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13/01/2017 | FRANCE | N°14/19383

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 13 janvier 2017, 14/19383


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2017



N° 2017/



Rôle N° 14/19383





[W] [H]





C/



FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES DU RHONE

































Grosse délivrée

le :



à :



Me Jean-françois LECA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Philippe-nicolas CAL

ANDRA, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 09 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 1...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2017

N° 2017/

Rôle N° 14/19383

[W] [H]

C/

FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES DU RHONE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-françois LECA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Philippe-nicolas CALANDRA, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 09 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1075.

APPELANT

Monsieur [W] [H], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean-françois LECA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 53 substitué par Me Alexandra MARY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 214

INTIMEE

FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe-nicolas CALANDRA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Octobre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2017.

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [H] a été recruté par l'association FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES-DU-RHÔNE le 1er septembre 1995 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de technicien supérieur. Il était chargé de la formation pratique au permis de chasser, de la formation des chefs de battue grand gibier, du suivi des populations de gibiers, de prodiguer des conseils de gestion et d'aménagement des territoires et de participer à l'élaboration de chartes, schémas locaux et plans de gestion.

Le salarié a déposé plainte du chef de harcèlement moral à l'encontre de M. [T] [E], le président de la fédération, le 20 août 2008. Il a été débouté par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le 24 mars 2010 puis par la cour d'appel de céans le 28 novembre 2011.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait l'emploi de technicien supérieur, coefficient 520, niveau 3, moyennant un salaire mensuel de base brut de 2 755,58 €.

Les rapports contractuels des parties étaient régis par les dispositions de la convention collective des personnels des structures associatives cynégétiques.

Le salarié a été licencié pour motif économique suivant lettre du 16 février 2010 ainsi rédigée : « Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du lundi 14 décembre 2009 sur une éventuelle mesure de licenciement économique à votre égard. Or, suite à la décision prise par le Conseil d'Administration de supprimer un poste de technicien supérieur, et après consultation du Délégué du personnel sur les critères de licenciement, nous nous voyons dans l'obligation de vous licencier pour motif économique. Cette suppression de poste de technicien supérieur se justifie par les difficultés économiques que connaît la Fédération, dues notamment à la :

o Diminution constante du nombre de chasseurs,

o Augmentation notable des dégâts de gibier dont l'indemnisation est à la charge de la Fédération.

La suppression de ce poste entraîne la répartition entre les autres salariés des tâches que vous accomplissiez. Nous vous précisons que nous avons entendu le Délégué du personnel pour cette suppression de poste et le départ d'un technicien supérieur. Sachez, qu'afin d'éviter votre licenciement, nous avons pourtant procédé à une recherche active et individualisée de reclassement au sein de la Fédération Départementale des Chasseurs des Bouches-du-Rhône d'une part, et d'autre part nous avons contacté d'autres fédérations pour connaître leur possibilité de vacance de poste. Malgré tous nos efforts, aucune solution alternative n'a pu être trouvée. Il n'y a aucun poste de disponible ou susceptible de l'être prochainement, non seulement au sein de notre Fédération, mais d'autres fédérations de la région. Étant donné votre absence à l'entretien préalable du 14 décembre 2009, nous vous avons adressé un courrier recommandé avec accusé de réception le 15 décembre 2009, contenant le dossier relatif à la CRP (Convention de Reclassement Personnalisé). Nous vous rappelons que vous avez bénéficié d'un délai de réflexion de 21 jours qui expirait le mercredi 13 janvier 2010. N'ayant pas eu de réponse de votre part dans le délai imparti, cela équivaut à un refus de la convention de reclassement personnalisé. Vous effectuez alors votre préavis d'une durée de quatre mois, conformément à votre ancienneté. Au cours de celui-ci, vous pourrez vous absenter deux heures par jour pour rechercher un nouvel emploi. Par ailleurs, nous vous signalons qu'en raison de la nature économique de votre licenciement :

o Vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat. Ce droit ne deviendra toutefois effectif que si vous nous informez de votre volonté d'user de cette priorité au cours de cette année,

o Vous disposez d'un délai de 12 mois, à compter de la présente notification, pour contester la validité de votre licenciement.

Nous vous informons également que vous êtes en droit, pendant la durée de votre préavis, de demander à utiliser les 100 heures que vous avez acquises au titre du droit individuel à la formation pour bénéficier d'une action de bilan de compétence, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. »

Le salarié a perçu à l'occasion de son licenciement pour motif économique un solde de tout compte de 40 641,49 € comprenant une indemnité de licenciement de 35 822,72 €.

Contestant son licenciement, M. [W] [H] a saisi le 18 octobre 2012 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 9 septembre 2014, a :

dit que le licenciement économique est fondé et régulier ;

constaté que les critères d'ordre de licenciement ont été respectés par l'employeur ;

constaté que l'employeur a rempli ses obligations dans sa recherche de reclassement ;

débouté le salarié de ses prétentions ;

rejeté toutes autres demandes des parties ;

partagé par moitié les dépens entre les parties.

M. [W] [H] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 7 octobre 2014.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. [W] [H] demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

dire que le motif économique invoqué n'est nullement avéré ;

dire que l'employeur n'a nullement respecté son obligation de reclassement ;

dire que l'employeur a violé les dispositions relatives à l'ordre des licenciements ;

à titre principal,

condamner l'employeur au paiement de la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

à titre subsidiaire,

condamner l'employeur au paiement de la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la question de l'ordre des licenciements ;

en tout état de cause,

condamner l'employeur au paiement de la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;

le condamner aux dépens.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES-DU-RHÔNE demande à la cour de :

constater que la suppression d'un poste de technicien supérieur est consécutive aux difficultés économiques sérieuses de la fédération ;

constater que la suppression d'un technicien supérieur a été effective et que quatre autres licenciements pour cause économique ont été pris ;

constater que les critères légaux de l'ordre des licenciements ont été respectés, que le délégué du personnel a non seulement été consulté sur la suppression d'un poste de technicien supérieur mais a établi l'ordre des licenciements et la personne qui devait faire l'objet d'un licenciement ;

dire que le reclassement au sein de la fédération était impossible et que cette dernière a fait le nécessaire en vue d'un reclassement dans d'autres fédérations ;

dire le licenciement économique fondé et régulier ;

débouté le salarié de toutes ses demandes ;

confirmer le jugement déféré ;

condamner le salarié à lui régler la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le motif économique

L'employeur expose qu'il est confronté à deux difficultés économiques, la diminution constante du nombre des chasseurs et l'augmentation notable des dégâts de gibier qu'il doit indemniser.

L'employeur justifie de ce que le nombre de chasseurs diminue de 380 par an passant en dix ans de 23 800 à 20 600 et que les 90 fédérations départementales situées sur le territoire européen de la France n'emploient que 11 techniciens supérieurs dont 5 uniquement dans les Bouches-du-Rhône. Il verse aux débats en pièces 51 à 59 ses bilans consolidés au 30 juin de 2006 à 2014.

Le salarié soutient au contraire qu'au 16 février 2010, date du licenciement, la situation économique de l'employeur était saine et pérenne et que les mauvais résultats qui ont pu intervenir ne sont dus qu'à sa mauvaise gestion.

La cour retient que le résultat général était certes de 40 314 € pour l'année 2008/2009 et de 62 340 € pour l'année 2009/2010 mais que l'association devait alors résorber le résultat négatif de - 114 871 € généré par l'exercice 2007/2008 et qu'elle était bien fondée à réduire sa masse salariale du chef des techniciens supérieurs, qui étaient manifestement en surnombre, pour faire face aux difficultés structurelles qu'annonçaient inéluctablement l'évolution de la chasse et qui devaient malheureusement se confirmer postérieurement au licenciement puisque, dès l'exercice 2011/2012, le résultat est redevenu négatif. La cour ne trouve pas dans les affirmations du salarié l'articulation d'une faute de gestion qui pourrait expliquer les difficultés de l'employeur.

L'employeur étant une association investie d'une mission de service public et recevant à ce titre des fonds publics, elle était tenue à un devoir de prudence et de bonne gestion des subventions qu'elle recevait. Il ne peut dès lors lui être reproché d'avoir cherché à ajuster sa masse salariale au standard national, concernant les techniciens supérieurs, et d'avoir anticipé des difficultés très largement prévisibles et que les exercices postérieurs devaient confirmer.

En conséquence, la réalité du motif économique est suffisamment établie par l'employeur.

2/ Sur la recherche de reclassement

L'employeur explique qu'il s'est préoccupé du reclassement du salarié mais qu'il n'avait pas de poste de technicien supérieur à lui proposer, pas plus que les autres fédérations départementales ou la fédération nationale alors qu'il était tenu de rechercher un reclassement dans la catégorie occupée par le salarié.

Mais l'article L. 1233-4 du code du travail disposait au temps du licenciement que :

« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

« Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

« Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. »

En application de ce texte, l'employeur doit faire porter sa recherche de reclassement sur tous les emplois de catégorie inférieure à défaut d'emploi relevant de la catégorie du salarié. Or il ressort, tant des explications de l'employeur, que des courriers adressés aux autres fédérations ainsi que de leurs réponses que la recherche de reclassement n'a manifestement été menée que dans la catégorie des techniciens supérieurs et non dans les catégories inférieures.

En conséquence, la recherche de reclassement n'a pas été conduite conformément à la loi en sorte que le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.

3/ Sur la demande de dommages et intérêts

Compte tenu de l'âge du salarié né en 1972 et de son ancienneté dans l'entreprise de plus de 14 ans, le préjudice causé par le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse sera réparé par l'allocation d'une indemnité équivalente à 12 mois de salaire soit 12 x 2 755,58 € = 33 066,96 €.

4/ Sur les autres demandes

L'équité commande d'allouer au salarié la somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamne l'association FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES-DU-RHÔNE à payer à M. [W] [H] la somme de 33 066,96 € à titre de dommages et intérêts.

Condamne l'association FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES-DU-RHÔNE à payer à M. [W] [H] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne l'association FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES BOUCHES-DU-RHÔNE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/19383
Date de la décision : 13/01/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°14/19383 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-13;14.19383 ?
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