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09/03/2017 | FRANCE | N°15/05246

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 09 mars 2017, 15/05246


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2017



N°2017/104

SP













Rôle N° 15/05246







[F] [E]





C/



SAS [U]













































Grosse délivrée le :

à :

Me Virginie POULET, avocat au barreau de NICE



Me Maxim

e CAUCHY, avocat au barreau de ROUEN



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 26 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/379.





APPELANT



Monsieur [F] [E], demeurant [Adresse 1]



représent...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2017

N°2017/104

SP

Rôle N° 15/05246

[F] [E]

C/

SAS [U]

Grosse délivrée le :

à :

Me Virginie POULET, avocat au barreau de NICE

Me Maxime CAUCHY, avocat au barreau de ROUEN

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 26 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/379.

APPELANT

Monsieur [F] [E], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Virginie POULET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Pascale FRAISIER, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

LA SAS [U], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maxime CAUCHY, avocat au barreau de ROUEN

([Adresse 3])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017

Signé par Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société [U] Groupe est une société holding qui regroupe plusieurs sociétés afin de proposer des prestations d'ingénierie aux services publics, entreprises ou particuliers.

La société [U], fondée en 1992, conçoit des solutions d'aménagement durable dans les métiers de l'aménagement et de l'infrastructure. Elle a son siège à [Adresse 4]. Son capital social est détenu à 97,50 % par la SAS [U] Groupe.

La société [U] Méditerranée a été fondée le 2 janvier 2008. Elle avait pour président Monsieur [F] [E], et son siège social était situé dans les Alpes-Maritimes. Elle avait pour associé la société [U] Groupe à hauteur de 51 %, et les sociétés Ves et Gea à hauteur de 49 %. La société [U] Méditerranée a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er octobre 2009.

Soutenant avoir été embauché par un contrat de travail à durée indéterminée par la société [U] Méditerranée à compter du 1er avril 2008, en qualité de directeur général statut cadre, et avoir été licencié pour motif économique par le liquidateur de cette société, Monsieur [U] a saisi le 8 décembre 2009 le conseil de prud'hommes de Nice de différentes demandes. Sur contredit, la cour d'appel par arrêt du 6 novembre 2012, a reconnu la qualité de salarié à l'égard de la société [U] Méditerranée, et a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Nice, lequel par jugement du 2 mai 2013, après avoir jugé le licenciement fondé sur une cause économique réelle et sérieuse, a fixé la créance de M. [E] à différentes sommes. Cette décision a été confirmée par arrêt du 3 juin 2014.

Parallèlement, soutenant avoir exercé pour le compte de la SAS [U] les fonctions de responsable de l'Agence Méditerranée de celle-ci, Monsieur [E] a saisi le 28 janvier 2010 le conseil de prud'hommes de Nice de demandes contre la société [U]. Par jugement du 10 février 2011, le conseil de prud'hommes de Nice a constaté que M. [E] ne justifiait ni d'un contrat de travail apparent, ni d'un lien de subordination avec la société [U], et s'est déclaré incompétent en raison de la matière au profit du tribunal de grande instance de Nice.

Sur contredit formé par Monsieur [E], la cour, par arrêt du 4 février 2014, a constaté l'existence d'un contrat de travail à compter du 15 juin 2009 entre Monsieur [E] et la société [U], et a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes.

Par jugement du 26 février 2015, le conseil de prud'hommes de Nice a dit que Monsieur [E] n'apporte pas la preuve d'un lien de subordination continue et durable envers la société [U], a débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société [U] la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Monsieur [U], à qui ce jugement a été notifié le 14 mars 2015, a interjeté appel le 19 mars 2015.

PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [E], appelant du jugement du 26 février 2015, demande à la cour de réformer ce jugement en toutes ses dispositions, et au visa du contrat de travail par lequel il exerce les fonctions de responsable d'agence au sein de la société [U], de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société SAS [U], et de condamner celle-ci au paiement des sommes suivantes :

'rappel de salaire : 57 283,20 euros outre 5 728,32 euros de congés payés sur rappel de salaire

'indemnité de préavis : 13 219,20 euros outre 1 321,92 euros de congés payés sur préavis

'indemnité de licenciement : 1 468,80 euros

'dommages et intérêts pour rupture abusive : 60 000 €

'article 700 du code de procédure civile : 4 000 €

Monsieur [E] demande en outre à la cour d'ordonner sous astreinte de 100 € par jour la remise du certificat de travail, de l'attestation pour l'Assedic, et des bulletins de salaire, de voir dire que les créances salariales produiront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice, et de voir condamner la société [U] aux entiers dépens.

La SAS [U], intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et de le condamner, outre aux entiers dépens, à payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur la relation salariale

Dans ses conclusions oralement reprises, la société [U] revient sur la question de l'existence d'un contrat de travail l'ayant lié à M. [E], et soutient que celui-ci ne peut prétendre à bénéficier d'un contrat de travail, ne rapportant pas la preuve d'un lien de subordination juridique permanent caractéristique d'une relation de travail salarié.

Sur contredit formé par Monsieur [E], la cour, par arrêt du 4 février 2014, a toutefois d'ores et déjà constaté dans son dispositif l'existence d'un contrat de travail à compter du 15 juin 2009 entre Monsieur [E] et la société [U]. Cette décision, qui est assortie de l'autorité de la chose jugée, s'impose, et il est désormais acquis aux débats que les parties étaient liées par un contrat de travail.

Sur la demande de résiliation judiciaire

M. [E] expose qu'à compter du 15 juin 2009, la société [U] a créé un établissement secondaire dénommé [Établissement 1], ou Agence de [Localité 1], dont les locaux étaient situés [Adresse 5] soit dans les mêmes locaux que ceux de sa filiale, la société [U] Méditerranée ; que la création de cet établissement n'a jamais été imposée par lui ; que le groupement solidaire [U] Méditerranée/[U] a obtenu plusieurs contrats sur des opérations importantes telles que les études de suivi de chantier d'un pont (coût estimé à plus de 6 millions d'euros) conclu avec le conseil général des [Localité 2] ; que l'objectif de la société [U] était, qu'à plus ou moins court terme, la société [U] Méditerranée s'efface au profit de l'établissement secondaire niçois ; que dès le 8 septembre 2009, la Sas [U] a récupéré tous les matériels et logiciels de sa filiale, empêchant cette dernière d'avoir la moindre production ; que c'est en plus de ses fonctions au sein de la société [U] Méditerranée, qu'à partir du 15 juin 2009 Monsieur [E] a exercé, pour le compte de la société [U], les fonctions de Responsable de l'agence Méditerranée ; que Monsieur [C] [T], président de la société [U] a d'ailleurs lui-même confirmé ses fonctions salariales, en qualité de responsable d'agence, dans le cadre de la délégation de pouvoir qu'il lui a donnée le 25 juin 2009.

Monsieur [E] soutient qu'à compter du 1er octobre 2009, la société mère l'a mis dans l'impossibilité matérielle de continuer à exercer ses fonctions de responsable d'agence ; qu'après de nombreuses démarches restées infructueuses, il a été contraint de faire intervenir son conseil lequel par courrier recommandé du 15 décembre 2009 a demandé à la société [U] de régulariser la situation tant au regard du fait qu'il ne disposait plus des moyens matériels nécessaires à l'exercice normal de ses fonctions, qu'au regard de l'absence de perception de la contrepartie salariale de son activité.

Concrètement, Monsieur [E] soutient qu'après le 1er octobre 2009, qui correspond à la date de mise en liquidation judiciaire de la société [U] Méditerranée, et alors que la procédure collective n'a pas été étendue à la société mère la Sas [U], il n'a plus eu accès au bureau de l'agence situé [Adresse 5] ; qu'il n'a plus disposé des moyens matériels nécessaires à l'exercice de ses fonctions ; qu'aucune procédure de licenciement n'a pourtant été mise en 'uvre à son égard par la société [U] ; que l'établissement niçois n'a été radié que le 16 juillet 2010 avec effet rétroactif au 1er octobre 2009 ; que la résiliation du bail au 27 octobre 2009 concerne seulement le bail de la filiale ; que le matériel informatique immobilier racheté par [U] était bien resté dans les locaux de l'établissement secondaire jusqu'au 24 février 2010.

Monsieur [E] invoque « surabondamment » la violation par la société [U] des dispositions de l'article L 1224'1 du code du travail qui prévoit la reprise des contrats en cours en cas de modification de la situation juridique de l'employeur. Il soutient que l'agence Méditerranée de la société [U], a subsisté à la mise en liquidation judiciaire de la société [U] Méditerranée, et qu'il est démontré le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que le refus par la société [U] à compter du 1er octobre 2009 de fournir à Monsieur [E] les moyens nécessaires à la poursuite de son activité constitue une violation de ces dispositions d'ordre public.

L'appelant fonde sa demande de résiliation judiciaire sur le manquement à l'obligation du paiement du salaire et à l'obligation de fournir du travail, et sur le refus de régulariser sa situation, y compris après l'arrêt de la cour d'appel du 4 février 2014, qui a considéré qu'il était salarié de l'établissement secondaire de la société à compter du 15 juin 2009.

La société [U] répond qu'elle ne peut que s'en rapporter sur la demande de résiliation judiciaire ainsi que sur les prétendus manquements qui lui sont imputés à respecter les termes d'un contrat dont elle n'avait pas connaissance. Elle fait valoir en outre que Monsieur [E] lui reproche de l'avoir placé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions postérieurement au 1er octobre 2009, mais n'a même pas pris le soin de s'émouvoir par écrit de la prétendue situation qu'il subissait ; qu'il ne démontre pas davantage qu'il aurait été au service de la société [U] après la date de dépôt de bilan de la société [U] Méditerranée soit après le 1er octobre 2009 ; que le bail souscrit à [Localité 1] par la société [U] Méditerranée avait été résilié par le liquidateur, en toute connaissance de cause de Monsieur [E], sans qu'il ne s'en émeuve davantage ; que le matériel de bureau servant l'exploitation avait été dérobé.

* *

Il appartient au salarié qui sollicite de voir prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, de rapporter la preuve de l'existence de manquements d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il résulte en l'espèce des écritures de la société [U], oralement reprises, que celle-ci avait ouvert un établissement secondaire à [Localité 1] le 15 juin 2009, situé [Adresse 5], établissement secondaire qu'elle affirme avoir fermé le 1er octobre 2009 (page 3 de ses écritures).

Il n'est dès lors pas sérieusement contesté ni contestable qu'après le 1er octobre 2009 les moyens matériels nécessaires à l'exercice de la fonction de Directeur de l'agence niçoise de la société [U] avaient été retirés à Monsieur [E].

La société [U] ne conteste pas plus n'avoir jamais versé le moindre salaire à l'intéressé, y compris pour la période courue entre le 15 juin et le 1er octobre 2009.

L'absence de rémunération et l'absence de fourniture des moyens matériels nécessaires à l'exercice des fonctions exercées constituent des manquements d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. La circonstance que Monsieur [E] n'aurait pas protesté à compter du 1er octobre 2009 face à cette situation, est indifférente dès lors que la société [U] n'a pas elle-même réagi, et n'a, ni régularisé la situation, ni procédé au licenciement de son salarié, postérieurement à la saisine par celui-ci en janvier 2010 de la juridiction prud'homale. Les manquements de l'employeur se sont donc poursuivis après la saisine de la juridiction. Au surplus, la société [U] ne conteste pas avoir reçu la lettre du 15 décembre 2009 adressée par le conseil de M. [E] (pièce 46), et ne prétend pas y avoir répondu, lettre aux termes de laquelle il était indiqué « je vous mets en demeure de fournir à ce salarié de votre entreprise les moyens d'exercer sa responsabilité de Responsable de votre agence Méditerranée constituant votre établissement secondaire à [Localité 1] et de lui régler l'intégralité des salaires qui lui sont dus au titre de son activité au service de cet établissement ».

Il y a lieu dès lors de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, à compter du présent arrêt. Cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de salaire

Monsieur [E] réclame le paiement des salaires pour la période du 15 juin 2009 jusqu'au jour du prononcé de la résiliation judiciaire sur la base d'un « gros mi-temps » de 30 heures par semaine. Il affirme qu' « en l'état de la radiation de l'agence de [Localité 1] à compter du 16 juillet 2010 » il lui reste dû :

Sur la base de salaire minimum conventionnel brut pour un salarié employé au statut cadre position 3.3 coefficient 270: 5 140,80 euros

-période du 15 juin 2009 au 30 juin 2010 : 5 140,80 × 12,5 mois = 64 260 €, soit pour 30 heures par semaine : 55 080 €

-période du 1er au 15 juillet 2010 : 2 570,40 euros, soit pour 30 heures par semaine : 2 203,20 euros.

En conséquence il sollicite la condamnation de la société [U] à lui régler la somme totale de 57 283, 20 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 15 juin 2009 au 15 juillet 2010, outre les congés payés y afférents.

La société [U] répond que Monsieur [E] en cours de procédure, a modifié ses demandes initiales au gré de ses déclarations devant les juridictions et en fonction du résultat des procédures qu'il avait engagées ; qu'ainsi au terme de sa saisine initiale, il déclarait accomplir un temps complet et sollicitait un rappel de 66 830,40 euros ; que devant la cour d'appel statuant sur contredit, il a indiqué qu'il accomplissait un « mi-temps » pour le compte de la société [U], avant de soutenir devant le conseil des prud'hommes statuant au fond qu'il faisait un « gros mi-temps » soit 30 heures, puis devant la cour d'appel 38 heures par semaine ; que ce simple constat conduira la cour à relever le peu de sérieux des demandes ; que les explications apportées par M. [E] pour tenter de justifier ses incohérences, sont incompréhensibles ; qu'il ne manque pas d'audace en soutenant que les heures accomplies pour [U] Méditerranée ne doivent pas être prises en compte ; que l'intéressé a obtenu la reconnaissance d'un contrat de travail à temps complet pour le compte de [U] Méditerranée, et qu'ainsi il aurait travaillé à hauteur de 95 heures par semaine soit 19 heures par jour ce qui n'est pas sérieux ; que de son propre aveu le salarié n'accomplissait pas un travail à temps complet et qu'il ne peut donc bénéficier de la présomption de temps complet posé par les textes.

* *

Il y a lieu de constater d'abord que la qualification de l'emploi revendiquée par M. [E], à savoir cadre position 3.3 coefficient 270, pour l'emploi de Directeur d'agence, n'est pas contestée par la société [U]. Pas plus que n'est contesté le montant du salaire conventionnel correspondant à cette classification, pour un temps plein, soit 5 140,80 euros.

En l'absence de contrat de travail écrit précisant la durée hebdomadaire ou mensuelle, le contrat de travail est présumé avoir été conclu pour un horaire à temps plein.

S'il y a lieu de donner acte à M. [E] qu'il affirme avoir travaillé 30 heures par semaine, il incombe à l'employeur, qui conteste cela, de rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue.

La cour constate que l'employeur est défaillant à rapporter cette preuve.

Le seul fait qu'un contrat de travail à temps plein, soit 35 heures hebdomadaires, ait lié M. [E] à la société [U] méditerranée à la même période, est à cet égard insuffisant à démontrer que M. [E] a été engagé pour une durée inférieure à 30 heures par semaine par [U], compte tenu du niveau de qualification et d'autonomie du poste occupé. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire présentée par M. [E] sur la base de 30 heures par semaine à compter de son embauche le 15 juin 2009, date de création de l'antenne niçoise de la société [U], dont la direction lui a été confiée.

Il résulte de l'extrait kbis produit par la société [U] (pièce n°17) que l'établissement secondaire de [U] créé à [Adresse 5] le 15 juin 2009, a été radié le 16 juillet 2010, avec une cessation d'activité déclarée au 1er octobre 2009. L'extrait kbis au 15 juillet 2010 produit par M. [E] (pièce 41) confirme que l'établissement secondaire de [Localité 1] était toujours immatriculé à cette date.

M. [E] verse aux débats différents pièces de nature à établir la réalité de l'activité de l'agence niçoise de la société [U] à savoir notamment:

- les envois journaliers par Vecteurplus (veille commerciale) des avis d'appels publics à la concurrence (pièce 56) à M. [E] pour « [U] sud » ou «  [U] ouvrage d'art »

- les mails adressés le 14, 18 et 19 septembre 2009 par Monsieur [E] aux dirigeants de la société [U] (pièces 6, 7 et 8) dans lesquels Monsieur [E] revendique le bénéfice d'un contrat de travail en tant que directeur de l'agence de [Localité 1], messages auxquels la société [U] ne justifie pas avoir répondu, notamment pour contester la réalité d'une prestation de travail effectuée par Monsieur [E]

- le pouvoir délivré par Monsieur [T] président de la Sas [U] à Monsieur [E] en tant que Responsable d'agence, pour signer durant l'année 2009 toutes les pièces relatives aux devis, conventions, et marchés (pièce numéro 9)

- la plaquette de présentation de la société [U], faisant état d'une agence à [Localité 1], et de ce que Monsieur [F] [E] occupe les fonctions de « responsable d'agence »

- le courriel adressé par Monsieur [D] (directeur développement, directeur associé d' [U]) le 16 juillet 2009 à l'agence [Établissement 2] pour lui proposer un partenariat, et dans lequel il est mentionné « notre agence de [Localité 1] est dirigée par [F] [E] qui était, à la communauté d'agglomération Nice Côte d'Azur, directeur des infrastructures puis directeur pour l'achèvement des travaux du tramway de [Localité 1] »

- différents courriers de réponse à des appels publics à la concurrence, par Monsieur [E], en qualité de responsable d'agence de [Localité 1] de la société [U] (les 30 juin, 28 septembre, 25 septembre 2009)

- courriel de Monsieur [S] [D] à « stip.busazur » du 15 juillet 2009 en réponse à un appel d'offre, sur lequel le logo «  [U] » est assorti des mentions des agences, dont l'agence « Méditerranée » et qui indique, en ce qui concerne les moyens mis en 'uvre par [U] pour la réalisation de l'étude : « [F] [E], directeur de projet, il sera en charge de l'élaboration du process, de la validation des données d'entrée et il sera l'interlocuteur du maître d'ouvrage. Il mettra à profit son expérience forte des transports en commun et des problématiques réseaux. »

- différentes déclarations de candidatures à des appels d'offres au nom de la société [U], et dans lesquelles Monsieur [F] [E] apparaît en qualité de personne ayant le pouvoir d'engager la société, en qualité de responsable de l'agence de [Localité 1].

Alors que M. [E] verse aux débats différents éléments de nature à établir la réalité de l'activité de l'agence niçoise de la société [U], la société [U] n'allègue, ni n'établit que M. [E] aurait cessé avant le 16 juillet 2010, date de radiation de l'établissement secondaire, de se tenir à la disposition de son employeur.

La demande de rappel de salaire est dès lors fondée dans son principe et son montant. Il y sera fait droit.

Sur les autres demandes de Monsieur [E]

indemnité de préavis

Monsieur [E] invoque la convention collective des bureaux d'études techniques, qui selon lui prévoit pour le salarié employé au statut de cadre un préavis de trois mois. Se fondant sur un salaire mensuel de 5140,80 euros pour un temps plein, et sur la base de 30 heures par semaine, Monsieur [E] sollicite la somme suivante :

4406,40 × 3 = 13 219,20 euros. Outre 1321, 92 € de congés payés y afférents.

L'employeur répond que l'ancienneté de Monsieur [E] au sens de la loi ne saurait être supérieure à 3,5 mois de service continu au profit de la société [U], et que dès lors la demande d'indemnité de préavis ne saurait prospérer à défaut de dispositions spécifiques prévues par l'article 12 de la convention collective.

* *

Aux termes de l'article 12 de la convention collective des bureaux d'études techniques applicable au litige, on entend par ancienneté le temps passé dans l'entreprise, c'est-à-dire le temps pendant lequel le salarié a été employé en une ou plusieurs fois quels qu'aient été ses emplois successifs. Déduction est faite toutefois en cas d'engagements successifs de la durée des contrats dont la résiliation est imputable à la démission de l'intéressé, sauf décision contraire de l'employeur, ou à une faute grave commise par le salarié ayant entraîné son licenciement.

Il résulte des développements qui précèdent que M. [E] bénéficie d'une ancienneté du 15 juin 2009 au 16 juillet 2010.

En application de l'article 15 de la convention collective le délai de préavis pour les ingénieurs et cadre est de 3 mois.

Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande qui est fondée.

Indemnité de licenciement

Monsieur [E] invoque la convention collective des bureaux d'études techniques qui, selon lui, prévoit que les cadres salariés ont droit à une indemnité de licenciement d'un montant d'un tiers de mois par année d'ancienneté, pour solliciter la somme de 1 468,80 euros (4406,40 × 1/3), expliquant qu'il bénéficiait d'une ancienneté d'un an dans l'entreprise, au 30 juin 2010.

Pour s'y opposer la société [U] fait valoir qu'aux termes de l'article 18 de la convention collective Syntec, il est attribué une indemnité de licenciement à tout salarié justifiant d'au moins deux ans d'ancienneté ; que Monsieur [E] ne peut prétendre avoir accompli pendant deux ans un service continu pour son compte et qu'il doit être débouté de cette demande.

Monsieur [E] justifiant d'une ancienneté ininterrompue de un an, a droit à une indemnité légale de licenciement. Aux termes de l'article 18 de la convention collective des bureaux d'études, l'indemnité conventionnelle est due lorsque le salarié justifie d'une ancienneté ininterrompue de deux années.

Monsieur [E], qui ne sollicite de rappel de salaire que jusqu'au 16 juillet 2010, et ne prétend pas s'être tenu à la disposition de son employeur après cette date, ne peut donc prétendre à une indemnité conventionnelle.

La société [U] sera donc condamnée sur la base des dispositions légales à régler à l'intéressé la somme suivante :

13/12x 1/5 (4406,40)= 954, 71 €.

Rupture abusive

A l'appui de sa demande de 60 000 € de dommages et intérêts pour rupture abusive, Monsieur [E] invoque les dispositions de l'article L 1235'5 du code du travail, et soutient que l'attitude de l'employeur lui a été particulièrement préjudiciable car il n'a perçu aucun salaire depuis le 15 juin 2009.

Monsieur [E] ne précise pas quelle est sa situation professionnelle et financière depuis le 16 juillet 2010, date à partir de laquelle il ne s'est plus tenu à la disposition de son employeur. Il ne verse aucun élément de nature à établir ses recherches d'emploi, et ses ressources.

En considération de son ancienneté, de son âge comme étant né en 1947, et de l'absence de justificatifs, il y a lieu d'allouer la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice.

Remise des documents sociaux et des bulletins de salaire

Il y a lieu de condamner la société [U] à délivrer à Monsieur [E] le certificat de travail, l'attestation pour Pôle emploi, les bulletins de salaire, conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte

Les intérêts

Les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la notification de la première demande en justice, et les créances indemnitaires à compter du prononcé de la présente décision. En application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, les intérêts dus pour au moins une année produiront eux-mêmes intérêts.

Sur l'article 700 du code de produire civile et les dépens

Il serait inéquitable de laisser supporter à M. [E] la charge des frais irrépétibles par lui engagés à l'occasion de la procédure. La société [U] sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tenant compte des frais tant de première instance que d'appel.

Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la demande formée par la société [U] de ce même chef.

La société employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nice du 26 février 2015 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Monsieur [F] [E] à la société [U] aux torts de l'employeur au jour de la présente décision, et dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne la SAS M à payer à Monsieur [F] [E] les sommes suivantes :

'57 283,20 euros à titre de rappel de salaire outre 5728,32 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire

'13 219,20 euros à titre d'indemnité de préavis outre 1321,92 euros au titre des congés payés sur indemnité de préavis

'954, 71 € à titre d'indemnité de licenciement

'8 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

'2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne à la société [U] de délivrer à Monsieur [F] [E] le certificat de travail, l'attestation pôle emploi et les bulletins de salaire, conformes à la présente décision, dans le délai d'un mois passé la notification du présent arrêt

Dit n'y avoir lieu à astreinte et rejette cette demande

Dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la notification de la première demande en justice, et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt

Dit que les intérêts dus pour au moins une année produisent eux-mêmes intérêts

Condamne la Sas [U] aux dépens de première instance et d'appel

Rejette toutes autres prétentions.

Le greffier Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/05246
Date de la décision : 09/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°15/05246 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-09;15.05246 ?
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