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12/01/2017 | FRANCE | N°16/00674

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 12 janvier 2017, 16/00674


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2017



N° 2017/34

JLT/FP-D











Rôle N° 16/00674





SARL ALTER ECO





C/



[F] [X]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Gaelle CERRO, avocat au barreau de LYON



Me Gaël FOMBELLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENC

E



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section EN - en date du 17 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/854.







APPELANTE



SARL ALTER ECO, demeurant [A...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2017

N° 2017/34

JLT/FP-D

Rôle N° 16/00674

SARL ALTER ECO

C/

[F] [X]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Gaelle CERRO, avocat au barreau de LYON

Me Gaël FOMBELLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section EN - en date du 17 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/854.

APPELANTE

SARL ALTER ECO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Gaelle CERRO, avocat au barreau de LYON ([Adresse 2])

INTIME

Monsieur [F] [X], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Gaël FOMBELLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2017.

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [F] [X] a été embauché par la S.A.R.L. ALTER ECO, en qualité de responsable commercial de secteur, statut cadre, par un contrat de travail à durée indéterminée du 3 novembre 2003.

Suite à convocation à entretien préalable du 26 avril 2011 avec notification d'une mise à pied à titre conservatoire, le salarié a été licencié pour faute grave le 10 mai 2011.

Saisi par le salarié le 8 juillet 2011, le Conseil de Prud'hommes d'Aix-en-Provence, par jugement du 17 septembre 2013, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la S.A.R.L. ALTER EGO à payer à M. [X] les sommes de:

- 2 317,70 € à titre de rappel de salaire sur prime,

- 45 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 125,74 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée,

- 112,57 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 9 102,39 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 910,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

- 9 952,48 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a dit que les sommes allouées au titre des rappels de congés payés sur mise à pied, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, des incidences de congés payés sur préavis produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation.

La S.A.R.L. ALTER EGO a relevé appel le 11 octobre 2013 de ce jugement notifié le 24 septembre 2013.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience la S.A.R.L. ALTER ECO, concluant à la réformation du jugement, sollicite de débouter M. [X] de ses demandes et de le condamner à lui payer les sommes de 1 500,00 € au titre des avances sur prime d'objectifs annuelle reçue indûment ainsi que celle de 385,80 € au titre des frais indûment réglés.

A titre subsidiaire, elle demande de réduire les indemnisations accordées et de condamner M. [X] à lui payer la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la prime d'objectif n'est pas due, que la procédure de licenciement est régulière et que le licenciement est justifié par les fautes commises (falsification de notes, règlement de dépenses personnelles avec le compte bancaire de la société, négligence et manque d'implication dans le travail, mauvais entretien du véhicule de fonction).

Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, M. [X], concluant à la confirmation du jugement, demande :

1) sur le rappel de salaire au titre de la prime annuelle d'objectif,

- à titre principal, de confirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, s'il est retenu qu'il a réalisé un chiffre d'affaires de 140 020,00 €, de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1 550,96 € à titre de rappel de salaire,

- à titre infiniment subsidiaire, s'il était retenu que seules les avances sur primes sont dues, de condamner l'employeur à lui payer la somme de 500,00 € à titre de rappel de salaire,

- en tout état de cause, de débouter l'employeur de sa demande en paiement au titre des avances sur primes reçues indûment,

2) de condamner l'employeur à lui payer la somme de 4 175,84 € à titre de dommages-intérêts pour procédure de licenciement irrégulière,

3) sur le licenciement,

- à titre principal, de débouter l'employeur de sa demande en remboursement de frais et de le condamner à lui payer la somme de 100 220,16 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire, de dire que les faits ne sont constitutifs que d'une faute simple et de débouter l'employeur de sa demande en remboursement de frais,

4) de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1 125,74 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire ainsi que celle de 112,57 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

5) de condamner l'employeur à lui payer la somme de 9 952,42 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, celle de 9 102,39 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 910,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante et celle de 25 055,04 € au titre du préjudice moral lié aux circonstances et modalités de la rupture,

6) de condamner l'employeur, sous astreinte, à modifier les bulletins de salaire des mois d'avril et mai 2011, l'attestation destinée à Pôle Emploi, le reçu pour solde de tout compte et le certificat de travail,

7) de dire que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la demande avec capitalisation,

8) de condamner l'employeur à lui payer la somme de 4 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur la demande de rappel de salaire

L'article 5 du contrat de travail prévoit que la rémunération brute mensuelle de M. [X] se compose d'une rémunération fixe à laquelle s'ajoute une 'avance sur prime annuelle d'objectifs'. Il est précisé que la 'prime annuelle dont le montant est variable sera définitivement acquise à M. [X] s'il remplit les objectifs fixés chaque année, à la date fixée en accord avec les deux parties au 31/12/2004". Le contrat indique que les objectifs sont directement liés à l'activité commerciale du salarié, que l'objectif est défini annuellement notamment au regard de la situation économique du marché et de l'évolution du chiffre d'affaires réalisable par la société. 'En cas de non réalisation des objectifs et dans la mesure où la prime aura été avancée mensuellement, une régularisation sera opérée à chaque fin de trimestre'.

Les lettres annuelles d'objectifs adressées au salarié mentionnent toutes que la prime sera versée mensuellement par avances dont le montant est précisé et que le reliquat, s'il y a lieu, sera versé annuellement au mois de février de l'année suivante.

M. [X] reproche à l'employeur de ne pas lui avoir versé la prime d'objectifs au titre de l'année 2011 au prorata de la durée de sa présence dans l'entreprise en faisant valoir qu'il a perçu l'avance mensuelle de 500,00 € au cours des mois de janvier à mars 2011.

Cependant, il ressort expressément du contrat de travail que la prime d'objectifs a un caractère annuel et qu'elle n'est due qu'en fonction de la réalisation des objectifs fixés chaque année.

Le contrat de travail ne précise pas qu'en cas de départ du salarié au cours de l'année, la prime pourrait être versée prorata temporis et il n'est ni soutenu ni, en tout état de cause, justifié qu'un tel usage aurait existé au sein de l'entreprise.

Il s'ensuit, en l'espèce, que le salarié, dont le contrat de travail a pris fin en mai 2011, ne peut prétendre au paiement prorata temporis de la prime annuelle puisque le droit à la perception de cette dernière ne devait être déterminé qu'à la fin de l'année 2011 et que le versement n'était prévu qu'en février de l'année suivante.

Même si une somme au titre de la prime était versée mensuellement, elle l'était à titre d'avance avec une régularisation en fin d'année de sorte que de telles modalités de paiement ne modifiaient pas la nature annuelle de la prime.

Compte tenu des termes du contrat de travail et des mentions figurant sur les bulletins de salaire qui qualifient expressément les sommes versées au titre de la prime d'objectifs d''avances', M. [X] ne pouvait se méprendre sur la nature des sommes versées chaque mois et ignorer que leur versement était effectué sous réserve d'une régularisation, dans l'attente de la détermination de la prime annuelle effectivement due.

M. [X], dont le contrat de travail a pris fin le 10 mai 2011, doit être débouté de sa demande en paiement de la prime au titre de la période du 1er janvier 2011 au 10 mai 2011.

En outre, dans la mesure où le salarié ne peut prétendre au paiement prorata temporis de la prime annuelle, l'employeur est en droit de solliciter le remboursement des avances mensuelles versées, soit la somme de 1 500,00 €.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes du salarié sur ce point et débouté l'employeur.

Sur la procédure de licenciement

Le salarié reproche à l'employeur d'avoir mentionné dans la lettre de convocation à l'entretien préalable qu'il avait la possibilité de se faire assister 'par une personne de (son) choix, faisant partie de l'entreprise ou un conseiller inscrit sur la liste départementale préétablie' alors qu'en application de l'article L 1232-1 du code du travail, cette dernière possibilité n'est prévue qu'en l'absence d'institutions représentatives du personnel et qu'en l'état des effectifs de la société, l'employeur devait procéder à l'élection de délégués du personnel. Il estime que l'employeur ne devait pas mentionner la possibilité de se faire assister par un conseiller extérieur dans la mesure où une telle faculté ne lui était pas offerte.

L'employeur verse aux débats le procès-verbal de carence établi le 28 mai 2010 à l'occasion des élections des membres du comité d'entreprise mais il ne justifie pas que l'entreprise ne compterait pas des délégués du personnel alors qu'il n'est pas contesté que l'effectif est d'au moins 11 salariés.

Dès lors, le salarié est bien fondé à soutenir que la procédure de licenciement comporte une irrégularité qui lui ouvre droit à l'indemnité prévue par l'article L 1235-2 du code du travail d'un montant maximum d'un mois de salaire.

Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats et du salaire de l'intéressé (environ 3 000,00 € brut par mois), le préjudice subi par le salarié du fait de cette irrégularité sera réparé en lui allouant la somme de 1 500,00 € à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande sur ce point.

Sur le licenciement

En droit, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire.

Il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque, l'absence de preuve d'une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Il ressort de la lettre de licenciement que le licenciement pour faute grave est motivé par quatre séries de griefs :

- falsification de notes de frais,

- règlement de dépenses personnelles avec le compte bancaire de la société,

- négligence et manque d'implication dans le travail,

- mauvais entretien du véhicule de fonction.

Sur les deux premiers griefs, la lettre de licenciement indique :

'(...) Nous nous sommes récemment aperçus en contrôlant les notes de frais que vous nous avez communiquées, que vous avez à plusieurs reprises, falsifié vos notes.

Ainsi, vous avez réglé une note de restaurant le 9 décembre 2010, pour un montant de 82,80 € TTC en indiquant que M. [N] [P] et M. [H] [C] étaient présents à ce repas.

Or, après vérification, aucune de ces deux personnes n'a participé à ce repas.

Lors de l'entretien préalable, vous avez indiqué que le restaurateur avait dû commettre une erreur sur la date.

Nous avons vérifié le relevé de compte de la société et avons pu constater que le débit de la somme de 82,80 € a bien été effectué le 9 décembre 2010. Aucune erreur n'a été commise par le restaurateur.

Vous avez également réglé avec le compte bancaire de la société, différentes sommes à un établissement dénommé [Établissement 1], sis à [Adresse 4].

Vous avez vous-même rédigé sept notes de frais sur un document sur lequel figure uniquement le tampon de cet établissement, pour un montant total de 303 € sur la période de décembre 2010 à mars 2011.

Après vérifications, cet établissement est un club libertin et non un restaurant.

Sur certaines notes que vous avez réalisées, vous avez mentionné le nom de client qui vous aurait accompagné dans cet établissement, ce qui, bien entendu, est mensonger.

Les tarifs indiqués sur vos notes semblent d'ailleurs correspondre à des entrées dans cet établissement pour un homme seul avec une ou deux boissons alcoolisées.

Ces faits sont inacceptables, susceptibles de porter atteinte à l'image de la société et peuvent entraîner des sanctions fiscales à l'encontre de la société.

Vous avez admis ces faits lors de l'entretien préalable sans pouvoir apporter d'explications (...)'

Sont versées aux débats :

- la note de frais du 9 décembre 2010 portant sur 5 repas pour un total de 82,80 € TTC sur laquelle figure, de manière manuscrite, les initiales de quatre personnes dont celles de M. [X] et de M. [C], gérant de la société ainsi que le nom de M. [P] de la société EURALYS.

- sept notes de frais remises par M. [X] portant le cachet de l'établissement '[Établissement 1]' sur lesquelles, pour certaines d'entre elles, le salarié ne conteste pas avoir porté le nom du client qui, selon lui, l'accompagnait :

- 14 décembre 2010 : 2 repas pour 60,00 €,

- 21 décembre 2010 : 2 repas pour 60,00 €,

- 28 décembre 2010 : 2 repas pour 50,00 €,

- 25 janvier 2011 : 1 repas pour 25,00 €,

- 15 février 2011 : 2 repas pour 60,00 €,

- 1er mars 2011 : 1 repas pour 25,00 €,

- 22 mars 2011 : 1 repas pour 23,00 €.

S'agissant de la note du 9 décembre 2010, l'employeur produit les attestations de M. [C] et de M. [P] qui contestent avoir déjeuné avec M. [X] à cette date.

M. [X] explique avoir commis une erreur et soutient qu'en réalité, il s'agissait d'un repas correspondant à une invitation du client LACTALIS.

Il verse aux débats l'attestation de M. [D], chef de secteur de la société LACTALIS, qui confirme avoir mangé à cette date avec M. [X] 'afin d'anticiper sur les animations à venir'. Mme [W] [Q], commerciale de la société, confirme également avoir participé à ce déjeuner.

Mme [H], secrétaire comptable de la société et Mme [E] [Q], vendeuse, rapportent avoir été présentes, le 9 décembre 2010, dans le restaurant en cause dans lequel se trouvaient, à une table voisine de la leurs, M. [X] et Mme [W] [Q] ainsi que 3 clients de la société.

Pour contester l'existence d'une invitation, l'employeur produit :

- le message que lui a envoyé M. [D] dans lequel celui-ci précise qu'il a payé son repas pour la somme de 16,80 € et qu'il n'était donc pas invité,

- l'attestation de Mme [W] [Q] qui précise que ce repas était à titre amical, que M. [D] était son client et que chacun a réglé sa note.

En réponse, M. [X] produit de nouvelles attestations de Mme [H] et de Mme [E] [Q] qui confirme l'existence du repas du 9 décembre 2010 et qui précise avoir vu M. [X], à la fin du repas, régler l'ensemble des repas de sa table.

Dans ces conditions, compte tenu que les témoignages produits de part et d'autre sont contraires en fait, que le message adressé à l'employeur par M. [D] qui n'a délivré son témoignage qu'en se référant à la vérification d'une note de frais sans évoquer de souvenirs particuliers de cette journée, est particulièrement laconique et imprécis, voire incertain et qu'en tout état de cause, rien ne permet d'attribuer un caractère probant à certaines attestations plutôt qu'à d'autres, il existe un doute qui doit profiter au salarié et qui exclut qu'une faute puisse lui être reprochée à ce titre.

Au surplus, il convient de relever que la note du 9 décembre 2010 est antérieure de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement (26 avril 2011) alors qu'en application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

L'employeur prétend dans la lettre de licenciement s'être aperçu 'récemment' des irrégularités affectant les notes de frais sans apporter davantage de précisions quant au moment où il en a eu connaissance. A l'audience, il indique qu'il s'en serait aperçu 'au mois d'avril 2011" sans davantage de précisions.

Il produit l'attestation de Mme [K] qui assumait alors les fonctions de comptable et qui indique avoir fait la remarque à M. [C] au sujet de nombreuses notes du restaurant [Établissement 1], lors de l'enregistrement des notes de frais de M. [X] 'du mois de mars 2011". Elle rapporte que M. [C] lui a alors demandé de lui transmettre l'ensemble des notes de frais de M. [X] des six derniers mois pour contrôle.

Cependant, cette attestation ne permet pas d'établir que, malgré la remarque faite en mars 2011, l'employeur n'aurait pas eu connaissance antérieurement des notes de frais remises par le salarié alors que M. [Y], qui était alors le comptable de l'entreprise, atteste que les notes de frais de M. [X] étaient pointées par lui-même et 'contrôlées régulièrement par M. [C]'.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré que l'employeur n'aurait pas eu connaissance de la note du 9 décembre 2010 avant le 26 février 2011. Il s'ensuit que l'écoulement du délai de prescription interdit à l'employeur de se prévaloir de cette note.

S'agissant des notes de frais concernant l'établissement [Établissement 1], dont l'employeur justifie qu'il s'agit d'un club libertin, la société ALTER ECO fait valoir, en se référant au tarif de cet établissement figurant sur son site Internet, que la somme de 60,00 € mentionnée sur certaines d'entre elles ne correspond pas à deux repas mais au tarif d'une entrée en soirée pour un homme seul avec deux consommations alcoolisées et 'open bar' sur les boissons non alcoolisées et que le tarif de 25,00 € correspond à une entrée pour un homme seul avec une boisson alcoolisée, en semaine de 14h à 18h, ce qui, selon lui, démontre que le salarié se rendait dans cet établissement pendant son temps de travail sans être accompagné de clients.

S'il reconnaît s'être rendu dans cet établissement, M. [X] soutient qu'il s'agit également d'un restaurant et qu'il s'y est rendu uniquement en présence de clients.

Il produit l'attestation de M. [W], agent commercial et client de la société, qui atteste avoir sympathisé avec lui et avoir fait avec lui des sorties nocturnes sans jamais l'avoir vu demander de fausses notes de frais.

Il verse également l'attestation de M. [Y] qui était en charge de la comptabilité de la société et selon lequel la société ALTER ECO avait pour politique d'encourager ses employés à se rendre dans ce type d'établissements en présence de clients.

Cependant, dans une seconde attestation, M. [W] précise qu'il est sorti avec M. [X] au [Établissement 1] de [Localité 1] 'à titre entièrement privé', que celui-ci ne l'a jamais invité dans ce lieu et qu'il payait lui-même son entrée de 60 €.

M. [X] ne saurait soutenir s'être rendu dans ce lieu 'uniquement en présence de clients' puisque certaines notes de frais, notamment les plus récentes, établies pour une unique personne, démontrent qu'il s'y rendait parfois seul et que de tels frais étaient exposés sans relation avec une quelconque démarche commerciale auprès de clients.

En outre, alors que les pièces produites par l'employeur tendent à démontrer que le montant des frais exposés pour une personne seule correspond à des entrées en semaine de 14h à 18h, soit pendant les heures de travail, M. [X] n'apporte aucun élément de preuve contraire à l'appui de ses affirmations selon lesquelles il s'y rendait le soir.

Il apparaît, en conséquence, que M. [X] a remis à l'employeur des notes de frais qui ne correspondaient pas à des frais exposés à titre professionnel.

Même si le salarié invoque les pratiques de l'employeur, il ne soutient pas que celui-ci aurait accepté la prise en charge de tels frais ni même qu'il en avait connaissance.

Le salarié ne saurait se prévaloir de la prescription de deux mois prévue par l'article L 1332-4 du code du travail, deux des notes de frais irrégulières ayant été établies moins de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire (26 avril 2011).

Un tel comportement, réitéré, qui consiste à faire prendre en charge des frais de nature privée par l'employeur à l'insu de celui-ci, est constitutif d'une faute grave et rend impossible la poursuite du contrat de travail sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de M. [X] au titre de la rupture du contrat de travail, celui-ci devant en être débouté.

La demande en remboursement des frais indûment pris en charge par l'entreprise doit être accueillie mais, compte tenu de l'écoulement du délai de prescription, cette demande ne peut être retenue que pour les deux dernières notes litigieuses, soit pour la somme de 48,00 €.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement :

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

- Condamne la S.A.R.L. ALTER ECO à payer à M. [F] [X] la somme de 1 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour procédure de licenciement irrégulière,

- Déboute M. [F] [X] de ses autres demandes,

- Condamne M. [F] [X] à payer à la S.A.R.L. ALTER ECO les sommes de :

* 1 500,00 € à titre de remboursement d'avances sur prime d'objectifs,

* 48,00 € à titre de remboursement de frais indûment réglés,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit que chacune des parties supportera les dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00674
Date de la décision : 12/01/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°16/00674 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-12;16.00674 ?
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