle sera dès lors déboutée.

5/ Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de condamner la salariée au remboursement des sommes versées en exécution du jugement entrepris, ce remboursement étant la conséquence nécessaire de l'infirmation qui sera prononcée.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais par lui exposés et non-compris dans les dépens. En conséquence, il sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [A] [C] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la société NUVIA STRUCTURE de sa demande relative aux frais irrépétibles.

Condamne Mme [A] [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/13966
Date de la décision : 28/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°14/13966 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-28;14.13966 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award