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19/01/2017 | FRANCE | N°15/11531

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre c, 19 janvier 2017, 15/11531


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



1re chambre C



ARRÊT

DU 19 JANVIER 2017



N° 2017/40













Rôle N° 15/11531







[S] [V] épouse [M]

[A] [M]

SARL DCB FINANCE ET GESTION





C/



[A] [W]

[Z] [X]

SAS SECAPHI DIAGNOSTIC STRATEGIE EMPLOI (SECAFI D.S.E.)





















Grosse délivrée

le :

à :

SELARL BOULAN

SCP

ERMENEUX





















Sur saisine de la cour suite à un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 27 mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 494 F-D lequel a partiellement cassé et annulé l'arrêt n° 39 rendu le 21 janvier 2014 par la 1ère chambre section A de cette cour à l'encon...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re chambre C

ARRÊT

DU 19 JANVIER 2017

N° 2017/40

Rôle N° 15/11531

[S] [V] épouse [M]

[A] [M]

SARL DCB FINANCE ET GESTION

C/

[A] [W]

[Z] [X]

SAS SECAPHI DIAGNOSTIC STRATEGIE EMPLOI (SECAFI D.S.E.)

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL BOULAN

SCP ERMENEUX

Sur saisine de la cour suite à un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 27 mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 494 F-D lequel a partiellement cassé et annulé l'arrêt n° 39 rendu le 21 janvier 2014 par la 1ère chambre section A de cette cour à l'encontre d'un jugement rendu par le tribunal arbitral de la Seyne-sur-Mer en date du 16 juillet 2012 et suite aux arrêts mixtes n° 453 rendu le 28 avril 2016 et n° 957 rendu le 6 octobre 2016 par la 1ère chambre section C de cette cour.

DEMANDEURS SUR RENVOI DE LA COUR DE CASSATION

Madame [S] [V] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [A] [M]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 1]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

LA SARL DCB FINANCE ET GESTION

dont le siège est [Adresse 1]

représentés par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

assistés par le cabinet AKLEA substitué par Me DE CARLAN, avocat au barreau de Lyon, plaidant

DÉFENDEURS SUR RENVOI DE LA COUR DE CASSATION

Monsieur [A] [W]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

assisté par Me François MIRIKELAM avocat au barreau de Paris, plaidant

Monsieur [Z] [X]

né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 3]

demeurant Chez [Adresse 3]

LA SAS SECAPHI DIAGNOSTIC STRATÉGIE EMPLOI

(SECAFI DSE)

dont le siège est [Adresse 4]

représentés par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

assistés par Me Maxime DELHOMME, avocat au barreau de Paris, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 novembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Danielle Demont, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Monsieur Serge KERRAUDREN, président

Mme Danielle DEMONT, conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2017,

Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Par actes des 18 décembre et 23 décembre 2006 les actionnaires de la société anonyme Azurex, dont M. [X] expert-comptable, qui exerçait les fonctions de président du conseil d'administration, M. [W], et la société Secaphi Diagnostic Stratégique Emploi (DSE), se sont engagés à vendre l'intégralité de leurs actions à M. [M] exerçant la profession d'expert-comptable, et à son épouse.

M. [W] a acquis le 20 juillet 2007 les titres des autres actionnaires au prix d'un euro. Les actions ont été cédées à M. [M] et à la société DCB Finance et Gestion constituée par les époux [M], le 3 août 2007, avec clauses notamment de garantie de passif et de chiffre d'affaires.

Après avoir obtenu la désignation d'un expert judiciaire, les époux [M] et la société DCB Finance et Gestion (les cessionnaires) ont demandé au tribunal de commerce de Paris l'annulation des actes des 18 décembre 2006, 20 juillet et 3 août 2007 en invoquant un dol.

Par arrêt du 24 mai 2011 statuant sur contredit, les parties ont été renvoyées devant le conseil régional des experts-comptables de la région [Localité 3] dont la présidente a désigné M. [B] en qualité d'arbitre.

Par compromis d'arbitrage en date du 16 juillet 2012 l'arbitre désigné a dit n'y avoir lieu à annulation des cessions d'actions et fixé à 133 332€ le montant des indemnisations dues à la société DCB finance et gestion et aux époux [M] au titre des garanties souscrites.

M. [A] [M], Mme [S] [V] épouse [M] et la société DCB Finance et gestion, d'une part, et M. [W] d'autre part, ont relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 21 janvier 2014 la 1ère chambre A de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

' confirmé le compromis d'arbitrage en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'annuler les cessions d'actions litigieuses et dit que le cédant était tenu au paiement d'une somme de 17'851 €

' l'a réformé pour le surplus et statuant à nouveau

' constaté que les appelantes ne justifient pas d'un désistement d'instance et dit n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise de M. [E] du 8 novembre 2013 rejeté toutes les demandes plus amples contraires et condamné les époux [M] et la SARL DCB finance et gestion au paiement des sommes de 6000 € à M. [W] et 6 000€ à M. [X] et à la sas Secaphi DSE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Par arrêt en date du 27 mai 2015 la Cour de cassation a cassé et annulé sauf en ce qu'il a dit que les appelants ne justifient pas d'un désistement d'instance et qu'il n'y a pas lieu à annulation du rapport d'expertise du 8 novembre 2013, l'arrêt rendu le 21 janvier 2014 et les a renvoyés devant la cour de ce siège autrement composée et condamné MM. [X] et [W] et la sociétés Secaphi diagnostic stratégie emploi aux dépens et les a condamnés à payer la somme de 3000 € aux époux [M] et à la société DCB

finance gestion.

La Cour de cassation relève en motifs au visa de l'article 1116 du Code civil :

' que pour rejeter la demande d'annulation pour dol des actes des 18 décembre 2006 et 3 août 2007, l'arrêt, après avoir relevé que selon les cessionnaires, la société Azurex n'était pas une société d'expertise-comptable, puisqu'elle est en réalité animée par M. [W] qui n'était pas diplômé d'expertise comptable tandis que son dirigeant de droit, M. [X] assurait seulement une « couverture illégale », ce qui expliquait que les actionnaires aient cédé leurs actions à M. [W] pour un euro, en le dissimulant aux cessionnaires, retient que s'agissant des rôles respectifs au sein de la société Azurex de MM. [W] et [X], lesquels contestent les affirmations des cessionnaires, ils sont à l'évidence sans incidence sur la valeur des parts sociales de la société Azurex et ne sont donc pas susceptibles de caractériser le dol allégué ;

' qu'en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur l'organisation véritable de la société Azurex ni rechercher si, à supposer établie la situation dénoncée par les cessionnaires, sa dissimulation par leurs cocontractants n'avait pas provoqué une erreur déterminante de leur consentement à l'acquisition des actions représentant le capital de cette société, nonobstant son absence d'incidence sur leur valeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Le 29 juin 2015 M. [A] [M], Mme née [V] et la société DCB finance gestion ont saisi la présente cour de renvoi autrement composée.

Par conclusions du 11 mars 2016 les époux [M] et la Sarl DCB finance et gestion ont demandé à la cour :

' de confirmer la sentence arbitrale en ce qu'elle a constaté le principe d'un dol et de dommages qui leur ont été causés ;

' de la réformer en ce qu'elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations en ne prononçant pas la nullité des actes successifs intervenus au titre de la vente des actions de la société Azurex ;

' de réformer la sentence arbitrale s'agissant du quantum de l'indemnité qui leur a été octroyée ;

A titre principal, au visa des articles 549, 1109, 1110, 1116, 1300 118 et 1382 du Code civil et vu les dispositions de l'ordonnance de 1945 réglementant la profession d'expert-comptable,

' de prononcer la nullité des actes intervenus au titre de la cession des actions de la société Azurex et notamment la cession d'actions intervenue entre M. [W] à la société DCB finance et gestion du 3 août 2007 ;

' de remettre les parties dans la situation précédant la signature de la promesse réciproque d'achat et de vente de décembre 2006 et à ce titre :

* d'ordonner la restitution par la société DCB finance et gestion et M. et Mme [M]

des 2500 titres de la société Azurex aux cédants à compter de l'arrêt à intervenir ;

* confirmer que les époux [M] et la société DCB finance et gestion , cessionnaires de bonne foi, conserveront les fruits de la société Azurex jusqu'au jour de la restitution effective des titres, ces fruits étant la juste contrepartie des prestations rendues ayant été nécessaires à la conservation des titres ;

* condamner M. [W] à restituer le prix de la cession d'un montant de 572'500 €

augmenté des intérêts légaux à compter du 2 juillet 2007 pour un montant de 100'000 € et du 3 août 2007 pour le solde jusqu'à complet paiement avec anatocisme et condamner in solidum M. [X] et la société Secaphi à garantir le versement du prix de cession en cas de défaillance de M. [W] ;

* condamner in solidum MM. [W] et [X] ainsi que la société Secafi DSE anciennement Secafi-Alpha au paiement d'une somme de 1'515'800 € sauf à parfaire en réparation des autres préjudices causés ;

* et prononcer une astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

À titre subsidiaire,

sur la mauvaise foi des cédants et la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, si la nullité des actes intervenus au titre de la vente des actions d'Azurex n'était pas prononcée,

' de condamner in solidum MM. [W] et [X] ainsi que la société Secafi DSE anciennement Secafi-Alpha au paiement des desdits d'une somme de 100'000 € tels que prévus à la promesse réciproque d'achat et de vente de décembre 2006 ;

' de les condamner in solidum au paiement de la somme de 99'994 € représentant la valeur de la clientèle non présentée à M. [M] ;

' de les condamner in solidum au paiement de la somme de 100'000 € au titre d'une surévaluation de la situation nette par absence de constatation des produits facturés d'avance sur la situation établie au 30 juin 2007 et la somme de 59'832 € au titre de la prise en charge de travaux inhabituels de rattrapage de la situation comptable et celle de 481'730 € au titre de la perte de profit ; et celle de 236'283 € en réduction du prix payé au titre de la surévaluation au quotient 1,1 de la valeur du portefeuille incluse dans la valeur des titres vendus ;

* la somme de 72'083 € en réparation du dommage causé par le surplus d'intérêts subi sur la surévaluation de l'emprunt contracté pour l'acquisition des titres Azurex ;

*la somme de 11'505 € en réparation du préjudice subi au titre du surplus de commissions payées au cabinet d'intermédiation ;

*la somme de 1667 € en réparation du préjudice subi au titre de l'excès de droits d'enregistrement supportés sur la surévaluation des titres ;

* la somme de 156'947 € au titre d'un préjudice de perte de chiffre d'affaires subi par la perte du portefeuille clientèle ;

*la somme de 55'649 € au titre de la perte de valeur du portefeuille client ;

* la somme de 27'071 € au titre du passif contractuellement garanti ;

À titre infiniment subsidiaire,

sur la possibilité du bénéficiaire de la promesse de se voir substitué dans les droits du tiers de mauvaise foi, vu les articles 1121, 1135, 1147 et 1167 du code civil,

' de condamner in solidum MM. [W] et [X] ainsi que la société Secafi DSE anciennement Secafi-Alpha à rembourser aux époux [M] et à la société DCB finance gestion les sommes de 100'000 € et 472'500 € outre intérêts calculés au taux légal sur les montants indûment versés soit une somme d'intérêts courus depuis le 20 juillet 2007 avec anatocisme et à verser la somme de 133'332 € au titre des préjudices subis consécutifs aux garanties données et allouées par l'arbitre est due aux époux [M] et à la sociétéDCB finance et gestion et de les condamner au titre des préjudices indirects résultant des frais d'emprunt subi sur l'achat à un prix excessif des titres d'Azurex soit à la date du 31 mai 2013 la somme de 73'083 € à parfaire ; et celle de 31'100 € au titre de préjudice résultant de commissions d'intermédiation excédentaire et du préjudice résultant de droits d'enregistrement indus ;

En tout état de cause

' de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande reconventionnelle formée par M. [W] par conclusions signifiées le 11 février 2016 ;

' de rejeter toutes demandes contraires ;

' de condamner in solidum MM. [W] et [X] ainsi que la société Secafi DSE anciennement Secafi-Alpha à leur payer la somme de 45'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

outre les dépens et les honoraires versés à l'arbitre d'un montant de 3600 € et les provisions versées à l'expert judiciaire, M. [E] avec distraction.

Par conclusions du 11 mars 2016 M. [A] [W] a demandé à la cour, au visa des articles 1116, 1134, 1147 et 1382 du Code civil et les articles 235-3 et 235-9 du code de commerce, et vu l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable :

' de confirmer la sentence arbitrale du 16 juillet 2012 en ce qu'elle a décidé que les cessions d'actions de la société Azurex du 20 juillet 2007 et en date du 3 août 2007 n'ont pas à être annulé et en ce qu'elle a rejeté les demandes reconventionnelles des époux [M] et de la société DCB finance et gestion ;

' d'infirmer la sentence sur les autres dispositions

statuant à nouveau à titre principal

' de dire que la garantie de chiffre d'affaires portait bien sur le chiffre d'affaires générées par l'ensemble des clients du cabinet Azurex au 1er juillet 2008 ;

' de fixer le montant de la garantie due à 10'557 € ;

' de débouter les époux [M] et la société DCB de toutes leurs demandes ;

A titre subsidiaire

de constater que la différence entre le chiffre d'affaires généré par les clients d'Azurex au 1er juillet 2007 et généré par ceux-ci au 1er juillet 2008 n'est pas supérieure à la somme de 48'034 €;

' de condamner solidairement les appelants à payer à M. [W] la somme de 35'000 € à titre de dommages intérêts au titre d'un préjudice moral , la somme de 25'000 € L pour abus du droit d'ester en justice, et la somme de 42'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

Par conclusions du 12 février 2016 M. [X] et la société Secafi DSE anciennement Secafi-Alpha demandent à la cour :

' de confirmer la sentence arbitrale du 16 juillet 2012 en ce qu'elle a décidé que les cessions d'actions de la société anonyme Azurex du 20 juillet 2007 et en date du 3 août 2007 n'ont pas à être annulée et en ce qu'elle a rejeté les demandes reconventionnelles des époux [M] et de la société DCB finance et gestion ;

' d'infirmer la sentence sur les autres dispositions ;

statuant à nouveau

' de dire que la garantie de chiffre d'affaires portait bien sur le chiffre d'affaires généré par l'ensemble des clients du cabinet Azurex au 1er juillet 2008 ;

' de fixer le montant de la garantie due à 10'557 € ;

' de débouter les époux [M] et la société DCB de toutes leurs demandes ;

A titre subsidiaire

' de constater que la différence entre le chiffre d'affaires généré par les clients d'Azurex au 1er juillet 2007 et généré par ceux-ci au 1er juillet 2008 n'est pas supérieure à la somme de 48'034 €;

En tout état de cause :

' de condamner solidairement les époux [M] et la société DCB finance gestion à leur payer la somme de 40 000€ appels de au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

Par arrêt mixte en date du 28 avril 2016 la cour de ce siège a infirmé la sentence arbitrale en date du 16 juillet 2012, statuant à nouveau, prononcé la nullité de la promesse synallagmatique des titres de la société Azurex de décembre 2006 et la vente du 3 août 2007, avant-dire droit pour le surplus des demandes, ordonné la réouverture des débats sur les effets de l'annulation de la vente et invité les parties à conclure sur ce point avant le 30 juin 2016 et dit que l'affaire reviendra à l'audience des plaidoiries du 6 septembre 2016.

Les parties ont déposé de nouvelles écritures :

' les époux [M] et la société DCB Finance et Gestion le 30 juin 2016 ;

' M. [A] [W] le 4 août 2016 ;

' M. [Z] [X] et la SAS Secaphi Diagnostic Stratégie Emploi (DSE) le 24 août 2016.

Par conclusions de procédure en date du 5 septembre 2016 M. [W], M. [X] et la SAS Secaphi Diagnostic Stratégie Emploi demandent à la cour de rejeter des conclusions et pièces notifiées le 5 septembre 2016 à 18 heures 21 par les époux [M] et DCB Finance et Gestion.

Par arrêt avant dire droit du 6 octobre 2016 la cour de ce siège a admis les conclusions déposées par les époux [M] et la société DCB Finance et Gestion le 5 septembre 2016, dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente du pourvoi formé contre l'arrêt mixte de la cour de ce siège en date du 28 avril 2016, et d'ordonner une mesure d'instruction, ordonné la réouverture des débats, invité les appelants à produire le justificatif du paiement des honoraires du cabinet Bontemps, avant le 4 novembre 2016 et les intimés à répliquer sur les moyens qui leur sont opposés par les appelants relatifs aux honoraires facturés par la société DCB Finance et Gestion à Azurex avant le 24 novembre 2016, et renvoyé l'affaire à l'audience des plaidoiries du 29 novembre 2016.

Les intimés ont déposé des nouvelles écritures : M. [W] le 21 novembre 2016 et [Z] [X] et la SAS Secaphi le 23 novembre 2016.

Ils ont ensuite déposé des conclusions de procédure le 28 novembre 2016 à 15h45 pour voir écarter les écritures en réponse des époux [M] et de la société DCB Finance et Gestion du même jour, le 28 novembre 2016 à 11h45, à la veille de l'audience de plaidoirie du 29 novembre à 8h15.

Les appelants ont répliqué le 29 novembre 2016.

Le fait que les intimés aient largement conclu hors le champ de la réouverture des débats ne saurait avoir 'contraint les appelants à répliquer hors le champ strictement limité par la cour', contrairement à ce qu'ils avancent, de sorte que ces nouvelles conclusions tardives des époux [M] et de la société DCB Finance et Gestion du 28 novembre 2016 à 11h45 doivent être écartées.

Motifs

Sur la restitution du prix

Attendu que suite à la nullité prononcée de la promesse synallagmatique de vente et de la vente intervenue, il y a lieu d'ordonner la restitution du bien vendu, soit la restitution des 2500 parts sociales de la société Azurex qui sont restituables en nature contre la restitution du prix reçu, soit la somme de 572 211€ qui sera assortie des intérêts au taux

légal à compter du jour du paiement, les versements ayant été reçus de mauvaise foi par suite du dol ;

Attendu que les époux [M] et la société DCB demandent que MM. [W] et [X] la société Secaphi, tous les cédants, soient soit tenus in solidum à la restitution du prix en conséquence de l'annulation de la vente ;

Attendu que ce remboursement est dû en effet par les cédants en suite des man'uvres dolosives de celui qui était leur mandataire dans le cadre de la signature de la promesse de vente, et ensuite des leurs puisqu'il est devenu entre le jour de la promesse et la vente définitive le seul propriétaire de toutes les parts sociales de la société ;

Attendu que les cédants soutiennent que la valeur de la société Azurex a été irrémédiablement dégradée par la gestion et l'exploitation opérée par les appelants pendant la période allant du 3 août 2007 jusqu'à la restitution effective des actions ; que le chiffre d'affaires qui était celui de la société au 30 juin 2007 de 393'804 € ne s'élevant plus au 31 décembre 2014 qu' à 284'209 € et la valeur des 2500 actions de la société Azurex étant estimée à 291' 001€ seulement, et qu'il reviendrait aux cessionnaires de compenser la diminution de cette valeur par le versement d'une indemnité de même montant ;

Mais attendu que les cédants ne rapportent pas la preuve de ce que la dépréciation de la valeur des actions de la société Azurex serait imputable aux cessionnaires ; que la perte de valeur doit être présumée fortuite, de sorte que c'est le propriétaire rétroactif qui doit supporter cette perte en application de l'adage Res perit domino ; qu'il n'y a donc pas lieu à quelque indemnité après nullité pour parfaire les restitutions, même si la société Azurex est restituée dans un état non identique à celui qui était le sien le 3 août 2007 ;

Sur les dommages et intérêts

Attendu, s'agissant des dommages intérêts sollicités par les intimés pour parfaire le rétablissement du statu quo ante, que les cessionnaires appelants font valoir exactement que la restitution à laquelle un cocontractant est contraint à la suite de l'annulation d'un contrat ne constitue pas en soi un préjudice indemnisable ; que la nullité peut toutefois avoir entraîné un préjudice non couvert par l'annulation et les restitutions qu'elle déclenche ; que toutefois seule la partie qui est de bonne foi au contrat de vente annulé peut demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé et obtenir des dommages et intérêts délictuels et non contractuels ;

Attendu que violerait l'article 1382 du code civil la cour d'appel qui retiendrait que l'acquéreur est tenu d'une indemnité correspondant à l'avantage qu'il a retiré de la chose entre la date de la vente et celle de son annulation pour dol du vendeur ; que les demandes des cédants auteurs du dol heurtant ces principes doivent donc être écartées ;

Sur les demandes reconventionnelles de M. [W]

Attendu qu'il en va donc ainsi des demandes reconventionnelles présentées par M. [W] ; qu'en effet si ces demandes se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires, et qu'elles sont recevables en application de l'article 567 du code de

procédure civile, contrairement à ce qui soutenu, l'auteur d'un dol n'a pu souffrir d'un prétendu acharnement procédural de la part des victimes de ses agissements dolosifs ; qu'il ne saurait prétendre à la réparation d'un préjudice moral, d'où il suit le rejet de la demande de M. [W] tendant à l'allocation à son profit de la somme de 35 000€ sur ce fondement ;

Attendu que partie perdante, il ne saurait prétendre davantage à la somme de 25 000€ pour quelque abus du droit d'ester en justice de la part des appelants gagnants ;

Attendu qu'il convient en revanche d'examiner les demandes indemnitaires suivantes formées par les appelants, victimes du dol ;

Sur les demandes au titre des frais annexes

Attendu que les honoraires de rédaction des actes de cession et les droits d'enregistrement des actes ont été inutilement exposés par les appelants à hauteur de 4 025€ ;

Attendu que les acquéreurs font valoir qu'ils ont dû également acquitter la commission de 32'411 € TTC sollicitée par le cabinet Bontemps à titre d'honoraires « de mise en relation avec M. [W] et négociation des conditions de cession de la totalité des actions de la SA Azurex » et ce, de manière inutile ;

Attendu que les acquéreurs ont justifié avoir réglé le montant de ces honoraires à ce cabinet, dont M. [W] ne discute pas l'entremise ni désormais le paiement intervenu ;

Sur les demandes au titre des frais d'emprunt

Attendu que les cessionnaires ont vainement exposé les frais d'un emprunt bancaire affecté à l'acquisition des titres d'Azurex sur 10 ans d'un montant de 375'000 € , soit la somme de 107'452,88€ (82 849,75 € au titre des intérêts, 14'783,78 € au titre de l'assurance emprunteur et 897 € de frais de dossier, soit au total 98'530,53 € de frais payés à la date du 8 juin 2016, date de l'attestation d'emprunt de la banque populaire Alsace-Lorraine Champagne, les frais à échoir s'élevant encore à 3656,10 € au titre de l'assurance emprunteur et les intérêts restant dus à 5266, 25€, soit au total 8922,35 €);

Attendu que M. [W] soutient qu'il n'est en rien concerné par les modalités du financement de l'acquisition des actions ; que rien n'obligeait les demandeurs qui ont vendu leur propre cabinet en Alsace à recourir à un emprunt bancaire et que cette décision de gestion leur appartenait et qu'ils doivent aujourd'hui en assumer seuls les conséquences ;

Mais attendu qu'un emprunt ayant été souscrit pour faire l'acquisition, le versement en vain par les cessionnaires des intérêts contractuels et frais est un préjudice indemnisable ; que les cédants auteurs du dol sont à l'origine de ce dommage et qu'ils ne sauraient reprocher aux cessionnaires le mode de financement de leur acquisition ;

Sur la perte d'une chance d'avoir pu percevoir un bénéfice d'exploitation, des dividendes et une rémunération de dirigeant et les droits à la retraite afférents ou la perte d'une chance d'avoir pu faire un meilleur investissement

Attendu que M. [X] fait valoir exactement que la demande formée au titre de la perte d'une chance d'avoir pu obtenir une meilleure rémunération du capital investi fait double emploi avec la demande relative à la perte d'une chance de percevoir les dividendes, un bénéfice d'exploitation et une rémunération de dirigeant escomptés, de sorte que seule la première demande doit être accueillie ;

Attendu que les appelants font valoir qu'ils ont perdu la chance d'avoir pu obtenir une meilleure rémunération du capital de 572'500 € qu'ils ont investi dans l'acquisition du cabinet Azurex ; qu'ils exposent que la rentabilité moyenne brute d'une société d'expertise comptable est de l'ordre de 9,5 %, soit une rentabilité moyenne nette des capitaux investis de 7,95 % à 8 % par an, ce qui représente au cas d'espèce, compte tenu de la stabilité de la clientèle représentant l'actif incorporel de la société Azurex (572'500 € x 7,95% x 9 ans =) 409'625 € ;

Attendu que les appelants soutiennent exactement qu'ils pouvaient prétendre obtenir le taux de rentabilité d'un capital placé dans un cabinet d'expertise comptable régulièrement tenu et à la rentabilité d'un investissement spécialisé mieux rémunérateur que le placement ordinaire d'un capital ;

Attendu toutefois que la perte d'une chance ne pouvant pas équivaloir à la chance perdue, le dommage issu de la perte certaine par les cessionnaires d'une chance importante d'avoir pu faire un meilleur placement du capital investi dans l'acquisition d'Azurex sera entièrement réparée par l'octroi de la somme de 304'000 € à titre de dommages intérêts ;

Sur les demandes au titre des fruits

Attendu que les époux [M] et la société DCB Finance et Gestion , cessionnaires de bonne foi, demandent de conserver les fruits de la société Azurex jusqu'au jour de la restitution effective des titres en application de l'article 549 du code civil, les appelants faisant valoir que le dividendes des actions sont la contrepartie des prestations accomplies nécessaires à la conservation des titres ;

Attendu qu'ils exposent avoir perçu 50'000 € de dividendes 22 juillet 2008, distribution approuvée suivant une assemblée générale du 23 juin 2008, puis 50'000 € de dividendes le 21 juillet 2009, distribution approuvée suivants une assemblée générale du 20 juillet 2009, soit une somme totale de 100'000 €, la demande en justice adressée le 16 décembre 2009 au tribunal de commerce de Paris pour constater la nullité de la cession du 3 août 2007 n'ayant pas permis aux actionnaires de procéder à la distribution de dividendes au titre des exercices comptables ultérieurs ;

Mais attendu que M. [X] et la société Secaphi font valoir exactement que c'est le 24 septembre 2008 que les demandeurs ont saisi le président du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de la région [Localité 3] pour lui demander d'engager une procédure de conciliation et voir constater par le conseil de l'ordre « l'illégalité et la nullité de la cession des actions » en faisant état de « la découverte de faits suspects et de man'uvres dolosives » ; que les acquéreurs ayant connaissance des vices allégués, ne peuvent plus être considérés comme détenteurs de bonne foi à compter de cette date ; qu'en défintive seuls les dividendes pour l'exercice 2008 approuvés par une assemblée générale du 23 juin 2008 leur sont acquis ;

Attendu qu'en ce qui concerne les sommes versées jusqu'en 2016 par la société Azurex à la société DCB au titre de l'exécution d'une convention de prestation de services et qui serait dépourvue de cause d'après les cédants, que ces derniers demandent dans le dispositif de leurs écritures la restitution par les cessionnaires, pour la période du 24 septembre 2008 au 30 juin 2014, d'une somme qui ne saurait être inférieure selon leurs écritures à 287'768 €, voire s'élever aux 617 562€ facturés par la holding DCB Finance et Gestion jusqu'à ce jour ;

Mais attendu que l'objet du litige soumis à la cour est relatif à la cession intervenue des titres de la société Azurex ; qu'il ne saurait s'étendre à la validité d'un autre contrat conclu entre Azurex et DCB Finance et Gestion auquel MM. [W], [X] et la société Secaphisont sont des tiers ; que ceux-ci ne sauraient invoquer une nullité pour défaut de cause de cette convention de prestation de service à laquelle ils sont étrangers pour voir déclarer que ce contrat 'ne leur serait pas opposable' et solliciter la restitution de 'fruits' qui ne sont pas en réalité ceux du contrat dont la cour est saisie, et solliciter une compensation avec les sommes dont ils sont eux-mêmes redevables d'où il suit le rejet de ces prétentions ;

Sur le préjudice moral et les tracas causés

Attendu enfin que les époux [M] font valoir qu'ils ont dû endurer de multiples vexations dans leur milieu professionnel, après avoir été grugés par leurs vendeurs, et que leur compétence professionnelle a été dévalorisée, qu'ils ont subi une atteinte à leur honneur et leur réputation professionnelle pendant 9 ans justifiant l'octroi de dommages intérêts à hauteur de 50'000 € ; qu'ils ajoutent qu'ils ont dû consacrer du temps et de l'énergie au traitement des procédures contentieuses au détriment de leurs autres tâches, qu'ils ont consacré 106 heures à l'analyse et la préparation des documents nécessaires aux procédures ordinales et contentieuses et 98 heures en réunion de conciliation expertise et arbitrage et parcouru 2500 km à ce titre, et qu'ils sont fondés à solliciter à ce titre la somme de 16'285 € ;

Mais attendu que la cour estime que les époux appelants justifient seulement avoir subi de très nombreux tracas, à raison des procédures ordinales et contentieuses qu'ils ont eu à conduire ; que ce préjudice moral sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts ;

Attendu qu'en définitive M. [A] [W], M. [Z] [X], la SAS Secaphi DSE seront condamnés à payer in solidum aux époux [M] et à la société DCB Finance et Gestion la somme de 452 888,88€ (4025€ + 32411€ + 107452,88€ + 304000€+ 5 000€) à titre de dommages intérêts ;

Attendu que les victimes du dol ont droit par principe à la réparation de leur entier dommage ; qu'il ne sauraient souffrir une réduction de cette dernière eu égard à 'la capacité financière limitée de M. [W], âgé de 68 ans, sans revenus autres que sa pension de retraite' ; qu' aucune atteinte au principe de proportionnalité ne peut être relevée, M. [W] ne mettant pas la cour en mesure d'apprécier l'étendue réelle de son patrimoine, d'où il suit le rejet de ce moyen ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ecarte des débats les conclusions notifiées le 28 novembre 2016 par M. [A] [M], Mme [S] [V] épouse [M] et la société DCB Finance et gestion,

Vu les arrêts mixtes de la cour de ce siège en date du 28 avril 2016 ayant prononcé la nullité de la promesse synallagmatique de vente des titres de la société Azurex de décembre 2006 et de la vente du 3 août 2007, et en date du 6 octobre 2016 ayant rejeté la demande de sursis à statuer et ayant dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'expertise,

Ordonne la restitution par M. [A] [M], Mme [S] [V] épouse [M] et la société DCB Finance et gestion en nature des 2500 actions de la société Azurex aux intimés,

Condamne in solidum MM. [W] et [X] et la société Secaphi Diagnostic Stratégie Emploi (DSE) à payer à M. [A] [M], à Mme [S] [V] épouse [M] et à la société DCB Finance et gestion la somme de 572'500 €, avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2007 courant sur le montant de 100'000 € et avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2007 courant sur le montant de 472'500 €, au titre de la restitution du prix de vente,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Condamne in solidum M. [A] [W], M. [Z] [X] et la SAS Secaphi DSE à payer à M. [A] [M], à Mme [S] [V] épouse [M] et à la société DCB Finance et gestion la somme de 452 888,88€ à titre de dommages intérêts,

Dit que M. [A] [M], Mme [S] [V] épouse [M] et la société DCB Finance et gestion conserveront la somme de 50 000€ au titre de la distribution de dividendes pour l'exercice 2008, approuvée suivant une assemblée générale du 23 juin 2008, et qu'ils doivent la restitution aux cédants de la somme de 50'000€ reçue à titre de dividendes le 21 juillet 2009, distribution approuvée suivant une assemblée générale du 20 juillet 2009,

Rejette les demandes reconventionnelles de M. [W] tendant à l'octroi de dommages et intérêts,

Condamne in solidum M. [A] [W], M. [Z] [X] et la SAS Secaphi DSE aux dépens du présent arrêt et ceux de l'arrêt en date du 21 janvier 2014 cassé, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne in solidum à payer à M. [A] [M], à Mme [S] [V] épouse [M] et à la société DCB Finance et gestion la somme de 10 000€ à ce titre.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 15/11531
Date de la décision : 19/01/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°15/11531 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-19;15.11531 ?
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