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07/03/2017 | FRANCE | N°15/14321

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 07 mars 2017, 15/14321


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2017

A.V

N° 2017/













Rôle N° 15/14321







[E] [U]

[S] [M] épouse [U]





C/



COMMUNE DE MANOSQUE





















Grosse délivrée

le :

à :Me Colje

Me Cabanes

















Décision déférée à la Cour :r>


Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 15 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00190.





APPELANTS



Monsieur [E] [U]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1] (ITALIE)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Pierre-Philippe COLJE, avocat au ba...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2017

A.V

N° 2017/

Rôle N° 15/14321

[E] [U]

[S] [M] épouse [U]

C/

COMMUNE DE MANOSQUE

Grosse délivrée

le :

à :Me Colje

Me Cabanes

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 15 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00190.

APPELANTS

Monsieur [E] [U]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1] (ITALIE)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre-Philippe COLJE, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [S] [M] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-Philippe COLJE, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMEE

COMMUNE DE MANOSQUE

prise en la personne de son maire en exercice, domicilié en cette qualité, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Cédric CABANES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Laurent BERGUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2017,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier du 8 juillet 2010, M. [E] [U] et Mme [S] [M] épouse [U] ont fait assigner la commune de Manosque devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains pour obtenir sa condamnation sur le fondement de l'article 1382 du code civil à raison d'une voie de fait commise à leur encontre, la commune ayant procédé sans leur autorisation à des travaux dans un immeuble leur appartenant.

Par jugement du 15 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a dit l'action engagée par M. et Mme [U] irrecevable comme prescrite et les a condamnés à payer à la commune de Manosque la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le tribunal a retenu que la loi du 31 décembre 1968 devait s'appliquer eu égard à la qualité de collectivité territoriale de la défenderesse, la déchéance quadriennale des créances commençant à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ; or, la connaissance de la réalisation par la commune des travaux litigieux est du 25 mars 1997, de sorte que le délai d'action expirait le 1er janvier 2002.

M. et Mme [U] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 3 août 2015.

---------------

M. et Mme [U], aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 30 mai 2016, demandent à la cour, au visa des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 544 du code civil , de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, de la loi du 31 décembre 1968 et des articles 73 et suivants, 122 et suivants, 700, 695 et suivants et 515 et suivants du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement déféré en sa totalité et, statuant à nouveau,

- dire que la commune de Manosque a commis au préjudice de M. et Mme [U] une voie de fait en occupant sans autorisation, sans droit ni titre, l'immeuble cadastré commune de [Localité 2] section [Cadastre 1] [Adresse 3], surface 33 ca,

- en conséquence condamner la commune de Manosque à remettre les lieux en état et à faire procéder aux travaux de remise en état selon devis du 23.11.2009 et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant la signification du jugement à intervenir,

- donner acte à M. et Mme [U] de ce qu'ils ne sont pas opposés à ce qu'une expertise soit ordonnée aux frais de la commune de Manosque et afin d'évaluer le montant de l'indemnisation de leur préjudice matériel,

- condamner la commune de Manosque à verser à M. et Mme [U] la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi,

- condamner la commune de Manosque à leur payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- débouter la commune de Manosque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la commune de Manosque à leur verser la somme de 8.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Ils critiquent le jugement sur l'application qu'il a faite du point de départ de la déchéance quadriennale en soulignant que ce régime de prescription ne peut s'appliquer lorsque le fait générateur est une voie de fait ; que dans ce cas, la prescription quadriennale ne peut courir tant que les droits réels auxquels il a été porté atteinte n'ont pas été remplacés par une créance, c'est à dire tant que l'autorité judiciaire n'a pas fixé l'indemnité due par la collectivité publique. Ils ajoutent, en réponse à l'argumentation défendue par la commune, que ce n'est qu'à partir du 10.09.2009, date à laquelle la commune de Manosque a fait retirer le cadenas, qu'ils ont pu constater l'étendue de leur préjudice, de sorte que le point de départ doit être fixé à cette date et non à compter du fait générateur du dommage.

Ils font valoir, sur le fond :

- la commune de Manosque omet de préciser que l'amélioration prétendue du bien a consisté en la transformation d'un local d'habitation en local à poubelles,

- la commune de Manosque nie vainement ne pas être à l'origine du cadenas qui a été posé juste après qu'elle a fait stopper les travaux dans le local, de sorte que M. et Mme [U] ont été privés de tout accès pendant douze ans,

- la voie de fait est démontrée par l'appropriation de la commune pour la réalisation des travaux,

- l'évaluation du préjudice matériel peut être complexe dans la mesure où l'affaire dure depuis plusieurs années et il peut être nécessaire de faire appel à un expert en matière immobilière,

- le préjudice de jouissance peut être évalué à 40.000 euros et le préjudice moral, en raison de la situation contrariante créée par la commune de Manosque, à 30.000 euros.

La commune de Manosque, suivant conclusions signifiées le 1er décembre 2015, demande à la cour, au visa des articles 2270-1, 2224 et 1382 du code civil et de la loi du 31 décembre 1968, de :

au principal,

- confirmer le jugement attaqué,

- en tout état de cause, dire l'action de M. et Mme [U] prescrite en vertu des dispositions de l'article 2270-1 ancien et 2224 du code civil,

- déclarer la créance objet de cette même action prescrite en application des dispositions de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968,

- subsidiairement, constater que l'ensemble des prétentions de M. et Mme [U] est infondé et les en débouter,

- les condamner à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle soutient, concernant la prescription de l'action, que par arrêt d'assemblée pleinière du 6 juillet 2001, la Cour de cassation a jugé que le point de départ de la déchéance quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle le fait générateur de la créance est intervenu ou encore au cours de laquelle le principe même de la créance a été révélé à son bénéficiaire, le principe d'une créance indemnitaire étant censé être connu dès la prise de possession illégitime ; il n'existe pas de régime dérogatoire pour la voie de fait qui n'est autre qu'une faute donnant lieu à réparation sur le fondement quasi-délictuel ; ce principe est applicable lorsque la demande consiste, non pas dans l'obtention d'une indemnité pour la perte définitive du bien, mais dans l'indemnisation du préjudice résultant des travaux exécutés ; or, les travaux ont eu lieu en mars 1997 et, même si les consorts [U] en ont eu connaissance dès mars et juin 1997, le délai a été interrompu, au plus tard, par le courrier du 6 avril 1998 et la prescription se trouvait donc acquise le 31 décembre 2002.

Elle expose en outre que l'action est fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil et est soumise à la prescription de droit commun : or, l'article 2224 introduit par la loi du 17 juin 2008 prévoit un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, et c'est au 8 juillet 1997 que les demandeurs étaient à même d'exercer leur action, peu important qu'un cadenas ait été posé qui ne les empêchait pas de voir les travaux accomplis.

Elle fait valoir, sur le fond, que les travaux ont été réalisés par erreur sur le local de M. et Mme [U] qui était dans en très mauvais état dans un ilôt insalubre ; au demeurant, il n'y a eu que des travaux d'amélioration et non des travaux de démolition ; que la commune n'a jamais accompli le moindre acte de possession sur le local ni ne l'a utilisé et conteste avoir posé le cadenas qui a été retiré en 2009, évoquant la possibilité que ce cadenas ait été posé par les coindivisaires du local ; que le chiffrage des préjudices est fantaisiste au regard de l'évaluation faite par le service des domaines ; que, si un préjudice de jouissance devait être retenu, il devrait ne porter que sur la part indivise de Mme [U] et devrait être affecté de la déduction de la plus-value apportée par les travaux à hauteur de 4.380 euros.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 17 janvier 2017.

Motifs de la décision :

Attendu qu'il est constant que M. et Mme [U] sont propriétaires d'une parcelle cadastrée section [Cadastre 1], [Adresse 3], d'une superficie de 33 ca, sur laquelle est édifiée une construction à usage de remise ; que la commune de Manosque est propriétaire des parcelles voisines, cadastrées section [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] ; qu'en 1997, la commune de Manosque a, dans le cadre de l'aménagement d'une place publique, entrepris des travaux sur la parcelle [Cadastre 1] pour y édifier un local à containers ; que Mme [S] [U] a, par courrier du 25 mars 1997, exigé l'arrêt immédiat de ces travaux sur sa parcelle en invoquant l'existence d'une voie de fait ; que la commune de Manosque a alors proposé, par courrier en réponse du 8 juillet 1997, d'acquérir l'immeuble au prix de 50.000 F ; que cette proposition, renouvelée à plusieurs reprises, n'a pas été suivie d'effet ;

Attendu que M. et Mme [U], soutenant que les travaux ont effectivement stoppé mais qu'ils ne pouvaient accéder à leur bien en raison de la présence d'un cadenas posé par la commune et qui n'a été retiré qu'en septembre 2009, ont fait assigner la commune de Manosque devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains pour voir juger que celle-ci a commis une voie de fait et doit être condamnée à en réparer les conséquences dommageables ;

Sur la prescription de l'action :

Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968, sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de cette loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ;

Que le tribunal a retenu à juste titre que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer dès lors que l'action de M. et Mme [U] était dirigée à l'encontre de la commune de Manosque et qu'il a fixé le point de départ du délai de quatre ans au 1er janvier suivant la date à laquelle les demandeurs ont eu connaissance du fait générateur du dommage allégué ;

Que M. et Mme [U] critiquent cette décision en invoquant une jurisprudence de la Cour de cassation pour voir dire que la prescription quadriennale ne pourrait courir tant que les droits réels auxquels il a été porté atteinte du fait de la voie de fait de la commune n'ont pas été remplacés par une créance ; mais que, contrairement à ce qui est prétendu par les appelants, la Cour de cassation retient, depuis un arrêt d'Assemblée pleinière du 6 juillet 2001, que la prescription quadriennale commence à courir 'le premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué'; que, dans le cas d'une action engagée à raison d'une emprise irrégulière, il est jugé de manière constante que le point de départ de la prescription quadriennale est, non la décision de justice constatant la créance, mais la date du fait générateur de la créance, à savoir la prise de possession par la commune des terrains litigieux ;

Que M. et Mme [U] prétendent vainement qu'en tout état de cause, il conviendrait de prendre pour point de départ de la prescription la date du 10 septembre 2009 à laquelle le cadenas posé sur leur immeuble a été enlevé, leur permettant de constater l'étendue de leur préjudice, alors que, dès le mois de mars 1997, ils avaient une parfaite connaissance des travaux exécutés par la commune, ainsi qu'il ressort du courrier du 25 mars 1997, et que le cadenas, dont rien ne permet de considérer qu'il aurait été posé par la commune, ne les empêchait pas de constater que la remise - édifiée sur leur parcelle de 33 m² - avait été transformée en local à poubelles ; qu'au demeurant, à supposer que le cadenas ait été posé par la commune et qu'il les ait empêchés de pénètrer sur leur parcelle et donc d'en jouir librement, il conviendrait de retenir comme point de départ de la prescription de l'action en réparation du préjudice résultant de cette privation de jouissance la date à laquelle le cadenas a été posé, soit, d'après M. et Mme [U] eux-mêmes, dès l'arrêt des travaux, en 1997 ;

Que dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que l'action engagée était prescrite en faisant courir le délai de prescription quadriennale à compter du 1er janvier 1998, les travaux faits par la commune ayant été exécutés en 1997 et interrompus au cours de l'année 1997, à réception de la lettre des demandeurs de mars 1997 ;

Que M. et Mme [U] seront en conséquence déboutés de leur appel et de toutes leurs demandes ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

et en dernier ressort,

Déboute M. et Mme [U] de leur appel et confirme le jugement du tribunal de grande instance de Digne les Bains en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. et Mme [U] à payer à la commune de Manosque une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Les condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 15/14321
Date de la décision : 07/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/14321 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-07;15.14321 ?
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