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16/12/2016 | FRANCE | N°16/02623

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 16 décembre 2016, 16/02623


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2016



N° 2016/714

TC











Rôle N° 16/02623





[Y] [Y]





C/



SAS IPC

































Grosse délivrée

le :

à :



Me Sandrine LEONARDI, avocat au barreau de TOULON



Me Jean-Yves SIMON, avocat au barreau de QUIMPERr>


Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section E - en date du 12 Janvier 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1977.







APPELANTE



Madame [Y] [Y], demeurant [Adresse 1]



re...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2016

N° 2016/714

TC

Rôle N° 16/02623

[Y] [Y]

C/

SAS IPC

Grosse délivrée

le :

à :

Me Sandrine LEONARDI, avocat au barreau de TOULON

Me Jean-Yves SIMON, avocat au barreau de QUIMPER

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section E - en date du 12 Janvier 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1977.

APPELANTE

Madame [Y] [Y], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandrine LEONARDI, avocat au barreau de TOULON, vestiaire : 0139

INTIMEE

SAS IPC, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Yves SIMON, avocat au barreau de QUIMPER ([Adresse 3])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2016.

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Engagée pour une durée indéterminée le 1er avril 1993 en tant que vendeur représentant placier, Madame [Y] [Y] a été promue par la Sas Ipc, aux termes d'un contrat du 1er mai 2000, directeur régional statut cadre, avec un salaire minimum garanti de 6000 euros bruts cumulable ni avec ses commissions sur sa production personnelle et de celle de sa région qui, constituée à l'origine de sept départements situés dans la région [Localité 1], concernait à compter du 1er janvier 2001 les six départements de la région [Localité 2] et sept autres départements situés dans des régions limitrophes et en [Localité 3], ni avec ses commissions ou primes au titre d'une activité de développement des grands comptes englobant diverses régions et d'une activité de référencement.

La salariée a été en arrêt maladie durant quatre mois pour une arthrodèse avec des lésions discales en amont d'une visite de reprise de la médecine du travail du 25 juin 2007 l'ayant déclarée apte sans déplacements en voiture de plus de 50 km durant six mois et sans port de charge de plus de 5 kg, à revoir dans six mois, aménagements de nouveau prescrits lors d'une visite de reprise du 12 novembre 2007 validant une reprise du travail du 5 octobre 2007 et qui ne seront plus mentionnés dans une fiche de visite occasionnelle du 15 juillet 2008.

Le 6 février 2009, la salariée a été victime d'un accident du travail qui a provoqué une déchirure cartilagineuse de l'épaule droite et qui a donné lieu à un arrêt de travail jusqu'au 10 février 2009, puis elle sera déclarée apte sans restrictions au terme une visite périodique du 8 juin 2009.

Le 1er septembre 2009, la salariée a signé un avenant au contrat de travail modifiant le mode de rémunération, d'une part, comprenant une partie forfaitaire devant être calculée pour l'exercice 2009/2010 à concurrence de 90 % des rémunérations brutes perçues au titre des mêmes mois sur chacun des exercices précédents, données à reprendre les exercices ultérieurs sauf dans l'hypothèse d'un forfait de référence inférieur à un certain montant devant entraîner le calcul de la nouvelle rémunération forfaitaire en appliquant le pourcentage à la hausse ou à baisse de l'évolution du chiffre d'affaires, d'autre part, intégrant un complément de rémunération trimestriel variable en fonction du seul chiffre d'affaires régional avec des données de calcul différentes selon que ce chiffre d'affaires est ou non en progression.

La fiche de visite périodique de la médecine du travail du 2 juillet 2010 mentionne une aptitude sans réserves au poste de travail.

De nouveau en arrêt-maladie à compter du 12 janvier 2011 pour une lombosciatique gauche, autrement appelée syndrome rachidien lombaire, la salariée reprendra le travail le 1er avril 2011 et sera déclarée apte à la reprise du travail le 4 avril 2011 avec les précisions suivantes': «'pas de limitation de déplacement en voiture pour l'instant en temps, longueur et distance sous réserve de poses tous les 100 à 150 km, pas de port de charges de plus de 5 kg.'»

Après avoir été déclarée apte au poste de travail par une visite périodique du 21 septembre 2011, la salariée sera placée en arrêt de travail deux jours plus tard en raison d'une maladie non-professionnelle, soit un syndrome anxio-dépressif, puis, le 1er février 2012, elle sera déclarée apte au poste avec un aménagement'ainsi décrit : «' pas de port de charge de plus de 5 kg, port de charge en déplacement à éviter, travail sur écran à limiter en durée (pose de 10 minutes toutes les ¿ heures), déplacements en voiture à limiter (200 km maximum avec poses tous les 50 ou 100 km), véhicule équipé de siège ergonomique adapté, poste à étudier, à revoir dans 15 jours.'»

A l'issue d'une étude de poste, le médecin du travail a déclaré la salariée, le 16 février 2012, inapte à son poste de travail avec une possibilité de reclassement sur un poste où les déplacements en voiture seraient limités ainsi que le port de charge, un emploi sédentaire de type administratif conviendrait.

Le 21 février 2012, l'employeur a interrogé par écrit le médecin du travail sur cinq propositions de reclassement de chef de secteur, commercial, administratif et télévendeur, sur lesquelles ce dernier a émis un avis favorable deux jours plus tard sauf pour un poste en télévente.

Par lettre datée du 29 février 2012, l'employeur a proposé à la salariée quatre postes de niveau de responsabilité et de rémunération inférieurs, trois dans le département du Var, où était situé son domicile, en tant que chef de secteur de l'entreprise outre de commercial dans l'entreprise ou pour une autre entreprise, enfin sur un poste administratif à créer au siège social situé à [Localité 4], postes que refusera la salariée dans un courrier du 11 mars considérant les trois premières propositions non-conformes aux prescriptions médicales en raison des déplacements en voitures et ports de charges induits, le dernier, trop éloigné de son lieu de vie familial, et l'ensemble, imprécis sur la rémunération correspondante et dépourvu de sérieux, ce qui conduira l'employeur à lui préciser certains points, dont la rémunération, par lettre du 19 mars 2012, sans emporter la conviction de la salariée

Celle-ci a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 26 avril 2012 et qui a été suivi de son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec avis de réception du 6 mai 2012.

Par jugement de départage du 12 janvier 2016, le conseil de prud'hommes de Toulon a débouté la salariée de ses demandes d'indemnisation au titre d' un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du non-respect de l'obligation de sécurité ou d'un harcèlement moral et au titre du non-respect de l'obligation de loyauté dans les recherches de reclassement, outre de ses demandes au titre du préavis, des congés payés subséquents et de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée aux dépens.

Le 10 février 2016, dans le délai légal, la salariée a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Par des conclusions écrites reprises oralement à l'audience, la salariée sollicite de la cour, qu'elle dise le licenciement sans cause réelle et sérieuse par suite d'une inaptitude imputable au comportement de l'employeur à l'origine de son épuisement physique et moral, soutenant':

- en premier lieu, qu' au mépris des préconisations du médecin du travail portées à sa connaissance en 2007 puis en 2011, qu'il n'a pas sollicité pour des aménagements et dont il devait respecter les prescriptions nonobstant les avis émis dans le cadre de visites médicales périodiques, l'employeur a maintenu un périmètre géographique de management, impliquant qu'elle accompagne également des membres de l'équipe sur le terrain, et de développement des grands comptes, incompatible avec les restrictions de déplacements en tant que conducteur ou passager, ayant parcouru entre 5500 et 8168 km chaque mois de juillet 2007 à décembre 2007 puis 110 à 460 km par jour d'avril 2011 à septembre 2011, ayant même ajouté des formations sur le terrain et l'ayant laissée porter des valises, qui n'étaient pas équipées de roulette avant 2012, contenant des produits de démonstration, des dossiers et catalogues d'un poids excédant celui prescrit,

- en second lieu, que l'employeur, au cours de l'année 2011, a supprimé son forfait mensuel pour l'utilisation de son véhicule au prétexte de son arrêt maladie puis l'a diminué à la reprise du travail, qu'il a modifié le mode d'une rémunération désormais calculée, sans minimum garanti, en fonction de la progression d'un chiffre d'affaires bloquée en raison de ses activités sur le terrain, ce qui sera l'objet de son courrier du 20 mars 2011 auquel il sera répondu par un courrier dont le contenu suscitera son incompréhension, qu'il lui a adressé un courrier du 12 avril 2011 au contenu «'effarant'», «'froid'» et avec «'peu de considération'», qu'il a, à compter de cette date, exercé des pressions pour qu'elle signe un avenant conditionnant sa rémunération, qu'il lui a adressé un courrier du 15 juillet 2011 la menaçant d'un licenciement économique en l'absence d'acceptation d'une diminution de sa région au prétexte d'une restructuration et d'un respect, tardif, des préconisations médicales, lui laissant craindre une baisse importante de sa rémunération dépendant du chiffres d'affaires régional, ce d'autant que sa région passera de 12 à 6 «'vrp'» en septembre 2011, - qu'elle condamne l'employeur à lui payer la somme de 168.768 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- qu'elle le condamne au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant d'un harcèlement moral ou du non-respect de l'obligation de sécurité en ce que l'employeur a méconnu les prescription de la médecine du travail durant plusieurs années et a fait pression sur elle durant son arrêt de travail puis pour qu'elle signe un avenant,

- qu'elle le condamne à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'absence de loyauté dans l'exécution de l'obligation de tentative de reclassement au regard de la nature des postes proposés, contraires aux prescriptions médicales, à l'exclusion d'un poste administratif très éloigné, alors qu'elle pouvait occuper des postes conformes aux prescriptions médicales, de directeur de zone encadrant les directeur régionaux dans le Sud-Est ou d'adjoint à la direction commerciale réseau Sud, postes vacants, ou un poste de formatrice qui a été créé quatre mois après le licenciement,

- qu'elle le condamne au paiement d'une indemnité d'un montant de 21.096 euros en compensation d'un préavis de trois mois et d'une indemnité d'un montant de 2109,60 euros au titre des congés payés subséquents, - qu'elle condamne enfin l'employeur à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens.

Par des conclusions écrites reprises oralement à l'audience, l'employeur sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris, qu'elle déboute la salariée de l'ensemble de ses demandes et qu'elle la condamne à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont les frais d'exécution forcée.

Mettant en évidence la défaillance récurrente de la salariée qui ne se rendait pas aux visites de la médecine du travail avant 2007 et l'existence par la suite de plusieurs avis d'aptitude au poste sans restrictions, il soutient avoir respecté les préconisations de la médecine du travail, d'une part, en ayant, dès 2009, fait évoluer le mode de rémunération de la salariée, à l'instar de ses collègues directeurs régionaux, ne dépendant plus de sa production personnelle, avec un repositionnement de ses fonctions ainsi axées sur le management qui n'impliquait plus l'exécution de tâches confiées aux seuls vrp qu'elle pouvait accompagner telles que du démarchage et du port de mallettes, jugées par ailleurs compatibles avec ses préconisations par le médecin du travail car équipées de roulettes, alors que les déplacements pour le suivi des grands comptes se faisaient par train ou par avion et qu'elle disposait d'une grande autonomie dans l'organisation de ses fonctions, d'autre part, en ayant recentré le périmètre géographique de ses fonctions entraînant une diminution des déplacements et favorisant une meilleure productivité adaptée au nouveau mode de rémunération, et invité la salariée au respect des contraintes médicales notamment par ses courriers des 12 avril et 15 juillet 2011 alors que celle-ci n'avait que des revendications pécuniaires et que la diminution des remboursements de frais s'expliquait par la réduction des déplacements.

Il ajoute justifier de sa loyauté dans l'exécution de son obligation de tentative de reclassement en ayant sollicité le médecin du travail sur des propositions de reclassement que celui-ci validera en partie au regard de leur nature, des déplacements quotidiens induits et des moyens roulants mis à disposition, outre en ayant proposé les postes disponibles dans l'entreprise conformes aux prescriptions médicales tel que démontré par le registre du personnel, et même envisagé, sans y être tenu, la création d'un poste administratif, alors que la salariée ne pouvait être reclassée sur un poste d'adjoint à la direction commerciale réseau sud, sur un emploi de directeur zone sud ou sur celui de formatrice qui n'existaient pas et, pour les derniers, qui auraient nécessité des déplacements incompatibles avec les préconisation médicales.

S'étonnant de ce que la salariée, s'étant manifestée à diverses reprises à propos de sa rémunération, ne se soit jamais plainte d'une souffrance au travail, il réfute tout comportement de harcèlement moral en ce qu'il aurait respecté les seules prescriptions de la médecine du travail auxquelles il était tenu au regard d'autres avis concluant à son aptitude sans restrictions, et en ce que les allégations sur une baisse de rémunération seraient contredites par les faits démontrant une augmentation de celle-ci entre 2008 et 2010.

MOTIFS':

Il ressort des éléments versés aux débats que l'employeur a respecté ses obligations légales dans les délais prévus envers sa salariée en matière de visite périodique ou de reprise du travail, y compris durant les années qui ont immédiatement précédé l'arrêt maladie de quatre mois pour une arthrodèse en ayant organisé les visites périodiques auxquelles la salariée ne s'est pas rendue, alors qu'il ne résulte pas plus de ces éléments que l'employeur aurait été défaillant dans la prise de mesures propres à assurer la santé physique et mentale de sa salariée en amont des premières prescriptions de la médecine du travail du 25 juin 2007 qu'il ne devait pas interroger sur les restrictions assortissant l'avis d'aptitude de la salariée au poste de travail qu'il ne contestait pas et dont le contenu n'exigeait aucune explication ou précision.

En revanche, l'absence de déplacements en voiture de plus de 50 km et de port de charge de plus de 5 kg devait être respectée par l'employeur à compter du 25 juin 2007 jusqu'à la première visite d'aptitude sans limitations du 15 juillet 2008 mise en 'uvre à la demande du médecin du travail qui avait reconduit les mêmes restrictions le 12 novembre 2007 à revoir dans les six mois.

Or, à compter de la reprise du travail le 5 octobre 2007, le poste de travail de la salariée, comportant la direction d'une équipe de vente constituée de douze technico-commerciaux qu'elle devait encadrer, animer, suivre et même parfois former en sus de la réalisation de sa production personnelle, impliquait toujours le déploiement d'une activité de terrain dans l'ensemble des départements de la région [Localité 2] et des autres départements de régions limitrophes dont elle avait encore la charge à cette date, ce qui nécessitait la poursuite, seule ou accompagnée, de déplacements habituels en voiture, pour la plupart sur des distances nettement supérieures à 50 km, ce qu'aucune réorganisation autonome de son travail ne permettait d'éviter.

Par ailleurs, le suivi et la formation de son équipe, plus encore la commercialisation qu'elle assurait elle-même de produits d'entretien, d'hygiène et de maintenance spécifiques, entraînait un port de charges habituel d'un poids excessif contraire aux préconisations de la médecine du travail le limitant à seulement 5 kg, ce que confirment différents témoignages suffisamment précis et circonstanciés de clients professionnels auxquels la salariée rendait visite régulièrement, pour certains d'ailleurs dans des villes du département du [Localité 5], ce qui impliquait des déplacements en voiture sur des distances de plus d'une centaine de kilomètres, ces clients ayant constaté que, notamment durant la période de restrictions, la salariée portait une à deux valises remplies de produits de démonstration auxquels s'ajoutait au moins un catalogue pour une charge totale qu'ils estiment nettement supérieure à 5 kg, peu important que les valises aient été équipées de roulettes destinées exclusivement à en faciliter la mobilité sans réduction significative du port de charge.

Aussi, un peu plus de six mois seulement après la levée des restrictions, à la suite de déplacements fréquents en voiture sur des distances importantes et de port de charges, la salariée a été victime d'un accident du travail qui a provoqué une déchirure cartilagineuse de l'épaule droite à l'occasion d'un geste banal, puis elle a été de nouveau en arrêt-maladie durant plusieurs mois moins d'un an après, victime d'une lombosciatique gauche, le médecin du travail émettant d'ailleurs de nouvelles restrictions le 4 avril 2011 en prescrivant des poses lors des trajets en voiture tous les 100 à 150 km et, une nouvelle fois, l'absence de port de charges de plus de 5 kg, alors que l'employeur ne justifie pas avoir pris des mesures suffisantes pour protéger la santé de sa salariée dès lors qu'à compter de 2009, il s'est contenté de réduire progressivement ses fonctions sans lui avoir enlevé ses tâches, notamment de management, nécessitant des déplacements en voiture sur des distances importantes, avec un mode de rémunération dont la partie forfaitaire n'était plus garantie à concurrence d'un certain montant mais devenait dégressive d'année en année avec un système devant tendre nécessairement vers une prépondérance de la partie variable dépendant du chiffre d'affaire régional réalisé sur une plus courte période, le tout convergent vers un suivi accru des performances de la salariée astreinte à une productivité constante pour maintenir un certain socle de rémunération.

Ainsi, dans un premier temps, à la fin de l'année 2011, la salariée sera de nouveau placée en arrêt de travail puis déclarée apte au poste avec le même aménagement's'agissant du non-port de charge de plus de 5 kg, le médecin ajoutant que le port de charge en déplacement était à éviter comme devaient être évités les déplacements en voiture réduits à 200 km maximum avec des poses tous les 50 ou 100 km au moyen de véhicules devant être équipés de siège ergonomique adapté, puis, dans un second temps, à l'issue d'une étude de poste, le médecin du travail l'a déclarera inapte au poste quelques mois plus tard avec une possibilité de reclassement sur un poste avec des déplacements en voiture limités ainsi que le port de charge.

En conséquence, l'employeur a gravement nui à la santé de la salariée en raison du non-respect de son obligation de sécurité de résultat découlant des articles L. 4121-1 et L. 4624-1 du code du travail, et le licenciement survenu en raison de l' inaptitude physique consécutive de la salariée est sans cause réelle et sérieuse.

Compte-tenu de l'âge, de l'ancienneté et des fonctions de la salariée, outre de sa capacité à retrouver un emploi, tel que cela résulte des éléments fournis, la somme de 100.000 euros lui sera allouée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En vertu des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont la rupture est sans cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat à l'origine de l'inaptitude.

L'employeur sera donc condamné au paiement d'une indemnité compensatrice d'un montant de 21.096 euros au titre d'un préavis de trois mois et d'une indemnité d'un montant de 2109,60 euros au titre des congés payés subséquents.

La violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat a causé un préjudice moral distinct à la salariée au regard de la dégradation de son état de santé et de sa position dans l'entreprise outre du nombre d'années important à son service, ce qui justifie en réparation l'allocation d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

S'agissant du préjudice résultant d'un harcèlement moral, en application des dispositions de l'article L 1152-1 du code de travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article susvisé; dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les arrêts de travail et avis de la médecine du travail sont exempts de toute mention relative à une dégradation de la santé mentale de la salariée dont le syndrome anxio-dépressif «'réactionnel'»'a été mentionné à compter de l'arrêt de travail du 23 septembre 2011.'

En tenant compte de ces éléments médicaux et au vu des éléments fournis de part et d'autre, une présomption de harcèlement moral subi par la salariée ne peut résulter, pris dans leur ensemble, de ce que l'employeur l'a laissée pendant un certain temps sur un poste de travail non-aménagé conformément aux prescriptions du médecin du travail, a redéfini sa rémunération après la signature d'un avenant qu'il ne lui a pas imposé, a adapté les remboursements de frais et a proposé sans pressions une modification du contrat de travail au cours de l'année 2011 dans le sens d'une diminution du nombre de départements pour des motifs tenant à la fois au développement stratégique de l'entreprise et de la situation médicale de la salariée.

La salariée sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral.

Pour ce qui concerne l'absence de loyauté dans l'exécution de l'obligation de tentative de reclassement, en application des dispositions de l' article L 1226-2 du code du travail, si le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de rechercher un reclassement compatible avec les conclusions du médecin du travail à l'issue de la visite de reprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de tentative de reclassement, laquelle est de moyens, dans l'entreprise ou le cas échéant dans les entreprises formant un groupe au sein duquel des postes peuvent être disponibles ou peut être envisagée une permutabilité des salariés entre sociétés. La recherche des possibilités de reclassement doit s'effectuer à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

L'employeur est tenu d'effectuer une recherche loyale et sérieuse, ce qui exige qu'elle soit concrète, réfléchie et inscrite dans la durée.

L'employeur justifie du respect de son obligation de tentative de reclassement en ayant effectué des recherches de reclassement, en concertation régulière avec le médecin du travail durant plus d'un mois à compter de l'avis d'inaptitude au poste de travail et conformes à ses préconisations, d'une durée suffisante au regard de la taille et de l'effectif de l'entreprise, concrètes, loyales et sérieuses, qui lui ont permis de proposer quatre postes que le médecin du travail a dit conformes à ses prescriptions en ce qu'ils comportaient des déplacements en voiture limités au département du Var et un port de charges facilité par la mise à disposition de matériel roulant dont il a vérifié l'existence au cours de l' étude de poste qu'il avait récemment effectuée, en outre nécessairement moins fréquent, alors que pour les refuser après avoir obtenu les précisions qu'elle réclamait sur la nature des postes, dont un poste de chef de secteur très proche des fonctions précédemment exercées, ainsi que sur la rémunération offerte, comprenant un salaire minimum garanti jusqu'à 3500 euros bruts pour le poste précité, la salariée a invoqué, à tort, leur non-conformité aux préconisations médicales et, sans éléments de démonstration, une absence de rémunération garantie. Par ailleurs, il ne résulte pas des éléments fournis que l'employeur n'aurait pas proposé des postes disponibles dans l'entreprise susceptibles de convenir à la salariée au regard des fonctions déjà exercées, de ses aptitudes, au besoin adaptées, et des prescriptions médicales, alors qu'il n'avait pas à créer les postes de directeur et de directeur adjoint, nécessitant d'ailleurs des déplacements en voiture dépassant les contraintes médicales, ni un poste de formatrice qui ne sera constitué que quatre mois après la rupture du contrat de travail avec un large rayonnement dans une zone géographique nettement plus étendue et très éloignée du domicile de la salariée qui aurait été nécessairement amenée à faire des déplacements en voiture au-delà des limites imposées.

Toute demande de la salariée au titre non-respect par l'employeur de l'obligation de tentative de reclassement sera donc rejetée.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la salariée, à laquelle sera allouée à ce titre la somme de 2000 euros.

L'employeur, qui succombe pour l'essentiel, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat et que l'inaptitude physique à l'origine du licenciement de Madame [Y] [Y] est imputable à celui-ci;

Dit en conséquence que le licenciement de Madame [Y] [Y] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Condamne la Sas IPC à payer à Madame [Y] [Y] les sommes de':

-100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct consécutif au non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- 21.096 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2109,60 euros au titre des congés payés subséquents'.

Déboute Madame [Y] [Y] de ses demandes au titre d'un harcèlement moral et au titre du non-respect de l'obligation de tentative de reclassement.

Condamne la Sas IPC à payer à Madame [Y] [Y] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne la Sas IPC aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02623
Date de la décision : 16/12/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°16/02623 : Statue à nouveau en faisant droit à la demande en tout ou partie


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-16;16.02623 ?
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