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24/03/2017 | FRANCE | N°14/15859

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 24 mars 2017, 14/15859


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2017



N°2017/



Rôle N° 14/15859







[K] [R]





C/



Société SYNCHRONE TECHNOLOGIE











Grosse délivrée le :



à :



Me Jean-pierre RAYNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 10 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/256.





APPELANTE



Madame [K] [R], demeurant [Adresse 1]



représe...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2017

N°2017/

Rôle N° 14/15859

[K] [R]

C/

Société SYNCHRONE TECHNOLOGIE

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-pierre RAYNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 10 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/256.

APPELANTE

Madame [K] [R], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-pierre RAYNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Société SYNCHRONE TECHNOLOGIE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Agnès MICHEL, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2017

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [R] a été embauchée par la société synchrone technologies en qualité de consultante statut cadre, position 2, suivant contrat de travail daté du 8 avril 2010, à effet du 3 mai 2010, moyennant une rémunération annuelle brute de 35'000 €.

Les relations contractuelles sont régies par la convention Syntec.

Victime le 19 mars 2011, d'un accident de ski lui ayant causé d'importants traumatismes cervicaux et dorsaux, elle a été en arrêt de travail du 21 mars 2011 jusqu'au 12 décembre 2011.

Lors de la visite médicale de reprise du 13 décembre 2011, le médecin du travail a conclu à son aptitude 'sous réserve d'un aménagement d'horaires (soins) pendant un mois et demi'.

Elle a repris le travail le 13 décembre 2011 puis a été placée en arrêt de travail du 17 au 30 décembre 2011.

Le 22 décembre 2011 l'employeur a convoqué Madame [R] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 5 janvier 2012. Par un courrier du même jour, la société synchrone technologies a renoncé à poursuivre la procédure.

Le 19 janvier 2012, Mme [R] a, à nouveau, été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 janvier 2012, avec mise à pied conservatoire. Parallèlement, le 10 février 2012, les parties ont signé une rupture conventionnelle, que la salariée a dénoncé le 22 février 2012.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réceptions du 29 février 2012, Madame [K] [R] a été licenciée dans les termes suivants:

'.... Depuis votre intégration au sein du département R et D nous nous sommes aperçus que vous n'aviez fourni aucun travail. Nous vous avions pourtant adressé des ordres de mission clairs, des points de briefing été régulièrement organisés, mais il ressort des différents comptes rendu que vous vous ingéniez à ne rien faire, vous prétendez ne pas avoir compris l'objet de la mission, et ce dans le but de justifier un travail non rendu.

En fait, depuis plusieurs mois, vous mettez tout en 'uvre pour ne pas travailler. Nous vous rappelons que vous étiez censés reprendre votre activité professionnelle à l'issue d'un arrêt travail de plusieurs mois le 12 décembre 2011. Nous avions, comme il se doit, sollicité la médecine du travail, qui avait délivré un avis d'aptitude favorable au poste. Vous aviez souhaité poser des congés sans solde du 12 décembre 2011 ou 12 janvier 2012, congés qui vous avez été refusés, compte tenu de notre volonté de vous positionner sur des missions de consulting, objet de votre embauche. Finalement vous avez été de nouveau en congés maladie du 17 décembre 2011 au 31 décembre 2011, de ce fait la mission qui devait vous être affectée n'a pas pu aboutir. Lors de votre retour de maladie, en janvier 2012, nous vous avons exposé la difficulté à vous repositionner, compte tenu de vos absences répétées.

Vous nous avez alors sollicité pour l'achat d'un fauteuil plus adapté prétextant que cela vous permettrait de ne plus souffrir du dos et donc de ne plus être absente. Nous avons immédiatement accédé à votre demande, nous avons même sollicité de nouveau la médecine du travail afin de faire valider votre aptitude, notre souhait était de pouvoir vous maintenir en poste dans l'entreprise. Il se trouve que le médecin du travail n'a pas souhaité vous rencontrer considérant ses conclusions rendues en décembre 2011 comme satisfaisantes.

Malgré tous nos efforts, il ressort que vous persistiez, comme expliqué plus haut, à ne rien faire, ou plutôt essayer de faire semblant tout en ne produisant aucun travail ou essayant par tout stratagème de vous dérober à vos obligations contractuelles. Lors de votre affectation au département R et D, vous étiez censé fournir un travail de recherche dans des domaines totalement maîtrisables. Nous savons que vous étiez plus préoccupée à jouer avec votre Smartphone ou passer de longs instants en discussions téléphoniques personnelles.

Notre sentiment, est d'avoir été abusé, laissant paraître de manière artificielle d'une réelle volonté de fournir un travail attendu mais la réalité est toute autre. Cette situation était devenue inacceptable, c'est la raison pour laquelle nous vous avions notifié une mise à pied conservatoire dans l'attente de toute décision. Mais là encore, vous avez eu un comportement intolérable refusant malgré l'ordre qui vous avait été intimé de quitter le plateau R et D, vous donnant en spectacle devant les autres collaborateurs présents et non concernés. Vous avez une fois de plus habilement tenté de vous faire passer pour une victime harcelée par votre employeur. La vérité est toute autre vous étiez en mise à pied et vous refusiez de quitter les lieux de l'entreprise. Nous n'avons pas eu d'autre choix que de vous accompagner jusqu'à la porte de l'entreprise. Évidemment votre but recherché a été atteint. Vous avez ainsi créé un trouble et un doute auprès des consultants en poste dans le but unique de nuire à notre réputation et moralité.

À l'issue de l'entretien préalable du 30 janvier vous avez sollicité la mise en place d'une rupture conventionnelle. Une fois de plus nous avons accédé à votre demande. À cet égard nous avons donc suspendu ladite procédure nous vous avons reçu toujours accompagnée de Monsieur [X], conseiller du salarié, à un entretien le 10 février 2012 nous avons signé un protocole de rupture conventionnelle en toute bonne foi. Vous avez dénoncé ce protocole par un courrier du 22 février 2012 quelques jours avant l'expiration du délai de rétractation. Depuis le 23 janvier 2012 de nouveau en arrêt maladie, il est très clair que votre comportement est préjudiciable à notre société.

Vous démontrez votre manque total de motivation au travail cherchant tout type d'excuses pour ne pas exécuter les tâches qui vous sont confiées'

Aussi, nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse aux motifs exposés plus haut; votre préavis de trois mois débutera dès la première présentation de ce courrier' »

Contestant la mesure prise à son encontre, le 11 mars 2013 Madame [K] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, lequel dans sa section encadrement par jugement du 10 juin 2014 a statué comme suit :

' dit que le licenciement de Madame [K] [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

' déboute Madame [K] [R] de l'intégralité de ses demandes,

' condamne Madame [K] [R] à verser à la société synchrone technologies la somme de 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne Madame [K] [R] aux entiers dépens.

Le 16 juillet 2014, Madame [K] [R] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience par son conseil elle demande à la cour de réformer le jugement déféré et de :

' dire le licenciement dépourvu de tout caractère réel et sérieux,

' condamner la société synchrone technologies à lui payer les sommes suivantes :

*5000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

*10'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience par son conseil, la société synchrone technologies demande à la cour de:

' dire et juger irrecevable et infondé en droit comment en fait l'appel interjeté par Madame [K] [R],

' la débouter de l'intégralité de ses demandes,

' confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que l'employeur avait exécuté le contrat de travail d'une manière parfaitement loyale et que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

' dire et juger en toute hypothèse qu'aucune somme ne saurait être due de ces chefs

à titre subsidiaire si la cour ne devait pas partager cette analyse minorée à une somme purement symbolique le montant des dommages-intérêts à octroyer à Madame [K] [R] au titre de l'un ou l'autre des chefs ci-dessus,

' confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Madame [K] [R] au paiement de la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

' et y ajouter la condamner au paiement de la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le licenciement,

Sur la cause du licenciement, en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse

Sur le bien fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige il est reproché à Mme [K] [R] de ne fournir aucun travail. Il est essentiel de rappeler préalablement que la salariée, a été absente pour maladie du 21 mars 2011 jusqu'au 12 décembre 2011, du 17 au 30 décembre 2011, qu'elle a ensuite repris le travail jusqu'au 23 janvier 2012, date à laquelle elle a, à nouveau été en arrêt maladie sans interruption.

A l'appui du grief tiré de l'absence de tout travail, l'employeur produit quelques messages électroniques, dont trois adressés à la salariée les 3, 6 et 9 janvier 2012, soit pendant les trois semaines de janvier 2012 où elle était présente, convoquée à cette période à deux entretiens préalables. Aucune remarque quant à l'inexécution de ses tâches n'est invoquée antérieurement à son arrêt de travail. Par ailleurs, ces mails ne constituent pas des 'ordres de mission clairs' et la cour ne trouve pas au dossier de l'employeur le compte rendu des points de briefing desquels il ressort que ' la salariée s'ingénierait à ne rien faire'.

S'agissant de sa présence dans les locaux de l'entreprise le 20 janvier 2012, Mme [R] n'a signé l'accusé de réception notifiant sa mise à pied conservatoire que le 21 janvier 2012. La société Synchrone ne justifie pas que la salariée en ait eu connaissance auparavant.

.

Au regard de l'enchaînement des faits, la salariée soutient à juste titre que le véritable motif de son licenciement est celui de ses absences répétées ainsi que le confirment les mails échangés entre le ressource manager, l'ingénieur d'affaires, le responsable du département et le responsable juridique en décembre 2011 (pièce n°14 de l'employeur) et le compte rendu du premier entretien préalable établi par le conseil de la salariée, dont la teneur n'est pas contestée.

En l'état de ces éléments, il n'existe pas de cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement de Mme [R] qui à la date du licenciement, comptait moins de deux ans d'ancienneté a droit, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte-tenu de son âge au moment du licenciement, 30 ans, de son ancienneté d'un an et 9 mois et 26 jours dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de l'absence de justification de sa situation après son licenciement, son préjudice sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 3000 € à ce titre.

2. Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Mme [R] soutient que l'employeur n'a pas mis en oeuvre les mesures nécessaires à la préservation de sa santé lorsqu'elle a repris le travail. Elle fait valoir qu'un siège avec appui tête était présent dans l'entreprise et que l'usage de celui-ci lui a été expressément refusé sans aucun motif.

Il est constant que lors de la visite de reprise le 13 décembre 2011, le médecin du travail a déclaré Mme [R] apte 'sous réserve d'un aménagement d'horaires (soins) pendant un mois et demi'. Il est également constant qu'afin de respecter cette préconisation, la salariée a été affectée au siège de l'entreprise et non chez un client. Le médecin du travail n'a pas jugé nécessaire l'attribution d'un siège avec appui-tête. Au contraire, interrogé par l'employeur sur cette nécessité, par messages des 6 et 13 janvier 2012, le médecin du travail a indiqué que si la salariée lui avait fait part de l'inconfort lié à un fauteuril inadapté à son état, elle n'aurait pas manqué de le préciser sur l'avis, ajoutant qu'un appui-tête ne lui semblait pas une aménagement qui s'impose nécessairement.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté l'appelante de ce chef.

3. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

La SAS synchrone technologies qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à payer à Mme [R] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme [K] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS synchrone technologies à payer à Mme [K] [R] la somme de 3000 € à titre d'indemnité pour rupture abusive avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute Mme [K] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS synchrone technologies à payer à Mme [K] [R] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS synchrone technologies aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/15859
Date de la décision : 24/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°14/15859 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-24;14.15859 ?
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