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23/03/2017 | FRANCE | N°14/24241

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 23 mars 2017, 14/24241


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2017



N° 2017/ 177













Rôle N° 14/24241







SA SOCIETE GENERALE





C/



[L] [N]

SCI CCA [N]



























Grosse délivrée

le :

à :PAYEN



LEVAIQUE





















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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2014001925.





APPELANTE



La Société Générale prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOC...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2017

N° 2017/ 177

Rôle N° 14/24241

SA SOCIETE GENERALE

C/

[L] [N]

SCI CCA [N]

Grosse délivrée

le :

à :PAYEN

LEVAIQUE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2014001925.

APPELANTE

La Société Générale prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [L] [N]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] - TUNISIE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Jean-Pierre DARMON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CCA [N] sci prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Jean-Pierre DARMON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller

Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2017

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Vu le jugement du 24 novembre 2014 par lequel le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence s'est déclaré compétent et a notamment :

- condamné la SA Société Générale à payer à la SCI CCA [N] la somme de 9 230,66 euros au titre du contrat d'assurance-vie venant en règlement de son prêt immobilier in fine,

- dit n'y avoir lieu à accorder quelque somme que ce soit sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté comme injustifiée la demande en dommages et intérêts de la SCI CCA [N],

- condamné la SA Société Générale et la SCI CCA [N] à supporter pour moitié les dépens de l'instance ;

Vu la déclaration du 24 décembre 2014 par laquelle la SA Société Générale a interjeté appel de cette décision ;

Vu les dernières conclusions du 24 août 2015 aux termes desquelles la SA Société Générale (la Société Générale) demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

In limine litis,

- déclarer incompétent le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour connaître de l'action de la SCI [N]

- débouter la SCI CCA [N] de ses prétentions,

- renvoyer la SCI CCA [N] à mieux se pourvoir devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

A titre subsidiaire,

- constater que M. [L] [N] a été valablement informé sur les risques que présentait l'opération,

- juger que la banque n'a pas manqué à son obligation d'information,

- juger que M. [L] [N], en choisissant un support d'assurance-vie composé en majeure partie d'actions, a accepté de courir des risques diversifiés en escomptant en gain substantiel,

- juger que la banque n'a commis aucune faute,

- juger qu'en l'absence de préjudice direct et certain, élément essentiel de la responsabilité, l'action de la SCI CCA [N] est non fondée,

- débouter la SCI CCA [N] de ses demandes,

- condamner la SCI CCA [N] au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du même code ;

Vu les dernières conclusions du 18 mai 2015 aux termes desquelles la SCI CCA [N] et M. [L] [N] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- condamner la Société Générale à supporter seule le déficit du prêt à terme souscrit par la SCI CCA [N] et à prendre à sa charge la somme de 9 230,66 euros outre les intérêts et frais,

- débouter la Société Générale de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la Société Générale au paiement de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du même code ;

MOTIFS

Attendu que par acte du 1er octobre 2001 la SCI CCA [N], gérée par M. [L] [N], a souscrit auprès de la Société Générale un prêt in fine d'un montant de 220 000 Francs au taux de 5,40 % d'une durée de 144 mois, le capital devant être payé au 7 novembre 2013 ;

Que ce contrat de prêt était adossé à un contrat d'assurance-vie 'Vie Investissement' option 'FCP EQUILIBRE' auquel a adhéré M. [L] [N] le 14 septembre 2001 ;

Que ce contrat d'assurance-vie, composé pour l'essentiel d'investissements en actions, a été nanti au profit de la Société Générale ;

Que par courrier du 5 avril 2013, la Société Générale a rappelé à la SCI CCA [N] que la dernière échéance du prêt devait être réglée le 7 novembre 2013 et l'a informée que le capital détenu sur le contrat d'assurance-vie paraissait insuffisant pour permettre ce remboursement, la rentabilité de ce contrat n'ayant pas été celle escomptée ;

Que par courrier du 11 février 2014 la Société Générale a mis la SCI CCA [N] en demeure de payer le solde du prêt, soit la somme de 9 230,66 euros ;

Que par acte d'huissier du 27 février 2014, la SCI CCA [N] a assigné en responsabilité la Société Générale devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ; qu'à l'issue de cette instance à laquelle s'est joint M. [L] [N], le tribunal a fait droit à une partie des demandes de la SCI CCA [N] ;

Sur la compétence du tribunal de commerce

Attendu que la Société Générale soutient que le tribunal de commerce n'était pas compétent pour connaître de l'action en responsabilité initié par la SCI CCA [N], dans la mesure où cette dernière est une société civile, qui exerce une activité civile et qui fonde son action en invoquant un prêt immobilier qui est un acte civil par nature ;

Mais attendu qu'ainsi que le font remarquer les intimés, la Société Générale a la qualité de commerçant et le prêt litigieux a, en ce qui la concerne, une nature commerciale, de sorte que la juridiction commerciale était compétente pour connaître du litige ;

Qu'en effet, en cas de litige entre deux parties dont l'une seulement est commerçante ou à propos d'un acte qui n'est commercial que pour l'une d'elles, la partie qui n'est pas commerçante ou qui n'a pas fait d'acte de commerce a le droit d'être jugée par la juridiction civile compétente à son égard et, si elle est demanderesse, à actionner, à son choix, le défendeur commerçant devant le tribunal civil ou devant le tribunal de commerce ;

Que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Société Générale ;

Sur la responsabilité de la Société Générale

Attendu qu'en premier lieu, la SCI CCA [N] et M. [L] [N] font valoir que la Société Générale a manqué à son devoir d'information en imposant à la SCI CCA [N], qui n'était pas une professionnelle de la finance, un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie, sans fournir tous les renseignements utiles sur ce montage financier ;

Que la Société Générale soutient qu'elle a communiqué toutes les informations utiles sur les risques générés par le contrat d'assurance-vie et qu'aucune responsabilité ne peut être retenue de ce chef à son encontre ;

Attendu que contrairement aux affirmations des intimés, aucun élément du dossier ne permet d'établir que la Société Générale a imposé à la SCI CCA [N] et son gérant la souscription d'un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie souscrit par M. [L] [N] ;

Qu'il n'en demeure pas moins que dans son courrier du 5 avril 2013 adressé à la SCI CCA [N] la Société Générale reconnaissait que le contrat d'assurance-vie avait été conclu dans le but de permettre le remboursement du capital emprunté à la fin du prêt immobilier ;

Que ce montage financier, impliquant la combinaison de deux contrats souscrits par deux personnes juridiques distinctes et fondé sur une part d'aléa inhérente au contrat d'assurance-vie, est d'une technicité particulière de sorte que la Société Générale était tenue à une obligation d'information sincère et complète tant à l'égard de la SCI CCA [N] qu'à l'égard de M. [L] [N], dont il n'est pas démontré qu'ils aient pu avoir des connaissances en matière financière ;

Que la banque devait ainsi informer ses clients sur les caractéristiques des deux contrats, sur les avantages du prêt in fine, sur les risques inhérents à l'assurance-vie option ' FCP EQUILIBRE', composé pour l'essentiel d'investissements en actions mais aussi sur l'adéquation du montage financier avec la situation de la SCI CCA [N] et son gérant et avec les attentes de ces derniers ;

Qu'il résulte des pièces produites aux débats et des écritures de la Société Générale que, lors de la souscription des contrats litigieux, cette dernière n'a communiqué à ses clients qu'un bulletin d'adhésion et une note d'information (pièces 1 et 2 de la banque) ;

Que la lecture de ces documents révèle qu' il n'y est pas mentionné de manière claire et précise que les investissements faits par M. [L] [N] dans le cadre du contrat d'assurance-vie étaient, pour une large part, soumis aux fluctuations des marchés, à la hausse comme à la baisse, et qu'ils comportaient un risque en capital ;

Qu'en l'absence d'autre élément, il convient de constater que la remise de ces seules pièces à la SCI CCA [N] et à M. [L] [N] est insuffisante pour établir que la Société Générale a effectivement respecté son obligation d'information ;

Que la Société Générale a engagé sa responsabilité de ce chef ;

Attendu qu'en second lieu les intimés reprochent à la Société Générale d'avoir manqué à ses obligations en cours d'exécution du contrat d'assurance-vie ;

Qu'ils précisent que la Société Générale, qui avait la maîtrise de la gestion de ce contrat et qui avait une obligation de résultat, n'a pas réagi lorsque les rendements sont devenus inférieurs à ceux escomptés et ne les a pas informés de cette évolution défavorable ; qu'ils soutiennent que ce comportement est constitutif d'une faute ;

Que la Société Générale conteste toute responsabilité, rappelant, d'une part, qu'elle n'était tenue à aucune obligation de résultat et, d'autre part, que M. [L] [N] avait régulièrement reçu des relevés de situation, de sorte que ce dernier était en mesure d'intervenir pour modifier la répartition des fonds entre les différents supports prévus dans le cadre du contrat d'assurance-vie ;

Attendu qu'à supposer que la banque ait été chargée de la gestion du contrat d'assurance-vie souscrit par M. [L] [N], ce qui ne résulte pas des pièces versées aux débats, il convient de rappeler qu'une entreprise d'assurance-vie n'est tenue qu'à une obligation de moyens, de prudence et de diligence, eu égard à la nature aléatoire des placements boursiers auxquels le contrat est adossé ; que le seul fait que la plus-value escomptée n'ait pas été réalisée est insuffisant pour caractériser un tel manquement ;

Que par ailleurs, s'agissant de l'information fournie à M. [L] [N] sur l'évolution de son contrat, la Société Générale soutient, sans être précisément contestée sur ce point, que M. [L] [N] recevait régulièrement des relevés de situation ; que M. [L] [N] produit d'ailleurs un courrier de mai 2013 adressé par la SOGECAP faisant état de l'existence de relevés quadrimestriels ;

Qu'au regard de ces considérations, il convient de constater qu'aucune des fautes invoquées par les intimés à l'encontre de la Société Générale et concernant l'exécution du contrat d'assurance-vie, n'est démontrée ; qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à l'encontre de l'appelante de ces chefs ;

Sur le préjudice

Attendu que la SCI CCA [N] sollicite la condamnation de la Société Générale à supporter et à prendre à sa charge la somme restant due au titre du prêt, soit la somme de 9 230,66 euros ;

µ

Mais attendu qu'ainsi que le soutient à juste titre la Société Générale, le préjudice causé par le défaut d'information est constitué par la chance que la SCI CCA [N] a perdue de ne pas souscrire le contrat de prêt in fine ;

Qu'au regard des circonstances de l'espèce, il existe une probabilité pour que la SCI CCA [N] ait pu choisir un autre type de prêt si elle avait reçu une information claire sur les risques inhérents au contrat d'assurance-vie, probabilité qui sera qualifiée de moyenne ;

Que cette perte de chance de choisir un autre type de prêt justifie l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros ;

Que la Société Générale sera condamnée à régler cette somme, étant précisé que la créance indemnitaire de la SCI CCA [N] se compensera avec la créance détenue par la banque au titre du prêt litigieux ;

Attendu que les intimés sollicitent en outre une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, invoquant la résistance abusive de la Société Générale ;

Mais attendu que la banque, en s'opposant au règlement amiable du litige et en interjetant appel de la décision rendue en premier ressort, n'a fait qu'user de son droit de se défendre ;

Que ce comportement, dont le caractère abusif n'est pas démontré, n'est pas constitutif d'une faute ;

Que c'est à juste titre que les intimés ont été déboutés de leur demande indemnitaire ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

Attendu que l'équité commande qu'une somme globale de 1 000 euros soit allouée aux intimés au titre des frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SA Société Générale à payer à la SCI CCA [N] la somme de 9 230,66 euros au titre du contrat d'assurance-vie venant en règlement de son prêt immobilier in fine,

Statuant à nouveau de chef,

- Condamne la SA Société Générale à payer à la SCI CCA [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Dit que cette créance indemnitaire détenue par la SCI CCA [N] se compensera avec la créance détenue par la SA Société Générale au titre du prêt in fine litigieux,

Y ajoutant,

- Condamne la SA Société Générale à payer une somme globale de 1 000 euros à la SCI CCA [N] et à M. [L] [N], au titre des frais irrépétibles d'appel,

- Déboute les parties de leurs plus amples demandes,

- Condamne la SA Société Générale au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/24241
Date de la décision : 23/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°14/24241 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-23;14.24241 ?
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