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04/04/2017 | FRANCE | N°15/15432

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 04 avril 2017, 15/15432


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 04 AVRIL 2017

A.V

N° 2017/













Rôle N° 15/15432







[K] [C]





C/



SA SAFER





















Grosse délivrée

le :

à :Me Aymes

Me Dumolie

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de

Grande Instance de TOULON en date du 01 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03775.





APPELANTE



Madame [K] [C]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/8463 du 03/09/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

de national...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 04 AVRIL 2017

A.V

N° 2017/

Rôle N° 15/15432

[K] [C]

C/

SA SAFER

Grosse délivrée

le :

à :Me Aymes

Me Dumolie

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 01 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03775.

APPELANTE

Madame [K] [C]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/8463 du 03/09/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Elodie AYMES, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SA SAFER, dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Février 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2017,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

A la suite du compromis de vente signé le 31 octobre 2013 au profit de Mme [K] [C] portant sur la vente d'une parcelle de terre non plantée supportant un cabanon, sise sur la commune [Adresse 3], cadastrée section [Cadastre 1] et [Cadastre 1], moyennant le prix de 25.000 euros, la SAFER, informée de cette vente par le notaire le 4 novembre 2013, a déclaré, par deux courriers du 20 décembre 2013 adressés, l'un au notaire, l'autre à Mme [K] [C], exercer son droit de préemption.

Suivant acte d'huissier du 9 juillet 2014, Mme [K] [C] a fait assigner la SAFER devant le tribunal de grande instance de Toulon pour voir prononcer la nullité de la décision de préemption de la SAFER du 20 décembre 2013, soutenant n'avoir jamais reçu notification du droit de préemption et que la transmission de la décision par le notaire ne peut valoir notification et ajoutant que la décision est insuffisamment motivée. Elle réclamait la condamnation de la SAFER à lui payer la somme de 25.200 euros au titre de son préjudice économique et celle de 12.800 euros au titre de la perte financière liée au surcoût du bail, avec capitalisation des intérêts à compter de l'assignation et une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er juin 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a débouté Mme [K] [C] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens, mais a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a retenu que la SAFER avait notifié sa décision dans le délai de quinze jours à l'acquéreur évincé, comme le prévoit l'article R 143-6 du code rural, et que si le courrier adressé le 20 décembre 2013 à Mme [K] [C], à l'adresse indiquée dans l'avis du notaire, était revenue avec la mention « Défaut d'accès ou d'adressage », la SAFER n'en était pas responsable et n'avait commis aucune faute. Il a considéré par ailleurs que la décision de préemption était suffisamment motivée au regard de l'objectif indiqué d'agrandissement et d'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, conformément à l'article L 331-2 du code rural et de la pêche maritime. Il a donc rejeté la demande d'annulation de la décision ainsi que la demande en dommages et intérêts, à défaut de faute commise par la SAFER dans l'exercice de son droit.

Mme [K] [C] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 18 août 2015.

---------------------

Mme [K] [C], suivant conclusions signifiées le 17 novembre 2015, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :

Prononcer la nullité de la décision de préemption de la SAFER du 20 décembre 2013,

Condamner la SAFER à lui payer les sommes de 25.200 euros au titre du préjudice économique et de 12.800 euros au titre de la perte financière liée au surcoût du bail,

Condamner la SAFER à payer à Mme [K] [C] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle présente l'argumentation suivante : 

Sur la notification du droit de préemption : le premier juge a fait une mauvaise appréciation des faits ; en effet, elle n'a jamais été destinataire de la notification de la SAFER et cette dernière ne s'en est pas inquiétée tout de suite mais seulement à réception du courrier recommandé de son conseil du 27 janvier 2014, de sorte que Mme [K] [C] n'en a eu connaissance qu'au-delà du délai de quinze jours ; la notification faite par la SAFER n'a produit aucun effet dans la mesure où elle n'a jamais été informée de son existence, même par un avis de passage ;

Sur la motivation de la décision de préemption : la motivation doit être circonstanciée et justifiée par des considérations de fait propres au dossier ; or, la motivation de la décision tenant au développement de l'exploitation notamment viticole ne constitue pas une motivation concrète permettant de vérifier la réalité de l'objectif légal poursuivi ;

La nullité de la décision redonne vie au compromis ;

Mme [K] [C] a vendu son fonds de commerce pour se consacrer à son nouveau projet de vie et a dû prendre à bail une parcelle de terre n°[Cadastre 2] à côté de la parcelle acquise afin de réaliser une pension pour chevaux et une activité de maraîchage ; elle subit un préjudice économique sur six mois d'activité de pension de chevaux de 25.200 euros et subit une perte financière correspondant à la différence entre le prix du bail pendant neuf ans (37.800 euros) et le prix de la parcelle acquise (25.000 euros), soit 12.800 euros.

La SAFER, en l'état de ses écritures signifiées le 22 décembre 2015, conclut au rejet des demandes de Mme [K] [C] et à sa condamnation à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose :

Sur la notification de sa décision de préemption : la SAFER a avisé Mme [K] [C] de sa décision de préempter par lettre du 20 décembre 2013 à l'adresse indiquée par le notaire ; au retour de la lettre, elle s'est adressée au notaire pour qu'il transmette le courrier en recommandé ; elle a donc rempli les obligations prévues par l'article R 143-6 du code rural et n'a commis aucune faute ; aucune condition de remise du courrier à personne n'est prescrite, l'obligation de notifier n'étant qu'une obligation de moyen ; Mme [K] [C] a été informée par le notaire puisque son conseil a écrit à la SAFER pour soulever la nullité et elle n'a subi aucun grief ;

Sur la motivation de la décision : l'objectif de la préemption est indiqué et les raisons sont précisées de manière circonstanciée puisque la SAFER a visé une exploitation de 32 ha de vignes qui bénéficie de 1,989 unités de référence, ce qui constitue une donnée concrète ; après appel à candidature, elle a pu choisir un projet permettant l'agrandissement et la restructuration parcellaire d'une exploitation en agriculture biologique contigüe ;

Sur les dommages et intérêts : la SAFER n'a commis aucune faute puisque le droit de préemption est conforme à la Constitution et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et qu'elle n'a fait que remplir les missions de service public qui lui sont dévolues par la loi ; elle ajoute que le projet de pension de chevaux sur le terrain en cause apparaît peu compatible avec le règlement d'urbanisme en vigueur, la zone où il se situe étant soumise à des contraintes particulières en ce qui concerne le pacage des animaux et l'édification de bâtiments d'exploitation, de sorte que le préjudice d'exploitation allégué n'est ni direct ni certain.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 7 février 2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'en application de l'article L 143-3 du code rural et de la pêche maritime, « A peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs ci-dessus définis, et la porter à la connaissance des intéressés. » ;

Que l'article R 143-6 ajoute :

« La SAFER qui exerce le droit de préemption notifie au notaire chargé d'instrumenter par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision signée par le Président du conseil d'administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet.

Cette décision ainsi motivée est notifiée également à l'acquéreur évincé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire. » ;

Attendu qu'il est constant qu'à la suite du compromis de vente conclu entre M. et Mme [V] et Mme [K] [C] portant sur deux parcelles de terre cadastrées section B n°[Cadastre 1] et [Cadastre 1] sur la commune [Localité 2], le notaire, Me [R] [B], a notifié l'opération à la SAFER le 4 novembre 2013 et que cette dernière, suivant courrier recommandé avec accusé de réception du 20 décembre 2013, lui a notifié sa décision de préempter, indiquant informer l'acquéreur de sa décision par courrier du même jour ;

Que la SAFER produit un double du courrier de notification de sa décision de préempter en date du 20 décembre 2013 adressé à Mme [K] [C] ainsi que la copie de l'accusé de réception de la lettre qui lui a été retournée le 26 décembre 2013 avec la mention « défaut d'accès ou d'adressage » ; que ce courrier avait pourtant été adressé par la SAFER à l'adresse de l'acquéreur telle qu'indiquée par le notaire dans sa notification du 4 novembre 2013, à savoir : « [Adresse 4] » mais que cette adresse était manifestement incomplète puisque, sur le compromis, l'adresse de Mme [K] [C] est la suivante : « [Adresse 5] » ;

Que ce n'est qu'à réception du courrier adressé le 27 janvier 2014 par le conseil de Mme [K] [C] à la SAFER pour signaler que sa cliente n'avait jamais reçu notification de la décision de préemption, que la SAFER a demandé au notaire, par lettre du 28 janvier 2014, de bien vouloir notifier lui-même sa décision à l'acquéreur ;

Attendu que c'est à tort que le tribunal a retenu que la notification faite à l'acquéreur était valable dès lors qu'elle avait été adressée par la SAFER à Mme [K] [C] le 20 décembre 2013, soit dans le délai de quinze jours de la notification de la décision de préemption faite au notaire, à l'adresse qui lui avait été donnée par le notaire, considérant que la SAFER avait ainsi été parfaitement diligente et n'avait commis aucune faute ; qu'en effet, à défaut d'avoir été envoyée à une adresse valable permettant la délivrance du pli à son destinataire, la notification est nulle, indépendamment de l'absence de toute faute de la SAFER, l'objectif d'information personnelle de l'acquéreur n'étant pas rempli ; que, certes, la loi n'impose pas une remise à personne comme condition de la validité de la notification et que la notification est réputée délivrée à son destinataire, même si celui-ci n'est pas venu retirer la lettre recommandée, mais encore faut-il que celle-ci n'ait pas été envoyée à une adresse erronée ou incomplète empêchant toute délivrance au destinataire ;

Que c'est également à tort que le tribunal a considéré, ainsi que repris en appel par la SAFER, que Mme [K] [C] avait eu nécessairement connaissance de la décision de la SAFER puisque son conseil avait écrit à celle-ci le 27 janvier 2014 ; qu'en effet, il ne ressort pas de ce courrier que Mme [K] [C] aurait reçu un exemplaire de la décision de la SAFER et aurait ainsi eu connaissance de sa motivation, de même que n'est pas précisée la date à laquelle cette remise aurait eu lieu, alors que plus d'un mois s'était écoulé entre la date de la notification adressée au notaire et celle du courrier du conseil de l'acquéreur à la SAFER ;

Qu'enfin, ce n'est que par courrier du 28 janvier 2014 que la SAFER a demandé au notaire de procéder lui-même à la notification de sa décision de préemption à Mme [K] [C], soit bien au-delà du délai de quinze jours prévu par l'article R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

Que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] [C] de sa demande en nullité de la décision de préemption de la SAFER du 20 décembre 2013 ;

Attendu qu'il ressort de l'analyse des faits qui précède que la SAFER n'a commis aucune faute à l'origine de la nullité de la notification de sa décision, l'envoi du pli à une adresse incomplète résultant d'une erreur du notaire qui n'a repris que partiellement les éléments qui figuraient dans le compromis ;

Que dès lors, Mme [K] [C] sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [K] [C] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts contre la SAFER ;

L'infirmant pour le surplus de ses dispositions et y ajoutant,

Déclare la décision de préemption de la SAFER en date du 20 décembre 2013 nulle à défaut de notification valable à Mme [K] [C], acquéreur évincé, dans le délai de quinze jours de la notification faite au notaire ;

Condamne la SAFER à payer à Mme [K] [C] une somme de 1.200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 15/15432
Date de la décision : 04/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/15432 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-04;15.15432 ?
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