COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 16 MARS 2017
N° 2017/
GB/FP-D
Rôle N° 15/06181
SAS [E] BTP
C/
[T] [H]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Julien SALOMON, avocat au barreau de NICE
Me Valérie FOATA, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section I - en date du 17 Mars 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/397.
APPELANTE
SAS [E] BTP, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Julien SALOMON, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 181
INTIME
Monsieur [T] [H], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Valérie FOATA, avocat au barreau de NICE substitué par Me Jean-nicolas CLEMENT-WATTEBLED, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2017.
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Par lettre recommandée postée le 31 mars 2015, la société [E] BTP a interjeté appel du jugement rendu le 17 mars 2015 par le conseil de prud'hommes de Grasse la condamnant à verser à M. [H] les sommes suivantes :
5 054,02 euros pour préavis, ainsi que 505,40 euros au titre des congés payés afférents,
4 993,54 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
15 500 euros pour licenciement illégitime, avec intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2014.
La société [E] BTP conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré à la censure de la cour et au rejet des fins de l'appel incident par lequel M. [H], qui conclut lui-aussi à son infirmation réclame sa réintégration dans les effectifs de l'entreprise sans préjudice du paiement de la somme de 62 746,08 euros, somme à parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir, correspondant au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'arrêt constatant la nullité de son licenciement, ainsi que 4 419,08 euros au titre d'une indemnité de trajet et 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 11 janvier 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [H] est réputé avoir été au service de la société [E] BTP, en qualité de maçon, du 6 septembre 2004 au 17 mars 2014, date à laquelle il a été licencié pour une faute grave tenant aux faits reprochés suivants :
' - sur le chantier RAGNAR, suite à une remarque de Monsieur [O] [E] sur la qualité de votre travail, vous vous êtes fortement emporté à son encontre, criant et menaçant('Moi, je peux être méchant si je veux')
- au gré d'échanges relatifs à vos revendications salariales avec moi, téléphoniquement puis face à face, vous vous êtes emporté, criant, m'insultant et me menaçant.
Au cours de l'entretien, vous avez nié l'intégralité des faits qui vous sont reprochés et argué de ce que vous auriez toujours fait preuve de respect à l'égard des personnes visées.
Vos dénégations ne peuvent nous convaincre ; au contraire, elles démontrent tout à la fois votre incapacité à évoluer er reconnaître vos torts ou encore à accepter les rapports hiérarchiques.
C'est pourquoi nous vous licencions avec effet immédiat : nous ne pouvons tolérer un tel comportement agressif, arrogant et menaçant, doublé d'une absence de remise en question personnelle.'
Le salarié poursuit la nullité de ce licenciement au double motif de son prononcé durant une période de suspension de son contrat de travail à la suite d'une maladie professionnelle et de son absence de cause réelle et sérieuse.
L'employeur, pour démontrer les faits reprochés, verse aux débats l'attestation, régulière en la forme, de M. [E] qui déclare :
'En ma qualité de conducteur de travaux au sein de la société [E], Décembre 2013 alors que je me trouvais sur le chantier cht Ragnard, j'ai demandé à Monsieur [H] d'apporter plus de sérieux au travail qu'il réalisait ; depuis quelque temps déjà, j'avais noté un certain laisser aller dans ses ouvrages. Sans explication aucune, il s'est mis à m'invectiver, m'indiquant que je ne comprenais rien. Plus encore, il est venu se poster juste devant moi, mettant son visage a quelques centimètres du mien et ma hurlait d'un ton menaçant ; moi je peux être méchant si je veux. Du fait de mon âge [66 ans au moment des faits], j'ai préféré ne pas envenimer la discussion et m'en suis allé.'
L'employeur verse également l'attestation, également régulière en la forme, de M. [C] qui déclare:
'Je suis employé en qualité de conducteur de travaux dans la Société [E]. Au mois de février dernier Monsieur [H] s'est présenté dans les locaux de la société suite à une conversation téléphonique de M. [E]. Monsieur [H] ayant l'air particulièrement en colèren j'avie avoir eu quelque peu peur pour M. [E]. je me suis donc permis de de tendre l'oreille. Très rapidement, Monsieur [H] a haussé le ton. Il s'est permis de crier sur M. [E], le traitant de différents noms d'oiseaux et répétant plusieurs fois que ça ne se passerait pas comme ça et que, s'il fallait taper pour obtenir son argent, il finirait par le faire. Monsieur [E] a demande calmement à Monsieur [H] de partir, ce que ce dernier a fait en continuant de vociférer. J'ai également eu une altercation téléphonique au mois de septembre 2012 avec [H] concernant l'aménement des fournitures sur le chantier de la Cité Marchande dee [Localité 1]. Mr [H] s'est ensuite énervé pour finir avec des insultes alors que la situation ne se prétait pas à de telles circonstances.
Le comportement de M. [H] a également posé des problèmes sur les chantiers :
- Exterieur de l'école [Établissement 1] - [Localité 1]
- Cité Marchande - [Localité 1]
- Extensions Conservatoire de musique - [Localité 2]
lorsque je faisais des remarques sur la réalisation des travaux, la méthodologie adaptée et la durée d'exécution.'
Pour combattre le témoignage de M. [C], M. [H] invite la cour à la plus grande prudence en raison de sa qualité de salarié de la société [E] BTP d'autant qu'il soutient avoir été absent de l'entreprise au moment des faits relatés.
Mais, d'une part, un salarié est recevable à témoigner à la demande de son employeur et M. [C] tout particulièrement en sa qualité de témoin direct de la scène qui s'est déroulée au mois de février 2014 dans les locaux de l'entreprise, d'autre part, contrairement à ce qu'il soutient au prétexte de la suspension de son contrat de travail, que M. [H] était bien présent dans ces locaux début février 2014 comme en atteste la salariée [R] dans des termes exempts d'ambiguïté :
'Début février2014, alors qu'il venait d'être placé en arrêt maladie (je ne me rappelle plus la date exacte mais c'était la semaine suivant le début de son arrêt) [première semaine de février], il est venu en fin de journée voir Monsieur [K] [E]. Bien que son bureau soit placé à quelques mètres de celui de Monsieur [E]. Monsieur [H] a crié si fort que je l'ai entendu insulter et menacer Monsieur [E] 'faites très attention, je vais vous faire payer je sais comment faire moi ...' et également crié dans une langue que je ne peux traduire. Même en partant, Monsieur [H] a continué de crier de d'insulter. J'ai compris qu'il réclamait de l'argent.'
La cour observe que, s'il discute le témoignage de M [C], en vain, M. [H] ne dit mot sur le témoignage de Mme [R], ces témoins établissant de manière crédible les insultes et les menaces dont le salarié a fait preuve à l'endroit de son employeur, ces faits, gravement fautifs, justifiant son licenciement disciplinaire.
Pour faire reste de droit, cette procédure de licenciement a été engagée par une lettre convoquant M. [H] à son entretien préalable datée du 21 mars 2014, en conséquence de quoi l'exception de prescription de l'action disciplinaire ne joue pas du chef des faits qui se sont déroulés durant la première semaine de février 2014 dont le degré de gravité suffit amplement.
Le licenciement de M. [H] reposant sur une faute grave, distincte de sa maladie professionnelle, il pouvait être prononcé durant la suspension de son contrat de travail sans encourir la sanction de la nullité.
D'où il suit que la cour infirmera le jugement entrepris, rejettera la demande de nullité du licenciement et la demande de réintégration présentée par le salarié, ainsi que sa demande en paiement de salaires passés et actualisés.
.../...
Pour réclamer le paiement d'indemnités de trajet pour la période du 2009 à 2013, M. [H] rappelle les modalités de paiement de telles indemnités relatives au zonage II prévu par l'article 8 de la convention collective du BTP ; que le siège de son entreprise se trouvant à [Localité 3], le salarié indique avoir effectué des chantiers extérieurs à [Localité 4], [Localité 5], [Localité 1], [Localité 2], [Localité 6] ou [Localité 7], la liste n'étant pas exhaustive.
L'employeur se borne à objecter que M. [H] ne détaille pas les jours durant lesquels il aurait été sur des chantiers extérieurs et conteste la sincérité de ses témoins pour avoir tous été licenciés pour motif économique ou pour faute grave.
Mais il n'est pas douteux que l'entreprise de BTP représentée par M. [E] ne se cantonne pas à couvrir des chantiers sur le territoire de la commune de son siège social ou dans la périphérie immédiate de celle-ci.
La propre attestation de M. [C] fait état de chantiers sur lesquels M. [H] était présent ouverts à plus de 10 kilomètres à vol d'oiseau du siège social de l'entreprise tels [Localité 1] et [Localité 2].
Mais le salarié indique avoir également travaillé sur des chantiers situés à [Localité 8] de [Localité 2] ce qui interdit de retenir son décompte qui fait état de sa présence sur des chantiers situés à plus de 10 kilomètres à vol d'oiseau de son entreprise 225 jours chaque année de 2009 à 2013.
Par ailleurs, son conseil indique de manière inexacte que le temps de trajet entre son domicile et le siège de l'entreprise correspond à un temps de travail effectif devant être pris en compte dans le calcul de son indemnité contractuelle de trajet dont il faut observer que l'employeur ne l'a jamais versée.
Enfin, le taux que M. [H] entend appliquer est également inexact comme étant très supérieur à la réalité (ex : 2,39 € en 2012 en Paca au lieu de 4,20 €).
A la lumière de ces précisions, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter à 2 202,24 euros le total des indemnités dont la société [E] BTP sera redevable sur la période considérée.
.../...
L'employeur supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties présentes ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Infirme le jugement.
Condamne la société Areva BTP à verser à M. [H] la somme de 2 202,24 euros au titre de ses indemnités de trajet.
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Condamne l'appelante aux entiers dépens.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à application.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT