COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 12 JANVIER 2017
N° 2017/29
JLT/FP-D
Rôle N° 14/24666
[H] [E]
C/
SAS SAMOP
Grosse délivrée le :
à :
Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE
Me Dominique FACCIO, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section E - en date du 03 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/585.
APPELANT
Monsieur [H] [E], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 487 substitué par Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE, vestiaire : *487
INTIMEE
SAS SAMOP, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Dominique FACCIO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2017.
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [H] [E] a été embauché par la SAS SAMOP, en qualité d'économiste de la construction, statut cadre, par un contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2008.
Se plaignant de manquements de l'employeur à ses obligations, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Grasse le 30 mai 2013 pour solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et pour obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 3 décembre 2014, la juridiction a :
- dit que M. [E] ne démontre pas le non-respect par son employeur des minima conventionnels le concernant et l'a débouté de ses demandes à ce titre,
- dit que la convention en forfait jours est de nul effet et inopposable à M. [E] pour la période de son contrat antérieure au 31 décembre 2012,
- débouté M. [E] de sa demande de résiliation judiciaire,
- condamné la SAS SAMOP à payer à M. [E] les sommes de:
* 1 790,00 € à titre de rappel de prime de vacances,
* 134,63 € à titre de rappel de paniers repas,
* 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [E] a relevé appel le 23 décembre 2014 de ce jugement notifié le 10 décembre 2014.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience M. [E], concluant à la réformation du jugement, sollicite :
- de constater que la SAS SAMOP n'a pas versé le salaire conventionnel minimum, ni la prime de vacances,
- de prononcer la nullité de la convention de forfait figurant dans son contrat de travail,
- de condamner la SAS SAMOP à lui payer les sommes de :
A titre principal, sur la base de la classification 3.2 :
* 161 672,35 € à titre de rappel de salaire sur minimum conventionnel 3.2,
* 16 167,23 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,
* 5 027,27 € au titre de la prime de vacances
* 123 229,87 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
* 12 322,98 € au titre des congés payés afférents,
* 52 118,13 € au titre des repos compensateurs,
A titre subsidiaire, sur la base de la classification 3.1:
* 65 914,75 € à titre de rappel de salaire sur minimum conventionnel 3.1,
* 6 591,47 € au titre des congés payés afférents,
* 4 069,70 € à titre de prime de vacances,
* 97 796,59 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
* 9 779,65 € au titre des congés payés afférents,
* 42 207,73 € au titre des repos compensateurs,
A titre infiniment subsidiaire, sur la base de la classification 2.3 :
* 3 410,55 € au titre de la prime de vacances,
* 83 110,46 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
* 8 311,04 € au titre des congés payés afférents,
* 35 530,23 € au titre des repos compensateurs,
En tout état de cause, il demande :
- de condamner l'employeur à lui payer les sommes de :
* 4 807,40 € à titre de rappel sur panier repas,
* 10 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale et discriminatoire du contrat de travail,
- de dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice,
- de condamner la société SAMOP au paiement de la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle qu'il occupe un poste d'économiste de la construction et il soutient qu'il exerce les mêmes fonctions et responsabilités que son prédécesseur qui bénéficiait de la classification 3.2.
Il estime que, compte tenu de ses responsabilités, il bénéficiait d'un très large degré d'autonomie et qu'il assurait l'entière responsabilité des estimations et analyses pour chaque projet dont il avait la charge.
Il se plaint, en conséquence, d'une inégalité de traitement.
Il ajoute qu'un salarié en forfait jours ne peut se voir attribuer un coefficient inférieur à 3.1.
Dans ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, la SAS SAMOP, concluant à la confirmation du jugement, demande de lui donner acte du règlement de la prime de vacances et du solde de l'indemnité panier repas pour l'ensemble de la période visée par le salarié selon les modalités jugées par le conseil de prud'hommes, soit pour la somme de 798,76 € au titre de la prime de vacances et de 474,04 € au titre de l'indemnité de panier repas.
Elle demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. [E] à lui payer la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que M. [E] ne remplit ni les conditions de diplôme ni les conditions d'expérience pour bénéficier de la position 3.2, qu'il n'exerçait pas de fonctions de commandement et qu'il a été parfaitement positionné au coefficient 2.3.
Sur les heures supplémentaires, elle soutient que la convention de forfait en jours est régulière et que son éventuelle nullité ne peut ouvrir droit, de façon automatique, au paiement d'heures supplémentaires.
Elle considère que les pièces produites par le salarié ne constituent pas un décompte du temps de travail et ne peuvent établir l'accomplissement d'heures supplémentaires et elle fait valoir que les temps facturés sont très inférieurs au temps de travail allégué.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que le taux de majoration revendiqué est erroné.
Elle conteste l'existence d'une discrimination et soutient qu'il n'est justifié d'aucune grief susceptible de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.
DISCUSSION
Sur la classification
Aux termes du contrat de travail, M. [E] a été embauché en qualité d'économiste de la construction, poste relevant de la catégorie cadre, avec un coefficient de 150, position 2.3.
Selon la grille de classification figurant à l'annexe II de la convention collective des bureaux d'études techniques, la position 2.3 attribuée au salarié s'applique aux 'ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche'.
Il incombe au salarié qui revendique la classification 3.2 ou 3.1 de démontrer que les
tâches réellement exécutées par lui justifieraient son classement à ce niveau II.
La position 3.1 s'applique aux 'ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en 'uvre, non seulement des connaissances équivalent à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef'.
La position 3.2 s'applique aux 'ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature'.
M. [E] se prévaut de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis pour se référer à l'article 4 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 conclu dans le cadre de la convention collective SYNTEC lequel détermine les conditions devant être remplies pour qu'un salarié soit rémunéré selon une convention de forfait en jours.
Aux termes de ce texte, 'peuvent être soumis au présent article 4, les personnels exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux, disposant d'une large autonomie, de liberté et d'indépendance dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées. Les salariés ainsi concernés doivent bénéficier de dispositions adaptées en matière de durée du travail ; ils sont autorisés, en raison de l'autonomie dont ils disposent, à dépasser ou à réduire la durée conventionnelle de travail dans le cadre du respect de la législation en vigueur. La rémunération mensuelle du salarié n'est pas affectée par ces variations (...). Pour pouvoir relever de ces modalités, les salariés concernés doivent obligatoirement disposer de la plus large autonomie d'initiative et assumer la responsabilité pleine et entière du temps qu'ils consacrent à l'accomplissement de leur mission caractérisant la mesure réelle de leur contribution à l'entreprise. Ils doivent donc disposer d'une grande latitude dans leur organisation de travail et la gestion de leur temps et doivent également bénéficier de la position 3 de la convention collective (...)'.
Il ressort de ces diverses dispositions conventionnelles que les salariés relevant des différents niveaux de classification en cause se distinguent principalement par le niveau des responsabilités qui leur sont confiées et par le degré d'autonomie dont ils jouissent, étant précisé que, dès le niveau 2.3, ils sont amenés à prendre des initiatives et assumer des responsabilités.
M. [E] fait valoir que l'article 4 précité assimile l'économiste de la construction à un consultant qui accomplit des tâches de conception, qu'au sein de la société, il est fait référence à ce poste selon le terme 'd'expert technique' ou de 'référent technique' et il se prévaut d'une note de service du 25 février 2011 indiquant que le'référent' a la 'responsabilité des missions confiées dans son champ de compétence' pour soutenir que le salarié à ce poste a la gestion complète des missions confiées et ce, dans le cadre d'une compétence donnée.
De telles indications sont néanmoins dépourvues de toute valeur probante. L'article 4 invoqué ne concerne que les salariés relevant du niveau 3 et ne permet nullement d'étendre la description des responsabilités et tâches qu'il évoque à l'ensemble des économistes de la construction. Quant aux notes internes, elles font référence de manière générale à l'ensemble des économistes de la construction sans préciser leur niveau de responsabilité.
M. [E] soutient qu'il 'gère seul le volet analyse technique et financière sur d'importants de construction immobiliers dont il est chargé d'évaluer le coût pour le compte du maître d'ouvrage' sans apporter aucun élément permettant d'évaluer le degré d'autonomie dont il dispose, ni l'importance de ses responsabilités ni même l'importance des projets qui lui sont confiés.
Il fait valoir, en se prévalant de courriers, qu'il était chargé d'accomplir ses missions dans des délais déterminés, de prendre attache avec les fournisseurs et fabricants afin d'obtenir les documents nécessaires à l'élaboration des prescriptions techniques et les informations relatives aux coûts des ouvrages, de se déplacer sur les sites, de planifier et de réguler les interventions. Il ajoute que, chaque fin d'année, il produit un tableau de bord de ses interventions.
Néanmoins, si ces éléments sont de nature à confirmer qu'il assure des tâches d'économiste de la construction (études de faisabilité technique et financière de projets, estimations, assistance, etc.), ils ne permettent pas de vérifier qu'il a les responsabilités et l'autonomie d'un salarié relevant des niveaux qu'il revendique.
M. [E] soutient qu'il aurait remplacé un économiste de la construction licencié, M. [U], lequel bénéficiait de la position 3.2 et M. [H], ancien salarié de la société, atteste que M. [E] a été embauché 'pour remplacer le poste de [L] [U] lui-même économiste'.
Le salarié soutient qu'il exerce exactement les mêmes fonctions et responsabilités que M. [U], que le planning de M. [U] comporte les mêmes types de mission que le sien, qu'il a géré ses dossiers pendant sa maladie et qu'il accomplit des tâches identiques. Cependant, les plannings et les courriels produits font, certes, apparaître que l'un comme l'autre sont intervenus dans des études de faisabilité ou dans le cadre de travaux d'estimation mais ils ne permettent pas de démontrer que M. [E] travaillait avec un degré d'autonomie équivalent ni avec le même niveau de responsabilité.
L'employeur fait valoir que M. [U] a été embauché avec une expérience de 37 ans, dont 9 en qualité de dirigeant de cabinet de métré (contre une expérience de 3 ans en qualité d'économiste de la construction pour M. [E]), que M. [U] encadrait plusieurs personnes dont M. [E]. Il conteste que M. [E] aurait remplacé M. [U] lors de son départ, soutenant qu'en raison d'une baisse importante de l'activité, le poste de M. [U] a été supprimé de sorte que M. [E] s'est trouvé sous la dépendance directe de M. [Y], le responsable d'agence de la société. Il précise que, depuis la reprise de l'activité, M. [E] a pour supérieur hiérarchique M. [M].
Il produit des courriers datant de 2007 et 2008 par lesquels M. [U] adresse des consignes aux économistes de la construction de la société ainsi que l'attestation de M. [M] qui indique que ses fonctions (responsable d'agence) l'amènent 'à encadrer une équipe de 5 personnes dont l'intervenant référent en économie de la construction [H] [E]'.
M. [E] conteste que M. [U] aurait exercé des tâches d'encadrement mais, dans l'attestation qu'il produit, celui-ci explique : 'Je travaillais avec l'ensemble des collaborateurs de la SAMOP : des économistes, des architectes programmistes et des conducteurs d'opérations. Je travaillais plus particulièrement en lien direct avec d'autres salariés économistes qui sont arrivés après moi dans l'entreprise. Je n'avais pas (officiellement) pour fonction de diriger, d'encadrer ni de structurer cette équipe'.
L'ambiguïté de cette attestation ne permet pas de lui conférer la force probante que lui attribue M. [E] et de dénier à M. [U] tout rôle d'encadrement. Il en va de même en ce qui concerne l'attestation de M. [P] qui explique que M. [U] 'avait la charge de fédérer et organiser les missions en économie de la construction sans toutefois avoir des fonctions de direction ou de surveillance sur d'autres collaborateurs'.
Même à s'en tenir à ses déclarations, rien ne permet de vérifier qu'après le départ de M. [U], M. [E] aurait eu, dans l'entreprise, un rôle identique à celui de M. [U].
L'employeur ajoute que M. [E] ne dispose pas du diplôme correspondant à la classification qu'il revendique, contrairement à M. [U], et que ce dernier traitait les lots techniques (électricité, chauffage, ventilation, climatisation) ce que ne fait pas M. [E].
Même si l'absence de diplôme n'est pas une condition déterminante, seule la nature des tâches réellement exécutées devant être prise en compte et, s'il est également vrai que l'absence de diplôme peut être supplée par l'expérience, il est néanmoins de fait que le dossier déposé par M. [E] au titre de la validation des acquis de l'expérience pour obtenir un BTS Etudes et Economie de la construction a fait l'objet d'une décision de refus.
Par ailleurs, le seul fait qu'une convention de forfait en jours a été conclue ne peut suffire pour obtenir la classification revendiquée alors que celle-ci ne peut être reconnue que par la démonstration de l'exercice des fonctions relevant de ce niveau.
Or, les éléments d'appréciation présentés par le salarié ne permettent pas de vérifier que les tâches qu'il exécute au sein de l'entreprise correspondraient à celles relevant de la position 3.
Dans ces conditions, il sera débouté de ses demandes à ce titre et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la convention de forfait en jours
En application des articles L 3121-39 et suivants du code du travail, la conclusion d'une convention individuelle de forfait exige l'accord du salarié et doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie que l'amplitude et la charge de travail assurent la protection de la sécurité et la santé du salarié.
En l'espèce, il n'est pas contesté que, lors de l'embauche du salarié en 2008, une convention de forfait en jours a été conclue entre les parties sur la base des dispositions de l'accord de branche du 22 juin 1999 déclaré nul par la Cour de cassation en l'absence de dispositions de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail assurent la protection de la sécurité et la santé des salariés. L'employeur soutient néanmoins, à juste titre, que la nullité de la convention de forfait n'ouvre pas droit de façon automatique au paiement d'heures supplémentaires.
L'employeur fait valoir qu'un accord d'entreprise a été régularisé le 13 juillet 2012 et a pris effet à compter du 1er janvier 2013 mais il ne conteste pas que cet accord ne respectait pas davantage les exigences jurisprudentielles précitées et il explique que, pour répondre à ces exigences, un avenant à l'accord du 22 juin 1999 est intervenu le 1er avril 2014 et qu'un avenant à l'accord du 13 juillet 2012 est intervenu le 10 juin 2015.
Cependant, dans la mesure où le forfait prévu en 2008 s'est révélé inopposable au salarié, M. [E] ne pouvait se voir appliquer un nouveau forfait en jours que s'il lui avait été proposé la signature d'une nouvelle convention le prévoyant. En l'absence d'une telle convention, aucun forfait en jours ne peut être opposé au salarié.
Il s'ensuit que M. [E] est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il a pu être amené à effectuer pour la période non prescrite d'avril 2008 à septembre 2016.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré la convention de forfait inopposable à M. [E] seulement pour la période antérieure au 31 décembre 2012.
Sur les heures supplémentaires
Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, M. [E] soutient avoir accompli des heures de travail au-delà de la durée légale, non récupérées et non réglées, entre le mois d'avril 2008 et le mois de septembre 2016.
Il verse aux débats l'attestation de M. [H] qui déclare être 'en mesure de témoigner que M. [E] lui-même restait tard le soir sans compter ses heures, était lui aussi soumis à des rendus de dossiers à dates butoirs. Il lui arrivait par ailleurs fréquemment d'emporter son ordinateur professionnel à son domicile pour finir son travail'.
Il présente un décompte récapitulant les heures supplémentaires alléguées, année par année (140 heures à 25% et 85 heures à 50% en 2008, 247 heures à 25% et 14 heures à 50% en 2009, etc.). Ce décompte a été établi à partir de tableaux mentionnant pour chaque jour de la semaine, pendant toute la période considérée, des heures supplémentaires à hauteur, le plus souvent, de une demi-heure ou d'une heure par jour, sans, toutefois, que ces tableaux mentionnent les heures de début et de fin du travail.
Il verse aux débats des fiches de temps pour les années en cause en expliquant que les salariés sont tenus d'enregistrer sur le logiciel de l'entreprise le temps passé pour chaque opération effectuée. Ces documents comportent, pour chaque dossier, dans la colonne 'temps', des chiffres variables (1, 0,25, 0,75, 1,25, etc.). M. [E] précise que, sur ces relevés, l'unité de temps de travail était l'heure jusqu'en 2012 et le jour depuis lors. Il souligne que, pour la dernière période, les mentions d'un chiffre supérieur à 1 correspondent à des temps de travail excédant les 8 heures de travail journalier. Pour autant, rien ne permet de déterminer un temps de travail quotidien de 8 heures. Le salarié ne conteste d'ailleurs pas que les temps facturés ne correspondraient pas nécessairement aux temps réellement passés, expliquant qu'il ne pouvait déclarer qu'une journée, peu important le nombre d'heures effectuées.
Il produit des courriels dans lesquels il est question des travaux qui lui sont confiés. Si les dates et les heures mentionnées sur ces documents tendent à démontrer que certains ont été envoyés tard le soir ou le week-end, il n'est fourni aucune indication sur les heures de travail effectuées
De tels documents, dont aucun ne fournit les horaires de travail réalisés chaque jour, ne comportent pas d'éléments vérifiables quant aux heures de travail alléguées permettant à l'employeur d'apporter une réponse précise.
Néanmoins, ce dernier fait valoir les éléments suivants :
- les extraits provenant du logiciel de l'entreprise ne constitue pas un décompte du temps de travail mais ont vocation à être utilisés pour la facturation des dossiers de l'entreprise,
- il est erroné et non établi qu'une journée corresponde à 8 heures de travail,
- il est à plusieurs reprises déclaré une demi-journée de travail et une journée d'absence,
- le décompte des jours mentionne 376,88 jours en 2010, 407 en 2011 et 384 en 2012.
L'employeur verse aux débats les comptes rendus d'entretiens annuels d'évaluation dans lesquels le salarié a déclaré le nombre de jours où il a été présent à son poste (197 jours en 2011, 216 jours en 2012, 215 jours en 2013) et a expliqué que la charge de travail est acceptable (en 2012) et se 'lisse' facilement dans le cadre du forfait jour (en 2013, 2014 et 2015), que 'le deuxième trimestre a été aussi calme que le premier' (en 2015).
L'employeur produit également plusieurs attestations de salariés disant que M. [E] arrivait 'en retard' le matin, plus précisément qu'il arrivait après 10h00 le matin alors que le personnel de l'agence arrive à 9 heures, qu'il prend des pauses dans la journée. Même si M. [E] fait valoir, à juste titre, qu'il ne peut lui être reproché des retards puisqu'il est soumis à un forfait en jours, il n'en reste pas moins que les horaires de travail rapportés dans les attestations de l'employeur ne sont pas de nature à confirmer l'existence d'heures supplémentaires.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, rien ne permet de vérifier l'existence des heures supplémentaires alléguées.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté sur ce point.
Sur les demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos et du travail dissimulé
La demande au titre des heures supplémentaires n'étant pas accueillie, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos et du travail dissimulé.
Sur la prime de vacances
L'article 31 de la convention collective prévoit une prime de vacances égale à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective pour l'ensemble des salariés.
En l'absence de toute indication par l'employeur en ce qui concerne la masse salariale et compte tenu que celui-ci ne critique pas le jugement en ce qu'il a calculé la prime de vacances due sur la base du décompte fourni par le salarié, il convient de retenir le calcul de ce dernier et de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SAMOP à payer à M. [E] la somme de 1790,00 € au titre de la prime de vacances pour la période de 2008 à 2013 inclus, somme que l'employeur explique avoir réglée.
Sur les mêmes bases, ajoutant au jugement, l'employeur devra payer au salarié la somme de 454,76 € au titre de l'année 2014, celle de 426,89 € au titre de l'année 2015 et celle de 303,63 € au titre de l'année 2016, soit au total la somme de 1 185,28 €.
Sur les paniers repas
Il n'est pas contesté que l'indemnité de repas devait être calculée sur la base de 6,00 € brut en 2013, de 6,10 € brut en 2014, de 6,20 € brut en 2015 et de 6,30 € brut en 2016.
Compte tenu du montant de l'indemnité applicable, il aurait dû percevoir :
- en 2013 : 1 272,00 €,
- en 2014 : 1 201,70 €,
- en 2015 : 1 259,60 €,
- en 2016 : 876,16 €.
M. [E] a perçu 1 105,65 € en 2013 pour 212 indemnités de repas, 1 040,76 € en 2014 pour 197 indemnités, 1 084,02 € en 2015 pour 203 indemnités, 737,64 € en 2016 pour 137 indemnités (jusqu'au mois d'août).
Il reste dû les sommes de 166,35 € au titre de l'année 2013, de 160,94 € au titre de l'année 2014, de 175,58 € au titre de l'année 2015 et de 138,52 € au titre de l'année 2016 (jusqu'en août), soit au total la somme de 627,33 €.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 134.63 € au titre de la période antérieure à 2014, la somme due à ce titre s'élevant à 166,35 €.
Ajoutant au jugement, l'employeur devra payer à M. [E] la somme de 474,04 € au titre des sommes dues à partir de 2014 arrêtées au mois d'août 2016.
Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et exécution déloyale du contrat de travail
Au titre de la discrimination syndicale, M. [E] invoque les 'nombreux manquements de l'employeur' à son égard et 'sa mauvaise foi lorsqu'il lui demandait de régulariser sa situation pendant 2012 et 2013 et de 'l'inégalité de traitement' dont il a fait l'objet, 'notamment dans l'attribution d'une indemnité repas panier inférieure à celle des autres salariés en 2013".
Toutefois, alors que M. [E] a été élu délégué du personnel le 2 février 2012, il ne résulte pas des éléments versés aux débats, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, que l'employeur aurait commis le moindre manquement à ses obligations contractuelles à son égard qui lui aurait causé un quelconque préjudice, sauf en ce qui concerne la prime de vacances et l'indemnité de repas.
S'agissant de la première, il apparaît que cette carence de l'employeur n'affectait pas seulement M. [E] et concernait d'autres salariés.
Quant à l'indemnité de repas, l'employeur ne justifie pas des raisons pour lesquelles l'indemnité servie à M. [E] a été réduite en 2013 tandis qu'elle augmentait pour d'autres (Mme [C]). Faute pour l'employeur de démontrer que sa décision et la différence de traitement serait justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, la demande du salarié sera accueillie.
Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats, le préjudice subi par M. [E] à ce titre sera réparé en lui allouant la somme de 1 000,00 € à titre de dommages-intérêts.
Au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, M. [E] invoque :
- des demandes de formation non satisfaites et plus spécialement une demande de certification OPQTEC pour obtenir la qualification correspondante en faisant valoir que plusieurs salariés en ont bénéficié,
- le changement de son ordinateur en 2013 qui l'a privé de son principal logiciel de travail ('AUTOCAD'), l'employeur lui imposant de travailler sur un nouveau logiciel non adapté, ce qui l'a contraint à travailler avec son ordinateur personnel.
Sur la formation, l'employeur répond que la démarche de certification OPQTECC est à assurer par le salarié et qu'elle n'est pas liée à l'entreprise. Il souligne que M. [E] reconnaît lui-même que 'les salariés étaient encouragés à se faire certifier OPQTEC'.
S'agissant de la demande de congé de formation économique, sociale et syndicale, il explique qu'il n'a pas été répondu favorablement à la demande du salarié en raison du plan de charge de l'entreprise mais il justifie que, par courrier du 16 mai 2002, il a invité M. [E] à lui proposer d'autres dates.
En ce qui concerne le changement d'ordinateur, l'employeur explique qu'il a été procédé à ce changement à la demande du salarié qui se plaignait du mauvais fonctionnement du précédent. Il explique que le logiciel AUTOCAD a été remplacé par deux autres, le logiciel AUTOCAD ne fonctionnant que sur les anciens ordinateurs. Il précise que celui-ci reste accessible sur plusieurs postes de l'agence. Il conteste ainsi avoir 'vidé de sa substance' le poste de travail de M. [E] et il justifie qu'il a été procédé au même changement pour une autre de ses collègues.
Les éléments ainsi versés aux débats ne permettent pas de caractériser un comportement fautif de l'employeur. Le salarié sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail
Il sera donné acte à M. [E] de ce qu'il ne maintient pas cette demande en cause d'appel.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement :
Confirme le jugement sauf :
- en ce qu'il a dit que la convention de forfait en jours est de nul effet et inopposable à M. [H] [E] seulement pour la période de son contrat antérieure au 31 décembre 2012,
- en ce qui concerne le montant de la somme allouée au titre de l'indemnité de repas,
Infirmant sur ces deux points et statuant à nouveau,
- Dit que la convention de forfait en jours incluse dans son contrat de travail est inopposable à M. [H] [E],
- Condamne la SAS SAMOP à payer à M. [H] [E] la somme de 166,35 € au titre de l'indemnité de repas pour la période antérieure à 2014,
Y ajoutant,
- Condamne la SAS SAMOP à payer à M. [H] [E] les sommes de :
* 1 185,28 € au titre de la prime de vacances pour la période de 2014 à 2016,
* 474,04 € au titre de l'indemnité de repas pour la période de 2014 à août 2016,
* 1 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
- Déboute M. [H] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- Dit que la SAS SAMOP doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS