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07/04/2017 | FRANCE | N°15/08687

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 07 avril 2017, 15/08687


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2017



N°2017/ 203

SL













Rôle N° 15/08687







SARL VIBRATECH





C/



[R] [G]







































Grosse délivrée le :

à :



Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



Me Christin

e GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 03 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/421.





APPELANTE



SARL VIBRATECH prise en la personn...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2017

N°2017/ 203

SL

Rôle N° 15/08687

SARL VIBRATECH

C/

[R] [G]

Grosse délivrée le :

à :

Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 03 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/421.

APPELANTE

SARL VIBRATECH prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette quaité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [R] [G], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Tiphanie PEDRO, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée du 01/02/2002, [R] [G] a été engagé par la société VIBRATECH en qualité de responsable technique.

Aux termes d'un avenant au contrat de travail du 03/02/2012, il a été confié à [R] [G] les fonctions de responsable de l'agence- manager de la filiale située à [Localité 1] en Chine pour une durée de 2 ans du 06/02/2012 au 06/02/2014.

Il a été licencié pour insuffisances professionnelles et en raison de la désorganisation de l'entreprise suite à son absence par lettre du 30/04/2013.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [R] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Cannes qui par jugement du 14/03/2014 s'est

déclarant territorialement compétent pour connaître du litige.

La société Vibratech a formé contredit à l'encontre du jugement rendu le 14 mars 2014.

Par arrêt du 01/07/2014, la Cour d'appel d'Aix en Provence a infirmé le jugement et a désigné le conseil de prud'hommes de Fréjus pour connaître du litige; elle a condamné [R] [G] à verser 500 euros à la société Vibratech au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens .

Par jugement du 03/04/2015, le conseil de prud'hommes de Fréjus a:

-dit et jugé le licenciement de [R] [G] sans cause réelle et sérieuse,

-débouté [R] [G] de sa demande indemnitaire à ce titre en l'absence de justicatif d'un préjudice,

-dit et jugé que le licenciement de [R] [G] revêt un caractère vexatoire,

- condamné la société VIBRATECH au paiement d'une somme de 20 000 euros nets à titre d'indemnité,

-dit et jugé que [R] [G] bénéficiait du statut d'expatrié et qu'il n'était pas fondé à demander une indemnisation pour défaut de cotisations à la sécurité sociale,

-dit et jugé qu'il n'y avait pas matière à condamnation à rembourser les indemnités Pôle Emploi, ni à la publication du jugement ni à l'exécution provisoire,

-condamné la société VIBRATECH à verser à [R] [G] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société VIBRATECH de sa demande reconventionnelle,

-condamné la société VIBRATECH aux entiers dépens en ce compris le timbre fiscal de 35 € et les frais d'huissier à hauteur de 290,01 €.

Aux termes d'un acte du 30/04/2015, dans le délai légal et par déclaration régulière en la forme, la société VIBRATECH a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 20/04/2015.

Par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la société VIBRATECH demande à la Cour de:

-infirmer le jugement,

-débouter [R] [G] de toutes ses demandes,

-condamner [R] [G] au paiement d'une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société VIBRATECH expose qu'en dépit des moyens financiers et humains mis à sa disposition et de plusieurs recadrages, [R] [G] a été totalement défaillant dans l'accomplissement de ses missions consistant à développer la société en Chine, ce qu'il a admis, les parties ayant alors convenu d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail et un rachat de ses parts sociales.

[R] [G] ayant toutefois argué d'une rupture de fait de son contrat, la société VIBRATECH déclare avoir été dans l'obligation de le licencier en raison de ses insuffisances professionnelles.

La société VIBRATECH soutient que les parties ont convenu que [R] [G] aurait un statut d'expatrié, ce dernier ayant été envoyé sur un poste fixe à l'étranger. Elle conteste tout vice du consentement de [R] [G], qui a disposé d'un délai de 18 mois et auquel un projet d'avenant à son contrat de travail stipulant expressément la qualité d'expatrié a été proposé en janvier 2012.

Elle estime que la rupture de fait du contrat de travail alléguée par [R] [G] est sans intérêt dans la mesure où l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie jusqu'au 01/08/2013.

La société VIBRATECH soutient que l'insuffisance professionnelle de [R] [G] évoquée dans la lettre de licenciement du 30/04/2013 repose sur des éléments objectifs et matériellement vérifiables. Le salarié n'a au surplus déploré à aucun moment un manque de moyens.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société VIBRATECH demande de diminuer le montant des dommages et intérêts alloués au salarié en raison de sa très petite taille, de son effectif oscillant de trois à cinq salariés et du retour immédiat à l'emploi de [R] [G].

La société VIBRATECH conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts de 23000 €. A l'appui de sa demande , elle indique ne pas avoir réglé les cotisations maladie et accident du travail en raison de l'adoption du statut d'expatrié par les parties à l'avenant du contrat de travail qui implique l'affiliation du salarié expatrié au régime chinois.

[R] [G], auquel une assurance complémentaire facultative a été proposée, a toutefois omis d'y adhérer.

Elle estime ainsi qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.

Elle soutient que [R] [G] ne peut se prévaloir des dispositions du code de la sécurité sociale inapplicables à la relation contractuelle des parties. Ces demandes sont par ailleurs injustifiées dans le quantum.

Elle conteste les circonstances brutales du licenciement dans la mesure où le salarié a pu négocier les conditions de son départ pendant six mois. Ce dernier ne peut se prévaloir de son refus légitime d'une reprise de son travail en France eu égard aux stipulations de son contrat de travail lui imposant l'exécution de ses fonctions en Chine.

[R] [G] ayant refusé de prendre son poste de travail en Chine du 2 au 10 mai 2013, sa demande en paiement des salaires sur cette période doit être rejetée.

La société VIBRATECH s'oppose enfin à la demande en remboursement des allocations versées par Pôle emploi eu égard à son effectif et à sa situation.

Par conclusions déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, [R] [G] demande à la cour de:

-condamner la société VIBRATECH au paiement des sommes suivantes:

-60 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison du caractère vexatoire et brutal du licenciement ,

-23 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en l'absence de paiement des cotisations sociales à compter de février 2012,

-953,75 euros bruts à titre de rappel de salaire du 02 au 10 mai 2013,

-95,37 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

-condamner la société VIBRATECH à rembourser à pôle emploi les sommes injustement versées par le régime en l'état de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-ordonner la transmission du jugement à intervenir aux différents organismes sociaux,

-condamner la société VIBRATECH au paiement d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens comprenant le timbre fiscal de 35 € et les frais d'huissier à hauteur de 290,01 €.

A l'appui de ses prétentions, [R] [G] expose avoir été confronté dès son arrivée en Chine à des difficultés liées au manque de moyens mis en place par l'employeur.

Il soutient que son contrat de travail a en fait été rompu par la société VIBRATECH qui a manifesté sa volonté d'y mettre un terme dans une lettre du 22/11/2012 et par sa décision prise le 21/11/2012 et notifiée le 29/11/2012 de le remplacer à son poste en Chine par l'assistante chinoise [X] [P] un mois avant son arrêt maladie.

La rupture de son contrat de travail étant effective le 22/11/2012 et la lettre ne comportant aucun motif, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, quand bien même la société VIBRATECH l'a licencié postérieurement en raison de ses insuffisances professionnelles.

A titre subsidiaire, [R] [G] soutient que la lettre de licenciement ne respecte par les dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail dans la mesure où elle comprend un catalogue vague et imprécis de griefs.

Les missions que la société VIBRATECH déclare lui avoir confiées n'étaient pas initialement prévues.

Il conteste les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, soulignant le manque de moyens mis à sa disposition et le caractère irréalisable des objectifs assignés par la société VIBRATECH .

[R] [G] soutient enfin que la société VIBRATECH a ainsi agi avec une hâte excessive en le licenciant pour absences désorganisant le bon fonctionnement de l'entreprise le jour où il a voulu reprendre son travail.

Il estime les conditions de son licenciement brutales et vexatoires eu égard au refus du chef d'entreprise de le laisser accéder à son poste de travail devant l'ensemble du personnel et en l'obligeant à exécuter son préavis en Chine alors que sa mère était mourante et sans l'informer des conditions d'exécution de ce préavis.

Dans la mesure où la relation de subordination avec la société VIBRATECH a perduré et où la société VIBRATECH a continué de lui verser directement ses salaires pour une mission temporaire à l'étranger, [R] [G] soutient qu'il aurait dû bénéficier du statut de salarié détaché.

Il affirme ne pas avoir disposé du temps nécessaire pour discuter de son statut d'expatrié dans la mesure où la société VIBRATECH lui a fait signer l'avenant deux jours avant son départ en Chine.

Ayant ainsi été privé de couverture sociale, il sollicite le paiement d'une somme de 23 000 € en réparation de son préjudice.

Il demande enfin le paiement de son salaire pour la période du 2 au 10 mai 2013, son absence sur son lieu de travail résultant du refus de l'employeur de le laisser accéder à son poste de travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin.

[Z] [S] ès qualités de gérant de la société VIBRATECH et [R] [G] ont signé une lettre en date du 22 novembre 2012 aux termes de laquelle il est mentionné:' je soussigné [Z] [S] (gérant) ai l'intention de licencier amiablement Mr [R] [G] qui en prend acte. Un exemplaire signés (sic) a été remis en maison propre à Mr [Z] [S] et Mr [R] [G] . Il est convenu d'un accord commun pour un rachat des 70 parts de la société VIBRATECH fixés à 100 € l'unité . Fait à [Localité 1] le 22 novembre 2012. Après accord sur l'ensemble des modalités de licenciement. Fait pour ce que de droit'.

Par lettre du 29 novembre 2012, [Z] [S] a confirmé à [X] [P], l'assistante chinoise de [R] [G] travaillant à l'agence de [Localité 1], qu'elle remplaçait ce dernier à compter du 01/01/2013 dans ses fonctions en vertu d'une décision prise le 21/11/2012.

Par lettre en date du 14/12/2012 , la société VIBRATECH a proposé à [R] [G] un entretien le 21/12/2012 afin d'envisager la conclusion d'une rupture conventionnelle du contrat de travail .

Par courrier électronique du 18/12/2012, [R] [G] a informé madame [Z], responsable du service social groupe inter-experts, en charge des négociations, qu'il souhaitait être assisté à l'entretien du 21/12/2012. Il a également sollicité des modifications du projet de la rupture conventionnelle du contrat de travail, demandant que la société VIBRATECH régularise ses cotisations sociales depuis le mois de février 2012 , estimant qu'il relevait du statut de salarié détaché et non d'expatrié.

Par lettre du 25/02/2013, la société VIBRATECH a convoqué [R] [G] à un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre du 30/04/2013, la société VIBRATECH a licencié [R] [G] dans les termes suivants: '(...) En conséquence, nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement, justifié par votre insuffisance professionnelle d'une part, et par la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif en Chine, compte-tenu de la nature du poste que vous occupez et des perturbations engendrées par votre indisponibilité, d'autre part.

Concernant tout d'abord votre insuffisance professionnelle, nous tenons à vous rappeler ce qui suit ; vous avez été engagé au sein de la société VIBRATECH à compter du 1er février 2002 en qualité de responsable technique. Depuis l'été 2010, vous avez été associé à un projet de création d'un atelier de maintenance en Chine, impliquant votre présence permanente en Chine pour une durée de 1 à 2 ans en qualité de responsable d'agence manager, soumis au statut d'expatrié.

Après plusieurs mois de réflexion et de préparation, aux termes d'un avenant signé le 1er février 2012, vous avez accepté d'occuper ses fonctions, impliquant notamment la recherche, équipement et l'installation de l'atelier, l'embauche et la formation d'un technicien chinois et, plus généralement, la recherche de nouveaux marchés (grâce, notamment à la création d'un site Internet en Chine, à votre participation à des actions de formation et des salons, la prospection de nouveaux clients, l'établissement de devis').

Contrairement aux affirmations contenues dans la lettre qui nous a été adressée par votre avocat le 26 décembre 2012, l'ensemble de vos frais d'installation en Chine ont été pris en charge par la société VIBRATECH, ayant toujours donné suite à vos demandes et mis à votre disposition l'ensemble des moyens matériels et humains nécessaires à l'accomplissement des missions.

En dépit de ceux-ci, nous n'avons pu que constater votre insuffisance de résultats, évoquée au cours de divers entretiens informels dont un dernier en date du 22 novembre 2012 (au cours duquel vous vous êtes d'ailleurs contenté de nous demander de mettre en place une procédure de rupture conventionnelle, que nous avions acceptée et à laquelle vous n'avez pas donné suite).

Votre insuffisance de résultat est notamment caractérisée par, et sans que cette liste soit limitative, l'insuffisance de vos compte-rendus et l'absence de retour sur vos actions de prospection, le retard pris dans l'aménagement du bureau de [Localité 1] (dépourvu, notamment, de rangement et éléments d'identification de l'entreprise), dans la création du site Internet en Chine et des cartes business chinoises de l'entreprise VIBRATECH , dans le recrutement de techniciens chinois (').

Concernant ensuite la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise provoquée par l'absence justifiée et régulièrement prolongée depuis le 21 décembre 2012, nous tenons également à vous préciser ce qui suit ;

votre absence à votre poste de responsable d'atelier manager entraîne de nombreuses perturbations pour le bon fonctionnement de l'entreprise, contraignant à pourvoir à votre remplacement définitif.

En effet, depuis le 21 décembre dernier, l'agence que nous avons créée en Chine et qui emploie maintenant une assistante bilingue et un technicien n'est plus dirigée par un responsable d'agence manager, devant être constamment présent sur le site.

Compte tenu du degré d'autonomie, de technicité et de responsabilité inhérent au poste de responsable d'agence manager que vous occupez, nous ne pouvons naturellement pas envisager un remplacement temporaire.

Aussi, nous sommes actuellement contraints d'effectuer des déplacements réguliers en Chine pour tenter de pallier votre absence ; cependant, le volume de nos activités et la nature de nos fonctions en France ne nous permettent matériellement pas d'exécuter , en sus de nos fonctions, l'ensemble des tâches qui vous sont dévolues (notamment : gérer le personnel de l'atelier, superviser la maintenance et la réparation de nos produits, assurer le service après-vente, développer de nouveaux produits, consolider nos relations commerciales nos clients et en prospecter de nouveaux), nécessitant à l'évidence le recrutement d'un responsable technique qualifié et expérimenté à temps complet.

Pour toutes ces raisons, nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement, la date de première présentation du pli marquant le point de départ de votre délai de préavis, d'une durée de trois mois et que vous pourrez exclusivement exécuter dans les conditions prévues par l'avenant que nous avons signé le 1er février 2012....'

[R] [G] demande de constater son licenciement de fait le 22/11/2012 dans la mesure où [Z] [S] son gérant a manifesté de façon claire et non équivoque son intention de rompre le contrat de travail dans la lettre du même jour.

La société VIBRATECH réplique que ce débat ne présente aucun intérêt dans la mesure où le contrat de travail de [R] [G] s'est poursuivi à l'issue de son arrêt maladie jusqu'au 01/08/2013.

La société VIBRATECH ajoute que la lettre du 22/11/2012 a été entièrement dactylographiée par [R] [G], qui l'a remise à [Z] [S] qui se trouvait à [Localité 1], versant à l'appui de ses dires l'attestation d'[D] [K] qui déclare:'le 22/11/2012, M. [Z] [S] et moi-même avions rendez-vous avec M.[R][G] sur le port Sheku à [Localité 1]. Ce jour-là, M.[G] a apporté un document rédigé au nom de M.[S] comportant la mention ' licenciement à l'amiable' à laquelle M.[G] était favorable et qu'il a signé'.

Quand bien même [R] [G] a dactylographié la lettre, [Z] [S] l'a lue et signée en y portant des mentions manuscrites personnelles.

En signant cette lettre aux termes de laquelle il a expressément notifié à [R] [G] son intention de le licencier amiablement, [Z] [S] ès qualités de gérant de la société VIBRATECH a manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

[Z] [S] a réitéré sa volonté de rompre le contrat de travail lorsqu'il a confirmé par lettre du 29 novembre 2012 à [X] [P], l'assistante chinois de [R] [G] travaillant dans l'agence de [Localité 1], qu'elle remplaçait ce dernier à compter du 01/01/2013 dans ses fonctions en vertu d'une décision prise le 21/11/2012.

Cette lettre du 22/11/2012 constitue ainsi la lettre de licenciement dans laquelle il n'existe aucun motif justifiant la rupture du contrat de travail.

L'article L1232-6 du code du travail dispose toutefois :'Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article.'

L'absence d'énonciation des motifs rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société VIBRATECH soutient avoir clairement énoncé les motifs du licenciement de [R] [G] dans sa lettre du 30/04/2013.

L'employeur ne peut cependant pas régulariser la procédure de licenciement par l'envoi postérieur d'une lettre de convocation à l'entretien préalable et d'une lettre le 30/04/2013 explicitant ses griefs à l'encontre du salarié.

Par suite, le licenciement de [R] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société VIBRATECH employait moins de 10 salariés au moment du licenciement de [R] [G].

[R] [G] a par conséquent droit, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Suite à son départ de la société VIBRATECH le 01/08/2013, [R] [G] a retrouvé un emploi d'ingénieur dans la société XLM SERVICES du 22/04/2014 au 03/01/2017.

Il a également créé une entreprise d'ingénierie et d'études techniques le 04/02/2014 qu'il a fermée le 27/06/2015.

Le salarié ne verse cependant aucun justificatif du montant de ses revenus depuis son licenciement et des salaires qu'il a perçus en qualité d'ingénieur de la société XLM SERVICES.

[R] [G] a été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi le 31/01/2017 consécutive à la fin de son contrat de travail du 01/08/2013, moyennant paiement d'une allocation journalière de 63,15 euros, ainsi qu'en atteste Pôle Emploi.

La société VIBRATECH verse aux débats une pièce 43 qui n'est pas un compte de résultat comptable de ses exercices 2011 et 2012 mais un extrait du registre du commerce et des sociétés de Fréjus indiquant un chiffre d'affaire au 31/12/2012 de 1 303 100 euros et un résultat net de 126 700 €. Elle ne produit aucun document comptable postérieur à 2012.

Compte-tenu de son âge au moment du licenciement, 57 ans, de son ancienneté, 11 ans et 2 mois, du montant de son dernier salaire horaire brut (3799,30 €) et de son retour à l'emploi du 22/04/2014 au 03/01/2017 en qualité d'ingénieur, il convient d'allouer à [R] [G] une somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et brutal

[R] [G] sollicite à ce titre la somme de 20 000 euros.

Il soutient que le caractère vexatoire de son licenciement résulte du refus par l'employeur de le laisser accéder à l'entreprise devant tout le personnel et de l'exigence de ce dernier qu'il exécute son préavis en Chine en lui faisant faire le trajet un week end sans l'informer sur ses conditions d'hébergement et alors même que sa mère était mourante.

[R] [G] déclare avoir été placé en arrêt maladie à compter de décembre 2012 jusqu'au 02/05/2013, date de la reprise de son travail, ce que ne conteste pas la société VIBRATECH.

Il indique s'être présenté le matin du 02/05/2013 dans les locaux de la société VIBRATECH où les salariés présents lui ont alors indiqué avoir reçu la consigne de ne pas le laisser reprendre son poste de travail. Il affirme qu'à son arrivée le gérant, [Z] [S], lui a indiqué qu'il ne faisait plus partie du personnel et lui a refusé la reprise de son poste de travail.

Le refus de [Z] [S] de lui laisser accéder aux locaux de l'entreprise situés en France est établi par le procès-verbal de constat d'huissier du 02/05/2012, ce dernier ayant déclaré que [R] [G] était licencié le jour même et qu'une lettre lui avait été adressée pour l'en informer.

La lettre de licenciement datée du 30/04/2013 a en effet été envoyée le 02/05/2012 ainsi qu'en atteste le cachet de la Poste.

La société VIBRATECH réplique que [R] [G] devait exécuter son préavis en Chine conformément à l'avenant au contrat de travail et qu'il a tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail en voulant reprendre son poste de travail en France.

Si [R] [G] devait en effet exécuter son préavis en Chine, l'intimé était en droit de se présenter à son employeur le 02 mai 2013 pour lui demander des éclaircissements sur les modalités d'exécution de son préavis dans la mesure où son poste et ses fonctions avaient été dévolues à son assistante chinoise par [Z] [S] depuis le 01/01/2013.

Le salarié ne disposait pas non plus d'informations sur son vol de retour et le lieu de son hébergement en Chine dans la mesure où la société VIBRATECH lui a donné ces précisions dans un courrier électronique du 07/05/2013

En refusant ainsi de laisser [R] [G] accéder aux locaux de l'entreprise, devant les autres membres du personnel et alors même qu'il était toujours salarié de l'entreprise, le gérant a agi avec l'intention manifeste de le blesser et de le rabaisser devant ses collègues.

Il convient par conséquent de condamner la société VIBRATECH à verser à [R] [G] une somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Sur le statut du salarié

[R] [G] soutient qu'il doit bénéficier du statut de salarié détaché dans la mesure où il remplit les conditions des articles L 761-1 et L 761-2 du code de la sécurité sociale : il a continué de travailler pour la société VIBRATECH qui a son siège social en France et qui lui a directement versé son salaire. Il était dans un lien de subordination avec la société VIBRATECH.

L'article 1103 du code civil, applicable aux faits de l'espèce, dispose toutefois :'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

Aux termes de l'avenant au contrat de travail en date du 03/02/2012, il est expressément stipulé que [R] [G] bénéficie du statut d'expatrié.

Il est au surplus mentionné que [R] [G] ne sera plus soumis au régime français de sécurité sociale mais au régime chinois de sécurité sociale et qu'il a la possibilité de souscrire à titre complémentaire et facultatif à l'assurance volontaire des expatriés en s'adressant à la caisse des Français à l'étranger dont l'adresse et le numéro de téléphone sont précisés.

Le détachement est par ailleurs une procédure facultative pour l'employeur qui a le choix pour ses salariés entre le détachement et l'expatriation.

Au vu de ces éléments, [R] [G] relève ainsi du statut d'expatrié conformément aux dispositions contractuelles du contrat qu'il a signé.

[R] [G] soutient ne pas avoir disposé du temps nécessaire pour discuter de ce statut, [Z] [S] ayant exigé sa signature du contrat avant son départ.

Il ressort d'un courrier électronique de madame [Z], responsable du service social groupe inter-experts, que le projet d'avenant a été adressé à [Z] [S] et [R] [G] le 27 janvier 2012.

Elle atteste toutefois avoir reçu à plusieurs reprises en rendez-vous [Z] [S] et [R] [G] notamment le 26 mai 2011 afin de fixer le statut de ce dernier avant son départ en Chine et de répondre à toutes ses questions sur son statut d'expatrié. Elle confirme avoir incité [R] [G] à souscrire une assurance volontaire notamment à la caisse des Français à l'étranger et à se rapprocher du service expatrié de Pôle Emploi .

Elle déclare enfin que [R] [G] a été associé tout au long de ces réunions préparatoires au choix de son statut.

Ces éléments établissent que [R] [G] a disposé de tout le temps nécessaire pour appréhender le statut d'expatrié et les conséquences en résultant notamment en matière de couvertures sociales.

Il convient par conséquent de le débouter de sa demande de lui octroyer le statut de salarié détaché et de sa demande en paiement de la somme de 23 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les rappels de salaires

La société VIBRATECH a retenu sur le salaire de mai 2013 de [R] [G] une somme de 953,75 euros bruts.

[R] [G] en sollicite le remboursement ainsi que les congés payés y afférents, estimant que son absence du 02 au 10 mai 2013 résulte du refus de la société VIBRATECH de lui laisser reprendre son poste et alors même qu'il se tenait à sa disposition.

La société VIBRATECH s'oppose à la demande aux motifs que [R] [G] n'a pas repris son poste de travail à [Localité 1] et qu'il s'est présenté dans ses locaux français pour tenter de lui imposer une modification de son contrat de travail.

Par lettre du 25/02/2013 adressée au domicile français de l'intimé, la société VIBRATECH a convoqué [R] [G] à un entretien préalable à son licenciement devant se tenir le 15/03/2013.

En convoquant ainsi son salarié à un entretien préalable à son licenciement dans ses locaux français, la société VIBRATECH savait nécessairement qu'elle devait lui prendre un billet d'avion pour rejoindre son poste de travail à [Localité 1] à l'issue de son arrêt maladie.

Il lui appartenait dès lors de réserver un billet d'avion modifiable afin que son salarié puisse reprendre son travail à l'issue de cet arrêt.

Le 02 mai 2013, [R] [G] s'est par ailleurs vu refuser par [Z] [S] l'accès aux locaux français de l'entreprise.

Il a alors demandé, par courrier électronique du 4 mai 2013, à la société VIBRATECH de lui indiquer les dates et heures des vols et les moyens logistiques mis à sa disposition pour son retour à [Localité 1] afin d'accomplir son travail.

Par courrier électronique du 07/05/2013 et lettre recommandée avec avis de réception non datée, la société VIBRATECH a adressé à [R] [G] les coordonnées de son vol aller-retour pour [Localité 1], le salarié devant partir de [Localité 2] le samedi 11/05/2013 pour arriver le dimanche soir 12/05/2013 à Hong-Kong . Elle lui a adressé 6000 RMB (yuans) pour couvrir ses frais de transport par ferry de Hong-Kong à [Localité 1] ainsi que son transport en taxi tout en lui indiquant qu'un logement était à sa disposition.

Dans la mesure où la société VIBRATECH n'a réservé un vol de retour pour son salarié que le 11 mai 2013, elle ne peut lui imputer sur son salaire des absences pour la période du 02 au 10 mai 2013, période pendant laquelle il s'est tenu à sa disposition et où elle lui a expressément refusé l'accès à ses locaux français.

Il convient par conséquent de condamner la société VIBRATECH à verser à [R] [G] la somme de 953,75 euros bruts au titre de ses rappels de salaire et celle de 95,37 € au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande de condamnation de l'employeur au remboursement des allocations versées par Pôle Emploi

L'article L1235-4 du code du travail dispose:'Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.'

[R] [G] demande de condamner la société VIBRATECH à rembourser à Pôle Emploi les allocations d'aide au retour à l'emploi, ce à quoi s'oppose cette dernière eu égard à son effectif et sa situation.

Le droit de Pôle emploi d'obtenir le remboursement des indemnités de chômage payées au travailleur licencié n'est pas subordonné à d'autres conditions que la condamnation de l'employeur au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient par conséquent de condamner la société VIBRATECH à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 2 mois d'indemnités de chômage.

Le greffier de la Cour d'appel adressera à Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l'arrêt dans les conditions de l'article R 1235-2 du code du travail.

Sur les frais irrépétibles

La société VIBRATECH qui succombe sera condamnée à verser à [R] [G] la somme totale de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d'appel .

Sur les dépens

La société VIBRATECH qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel comprenant le timbre fiscal de 35 € et les frais du procès-verbal de constat de l'huissier de justice de 290,01 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme le jugement,

Et statuant à nouveau,

Déclare le licenciement de [R] [G] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société VIBRATECH à verser à [R] [G] les sommes suivantes:

-35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

-953,75 euros bruts au titre de ses rappels de salaire,

-95,37 € au titre des congés payés afférents aux rappels de salaire,

Déboute [R] [G] de sa demande en paiement de la somme de 23 000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société VIBRATECH à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 2 mois d'indemnités de chômage,

Dit que le greffier de la Cour d'appel adressera à Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l'arrêt dans les conditions de l'article R 1235-2 du code du travail,

Condamne la société VIBRATECH à payer à [R] [G] une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et cause d'appel,

Condamne la société VIBRATECH aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le timbre fiscal de 35 € et les frais du procès-verbal de constat de l'huissier de justice de 290,01 €.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 15/08687
Date de la décision : 07/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°15/08687 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-07;15.08687 ?
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