COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 JANVIER 2017
N°2017/
Rôle N° 14/17793
[X] [I]
C/
[D] [L]
AGS - CGEA DE [Localité 1] DELEGATION REGIONALE SUD-EST
Grosse délivrée le :
à :
Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Rémy CRUDO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE - section - en date du 06 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° F 11/00827.
APPELANT
Maître [X] [I] Désigné en qualité de Mandataire Liquidateur de la SARL PROTUB , demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Cendra JARRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [D] [L], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Rémy CRUDO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
AGS - CGEA DE [Localité 1] DELEGATION REGIONALE SUD-EST, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Isabelle MANGIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2017
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] a été embauché par un contrat de travail dit de chantier du 19 octobre 2010 - visant l'accord paritaire du 8 juillet 1993 relatif aux fins de chantier dans l'ingénierie- par la SARL PROTUB en qualité de tuyauteur / chef d'équipe affecté au chantier de [Établissement 1], contre une rémunération horaire brute de 9,91 € pour un horaire mensuel de travail de 151,67 heures outre le versement d'indemnités pour frais de déplacement de 44,70 euros par jour et des compléments sur salaries de 10 % pour congés payés et de 10 % pour emploi précaire.
Le contrat de travail de M. [L] a été rompu le 12 février 2011 par la SARL PROTUB.
Saisi le 5 juillet 2011, par M.[L] pour entendre dire que son contrat de travail est un contrat à durée déterminée et que la rupture de son contrat de travail est un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses indemnités, par jugement de départage du 06 Février 2014 , le Conseil de Prud'hommes d'Aix-en-Provence a
-Dit que le contrat de travail conclu le 19 octobre 2010 est un contrat à durée déterminée ;
-Dit que la résiliation de ce contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-Débouté la SARL PROTUB de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Vu les articles 16 et 442 du code de procédure civile ;
Pour le surplus. avant dire-droit , a invité :
- la SARL PROTUB à produire toutes pièces utiles pour déterminer la date exacte de la fin du chantier concerné ainsi que la rémunération que [D] [L] aurait dû percevoir jusqu'au terme de son contrat
-[D] [L] à répliquer sur ces pièces et à verser toutes pièces qu'il estimera utiles à la fixation de son indemnisation;
- Sursis à statuer sur la demande de dommages et intérêts formulée par [D] [L] et sur
l'examen des frais et dépens ;
-Dit que l'affaire sera remise au rôle après la réalisation des actes précités et à la demande de la partie la plus diligente ;
-Réservé les dépens.
Maître [I] [X], agissant es qualité de mandataire liquidateur de la SARL PROTUB , placée en liquidation judiciaire par décision du Tribunal de commerce en date du 30 janvier 2014, a régulièrement fait appel de cette décision.
Les parties ont oralement repris à l'audience leurs conclusions écrites auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
Maître [I] demande à la Cour de :
-Recevoir l'appel de Maître [X] [I] agissant es qualité de mandataire liquidateur de la société PROTUB SARI..
-Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes d'Aix en Provence du 6 février 2014 en ce qu'il a jugé le contrat de travail comme étant un contrat de travail à durée déterminée.
A TITRE PRINCIPAL
-Dire et juger que le contrat de travail est un contrat de travail à durée indéterminée de chantier
A TITRE SUBSIDIAIRE
Si le contrat de travail était jugé comme étant à durée déterminée
-Fixer la fin du chantier au 20juillet 2012.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
-Fixer le salaire mensuel à la somme de 1.803,64 euros
-Fixer l'indemnisation de Monsieur [L] à juste proportion.
M. [L] demande à la Cour de :
-fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 6855,50 €
-dire que son contrat de travail a été rompu abusivement
-fixer sa créance à 26 mois de salaire soit 178.243 € et subsidiairement à 15 mois de salaire soit 102.832,50€,
Subsidiairement , si la Cour estimait que le contrat de travail était un contrat à durée indéterminée:
-de dire que la fin de la relation contractuelle s'analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse .
En conséquence :
-de fixer sa créance au titre de son préjudice à la somme de 178.243 € et sa créance au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à 6855,50 € .
-de dire que la société PROTUB a eu recours au travail dissimulé en rétribuant , son salarié sous forme de primes , indemnités de déplacement , indemnités kilométriques exempts de charge sociales
En conséquence et de ce chef de fixer sa créance à ce titre à la somme de 41.113 € à titre de dommages-intérêts .
M. [L] demande également la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du mandataire liquidateur , pris en cette qualité , aux dépens de 1ère instance et d'appel.
Le CGEA de [Localité 1], représentant l'AGS, demande à la Cour de :
-réformer le jugement entrepris et de débouter M. [L] de ses demandes .
-dire que la garantie AGS ne s'applique aux indemnités de rupture que lorsque celle-ci intervient
dans l'une des périodes définies à l'articleL3253-8, 2°,3°,4° du code du travail , qu'elle est plafonnée , pour toutes les créances avancées pour le compte du salarié , à un des trois plafonds définis à l'article D 3253-5 du code du travail
-mettre hors de cause le CGEA de [Localité 1] pour les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile , les dépens ,l'astreinte , les cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité
-dire que l'obligation du CGEA de [Localité 1] de faire l'avance du montant total des créances définies aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail compte tenu du paiement applicable ( articles L 3253-17 et D 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire liquidateur et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-19du code du travail
-dire que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts au taux légal et conventionnels ( article L 622-28 du code du commerce).
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée par les parties et le dossier ne contient pas d'élément permettant à la Cour de soulever d'office ce moyen.
Sur la nature du contrat de travail :
Un contrat de chantier est, en principe, un contrat à durée indéterminée . Toutefois, le recours à un contrat à durée déterminée est autorisé mais dans des cas très limités d'accroissement temporaire d'activité, d'emploi saisonnier, de remplacement d'un salarié .
Si le contrat de chantier ne précise pas clairement la raison de ce recours, il sera requalifié en contrat à durée indéterminée.
En l'espèce , le contrat à durée déterminée dit 'de chantier' passé entre les parties ne comporte pas la mention du motif pour lequel il a été conclu à durée déterminée. mais la demande de requalification ne peut émaner que du salarié , comme pour tout contrat à durée déterminée .
En conséquence , le contrat à durée déterminée dit de chantier passé entre les parties concernant le chantier [Établissement 1] reste un contrat à durée déterminée.
Sur la rupture du contrat à durée déterminée :
La rupture avant le terme du contrat à durée déterminée ne peut intervenir à l'initiative de l'employeur que pour faute grave , force majeure ou inaptitude constatée par le médecin du travail .En dehors de ces cas , la rupture du contrat à durée déterminée avant son terme ouvre droit au salarié à une indemnité au moins égale aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'à la fin du contrat .
La demande en son principe d'une telle indemnité par M. [L] est donc fondée.
Sur la date de fin de chantier:
Il est acquis que M. [L] a travaillé du 19 octobre 2010 au 12 février 2011 ainsi que le mentionne le certificat de travail .
Les attestations de salariés produites par l'employeur n'apportent aucun élément sur la date de fin de chantier .
L'attestation produite par le salarié et établie par le salarié M. [J] fait état des félicitations adressées à M. [L] de la part d'AREVA et du client ADEL pour avoir respecté les délais. Il y est précisé: ' Monsieur [A] ( chef de chantier) nous a assuré deux années de travail sur chantier supplémentaire', ce qui implique que le chantier de [Localité 2] était achevé.
Cette attestation a été établie le 17 février 2012 soit après l'engagement de la procédure.
On peut donc en déduire qu'à cette date le chantier était déjà arrivé à son terme , soit un an au plus après la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et que dès lors le chantier ne s'est pas poursuivi jusqu'au mois de juillet 2013 comme le soutient M. [L]
L'Attestation Pôle Emploi produite aux débats mentionne au titre de la rupture du contrat de travail 'fin de cdd'. Cette attestation n'a pas été contestée par le salarié qui n'en demande d'ailleurs pas la rectification. Elle est datée du 1er juin 2011 (pièce 4 de l'employeur )
Aux termes de l'article R1234-9 du code du travail : ' L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi'
C'est donc la date du 1er juin 2011 qui sera retenue comme date de fin du chantier.
M. [L] a en conséquence droit au paiement des salaires qu'il aurait perçus du 12 février 2011 au 1 juin 2011 soit 3 mois et 16 jours de salaire.
Sur la fixation du salaire et les dommages-intérêts pour travail dissimulé
Le contrat de travail prévoit une rémunération horaire brute de 9,91 € pour un horaire mensuel de travail de 151,67 heures outre le versement d'indemnités pour frais de déplacement de 44,70 euros par jour et des compléments sur salaires de 10 % pour congés payés et de 10 % pour emploi précaire
M. [L] produit ses bulletins de salaire d'octobre 2010 au 12 février 2011.
Ces bulletins de salaire font état d'un salaire de base tel que prévu au contrat , de l'indemnité de précarité et des congés payés et ensuite les frais de déplacement, consistant en des indemnités de grand déplacement et en indemnités kilométriques, supérieurs à ceux contractuellement prévus.
M. [L] soutient que l'employeur a masqué les heures de travail qu'il effectuait en le rétribuant sous forme de primes, de frais de déplacement et d'indemnités kilométriques.Cependant , il ne donne à la Cour aucune information concernant ses heures de travail, les déplacements auxquels il était assujetti ni aucun tableau de ce qu'il aurait dû percevoir. La dissimulation de salaire arguée par M. [L] n'est pas suffisamment étayée pour qu'il soit fait droit à sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
L'attestation Pôle Emploi reprend le décompte des salaires mensuels bruts versés depuis l'embauche de M. [L] soit pendant 4 mois complets . Le salaire moyen s'élève à 2724,79 € .
L'indemnité due à M. [L] pour rupture du contrat de travail avant son terme s'élèvera donc à la somme de : (2724.79 € x 3) + 2724,79 x 16 = 8174,37 € + 1453,22 € = 9627,59 €
30
Il est équitable d'allouer à M. [L] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le contrat de travail liant les parties est un contrat à durée déterminée,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la rupture du contrat de travail avant son terme est illégitime,
Fixe la créance de M. [L] sur la liquidation judiciaire de la société PROTUB à la somme de 9627,59 € au titre de l'indemnité pour rupture anticipée du contrat de travail .
Déboute M. [L] de toutes autres demandes .
Condamne Maître [I] , en sa qualité de liquidateur de la SARL PROTUB, à verser à M. [L] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le déboute de sa propre demande formée sur le même fondement ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de [Localité 1] et dit qu'elle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [L] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail
DIT que l'obligation du CGEA de [Localité 1] de faire l'avance du montant total des créances définies aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail compte tenu du paiement applicable ( articles L 3253-17 et D 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire liquidateur et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-19du code du travail.
Dit que les dépens seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT