COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 DÉCEMBRE 2016
N°2016/818
GP
Rôle N° 15/03335
[Q] [S]
C/
SARL GROUPE PROTECTOR
Grosse délivrée le :
à :
Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE
Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section AD - en date du 29 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/118.
APPELANT
Monsieur [Q] [S], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉE
LA SARL GROUPE PROTECTOR, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE substitué par Me Camille POINAT, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2016
Signé par Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [Q] [S] a été embauché en qualité de chef d'équipe de sécurité incendie le 6 novembre 2011 par la SARL GROUPE PROTECTOR, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour une durée de 25 heures hebdomadaires.
Par avenant du 21 septembre 2012, le contrat de travail s'est poursuivi à temps plein à effet du 1er octobre 2012.
Monsieur [Q] [S] était affecté sur le site de l'immeuble « le [Adresse 3] » situé à [Adresse 4].
Monsieur [Q] [S] a été en arrêt de travail pour maladie à partir du 20 mars 2013, prolongé jusqu'au 31 juillet 2013.
Par courrier du 27 mars 2013, Monsieur [Q] [S] a adressé à son employeur les reproches suivants : défaut de vestiaire, de protection de travailleur isolé, de prime pour l'entretien des tenues, de visites médicales semestrielles et d'affichage du règlement intérieur.
Par requête du 10 mai 2013, Monsieur [Q] [S] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et d'indemnités de rupture.
Monsieur [Q] [S] a été licencié pour faute grave le 2 octobre 2013 pour absence injustifiée et manquement à son obligation de non concurrence et de loyauté du fait de l'exercice par lui d'une activité concurrente à celle de la société GROUPE PROTECTOR dans le cadre de la société Pôle Méditerranéen de Prévention Incendie.
Par jugement du 29 janvier 2015, le Conseil de prud'hommes de [Localité 1] a débouté Monsieur [Q] [S] de ses demandes et a laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Ayant relevé appel, Monsieur [Q] [S] conclut à la réformation du jugement aux fins de voir juger que la SARL GROUPE PROTECTOR a gravement manqué à ses obligations, de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, en conséquence, à la condamnation de la SARL GROUPE PROTECTOR à lui verser les sommes suivantes :
-11 735 €, soit 6 mois de salaire, à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3911,90 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-391,19 € au titre des congés payés afférents,
-782,38 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, à parfaire au jour du jugement,
-1955,95 €, soit un mois de salaire à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
à ce qu'il soit jugé que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2013, à ce que soit ordonnée la remise des bulletins de paie et documents sociaux rectifiés sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, sans limitation de durée, à ce qu'il soit ordonné que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil et à la condamnation de la SARL GROUPE PROTECTOR à lui verser la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur [Q] [S] fait valoir qu'au cours de l'exercice de ses fonctions, il a constaté de nombreuses irrégularités dont il a fait part à son employeur à multiples reprises verbalement, que l'employeur n'a jamais régularisé la situation, que c'est la raison pour laquelle par deux courriers en date du 27 mars 2013, il a notifié à son employeur l'ensemble des irrégularités constatées, que ne recevant aucune réponse il a relancé son employeur par mail du 18 avril 2013, que par courrier recommandé du 19 avril 2013 l'employeur lui répondait enfin et niait l'ensemble des griefs émis par le salarié, que contrairement à ce qui est allégué par la SARL GROUPE PROTECTOR, le concluant n'a pas attrait 10 anciens employeurs mais 4 sociétés et a obtenu gain de cause à 3 reprises, que l'employeur ne l'a jamais soumis à une visite médicale semestrielle auprès du médecin du travail alors qu'il est travailleur de nuit, que le concluant a exercé ses fonctions d'agent de sécurité incendie SSIAP 2 de nuit au sein de la copropriété « [Adresse 3] » de manière complètement isolée sans aucun collègue de travail, qu'il était bien un travailleur isolé, qu'aucun dispositif de travailleur isolé n'a été mis à sa disposition par son employeur en violation de son obligation de prévention des risques professionnels, que l'étude du poste d'accueil-réception-gestion des alarmes de l'inspection du travail versée par l'employeur ne concerne nullement son poste, qu'il avait bien pour mission d'effectuer des rondes, que lorsqu'il effectuait ses rondes dans les étages ou le sous-sol de l'immeuble, il était bien en situation de travailleur isolé, que l'employeur a incontestablement manqué à son obligation de sécurité, que l'employeur ne lui a jamais versé la moindre prime en contrepartie de l'entretien de sa tenue de travail, qu'aucun vestiaire n'était mis à la disposition des salariés sur le site « LE [Adresse 3] », que la tenue imposée au salarié ne comportait nullement 2 insignes comme prévu par l'article premier du décret n° 86-1099 du 10 octobre 1986, que le site sur lequel il était affecté ne dispose d'aucun réfectoire ou de salle où le concluant aurait pu se restaurer, qu'il s'agit là d'un manquement aux règles élémentaires d'hygiène et de sécurité, que durant l'exercice de ses fonctions, le concluant a été constamment astreint à réaliser d'autres tâches qui ne relèvent pas de ses fonctions, que le nombre important de manquements de l'employeur, pris dans leur ensemble, a incontestablement dégradé ses conditions de travail jusqu'à rendre impossible la poursuite du contrat de travail dans de telles conditions et justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur avec toutes les conséquences juridiques et financières qui en découlent.
La SARL GROUPE PROTECTOR conclut à la confirmation du jugement déféré aux fins de voir constater que la société n'a commis aucun manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail, de voir constater que Monsieur [Q] [S] ne rapporte pas la preuve du manquement, du préjudice et du lien de causalité entre les deux du fait de la non communication du registre unique d'évaluation des risques, de voir constater que Monsieur [Q] [S] est en absence injustifiée depuis le 14 août 2013 et de lui donner acte qu'il ne conteste pas son licenciement pour faute grave, de voir constater que Monsieur [Q] [S] avait moins de deux ans d'ancienneté, en conséquence, de voir débouter Monsieur [Q] [S] de toutes ses demandes et à la condamnation de Monsieur [Q] [S] au paiement d'une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL GROUPE PROTECTOR fait valoir que par lettre du 19 avril 2013, elle a repris les points soulevés par Monsieur [Q] [S] et y a répondu, que sans tenir compte des réponses apportées par la Direction et alors qu'il se trouvait toujours en arrêt de travail, Monsieur [Q] [S] a cru opportun de saisir le conseil de prud'hommes le 10 mai 2013, que la dernière prolongation d'arrêt maladie du salarié a pris fin le 31 juillet 2013, que Monsieur [Q] [S] ne s'est pas présenté à son poste de travail et n'a fourni aucune explication, que le salarié a été convoqué à une visite médicale de reprise organisée le 13 août 2013 à laquelle il s'est présenté et a été déclaré apte à son poste de travail, qu'il ne s'est pourtant pas présenté à son poste de travail et a été mis en demeure de régulariser sa situation les 22 août 2013 et 2 septembre 2013, que Monsieur [Q] [S] a persisté dans son silence fautif, qu'il a été licencié pour faute grave le 2 octobre 2013 pour absence injustifiée et manquement à l'obligation de loyauté, que Monsieur [Q] [S] est un habitué des procédures judiciaires voire même un procédurier professionnel, ayant assigné pas moins de 10 sociétés en seulement quelques années, que les griefs invoqués par le salarié sont infondés ou anciens ou insuffisamment graves, n'ayant pas empêché la poursuite de la relation de travail et que l'appelant doit être débouté de l'ensemble de ses réclamations, ne justifiant au surplus d'aucun préjudice.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Monsieur [Q] [S] évoque les manquements suivants de son employeur :
- le défaut de visite médicale semestrielle :
Il n'est pas discuté que Monsieur [Q] [S] était un travailleur de nuit et qu'à ce titre, il devait bénéficier d'une surveillance médicale particulière au moins tous les six mois par la médecine du travail, en conformité avec les dispositions de l'article L.3122-42 du code du travail.
Monsieur [Q] [S] a passé la visite médicale d'embauche le 7 décembre 2011 et devait donc bénéficier d'une visite médicale semestrielle en juin 2012.
La SARL GROUPE PROTECTOR a répondu au salarié, dans son courrier recommandé du 19 avril 2013, qu'elle avait « programmé une visite médicale au cours de l'année 2012 mais qu'elle a été annulée en raison d'une absence maladie et qu'elle n'a par la suite plus été reprogrammée avant le 23/01/2013 ».
La SARL GROUPE PROTECTOR ne justifie pas de la programmation d'une visite médicale semestrielle au profit du salarié en juin 2012. Elle produit le planning du mois d'octobre 2012 de Monsieur [Q] [S] mentionnant une heure de visite médicale de 10h40 à 11h40 le 31 octobre 2012, le courriel de la Direction annulant la visite médicale du 31 octobre 2012 en raison de l'arrêt de travail du salarié du 29 octobre au 18 novembre 2012 et l'avis d'arrêt de travail de Monsieur [Q] [S] pour maladie du 29 octobre 2012 au 18 novembre 2012.
Monsieur [Q] [S] a bénéficié d'une visite annuelle le 23 janvier 2013 par le médecin du travail, qui l'a déclaré « apte », et, à la suite d'un arrêt de travail pour maladie du 20 mars 2013 jusqu'au 31 mars 2013 puis d'un arrêt de travail du 4 avril 2013 jusqu'au 31 juillet 2013, il a bénéficié d'une visite médicale de reprise le 13 août 2013 par le médecin du travail qui l'a déclaré « apte à la reprise-À revoir dans 2 mois ».
Monsieur [Q] [S] ne peut reprocher à son employeur de ne pas avoir organisé la visite souhaitée par le médecin du travail dans les deux mois suivant celle du 13 août 2013 alors qu'il ne s'est plus présenté à son poste de travail à partir du 14 août 2013, peu importe de savoir s'il était ou non en absence injustifiée à partir de cette date.
Le salarié ayant bénéficié de la visite médicale d'embauche le 7 décembre 2011 et d'une visite annuelle le 23 janvier 2013, le seul manquement qui peut être reproché à la SARL GROUPE PROTECTOR est le défaut d'organisation de la visite semestrielle, à laquelle Monsieur [Q] [S] aurait dû être convoqué en juin 2012.
Pour autant, il convient d'observer que Monsieur [Q] [S] ne prétend pas que l'absence de visite médicale semestrielle organisée à son profit en juin 2012 aurait eu des répercussions sur son état de santé et qu'il y aurait un quelconque lien entre ce manquement et ses arrêts de travail postérieurs pour maladie.
Par ailleurs, ce manquement de l'employeur est ancien et n'a pas empêché la poursuite de la relation de travail jusqu'à l'organisation de la visite médicale annuelle du 23 janvier 2013, au cours de laquelle le salarié a été déclaré apte ; ce dernier a également bénéficié d'une visite médicale de reprise le 13 août 2013, au cours de laquelle il a été à nouveau déclaré apte à son poste.
- Sur le défaut de protection du travailleur isolé :
Monsieur [Q] [S] soutient qu'il exerçait ses fonctions d'agent de sécurité incendie SSIAP 2 de nuit au sein de la copropriété « [Adresse 3] » de manière complètement isolée, sans aucun collègue de travail, qu'il n'avait en cas de malaise, accident ou agression aucun moyen d'alerter qui que ce soit, qu'il y avait donc un risque évident pour sa santé et sa sécurité, que pour autant, aucun dispositif de travailleur isolé n'était mis à sa disposition par son employeur, que ce dernier aurait dû faire figurer une évaluation des risques encourus par le salarié dans le document unique dont l'élaboration est prévue par le décret 2001-1016 du 5 novembre 2001, que le compte rendu de l'inspection du travail de septembre 2013 est une étude du poste d'accueil-réception-gestion des alarmes et ne concerne nullement le poste du concluant, lequel devait effectuer des rondes.
La SARL GROUPE PROTECTOR a répondu le 19 avril 2013 aux courriers du 27 mars 2013 de Monsieur [Q] [S] et à son courriel du 18 avril 2013 pour contester le caractère isolé du poste en ces termes :
« Le [Adresse 3] est une résidence d'habitations qui comprend 4 immeubles occupés et le poste de sécurité se trouve à l'entrée de l'un de ces immeubles.
Il ne s'agit pas d'un chantier ou d'un immeuble professionnel qui serait vide de tout résident la nuit et vous-même indiquez dans votre second courrier du 27 mars 2013 : « Tous les jours, que ce soit en vacation de nuit ou de journées, les résidents passent à la réception afin de nous demander de leur remettre le courrier ».
Ainsi, même lorsque vous êtes seul sur le poste, vous n'êtes pas pour autant isolé.
Quant aux portes de votre poste, je ne vois pas pourquoi elles sont ouvertes. Vous n'avez pas l'obligation de les garder ouvertes et vous avez tout à fait la possibilité de les fermer, le bureau étant équipé d'un interphone et d'une porte vitrée.
Il n'y a d'ailleurs jamais la moindre agression physique sur ce site en 15 ans. Vous-même occupez ce poste depuis novembre 2011 et vous n'avez jamais été confronté, à notre connaissance, à une quelconque difficulté.
Ceci étant, nous vous confirmons que la santé et la sécurité de nos salariés font partie de nos principales préoccupations. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à la médecine du travail de venir visiter le poste afin d'obtenir ces préconisations en la matière ».
La SARL GROUPE PROTECTOR produit le « compte rendu-étude du poste » établi le 4 septembre 2013 non par l'inspection du travail, comme indiqué par erreur par Monsieur [Q] [S], mais par l'ingénieur hygiène-sécurité du Service Santé & Travail 06 à la demande du médecin du travail, cette étude de poste concernant le poste d'accueil-réception-gestion des alarmes situé à l'immeuble [Adresse 3] et y sont jointes des photographies des lieux de travail (banque de réception du public, local derrière la banque de réception avec écran de visualisation de la vidéosurveillance des différents accès, le réfectoire/vestiaire). Il est mentionné dans cette étude de poste que le travail se déroule uniquement dans le local d'accueil, qu'il n'y a pas de ronde, que le poste est occupé 24 heures sur 24 mais pas toujours par un salarié de PROTECTOR (parfois par un salarié de la copropriété), que le travail effectué consiste entre autres en la gestion du système d'alarme incendie et de l'alarme ascenseurs et que « d'après les personnes rencontrées, même la nuit il y a des va et vient qui font que le salarié présent dans le local n'est pas en situation de travailleur isolé » ; les seules recommandations de cette étude consistent dans le remplacement des fauteuils, dans le déplacement de l'écran de visualisation de la vidéosurveillance et dans l'ajout d'une lampe d'appoint.
Monsieur [Q] [S] conteste qu'il occupait le poste d'accueil-réception-gestion des alarmes et soutient qu'en sa qualité de chef d'équipe de sécurités incendie SSIAP 2, il avait l'obligation d'effectuer des rondes. Il produit des « consignes d'application n°20100624 » du 25 juin 2010 du GROUPE PROTECTEUR signées par deux agents (autres que M. [S]) indiquant que toutes les absences de la réception doivent être inscrites dans le registre de main courante, en y mentionnant l'heure de départ, l'heure du retour ainsi que le motif, des « consignes d'application n°20100723 » du 23 juillet 2010 signées par quatre agents (autres que M. [S]) indiquant qu'en cas de tapage en soirée ou durant la nuit, signalé par un copropriétaire, l'agent doit se rendre sur place afin de faire cesser le bruit et, en cas de difficulté, appeler la police, ainsi que trois notes de service de Monsieur [J], dont il n'est pas discuté qu'il est régisseur salarié du client (l'une concernant la nécessité de se rendre sur la voie pompier si un véhicule s'y est garé pour lui signifier l'interdiction de stationnement, l'autre concernant la nécessité de se rendre sur place en cas de tapage nocturne et si difficulté d'appeler la police et la troisième note du 13 décembre 2011 mentionnant des « rondes : 22h00-23h00-00h00-01h00 »).
La SARL GROUPE PROTECTOR conteste que les notes de service de Monsieur [J] étaient destinées aux salariés de la société et que Monsieur [Q] [S] était obligé de réaliser des rondes au sein du site LE [Adresse 3]. Elle produit deux attestations des 14 mai 2014 et 19 avril 2016 de Monsieur [H] [J], ancien régisseur de la copropriété [Adresse 3] d'avril 2007 à mai 2014, qui rapporte d'une part que, durant son activité, il n'a jamais rédigé de note ou consigne à l'attention des agents de PROTECTOR et, d'autre part, que « l'agent de sécurité n'est jamais seul à la réception : résidents, visiteurs, promeneurs, entreprises, salariés' L'agent ne se trouve donc jamais isolé et sans possibilité d'être secouru ». La société verse également l'attestation du 19 avril 2016 de Monsieur [Y] [Q], manager de proximité au sein de la SARL GROUPE PROTECTOR, qui déclare n'avoir jamais vu lors de ses passages au [Adresse 3] de notes émanant de Monsieur [J] à l'attention des agents de la société et être personnellement chargé de déposer les consignes faites par le siège à l'attention des agents de sécurité au [Adresse 3], ainsi qu'une deuxième attestation du 22 avril 2016 de Monsieur [Y] [Q] et une attestation du 22 avril 2016 de Monsieur [G] [C], également manager, ces deux témoins indiquant se rendre de manière régulière sur le site du [Adresse 3] pour effectuer les rondes de surveillance générale et que seuls les managers effectuent ces rondes, qui ne relèvent pas des fonctions des agents présents sur le site et du chef d'équipe des services de sécurité incendie.
Il ressort des éléments ainsi versés par la SARL GROUPE PROTECTOR que Monsieur [Q] [S] n'effectuait pas des rondes de surveillance, même si, au vu des pièces produites par le salarié, il apparaît que ce dernier pouvait être amené à s'absenter ponctuellement de son poste de travail, dans des circonstances de nature à démontrer qu'il n'était pas alors isolé (intervention en cas de tapage nocturne en faisant appel, si nécessaire, à la police; intervention en cas de stationnement d'un véhicule sur la voie pompier).
Monsieur [Q] [S] reconnaissait d'ailleurs dans un de ses courriers du 27 mars 2013 adressé à son employeur que sa mission principale est la surveillance du SSI, qui nécessite une présence permanente à la réception « où se trouve le SSI (Système de sécurité incendie) », indiquant par exemple : « Lorsque le disjoncteur alimentant le réseau de télévision TNT du bâtiment disjoncte, les résidents appellent afin que nous allions le ré enclencher, or cela ne nous est pas possible, car ce local étant situé à l'extrémité du bâtiment, cela nous obligerait à quitter la réception où se trouve le SSI. Le [Adresse 3] étant classé I.G.H., la présence à la SSI doit être permanente' ».
En conséquence, alors qu'il est établi que le salarié n'avait pas pour mission d'effectuer des rondes, il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur [Q] [S] n'était pas un travailleur isolé, sans possibilité de recours extérieur, ce qui a d'ailleurs été reconnu par le service de médecine du travail.
Aucun manquement de l'employeur à ce titre n'est caractérisé.
- Sur la prise en charge de l'entretien de la tenue de travail :
Il n'est pas discuté que Monsieur [Q] [S] n'a jamais perçu de prime en contrepartie de l'entretien de sa tenue de travail.
La SARL GROUPE PROTECTOR soutient qu'il appartenait au salarié d'en faire la demande et de fournir des justificatifs et qu'une note de service, affichée dans l'entreprise et approuvée par le CHSCT, prévoyait expressément le versement de la somme de 8 € par mois sur présentation d'une note de pressing pour les frais engagés pour l'entretien de la tenue de travail. La société ne justifie pas de l'existence de cette note de service qui aurait été approuvée par le CHSCT.
L'employeur doit prendre en charge l'entretien de la tenue de travail dont il a rendu le port obligatoire. En l'espèce, il est constant et non contesté que la SARL GROUPE PROTECTOR avait imposé au salarié le port d'une tenue de travail. Il n'est pas discuté que le salarié s'est toujours présenté sur les lieux de son travail avec une tenue de travail propre, ce dont il se déduit que c'est le salarié qui en a assuré l'entretien alors que cet entretien aurait dû être pris en charge par la SARL GROUPE PROTECTOR.
L'employeur a donc manqué à son obligation de prise en charge de l'entretien de la tenue de travail de Monsieur [Q] [S].
- Sur le défaut de vestiaire :
Monsieur [Q] [S] fait valoir qu'en vertu de l'article 5 de l'annexe IV de la Convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, l'agent d'exploitation ne peut en aucun cas porter l'uniforme en dehors des heures de service et qu'il ressort de cet article que le salarié a l'obligation de mettre sa tenue sur son lieu de travail, ce qui n'est d'ailleurs pas discuté par l'employeur. Il soutient qu'aucun vestiaire n'était mis à la disposition des salariés sur le site « LE [Adresse 3] » et que, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, le local situé dans la réception ne saurait aucunement être assimilé à un vestiaire, s'agissant d'un simple casier qui n'était en outre à la disposition que des salariés de la copropriété.
Selon le « compte rendu-étude du poste » établi par le Service de Santé & Travail 06 et les photographies jointes, il existe un « réfectoire/vestiaire avec : armoire vestiaire, réfrigérateur, four à micro-ondes, cafetière, bouilloire », situé derrière la banque de réception de l'immeuble, donc à l'abri des regards, et distinct du sanitaire avec lavabo ; il ne s'agit pas que d'une simple armoire/vestiaire, présente également dans le local, dont il n'est pas démontré qu'elle aurait été à la seule disposition des salariés de la copropriété.
En conséquence, ce manquement de l'employeur n'est pas établi.
- Sur le défaut de port de deux insignes sur les tenues :
Monsieur [Q] [S] fait valoir qu'en application de l'article premier du décret n° 86-1099 du 10 octobre 1986, la tenue des personnels des entreprises de surveillance et gardiennage doit comporter « au moins deux insignes reproduisant la dénomination ou le sigle de l'entreprise' » et que la tenue qui lui était imposée ne comportait nullement deux insignes.
La SARL GROUPE PROTECTOR fait valoir que la tenue de travail du salarié était conforme aux exigences du décret puisqu'elle comportait deux insignes, à savoir la carte professionnelle du salarié qui doit être obligatoirement portée à la ceinture ou autour du cou et un écusson qui s'accroche aux boutons de son polo.
Cependant, il ne peut être considéré que la carte professionnelle du salarié, qui ne reproduit pas la dénomination ou le sigle de l'entreprise PROTECTOR, réponde aux exigences du décret susvisé.
La SARL GROUPE PROTECTOR a donc manqué à ses obligations réglementaires relatives au port de deux insignes sur la tenue de travail de Monsieur [Q] [S].
- Sur le défaut de réfectoire :
Monsieur [Q] [S] fait valoir qu'il ne disposait d'aucun réfectoire ou de salle lui permettant de prendre ses repas sur place.
Il ressort cependant du « compte rendu-étude du poste » établi par le Service de Santé & Travail 06 et les photographies jointes qu'il existe bien un « réfectoire/vestiaire » et, malgré l'étroitesse du local, il est mis à la disposition du salarié un réfrigérateur, un four à micro-ondes, une cafetière et une bouilloire, avec une table (plan de travail) et deux chaises.
Il n'est pas établi que l'employeur ait manqué à ses obligations à ce titre.
- Sur les tâches annexes du salarié :
Monsieur [Q] [S] fait valoir que, durant l'exercice de ses fonctions, il a été constamment astreint à réaliser d'autres tâches telles que la remise du courrier aux résidents, l'ouverture de la porte d'entrée de l'immeuble, la remise des clés aux locataires saisonniers (à la demande des agences immobilières), la distribution des journaux quotidiens dans les boîtes aux lettres, les interventions en cas de tapage nocturne et que l'employeur a ainsi manqué à ses obligations contractuelles.
La SARL GROUPE PROTECTOR réplique que le salarié a reconnu lui-même dans son courrier du 27 mars 2013 que ces tâches annexes étaient sollicitées par des tiers (propriétaires, locataires ou agences immobilières), que si le salarié a accompli, de sa propre initiative, ces tâches supplémentaires, il ne saurait le reprocher à son employeur qui ne lui a jamais donné pour instruction de se conformer à de telles demandes et que la société concluante a d'ailleurs rappelé, dans son courrier du 19 avril 2013, à Monsieur [Q] [S] qu'il n'avait pas à suivre les notes de service du client ni à répondre aux demandes des copropriétaires ou des agences immobilières.
Il ressort du courrier du 27 mars 2013 de Monsieur [Q] [S] que celui-ci indiquait que des propriétaires ou locataires ainsi que des agences immobilières lui demandaient d'effectuer des tâches ne relevant pas de ses fonctions (remise de courrier, ouverture des portes, clés déposées pour des vacanciers, distribution dans les boîtes aux lettres des journaux quotidiens).
La SARL GROUPE PROTECTOR a répondu, par courrier du 19 avril 2013, que « seules les directives et les notes de service de la société doivent être respectées », que les stipulations du contrat de travail prévoient expressément que le salarié peut se voir confier des missions techniques annexes simples et répétitives, qu'en cas de tapage nocturne, le salarié seul à son poste ne peut pas quitter son poste afin de calmer les résidents bruyants et a la possibilité d'appeler la police mais surtout de contacter 24 heures sur 24 un manager qui viendra l'assister, que les casiers des résidents se trouvant derrière la réception, c'est donc pour des raisons pratiques mais aussi de sécurité que le postier n'accède pas aux casiers, les tâches évoquées par le salarié ne lui faisant en tout état de cause pas quitter son poste de sécurité.
Monsieur [Q] [S] a reconnu lui-même dans son courrier du 27 mars 2013 que certaines tâches lui étaient demandées par des propriétaires, locataires et agences immobilières, et non par son employeur, lequel lui a répondu très clairement qu'il n'avait à respecter que ses directives. Il a de même été répondu par la SARL GROUPE PROTECTOR que Monsieur [Q] [S] n'avait pas à se déplacer en cas de tapage nocturne. Seule la distribution du courrier des résidents a été reconnue par l'employeur comme étant une tâche demandée au salarié.
Cette dernière tâche est une activité annexe aux missions de Monsieur [Q] [S], lequel n'invoque aucune disposition légale ou conventionnelle interdisant à l'employeur d'étendre les missions principales de ses agents à des activités annexes. Il était prévu au contrat de travail du 2 novembre 2011 que le salarié pourrait également « se voir confier des missions techniques annexes simples et répétitives ».
Il n'est donc pas établi que l'employeur ait manqué à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles en confiant au salarié des missions annexes à sa mission de surveillance.
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Le défaut d'organisation par l'employeur d'une visite semestrielle en juin 2012, dont il n'est pas établi qu'il aurait eu des répercussions sur l'état de santé du salarié, lequel a poursuivi sa prestation de travail jusqu'à l'organisation de la visite médicale annuelle du 23 janvier 2013 et a également bénéficié d'une visite médicale de reprise du 13 août 2013 sans que ne soit constatée une limitation de son aptitude à son poste de travail, le défaut de prise en charge par l'employeur de l'entretien de la tenue de travail du salarié et le manquement de l'employeur à ses obligations réglementaires relatives au port de deux insignes sur la tenue de travail du salarié ne constituent pas, même pris dans leur ensemble, des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de Monsieur [Q] [S].
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.
L'appelant ne discute pas par ailleurs du bien-fondé de son licenciement pour faute grave.
La Cour confirme donc le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [Q] [S] de ses demandes au titre du préavis, des congés payés sur préavis, de l'indemnité légale de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
Monsieur [Q] [S] fait valoir que l'employeur a, à plusieurs reprises, gravement manqué à son obligation de sécurité, d'une part en omettant de lui faire passer une visite semestrielle conformément à son statut de travailleur de nuit, d'autre part en ne lui fournissant pas de dispositif de travailleur isolé et, enfin, en n'établissant pas le document unique devant contenir les résultats de l'évaluation des risques professionnels.
Il a été vu ci-dessus que Monsieur [Q] [S] n'était pas un travailleur isolé et que le manquement de l'employeur à ce titre n'était pas caractérisé.
La SARL GROUPE PROTECTOR ne justifie pas de l'établissement du document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs en conformité avec les dispositions des articles L.4121-3 et R.4121-1 du code du travail. De même, la société n'a pas organisé la visite médicale semestrielle en juin 2012, mais il n'a pas été démontré par le salarié que ce manquement aurait eu des répercussions sur son état de santé.
Si Monsieur [Q] [S] sollicite l'octroi de dommages intérêts pour les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, il n'invoque pas cependant avoir subi un préjudice résultant de ces manquements autre que de principe et ne verse aucun élément quant à l'existence ou l'étendue de son préjudice.
Dans ces conditions, en l'absence de tout préjudice démontré en lien avec les manquements de l'employeur, la Cour déboute Monsieur [Q] [S] de sa demande d'indemnisation de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Confirme le jugement,
Condamne Monsieur [Q] [S] aux dépens et à payer à la SARL GROUPE PROTECTOR 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT