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23/02/2017 | FRANCE | N°95

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 2e chambre, 23 février 2017, 95


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
2e Chambre

ARRÊT AU FOND
DU 23 FEVRIER 2017

No 2017/ 95

Rôle No 14/06886

SARL AFG (AUDIT-FINANCE-GESTION)
SA COVEA RISKS

C/

SARL BONNEFOI

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
SA MMA IARD

Grosse délivrée
le :
à :

Me DEMICHELIS

Me LIBERAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 03 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le no 11/007096.

APPELANTES

SARL AFG (AUDIT-FINANCE-GESTION),
demeu

rant 30 allée Charles Babbage - 30900 NIMES

représentée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO et ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
2e Chambre

ARRÊT AU FOND
DU 23 FEVRIER 2017

No 2017/ 95

Rôle No 14/06886

SARL AFG (AUDIT-FINANCE-GESTION)
SA COVEA RISKS

C/

SARL BONNEFOI

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
SA MMA IARD

Grosse délivrée
le :
à :

Me DEMICHELIS

Me LIBERAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 03 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le no 11/007096.

APPELANTES

SARL AFG (AUDIT-FINANCE-GESTION),
demeurant 30 allée Charles Babbage - 30900 NIMES

représentée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO et ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée et plaidant par Me Véronique CHIARINI, avocat au barreau de NIMES

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, venant aux droits de COVEA RISKS, inscrite au RCS du MANS no 775 652 126
demeurant 14 bd Marie et Alexandre Oyon - 72030 LE MANS CEDEX 9
INTERVENANTE VOLONTAIRE

représentée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO et ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée et plaidant par Me Véronique CHIARINI, avocat au barreau de NIMES

SA MMA IARD , venant aux droits de COVEA RISKS
inscrite au RCS du MANS no 440 048 882
demeurant 14 bd Marie et Alexandre Oyon - 72030 LE MANS CEDEX 9
INTERVENANTE VOLONTAIRE

représentée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO et ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée et plaidant par Me Véronique CHIARINI, avocat au barreau de NIMES

INTIMEE

SARL BONNEFOI,
demeurant PIST OASIS 4 - 630 ROUTE D'UZES - 30100 ALES

représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE
assistée et plaidant par Me Séverine MOULIS, avocat au barreau de NIMES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur PRIEUR, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2017,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DE L'AFFAIRE

De 1994 à 2009, la société BONNEFOI a confié à la société AUDIT FINANCE GESTION (société A.F.G), le traitement de la comptabilité de l'entreprise outre des missions accessoires et notamment celle d'établir les bulletins de paie du personnel.

En 2010, la société BONNEFOI a changé d'expert-comptable et a alors constaté que les indemnités de trajet de ses salariés, qui avaient auparavant toujours été calculées sur la base du barème émis par la Fédération des Entrepreneurs et Artisans du Bâtiment et des Travaux Publics du Gard, avaient été calculées sur la base de taux excédant ledit barème à compter de juillet 2006, lui occasionnant un préjudice de 40.625,17 €.

Par acte du 30 septembre 2011 la société BONNEFOI a fait assigner la société A.F.G devant le tribunal de commerce de Tarascon pour qu'elle soit condamnée au paiement de cette somme.

La société COVEA RISKS, assureur de la société A.F.G est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 2 avril 2012, le Tribunal a, avant dire droit au fond, ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur Jean-Yves X....

Par jugement du 3 mars 2014, le tribunal, rejetant la demande en nullité de l'expertise présentée par les défendeurs a statué ainsi :
- dit les parties défenderesses mal fondées en leur demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire ; les en déboute ;
- homologue le rapport d'expertise de Monsieur Jean-Yves X... ;
- dit que la faute commise par la société AFG a causé un préjudice à la société BONNEFOI ;
- condamne, conjointement et solidairement, la société AFG et son assureur, la société COVEA RISK, à payer à la société BONNEFOI :
la somme de 40.625,17 € en réparation du préjudice subi par elle ;
la somme de 3.000,00 € au titre des frais irrépétibles,
ordonne l'exécution provisoire du jugement ;

La société A.F.G et la société COVEA RIKS ont relevé appel de cette décision.

La société MMA IARD et la société MMA IARD SA sont intervenues aux droits de la société COVEA RIKS.

Les sociétés appelantes soutiennent :
-la nullité du rapport d'expertise du fait de l'absence de dépôt d'un pré-rapport, et d'une réunion de clôture,
-que le rapport est partial et incomplet.

Sur le fond elles font valoir :
-que si l'expert-comptable remplissait une mission sociale pour la SARL BONNEFOI, à l'époque des faits il soumettait de manière systématique tous les bulletins de salaire à la SARL BONNEFOI, pour validation avant envoi et qu'elle n'avait pas à s'immiscer dans la gestion de l'entreprise,
-que si le taux était nettement plus favorable aux salariés, ce qui a entraîné de facto une augmentation des nets à payer, et une augmentation des charges sociales, il est étonnant que le chef d'entreprise ne s'en soit pas aperçu,
-que la société d'expertise comptable n'a pas commis de faute,
-que la société BONNEFOI ne démontre pas qu'elle aurait pu s'exonérer de payer au barème qui a été appliqué à l'ensemble de ses salariés à compter du 1er juillet 2006,
-que la somme de 40 625,17 € réclamée au titre du préjudice a été considérée comptablement comme une charge, et que l'intimé n'a donc pas supporté l'impôt et les charges complémentaires,
-qu'allouer le montant de cette somme reviendrait à créer un enrichissement sans cause de l'entreprise, et qu'elle ne subi pas de préjudice né, actuel et certain,
-qu'une action en répétition de l'indu est toujours possible à l'encontre des salariés de la SARL BONNEFOI à hauteur des indemnités de trajet trop perçu.

Les sociétés appelantes concluent à la réformation du jugement et au rejet des réclamations présentées à leur encontre.

La société BONNEFOI réplique :
-que ni la S.A.R.L. AFG ni son assureur n'ont apporté d'élément nouveau susceptible de remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise,
-que l'expert note que si l'erreur commise par AFG l'a été pour des raisons qui restent à déterminer, c'est précisément parce qu'elle a été incapable de justifier qu'elle aurait reçu des instructions de son client en ce sens,
-que l'expert a répondu à la mission confiée par le tribunal, et n'avait pas à rédiger un pré-rapport,
-que la société A.F.G a commis une erreur grossière, suite au changement d'un salarié,
-qu'elle est fondée à réclamer une somme de 3000 euros en plus du montant alloué par le premier juge du fait des honoraires complémentaires pour indemniser les auteurs du recalcul.

La société intimée demande de confirmer le jugement déféré sauf à condamner « conjointement et solidairement » la S.A.R.L. A.F.G. avec les MMA IARD Assurances Mutuelles et les MMA IARD SA à lui payer la somme de 43.625,17 € en principal assortie des intérêts légaux à compter du 30 septembre 2011 sur la somme de 40.625,17 € et à compter du jugement à intervenir pour le surplus.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Les termes de la mission d'expertise telles que figurant au dispositif du jugement du 2 avril 2012 sont les suivants :
"prendre connaissance des conventions liant les parties – rechercher dans quelles conditions les indemnités de trajets litigieuses ont été calculées et payées – donner au Tribunal tous éléments de nature à lui permettre d'apprécier si la société AFG a respecté ses obligations contractuelles ou a commis une faute, comme le soutient la partie demanderesse, de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle, d'une part, et de fixer le préjudice éventuellement subi par la société BONNEFOI, d'autre part – d'une manière plus générale, donner au Tribunal tous éléments de nature à lui permettre de statuer".

Il était précisé qu'à défaut de pré-rapport, l'expert organisera une réunion de clôture afin d'informer les parties du résultat de ses investigations, et recueillera leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport d'expertise.

L'expert n'a pas rédigé de pré-rapport et n'a tenu aucune réunion de clôture, ce qui cause un grief aux sociétés appelantes qui n'ont pu faire valoir leurs observations.

Il convient donc de prononcer la nullité du rapport d'expertise.

La société A.F.G ne conteste pas qu'à compter du 1er juillet 2006, les frais de trajet ont été calculés sur la base d'un barème à un taux supérieur à celui appliqué jusqu'alors.

Elle ne rapporte nullement la preuve que ce nouveau calcul aurait été effectué à l'initiative du gérant de la société BONNEFOI.

Elle ne peut arguer « avoir eu en mémoire que de nombreuses tensions qui se faisaient jour entre la direction et les salariés de l'entreprise quant au montant figurant sur leurs fiches de paie » sans corroborer cette « mémoire » par des éléments probants.

La société A.F.G. ne peut sérieusement soutenir qu'il appartenait au dirigeant de la société BONNEFOI de vérifier les documents qu'elle lui remettait afin de les rectifier alors que l'expert comptable avait pour mission d'établir les bulletins de paie et de calculer les indemnités de trajet à partir des dispositions de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962. Elle devait donc se référer au barème d'indemnités à l'usage des entreprises du LANGUEDOC ROUSSILLON édité chaque année par la Fédération des Entrepreneurs et Artisans du Bâtiment et des Travaux Publics du Gard.

En outre, constatant une augmentation dans le calcul des indemnités ne correspondant pas aux barêmes, la société d'expertise comptable avait l'obligation d'attirer l'attention de son client sur ce point, ce dont elle s'est abstenue.

Les appelantes ne peuvent soutenir qu'elles n'avaient pas à s'immiscer dans la gestion de l'entreprise alors que la société A.F.G avait pour mission l'établissement de bulletins de salaire à partir de données précises et notamment de calculer des indemnité kilométriques à partir d'un barème fixe.

Les arguments développées par la société A.F.G. Et ses assureurs ne sont pas de nature à remettre en cause les erreurs commises par la société d'expertise.

La société BONNEFOI établit l'existence d'un préjudice puisqu'à compter du 1er juillet 2006, les frais de trajet ont été, à tort, calculés sur la base d'un barème à un taux supérieur à celui appliqué jusqu'alors. Elle a donc réglé à ses salariés pendant trois ans et demi (de juillet 2006 à décembre 2009 inclus) des indemnités supérieures au barème, et payé les cotisations sociales afférentes.

La société BONNEFOI a subi un appauvrissement puisqu'elle a versé à ses salariés des indemnités supérieures à ce qu'ils devaient percevoir.

L'intimée produit aux débats les bulletins de paie de ses salariés de janvier 2006 à décembre 2009 ainsi que les barèmes d'indemnités publiés depuis 2006 par la fédération française du bâtiment et justifie avoir trop payé :
-1.801,83 € pour l'année 2006,
-9.673,34 € pour l'année 2007,
-7.297,78 € pour l'année 2008,
-5.953,55 € pour l'année 2009,
soit un total de 24.726,50 € outre les charges, soit la somme totale de 40.625,17 € qui produira intérêts à compter du jugement.

Le jugement qui a condamné in solidum la société A.F.G, la société MMA IARD et la société MMA IARD SA au paiement de cette somme outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, est confirmé à ce titre.

Le coût du calcul rectificatif par la nouvelle société d'expertise comptable de la société BONNEFOI est justifié à hauteur de la somme de 3000 euros au paiement de laquelle sont condamnées in solidum les appelantes.

Il convient de condamner in solidum la société A.F.G, la société MMA IARD et la société MMA IARD SA à payer à la société BONNEFOI une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il a rejeté la demande en nullité d'expertise,

L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau,

Prononce la nullité du rapport d'expertise rédigé par Monsieur X...,

Y ajoutant,

Condamne la société A.F.G, la société MMA IARD et la société MMA IARD SA à payer à la société BONNEFOI la somme de 3.000 euros au titre du coût du calcul rectificatif,

Condamne in solidum la société A.F.G, la société MMA IARD et la société MMA IARD SA à payer à la société BONNEFOI une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

Condamne in solidum la société A.F.G, la société MMA IARD et la société MMA IARD SA aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95
Date de la décision : 23/02/2017

Analyses

L'expert comptable qui a reçu mission d'établir des bulletins de salaires pour le compte d'une société, et notamment de calculer des indemnités kilométriques à partir du barème fixe applicable au service d'activité, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en imputant au dirigeant de ladite société le devoir de vérifier les documents remis afin de rectifier les erreurs commises. Au contraire, constatant une augmentation dans le calcul des indemnités ne correspondant pas aux barèmes, l'expert comptable a l'obligation d'attirer l'attention de son client sur ce point, sans que ceci constitue une immixtion dans la gestion de la société.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Tarascon, 03 mars 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2017-02-23;95 ?
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