La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2016 | FRANCE | N°14/05925

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 15 décembre 2016, 14/05925


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 DÉCEMBRE 2016



N°2016/836

SP



Rôle N° 14/05925







[O] [T]





C/



L'Association API

Provence





















Grosse délivrée le :

à :



Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON



Me Manuella GUERRE, avocat au barreau de GRASSE













r>


Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section AD - en date du 11 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/350.





APPELANT



Monsieur [O] [T], demeurant [Adresse ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 DÉCEMBRE 2016

N°2016/836

SP

Rôle N° 14/05925

[O] [T]

C/

L'Association API

Provence

Grosse délivrée le :

à :

Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON

Me Manuella GUERRE, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section AD - en date du 11 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/350.

APPELANT

Monsieur [O] [T], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉE

L'Association API Provence, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Manuella GUERRE, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2016

Signé par Monsieur Thierry VERHEYDE, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [T] a été engagé par l'association Accompagnement Promotion Insertions (API Provence) selon contrat à durée déterminée le 23 juillet 2001 en qualité d'agent de gestion, statut employé, à temps partiel, sur le Foyer de [Localité 1], puis à compter du 1er septembre 2002, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein , sur le Foyer de [Localité 2], sous la responsabilité de M. [Y] (directeur de l'unité opérationnelle de [U]).

L'association API (ci-après désignée « l'association ») a pour mission principale d'assurer le logement et l'accompagnement social de personnes en difficulté à travers différentes structures (foyer de jeunes travailleurs, résidence sociale de travailleurs migrants, logements d'urgence, résidence pour saisonnier etc.).

Les assistants de gestion sont chargés d'assister le directeur de l'unité territoriale concernée dans la gestion de la résidence confiée, cette gestion comprenant notamment une partie comptabilité (saisie, enregistrement et transmission des factures, des encaissements, des impayées, aides au logement etc.) et une partie de gestion sociale (contrôler les entrées et sorties dans les établissements, faire remonter les informations concernant la situation des résidents etc.).

Monsieur [T] a été élu membre de la délégation unique du personnel le 18 janvier 2006.

À l'issue d'une procédure disciplinaire, Monsieur [T] s'est vu notifier le 13 mars 2007 la sanction de mutation disciplinaire sur un poste d'accompagnateur social basé à [Localité 3] à partir du 2 avril 2007.

Invoquant le refus réitéré du salarié d'accepter la sanction de mutation, et dans le même temps la découverte de nouveaux manquements de sa part, l'association a convoqué Monsieur [T] en vue d'un entretien préalable puis a soumis le licenciement à l'autorisation de l'inspection du travail par courrier du 1er août 2007. Par courrier du 4 octobre 2007, l'inspection du travail a refusé l'autorisation.

Selon courrier du 12 octobre 2007, l'association a alors acté son obligation de confirmer le salarié dans son poste, sur son unité opérationnelle, tout en l'informant qu'à compter de la réception du courrier il était affecté, toujours au sein de l'unité territoriale [U], sur les établissements de [Localité 1] et d'[Localité 4].

Monsieur [T] a été désigné délégué syndical par la CGT le 12 septembre 2008.

Exposant avoir tenu compte des difficultés exprimées tant par Monsieur [T] que par Monsieur [Y] son supérieur (directeur de l'unité [U]), l'association a décidé d'un rattachement de Monsieur [T], non plus à l'unité territoriale d'[U], mais à l'unité territoriale de [Localité 5] à compter du 14 avril 2009. L'intéressé restait en charge des établissements de [Localité 1] et [Localité 4], tout en relevant désormais d'un nouveau responsable hiérarchique, Mme [K].

Soutenant être confrontée à une persistance de graves manquements professionnels de la part de Monsieur [T], l'association a mis en 'uvre une procédure de licenciement, en janvier 2011 au retour d'un arrêt de travail pour maladie, et a convoqué par courrier du 17 janvier 2011 Monsieur [T] à un entretien préalable fixé au 27 janvier suivant.

La procédure n'a pas été menée à son terme, l'association exposant que le salarié avait alors manifesté son souhait de démissionner puis de bénéficier d'une rupture conventionnelle.

Monsieur [T] a toutefois saisi le 8 mars 2011 le conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. Il a par ailleurs été placé en arrêt maladie à compter du 1er février 2011 et n'a jamais repris le travail.

En septembre 2011, l'association a mis en 'uvre une nouvelle procédure en vue d'un licenciement, et après que l'inspection du travail se soit déclarée incompétente pour autoriser le licenciement, Monsieur [T] ne bénéficiant plus du statut de salarié protégé depuis les dernières élections professionnelles organisées en février 2010, l'association a notifié le licenciement pour faute grave selon courrier du 3 novembre 2011.

Par jugement de départage du 11 février 2014 assorti de l'exécution provisoire à hauteur de 50 % des sommes mises à la charge de l'employeur, le conseil de prud'hommes de Toulon a débouté Monsieur [T] de ses demandes au titre du classement au poste d'agent de maîtrise de niveau II, de rappel de salaire en résultant, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale, de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes subséquentes. Le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné l'association à payer au salarié les sommes suivantes :

'3419,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 314,97 euros de congés payés y afférents

'5853 € au titre de l'indemnité de licenciement

'11 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a en outre ordonné le remboursement par l'association à pôle emploi des indemnités de chômage versées dans la limite de 3 mois, ordonné la remise des documents sociaux conformes à la décision, débouté Monsieur [T] de sa demande relative aux frais prévus par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996, et laissé les dépens à la charge de l'association.

Monsieur [T], à qui ce jugement a été notifié le 13 février 2014, en a interjeté appel le 11 mars 2014.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [T] appelant, demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de juger qu'il doit bénéficier du poste d'agent de maîtrise de niveau 2 (AM2) et du rappel de salaire correspondant, de juger qu'il a été victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, juger que cette rupture produit les effets d'un licenciement nul conformément à l'article L 1152'3 du code du travail, et d'ordonner sa réintégration à son poste sous astreinte de 100 € par jour de retard en raison de la nullité de la rupture.

Monsieur [T] demande la condamnation de l'association lui régler les sommes suivantes :

'6565,33 euros outre 656,53 euros au titre des congés payés correspondant, à titre de rappel de salaire niveau AM2 de l'accord d'entreprise

'dommages et intérêts pour harcèlement moral : 20 000 €

'dommages-intérêts pour discrimination syndicale : 10 000 €

'paiement des salaires depuis le licenciement soit novembre 2011 jusqu'à la date de réintégration arrêtée en juin 2013 : 35 126 €

'paiement des salaires jusqu'à juin 2016 : 63 216 € soit au total 98 342 € outre les congés payés afférents 9834,20 euros.

Subsidiairement, si la cour ne prononce pas la réintégration, l'appelant demande la condamnation de l'association à payer les sommes suivantes :

'indemnité de préavis (2 mois) : 1756 × 2 = 3512 €

'congés payés sur préavis : 351,20 euros

'indemnité de licenciement : 5853 €

'salaires dus jusqu'à l'arrêt (fin juin 2016) 98 342 € outre les congés payés afférents 9834,20 euros

'dommages-intérêts : 25 000 €.

À titre subsidiaire, sur le licenciement, Monsieur [T] demande la confirmation du jugement rendu ayant jugé que le signataire de la lettre de licenciement n'avait pas la qualité pour procéder à celui-ci, et juger en conséquence que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

À titre « infiniment subsidiaire » sur le fond, Monsieur [T] demande à la cour de juger que les motifs invoqués au soutien du licenciement ne revêtent aucun caractère réel et sérieux et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

À ce titre, Monsieur [T] demande la condamnation de l'association à payer les sommes suivantes :

'indemnité de préavis (2 mois) : 1756 × 2 = 3512 €

'congés payés sur préavis : 351,20 euros

'indemnité de licenciement : 5853 €

'salaires dus jusqu'à l'arrêt (fin juin 2016) 98 342 € outre les congés payés afférents 9834,20 euros

'dommages-intérêts : 25 000 €.

En toute hypothèse, Monsieur [T] demande de voir ordonner la remise des documents rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard (bulletins de salaire rectifiés, attestation pôle emploi, certificat de travail) et de voir condamner l'association à payer 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association Accompagnement Promotion Insertions (API Provence) demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que Monsieur [T] ne faisait l'objet d'aucun harcèlement moral ni d'aucune discrimination syndicale, de juger que l'intéressé a été réglé de l'intégralité de ses droits à salaires au titre du niveau 1 des assistants de gestion dont il relevait, en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de sa demande de résiliation judiciaire et de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions afférentes, et de l'infirmer pour le surplus, et ce faisant, de juger que le Directeur Général avait bien les pouvoirs de mener l'ensemble de la procédure de licenciement et de signer l'ensemble des courriers afférents dans la lettre de notification du licenciement, de juger que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé, de juger non fondée dans son principe et injustifiée dans son montant la demande de dommages-intérêts de l'appelant, et en conséquence de débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et de juger qu'il n'y a pas lieu pour l'association à un remboursement d'allocations chômage à pôle emploi.

En tout état de cause, l'association demande de juger non fondée dans son principe et impossible la demande de réintégration de Monsieur [T] et de le condamner au paiement d'une somme de 3500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des demandes et moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, oralement reprises.

SUR CE

Sur la demande de rappel de salaire

Monsieur [T], engagé en 2001 en qualité d'assistant de gestion de niveau I, soutient avoir revendiqué dès 2008 un poste d'assistant de gestion de niveau II. Il soutient que compte tenu de son ancienneté la question de son évolution de carrière se posait, d'autant que concomitamment, un accord d'entreprise permettait de revoir les classifications du personnel. Il invoque l'existence d'une discrimination en matière d'évolution de carrière, le principe « à travail égal salaire égal », et l'absence de réponse pertinente de l'employeur sur le fait que Monsieur [T] était placé dans une situation différente de celle de ses collègues de travail, alors que l'employeur doit pourtant justifier d'élément objectif et pertinent justifiant la différence de traitement.

L'association répond que le classement entre le niveau 1 et le niveau 2 n'est pas lié à l'ancienneté des assistants mais au contenu du poste confié et à la cotation en découlant, en application du référentiel de compétences mis en place par l'accord d'entreprise ; que sur dix assistants de gestion, six ont été classés en niveau 2, et quatre, dont Monsieur [T], en niveau 1.

* *

Il est acquis aux débats que le 15 septembre 2008 un accord d'entreprise a été signé entre la direction et les organisations syndicales, dont Monsieur [T] délégué syndical CGT.

L'accord a pour objet de définir le statut et les conditions de travail des salariés de l'association en l'absence d'application d'une convention collective nationale de branche.

Au paragraphe de la classification des emplois, il est indiqué que pour effectuer le classement des salariés dans les différents niveaux il convient de s'attacher à l'emploi occupé et aux fonctions exercées qui déterminent l'appartenance à l'une des catégories : employés, ouvriers, agent de maîtrise, cadres, et de se référer au référentiel de compétences annexées au présent accord, permettant de déterminer le niveau de compétence. Le tableau de classification énonce les définitions suivantes :

'employé E1 : les emplois de ce premier niveau ne nécessitent aucune qualification professionnelle ; l'employé du groupe 1 est chargé de l'exécution de tâches simples et bien définies selon les directives fixant la nature du travail et la manière de le faire sans appel à une technicité particulière

'employé E2 : l'embauche ou l'accès par promotion interne au 2e niveau s'effectuera pour accomplir les tâches d'exécution composée d'opérations variées pouvant relever d'emplois différents mais qu'il faut enchaîner de façon cohérente selon les consignes fixant les limites des initiatives à prendre ainsi que les moyens et les méthodes à utiliser. La technicité ainsi requise correspond à un niveau de connaissances acquises par l'expérience professionnelle ou la formation initiale (CAP, BEP, niveau 5 et 6B éducation nationale)

Le passage au niveau II se rattache donc, non pas à l'ancienneté, mais à la définition des compétences effectivement exercées. À cet égard il n'est pas contesté par Monsieur [T] que tous les assistants de gestion n'ont pas le même contenu de poste, certains assistants exerçant des responsabilités supérieures liées par exemple à un nombre de lots facturés plus importants, à une variété de types de publics dans la résidence confiée, à la nécessité de maîtriser des règles de fonctionnement propres à certains types de logements, impliquant un niveau de relationnel, de responsabilité et d'autonomie plus important.

L'employeur verse aux débats un tableau de synthèse des situations des assistants de gestion en 2009, 2010 et 2011 (pièce 68 à 70) dont il résulte que sur 10 assistants de gestion, 4 (Mesdames Messieurs [A], [H], [S], et [T]) ont été maintenus au niveau 1 en 2009, 3 (Mesdames Messieurs [H], [S] [T] ) en 2010, et 2 ( [S] [T]) en 2011.

Les bulletins de salaires versés aux débats confirment cette classification.

Il apparaît toutefois que Monsieur [A], qui est passé au niveau 2 en 2010, a vu concomitamment le nombre de lots facturés augmenter passant de 165 à 208 (tandis qu'à la même période Monsieur [T] avait la charge inchangée de 63 lots) et qu'il a à partir de 2010 assumé une délégation de gestion de personnel, circonstances qui justifient d'une modification de son poste eu égard à l'augmentation des compétences exercées. Madame [H] qui a bénéficié du niveau 2 à compter de 2011, a vu concomitamment le nombre de lots facturés qui lui étaient confiés passer de 134 en 2010 à 312 en 2011, tandis qu'une délégation de gestion du personnel et de mise en place d'outils de contrôle de budget lui était confiée.

Il résulte de ces éléments que d'une part l'affirmation de Monsieur [T] selon laquelle tous les salariés qui occupaient un poste d'assistant de gestion sont passés du niveau 1 au niveau 2 est erronée, et que d'autre part, les salariés ayant bénéficié d'une évolution vers le niveau 2 assumaient des fonctions différentes de celles Monsieur [T]. L'employeur justifie d'élément objectif et pertinent qui justifie la différence de classification. La demande de rappel de salaire doit être rejetée.

Sur le harcèlement

Aux termes des dispositions de l'article L 1152'1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

À l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral, Monsieur [T] invoque des sanctions disciplinaires injustifiées soutenant qu'il a été convoqué en moins de 4 ans à plusieurs reprises dans le cadre de procédures qui n'ont jamais abouti ou qui n'ont pas été menées jusqu'au bout par l'employeur. Il invoque également des tentatives de modification de son contrat de travail ou de changement de ses conditions de travail contre son avis alors qu'il était salarié protégé. Il allègue de conditions de travail non conformes aux normes en vigueur et ne garantissant pas la sécurité du salarié (local de travail exigu à [Localité 1]), et les agissements de son supérieur Monsieur [Y] qui aurait eu à son égard un comportement agressif et irrespectueux. Il soutient avoir alerté à plusieurs reprises la direction à propos du comportement de celui-ci. Il invoque enfin l'absence de réponse à ses revendications sur un poste de travail de niveau 2, et la dégradation de son état de santé.

M. [T], qui a été élu délégué du personnel en 2006, présente les éléments de fait suivants :

- sanction disciplinaire du 13 mars 2007 de mutation disciplinaire (pour manquement aux obligations administratives quant aux déclarations d'entrée et de sortie des résidents, absence de facturation de logements qui étaient ainsi occupés par des personnes sans droit ni titre, non-respect des procédures comptables, financières et administratives en vigueur, pratique ne correspondant pas aux valeurs de l'association)

- attestation du 30 mars 2007 de remise des clés par Monsieur [T] de l'établissement de la Seyne, dans lequel il travaillait avant le prononcé de la sanction disciplinaire

'courrier RAR du 31 mai 2007 par lequel Monsieur [T], se référant à un précédent courrier du 21 mars 2007, affirme son refus de la sanction disciplinaire, contestant les griefs, et son refus de la double modification de son contrat de travail (lieu et contenu)

'courriel de Monsieur [T] à l'association du 7 juin 2007 en réponse aux interdictions de la direction qu'il a reçues de pénétrer dans le bureau de gestion, de communiquer avec les membres de l'équipe et de communiquer avec les résidents, demandant à l'employeur d'adresser ses injonctions par écrit « avec les arguments juridiques qui les fondent »

'arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif le 8 juin 2007

'sommation interprétative délivrée par l'employeur le 8 juin 2007 à Monsieur [T] d'avoir à confirmer qu'il entend rejoindre son nouveau poste de travail et d'avoir à préciser pour quelle raison il a réintégré à compter du 4 juin son ancien poste à [Localité 2]

' courrier du 11 juin 2007 de l'association, rappelant que la sanction est applicable depuis le 2 avril 2007 et que le lieu de travail de Monsieur [T] est désormais à [Localité 3] et faisant état du fait que la présence de l'attitude de Monsieur [T] dans l'établissement de [Localité 2] perturbait les collaborateurs de l'association en poste au sein de celui-ci

' courrier de Monsieur [T] à la direction le 14 juin 2007, en réponse, dans lequel l'intéressé indique ne pas comprendre l'acharnement à vouloir formuler à son encontre des accusations non fondées

' courriel de Monsieur [T] à la direction le 19 juin 2007 pour l'informer que depuis le 26 mars 2007 il est privé de tout moyen de travail, qu'il n'a plus accès au serveur pour au moins suivre les documents de travail du comité d'entreprise

' courrier de Monsieur [T] du 22 juin 2007 par lequel il démissionne de sa fonction de trésorier du comité d'entreprise tout en restant délégué du personnel

' arrêt de travail du 16 juillet 2007 pour « intoxication médicamenteuse. Épisode dépressif »

' décision du 4 octobre 2007 de l'inspection du travail ayant rejeté la demande présentée le 6 août 2007 par le directeur de l'association tendant à obtenir le licenciement de Monsieur [T] pour les motifs disciplinaires suivants : outre le refus du salarié le 4 juin 2007 d'accepter la mutation disciplinaire prononcée à son encontre, la récupération entre le 2 avril le 1er juin 2007 d'une somme d'argent qui lui a été adressée par un résident de l'association en situation de débit vis-à-vis de celle-ci, et différents manquements : défaut de déclaration d'entrée sortie de résidents, défaut de facturation des logements occupés, usages de pratiques contraires à l'éthique de l'association, non-respect des procédures comptables financières et administratives en vigueur

' courrier du 12 octobre 2007 par lequel l'association tout en actant son obligation de confirmer le salarié dans son poste suite au refus de l'inspection du travail, indique « se réserver le droit de contester cette décision », et informe Monsieur [T] qu'il est désormais affecté au sein de l'établissement de [Localité 1] pour assurer sa fonction d'assistant de gestion ainsi que du site d'[Localité 4]

' courrier du 26 février 2009 de [T] au directeur général de l'association indiquant notamment : « aujourd'hui Monsieur [Y] a ouvert un nouvel épisode dans son harcèlement. Étant donné que le problème informatique au bureau de [Localité 1] n'est toujours pas résolu depuis le mois de novembre 2008, je me suis rendu, à la demande de Monsieur [Y] à l'établissement de [Localité 2] pour travailler sur l'ordinateur. Il m'interpelle avec un mépris non dissimulé alors que j'étais en pleine activité. Il me donne l'ordre d'exécuter une tâche « en 3 touches » pour reprendre ses propos. Toute cette scène s'est déroulée sous le regard de Madame [O], sa compagne. Je lui ai demandé de faire preuve d'un peu plus de respect envers moi, et m'a rétorqué qu'il n'a aucun respect pour moi. Je vous passe les détails. Monsieur le directeur, je crois qu'il est plus que jamais temps de trouver une solution durable aux attitudes violentes de Monsieur [Y] envers moi mais aussi envers les autres membres de l'équipe. Ce rôle, me semble-t-il, vous incombe. Je vous rappelle qu'en octobre 2007 je vous ai assuré avec sincérité de mon intention de travailler avec intelligence dans l'intérêt de notre association. Cet esprit m'anime toujours. En revanche il est pour moi, hors de question, de subir à nouveau ce harcèlement que j'ai connu pendant de long mois qui a mis à mal mon équilibre psychologique et qui a même failli provoquer le pire. Monsieur le directeur, je vous prie de prendre au sérieux cet appel et de ne pas laisser pourrir cette situation' »

' courrier du 19 mars 2009 de l'association à Monsieur [T] en réponse, par lequel le directeur général propose à l'intéressé de rencontrer la directrice des ressources humaines pour s'entretenir avec elle des faits mentionnés dans le courrier

' courrier du 17 mars 2009 de la direction de l'association à Monsieur [T] en ces termes : « nous constatons que depuis le lundi 9 mars 2009 vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail. Vous nous avez transmis par courrier un arrêt de travail initial pour la période du 2 au 6 mars 2009 inclus. Vous auriez dû reprendre nos fonctions le lundi 9 mars 2009. À ce jour vous n'avez envoyé aucun justificatif ni contacté votre supérieur hiérarchique ou la direction des ressources humaines. Par ailleurs, vous avez sollicité une autorisation pour vous absenter du 16 au 20 mars 2009, en vue de participer à un stage de formation économique(') par la CGT. Nous vous mettons en demeure d'adresser au service des ressources humaines tous documents de nature à justifier de votre absence pour la période du 9 au 13 mars 2009.' »

'Courrier de convocation le 17 mars 2009 à un entretien préalable en vue d'une mesure disciplinaire, fixé au 25 mars 2009

' courrier du 21 mars 2009 de Monsieur [T] à la direction pour dénoncer le fait de n'avoir reçu aucune réponse à la suite de son courrier du 25 février 2009, et de l'incident à son sens très grave qui s'était déroulé avec son supérieur Monsieur [Y], et pour dénoncer que « ceci apparaît clairement être une volonté des responsables de notre association de laisser pourrir cette situation ». Dans ce courrier le salarié indique qu'en sa qualité de délégué syndical CGT, il porte la question aux débats de la prochaine réunion des délégués du personnel pour obtenir des explications sur le comportement agressif de Monsieur [Y], et qu'il a la conviction profonde que la source de tous ses problèmes relève d'une discrimination syndicale pour laquelle il saisit la Halde

' courrier du secrétaire général CGT [Localité 2] à la direction de l'association pour l'informer que la convocation de Monsieur [T] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire est considérée comme une volonté de mettre le délégué syndical en difficulté

' courrier du 11 avril 2009 de Monsieur [T] à la direction de l'association dans lequel il dénonce ses conditions de travail : bureau de l'établissement de [Localité 1] et d'[Localité 4] (3,90 m² sans aération avec une chaise en bois à [Localité 1], des odeurs nauséabondes à [Localité 4]), difficulté d'accès aux dossiers résidents, absence de tampon, de fax, problème de connexion au serveur etc., et dans lequel il rappelle sa demande de passage de statut d'assistant au niveau 2 et demande des explications à cet égard

' courrier de réponse du 24 avril 2009 de la direction qui l'informe notamment que consécutivement à l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise certains postes ont fait l'objet d'un changement de statut mais que le poste occupé par Monsieur [T] n'est pas concerné par ce changement de statut, et propose la signature d'un nouveau contrat de travail répondant selon l'employeur à la réorganisation structurelle de l'unité de [Localité 5]

' réponse de Monsieur [T] à l'employeur le 23 mai 2009 lui indiquant notamment qu'aucune réponse n'a été apportée sur sa réclamation sur le bureau de [Localité 1] et d'[Localité 4], et sur sa demande de passage au niveau 2, et contestant le projet de contrat de travail au motif que figure une clause de mobilité qui s'étend sur 2 départements et une baisse substantielle de la rémunération

' le compte rendu du CHSCT du 13 mai 2009 sur le foyer de [Localité 1] après que le CHSCT ait été interpellé par Monsieur [T] selon courriel du 9 mars 2009 sur la superficie du bureau et ses conditions de travail, qui conclut en ces termes : « compte-tenu des éléments normatifs' nous constatons que le local occupé au titre de bureau sur le site de [Localité 1] ne respecte pas les dispositions concernant' les dimensions des espaces de travail en bureau,' les préconisations de l'INRS sur les espaces de circulation, ' sur la ventilation des locaux fermés où les travailleurs sont appelés à séjourner, ' concernant les dimensions des plans de travail,' concernant le mobilier de bureau », « le local mis à disposition du salarié n'est pas conforme aux normes en vigueur pour servir de bureau et les conditions de travail ne sont pas réunies pour garantir la sécurité des salariés quels qu'il soit. De ce fait nous concluons que le local visité ne peut servir de bureau en l'état »

' Courrier du 2 octobre 2009 RAR de l'association à Monsieur [T] pour solliciter à nouveau la signature d'un nouveau contrat de travail

' courrier de Monsieur [T] à la direction le 20 novembre 2009 pour solliciter de nouvelles précisions avant toute décision de sa part sur la proposition de contrat de travail

' courrier de Monsieur [T] le 13 janvier 2010 à la direction, en sa qualité de délégué syndical, pour contester l'encombrement du tableau d'affichage réservé aux organisations syndicales, et dénoncer la réaction agressive de Monsieur [Y] « ici tu n'es pas chez toi »

' convocation par courrier du 3 mars 2010 de l'employeur de Monsieur [T] à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure disciplinaire

' arrêt travail le 29 mars 2010 pour « anxiété généralisée »

' courrier du 21 avril 2010 de la médecine du travail « je suis depuis janvier 2010 Monsieur [T] pour un problème de souffrance morale au travail avec retentissement important envahissant la sphère familiale. Ce salarié a finalement suivi mon conseil de prise en charge par un psychiatre pour traiter sa pathologie compliquée d'une addiction à l'alcool. Je pense que sa situation professionnelle peut s'améliorer et il m'apparaît nécessaire qu'il puisse continuer à bénéficier des soins actuels. Il est probable qu'aujourd'hui un arrêt de soins entraîne des difficultés augmentées à son travail et aboutisse un licenciement pour inaptitude qui ne ferait que conforter et rendre chronique sa pathologie.' »

' Récépissé de déclaration de main courante du 3 septembre 2010 par laquelle Monsieur [T] indique « hier je suis allé au foyer de la [Adresse 3]. J'ai eu un différend avec Monsieur [Y] [G] qui m'interdit l'accès à ce foyer sans raison aucune. Je lui ai demandé pourquoi et lui ai expliqué que je venais voir un salarié. Celui-ci a refusé m'a mis dehors et m'a menacé de représailles si je revenais dans ce foyer. Ce n'est pas la première fois qu'il me dit des choses pareilles. Je me réserve le droit de déposer plainte s'il venait à réitérer ses menaces ou venait à me frapper »

' attestation de Madame [K] en ces termes « lors de la passation des consignes en avril 2009 pour les établissements de [Localité 1], [Localité 4], [Adresse 4], Monsieur [G] [Y] m'a tenu des propos injurieux à l'égard de Monsieur [T] qui travaillait comme assistant de gestion sous sa responsabilité. Je cite « débarrasse nous de cette planche pourrie »

' différents certificats médicaux de nature à établir que Monsieur [T] est suivi en consultation psychiatrique depuis mars 2010

' arrêt travail du 14 octobre 2010 pour anxiété, asthénie, consommation addictive

' courrier RAR du 9 janvier 2011 de Monsieur [T] à la direction pour réclamer une nouvelle fois son passage au niveau 2 invoquant une discrimination injustifiable qui pourrait l'inciter à saisir le conseil de prud'hommes

' convocation de Monsieur [T] par courrier du 17 janvier 2011 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire

' courrier du 22 janvier 2011 de Monsieur [T] auprès du directeur départemental pour se plaindre de ne pas avoir été, contrairement aux autres assistants de gestion, invité à assister à une formation en vue de préparer la nouvelle réorganisation au sein de l'association

' courriel de Monsieur [T] à Monsieur [Y] avec copie au directeur, du 1er février 2011 pour indiquer qu'il n'a pas les codes d'accès aux comptes lui permettant de finaliser la comptabilité de janvier pour [Localité 1]

' convocation par courrier du 22 septembre 2011 de Monsieur [T] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 4 octobre 2011

' notification du licenciement par courrier du 3 novembre 2011.

Il résulte de l'ensemble de ces pièces que le salarié présente des éléments de fait, qui pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement, en ce que :

'suite au refus par le salarié de la modification de son contrat de travail décidée à titre de sanction disciplinaire, l'employeur n'aurait pas immédiatement soit mis en 'uvre la procédure de licenciement, soit renoncé à la modification, mais aurait persisté dans sa volonté d'imposer la modification du contrat

'à plusieurs reprises (le 7 mars 2009, le 3 mars 2010, le 17 janvier 2011,) l'employeur a convoqué le salarié en vue de sanctions, mais n'aurait donné aucune suite à la procédure, ce qui est susceptible de caractériser une volonté de maintenir le salarié dans l'incertitude quant à son sort

'alors que l'inspection du travail avait refusé le licenciement en octobre 2007, l'employeur aurait modifié les conditions de travail de Monsieur [T] et lui aurait imposé de travailler désormais sur les établissements de [Localité 1] et [Localité 4], alors que l'intéressé est en outre salarié protégé

'les locaux dans lesquels Monsieur [T] a été amené à travailler à partir d'octobre 2007, à [Localité 1] ne sont pas conformes aux normes en vigueur

'Monsieur [T] aurait été victime du comportement agressif de son supérieur Monsieur [Y] ainsi qu'en atteste Madame [K]

'il n'aurait pas été convié en janvier 2011, contrairement aux autres assistants de gestion, à assister à une formation en vue de préparer la nouvelle réorganisation au sein de l'association

-les agissements sont suceptibles d'avoir entraîné une dégradation de l'état de santé de Monsieur [T], dont la médecine du travail a noté la souffrance morale au travail.

Il incombe dès lors à l'employeur qui conteste les faits de harcèlement moral qui lui sont reprochés, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa position et ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'association soutient à cet égard que la mesure disciplinaire initiée en mars 2007 était justifiée par les graves manquements professionnels commis par Monsieur [T], confirmé par un audit interne ; que compte tenu de la nature des manquements commis, il apparaissait inenvisageable dans un souci de protection des résidents eux-mêmes et des intérêts de l'association, de maintenir le salarié au sein du même établissement et de le maintenir dans des fonctions d'assistant de gestion ; que l'association n'était pas tenue de saisir l'inspection du travail sur la sanction de mutation disciplinaire prononcée ; que l'association a tiré les conséquences du refus réitéré du salarié ; que Monsieur [T] ne s'est jamais vu empêcher d'exercer son mandat de représentant du personnel et en particulier de trésorier du CE ; que tirant les conséquences du refus du salarié d'accepter la sanction de mutation, et ayant découvert de nouveaux manquements, l'association a été contrainte d'engager une procédure de licenciement sans aucun acharnement à l'encontre de Monsieur [T] ne puisse lui être reproché ; que la décision de refus de l'inspection du travail du 4 octobre 2007 n'a pas « blanchi » le salarié, l'inspection ayant essentiellement retenu des motifs de forme ; que les convocations ultérieures en vue de sanction disciplinaire étaient motivées par de multiples manquements relevés au fur et à mesure par l'employeur ; que Monsieur [T] faisait en particulier preuve d'une particulière agressivité allant jusqu'à des menaces physiques à l'encontre de son supérieur Monsieur [Y] ; qu'en février 2009, dans l'espoir de parvenir à un réel apaisement la direction a pris la décision de renoncer à la sanction envisagée alors que Monsieur [T] avait été pleinement informé des motifs de la procédure lors de l'entretien préalable du 25 mars 2009 ; que tenant compte des difficultés exprimées tant par Monsieur [T] que par Monsieur [Y] son supérieur (directeur de l'unité [U]), l'association a décidé alors d'un rattachement de Monsieur [T], non plus à l'unité territoriale d'[U], mais à l'unité territoriale de [Localité 5] à compter du 14 avril 2009 (l'intéressé relevant désormais d'un nouveau responsable hiérarchique, Mme [K]) ; que si la procédure de 2011 n'a pas été menée à son terme c'est en raison du souhait exprimé par Monsieur [T] de démissionner puis de bénéficier d'une procédure de rupture conventionnelle.

L'employeur ajoute qu'aucun crédit ne peut être porté au témoignage de Madame [K] qui est en conflit avec l'association et que la preuve est rapportée de l'absence de tout agissements répréhensibles ou contestables de la part de Monsieur [Y] à l'encontre de Monsieur [T] et qu'au contraire l'employeur s'est heurté à un manquement réitéré de Monsieur [T] à ses obligations professionnelles, à des réactions d'agressivité et de violence, y compris par des menaces de mort, témoigné par le salarié contre Monsieur [Y] à chaque fois que celui-ci tentait de remplir son rôle de chef de service ; que dès la dénonciation de son prétendu harcèlement, il a bénéficié d'un changement de responsable hiérarchique.

En ce qui concerne les conditions matérielles de travail, l'association soutient que Monsieur [T] a bénéficié comme ses prédécesseurs et comme ses successeurs du seul bureau disponible sur la structure de [Localité 1] ; qu'il n'a pas été mis au placard ; que dès sa subite « plainte » sur ce point l'association a pris toutes les mesures qu'elle est à même de prendre compte tenu des contraintes qui s'imposaient à elle.

En ce qui concerne la revendication au poste d'assistant de gestion niveau 2, l'association rappelle que ce classement n'est pas lié à l'ancienneté et qu'elle s'en est expliquée à plusieurs reprises avec Monsieur [T].

L'employeur verse aux débats les pièces suivantes :

- compte rendu de contrôle interne des 29 et 30 janvier et 1er février 2007 sur l'occupation des logements et gestion des entrées sorties, dont il résulte que ce contrôle a été motivé à la suite d'une visite technique de sécurité du 23 janvier 2007, au cours de laquelle il a été constaté des occupations sans droit ni titre de certains logements de l'établissement de [Localité 2], et qui relate que la réunion spécifique et urgente demandée par la direction financière s'est déroulée en présence de Monsieur [T]

- la lettre de notification de la sanction disciplinaire de mutation disciplinaire du 13 mars 2007, qui contient des explications détaillées et précises quant aux investigations réalisées, aux contrôles sur place mis en 'uvre, et aux résultats de ces contrôles et notamment le fait qu'entre le 1er mars et décembre 2006 le lit B 55-5 est administrativement déclaré vide (pas de facture) alors que lors de la visite des 23 et 30 janvier 2007, celui est occupé par le résident Monsieur [U] [Q] qui avait été déclaré sorti fin août 2006, lequel déclare avoir réintégré le logement en novembre 2006 avec l'accord de Monsieur [T] et lui avoir versé 200 € de plus que déclaré par Monsieur [T] en comptabilité

- procès-verbal de réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 17 juillet 2007 pour délibérer sur le projet de licenciement de Monsieur [T], dont il résulte que la consultation est reportée au 24 juillet en raison de l'absence pour maladie de l'intéressé

- lettre adressée par l'association à l'inspection du travail pour demander l'autorisation de licencier Monsieur [T], le 1er août 2007 reprenant les griefs contenus dans la sanction disciplinaire et invoquant le fait que pendant l'arrêt maladie, Monsieur [T] a personnellement récupéré à la demande d'un ancien résident, débiteur de l'association, une somme d'argent reçue par mandat sans en informer le directeur de l'unité opérationnelle ni le siège

- courrier adressé le 11 juin 2007 à l'inspection du travail par l'association pour indiquer que le salarié à la suite de la sanction de mutation a été placé en arrêt maladie, et a semblé adopter un comportement de contestation de la sanction, et saisissant l'inspection de la difficulté

- procès-verbal de constat du 4 octobre 2007 dont il résulte que 2 salariés Mesdames [G] et [F] ont indiqué à l'huissier que Monsieur [T] était absent depuis le début de la semaine

- courrier du 28 février 2008 de la direction à Monsieur [T] pour solliciter de lui qu'il réponde de manière plus sérieuse à la demande qui lui a été faite de transmettre différents documents (inventaire, état des immobilisations etc.)

- courrier du 27 février 2009 adressé par Monsieur [Y] au directeur général pour solliciter qu'une sanction disciplinaire soit prise à l'encontre de Monsieur [T] en raison d'un travail non fait, d'insultes, de menaces de violence verbale (« tu ne me connais pas, je vais te donner la gifle de ta vie, on se retrouvera »)

- courrier du 13 janvier 2010 adressé par Monsieur [Y] au directeur général relatant avoir eu la visite le 12 janvier 2010 à l'établissement de [Localité 2] de Monsieur [T] est indiquant « de l'avis des 3 salariés présents ce dernier a semblé très agité. Il m'a reproché la mauvaise tenue des affichages obligatoires de façon très agressive décrochant lui-même les informations des IRP de l'emplacement qui leur était réservé. Je lui ai signifié mon désaccord sans toutefois m'opposer compte tenu de son excitation' Je tiens par ce courrier à attirer votre attention sur le comportement de ce salarié et vous faire part de mon inquiétude »

- courrier du 13 janvier 2010 adressé par Monsieur [Y] au directeur général en ces termes : « le 12 janvier 2010 vers 19h15 alors que je quittais l'établissement de [Localité 2] j'ai été suivi par Monsieur [T]. Il m'a empêché de quitter mon stationnement bloquant mon véhicule avec le sien. Il s'est alors porté à hauteur de ma fenêtre que j'avais ouverte. Il a commencé à proférer des menaces de mort à l'encontre de ma famille de moi-même. Me tenant responsable d'un traumatisme dont il serait victime, selon lui la seule hypothèse de guérison consisterait à me tuer, toujours à ses dires il s'agirait du fruit d'une thérapie. La violence des propos, l'attitude désespérée, laisse à penser la possibilité de mise à exécution de ces menaces. Je me suis donc rendu au commissariat de police de [Localité 2] où j'ai fait une déclaration de main courante dont vous trouverez le récépissé ci-joint. Je tiens par ce courrier à attirer votre attention sur le comportement de ce salarié et vous fait part de mon inquiétude

- récépissé de déclaration de main courante du 12 janvier 2010 par Monsieur [Y]

- courrier recommandé du 8 avril 2011 par l'association en la personne du directeur général à Monsieur [T], suite à la convocation prud'homale, pour lui rappeler qu'à la suite de la convocation à un entretien préalable fixé au 27 janvier 2011, le salarié avait pris l'initiative de le contacter pour lui faire part de sa volonté de démissionner de l'association et de son souhait de discuter des modalités possibles de son départ. Dans ce courrier l'employeur détaille les faits ayant motivé la convocation en vue d'une sanction à savoir absence de saisie de l'encaissement de 2 chèques pour un montant de 723 € ainsi que de la remise en banque, plainte de résidents sur l'absence de délivrance des factures et reçus informatiques, factures datant de 2010 et 2009 retrouvées empilées en vrac sur son bureau non distribuées, absence de mise à jour du nom du résident et du logement attribué dans 3 dossiers, dossier incomplet, non perception au retour de l'aide au logement engendrant des incidents de paiement tout en mettant les résidents en difficulté, retard dans le règlement des factures, non présentation, sans information préalable et justification à la réunion interne des assistants de gestion du 13 janvier 2011

- courrier de l'employeur à Monsieur [T] du 19 juin 2007, en réponse au courriel du même jour, pour lui indiquer qu'il n'avait jamais exprimé auparavant le besoin d'avoir accès à une armoire contenant des documents CE et DP dont personne ne connaissait l'existence jusqu'à aujourd'hui, pour l'informer qu'il pouvait accéder à ces documents dès qu'il en ferait la demande auprès de son collègue délégué du personnel et directeur de l'établissement de [Localité 2] pour les récupérer et les entreposer dans l'endroit qui lui convient le mieux, et pour lui rappeler que depuis le premier jour de son retour sur l'établissement il a une possibilité d'utiliser le bureau de Mademoiselle [F] qui est équipé d'un téléphone d'un ordinateur et d'un accès Internet, et enfin pour l'informer en ce qui concerne l'accès à la comptabilité du comité d'entreprise, qu'aucun membre du comité d'entreprise n'avait informé la direction que la comptabilité était sur le serveur de l'association et pour l'informer en conséquence qu'à compter de ce jour il a un droit d'accès spécifique sur le serveur pour qu'il puisse réaliser les tâches de comptabilité liées à ces fonctions de trésorier du comité d'entreprise

- courrier du directeur des ressources humaines du 19 juin 2007 à Monsieur [T] pour lui donner à compter de ce jour, un droit d'accès spécifique sur le serveur pour qu'il puisse réaliser des tâches de comptabilité liées à sa fonction de trésorier du comité d'entreprise

- lettre remise le 17 septembre 2010 à Madame [K] de propositions de reclassement et informations complémentaires dans le cadre de la remise de la CRP

- planning de Monsieur [T] pour la semaine du 20 avril 2009, dont il résulte que dans la semaine l'intéressé se trouve 3 demi-journées par semaine au bureau de [Localité 1]

- passation de consignes signée des intéressés, le 7 avril 2009 entre M. [Y] et Mme [K] concernant les établissements de [Adresse 4] ([Localité 5]), [Localité 4] et [Adresse 5] à [Localité 1]

- attestation de Monsieur [Z], directeur du patrimoine, dont il résulte qu'il a contacté au printemps de l'année 2009 le responsable des pôles foyers de la société bailleur afin de demander la possibilité d'obtenir un local au sein de la résidence [Adresse 5] pour effectuer des permanences administratives, et qu'après plusieurs échanges le bailleur a fait savoir qu'aucune possibilité n'était envisageable, aucuns locaux n'étant disponibles dans la résidence

- mail du 6 janvier 2011 adressé notamment à Monsieur [T] le conviant à une réunion le jeudi 13 janvier 2011 sur les changements prévus dans les procédures de comptabilité et de contrôle de gestion liées à la réorganisation de l'association

- e-mail du 14 janvier 2011 de Monsieur [Y] à Monsieur [T] pour lui demander le motif de son absence à la réunion du 13 janvier 2011

- courrier du 31 août 2011 du directeur de l'association Seynoise pour l'insertion au directeur de l'association Api, relatant la plainte de Madame [X], agent de propreté, au regard de l'attitude de Monsieur [T] à son égard (avance, compliment sur le physique et les tenues vestimentaires, invitation à déjeuner, geste déplacé, promesse d'un poste de secrétaire en CDI etc.)

- attestation de Madame [N] [D] en ces termes « en tant que chef d'équipe dans le nettoyage industriel à l'Aspi j'ai été amenée à mettre en place Mademoiselle [X] [T] afin qu'elle effectue une prestation de nettoyage (') au foyer API Provence d'[Localité 4], à compter du mois d'avril 2010, les premiers temps se passaient plutôt bien puis au fil des semaines j'ai constaté que Mademoiselle [X] semblait moins à l'aise pour se rendre sur ces secteurs, elle me demandait systématiquement si j'allais passer la voir, ce que je faisais bien sûr, mais je voyais bien qu'elle n'était pas tranquille. Elle semblait toujours vouloir me retenir davantage que nécessaire. J'ai donc fini par lui poser des questions et là elle m'a informée du harcèlement dont elle faisait l'objet. Monsieur [T] l'invitait à la rencontrer en dehors du travail, lui touchait les fesses en lui faisant des remarques du style « oh ! Tu as maigri elles étaient plus belles avant » pareil pour sa poitrine. Il la suivait partout, lui demandait de l'aider à nettoyer sa voiture, pendant son temps de travail, lui prenait ses produits et outils de travail. Il devenait de plus en plus pressant, lui téléphonait, alors qu'elle expliquait qu'elle avait déjà un ami et qu'elle n'était pas intéressée. Elle a fini par ne plus vouloir se rendre sur ces chantiers car elle était vraiment paniquée. J'ai donc relevé ces faits à Mme [K] supérieur de Monsieur [T] et à mes supérieurs qui eux sont intervenus »

- courrier de Madame [X] a du 4 novembre 2011 pour dénoncer les faits dont elle se dit victime de la part de Monsieur [T]

- courrier du 29 août 2011 de 2 résidentes (Mlles [N] et [S] [E]) relatant s'être fait ennuyer par Monsieur [T] qui se présente comme le propriétaire d'Api, récépissé de main courante de Madame [N] du 10 novembre 2009 « samedi 7 novembre 2009 vers 16 heures Monsieur [T] a pénétré dans l'appartement avec un double des clés sans que cette dernière y est invitée de plus il n'a pu justifier du but de sa visite »

- attestation de Monsieur [Y] selon lequel Monsieur [T] a fait preuve à de nombreuses reprises d'agressivité et de violences verbales à son encontre et qu'il a été obligé de déposer une main courante auprès des services de police

- attestation de Monsieur [R] directeur général de l'association selon laquelle il a expliqué à de multiples reprises à Monsieur [T] les raisons justifiant son statut de M1, notamment à l'occasion d'une rencontre le 27 octobre 2008

- arrêt du 11 juin 2015 de la cour d'appel dans le litige prud'homal [K]/Api

copie de l'attestation rédigée par M. [T] en faveur de Mme [K] dans le cadre de son litige prud'homal avec le même employeur

Par ces pièces l'employeur justifie que la sanction de mutation disciplinaire a été précédée d'une enquête minutieuse, qui a établi les manquements de Monsieur [T]. Celui-ci d'ailleurs ne verse aucun élément de nature à démentir la réalité des manquements. Il s'agit de manquements graves tels que l'absence d'enregistrement et de facturation de résidents.

La sanction apparaissait dès lors justifiée par des considérations objectives.

Le salarié ne démontre pas avoir officiellement informé son employeur qu'il refusait la mutation avant son courrier portant la date du 31 mai 2007 et reçu début juin par l'employeur. Le courrier du 21 mars 2007 invoqué dans ce courrier du 31 mai 2007, n'est en effet pas versé aux débats. L'employeur a alors sans attendre, d'une part saisi l'inspection du travail de la difficulté, d'autre part saisi le comité d'entreprise en vue d'obtenir son avis préalablement à toute procédure de licenciement puis saisi le 6 août 2007 l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement.

L'inspection du travail a refusé l'autorisation au motif principal que l'association n'était pas munie d'un règlement intérieur fixant la nature et l'échelle des sanctions, que l'employeur n'avait pas respecté le délai de 2 mois pour engager de nouvelles poursuites disciplinaires, et que si les faits reprochés au salarié portant sur le non-respect des procédures comptables financières et administratives (parmi lesquelles la non tenue à jour du registre entrées sorties des résidents) sont établis comme l'attestent les pièces produites par la direction et la reconnaissance pour partie de ces faits par le salarié, qui doivent être considérés comme fautifs, leur gravité devait être relativisée en l'absence de préjudice avéré et d'avertissement écrit préalable.

Il ressort de ces éléments que l'employeur a légitimement mis en 'uvre la sanction de mutation disciplinaire, puis lorsqu'il a obtenu la certitude que le salarié refusait cette mutation, a mis en 'uvre la procédure légale, tentant même de faire entendre le salarié par le comité d'entreprise avant que celui-ci ne donne son avis, bien que l'intéressé ait été en arrêt de travail, et saisissant sans délai l'inspection du travail afin d'être autorisé à licencier ce salarié protégé.

Les procédures engagées par la suite (le 7 mars 2009, le 3 mars 2010, le 17 janvier 2011) sont fondées sur des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. (Attitude agressive et menaçante à l'égard de Monsieur [Y], cf. courriers des 27 février 2009 (« tu ne me connais pas, je vais te donner la gifle de ta vie, on se retrouvera »), 13 janvier 2010 (« ce dernier a semblé très agité. ' Je tiens par ce courrier à attirer votre attention sur le comportement de ce salarié et vous faire part de mon inquiétude », 13 janvier 2010 (« alors que je quittais l'établissement de [Localité 2] j'ai été suivi par Monsieur [T].

Il m'a empêché de quitter mon stationnement bloquant mon véhicule avec le sien. Il s'est alors porté à hauteur de ma fenêtre que j'avais ouverte. Il a commencé à proférer des menaces de mort à l'encontre de ma famille de moi-même (') » ; déclaration de main courante du 12 janvier 2010, manquements professionnels ( absence de saisie de l'encaissement de 2 chèques, plainte de résidents sur l'absence de délivrance des factures et reçus informatiques, factures datant de 2010 et 2009 retrouvées empilées en vrac sur son bureau non distribuées, non présentation, sans information préalable et justification à la réunion interne des assistants de gestion du 13 janvier 2011, ')

En ce qui concerne la modification des conditions de travail de Monsieur [T] consistant à avoir, en octobre 2007, affecté celui-ci non plus sur l'établissement initial de [Localité 2], pas plus que sur l'établissement de [Localité 3] (poste refusé), mais sur les établissements de [Localité 1] et [Localité 4] (communes proches de [Localité 2]), M. [T] ne justifie pas avoir refusé cette modification des conditions de travail. La décision de l'employeur apparaît en outre étrangère à toute volonté de harcèlement, dès lors qu'il s'agissait à la fois de prendre les mesures rendues nécessaires par l'intérêt du service compte tenu du rapport de contrôle qui avait mis en évidence des dysfonctionnements de la part de Monsieur [T] dans la tenue de l'établissement de [Localité 2], et à la fois de tenir compte du refus de celui-ci de rejoindre un poste à [Localité 3] alors que l'inspection du travail avait refusé l'autorisation de licenciement.

En ce qui concerne les locaux dans lesquels Monsieur [T] a été amené à travailler à partir d'octobre 2007 à [Localité 1], l'employeur démontre avoir tenté, dès que M. [T] l'a saisi du problème, d'obtenir auprès du bailleur (propriétaire des murs dans lequel le foyer exerce son activité) des locaux administratifs, vainement. Il n'est pas contesté en outre que d'autres salariés avaient auparavant travaillé dans ce bureau, lequel constituait le lieu d'exercice de la mission de l'agent de gestion du foyer [Localité 1]. La décision d'y affecter M. [T] qui résulte de la persistance d'une pratique, en l'absence d'autres possibilités de la part du bailleur, apparait dès lors étrangère à toute volonté de harcèlement. De plus, la production du planning postérieur à la réclamation du salarié démontre que son activité à St Cyr a été réduite de sorte qu'il n'y passait que 3 demi-journées par semaine.

L'employeur démontre qu'à la suite du courrier de M. [T] dénonçant un harcèlement de la part de son supérieur M. [Y] dont il se disait victime, il a procédé au rattachement de M. [T] à un nouveau supérieur hiérarchique, Mme [K].

En ce qui concerne le comportement agressif qu'aurait entretenu M. [Y] vis-à-vis de M. [T], le seul témoignage produit par celui-ci, émanant de Mme [K], ne peut emporter la conviction de la cour dès lors que l'employeur démontre qu'il émane d'une salariée en conflit avec l'association (procédure pendante devant la Cour de cassation) et au profit de qui M. [T] a lui-même témoigné.

L'employeur justifie qu'il avait bien invité M. [T] à la réunion du 13 janvier 2011, selon mail du 6 janvier 2011, et s'être ensuite enquis de son absence selon mail du 14 janvier 2011.

La dégradation de l'état de santé de M. [T], dont les documents médicaux nous apprennent qu'il a « une addiction à l'alcool » peut avoir des origines autres que professionnelles, et la preuve du harcèlement moral de l'employeur ne peut se déduire de la seule altération de la santé psychique du salarié.

La demande au titre du harcèlement moral doit en conséquence être rejetée.

Sur la discrimination syndicale

Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une telle atteinte.

En l'espèce, Monsieur [T] invoque les faits suivants :

'la privation de son accès aux serveurs de l'association ce qui l'empêchait de remplir sa mission de trésorier du CE à la suite de la mutation disciplinaire du mois de mars 2007

'la plainte qu'il a formulée par mail du 7 juin 2007 concernant l'interdiction d'accéder à son poste de travail qui l'empêchait de remplir sa mission de délégué du personnel et de trésorier du comité d'entreprise

'l'insuffisance de la réponse de l'employeur le 19 juin 2007 qui a seulement proposé l'utilisation du bureau de Madame [F], alors que l'employeur a une obligation légale de fournir un local, une armoire, un accès téléphonique et un poste informatique, et le fait que les conditions proposées à Monsieur [T] ne correspondent pas aux conditions et obligations légales

'le fait d'avoir été agressé par Monsieur [Y] lorsqu'il a alerté à propos de l'encombrement du tableau destiné aux organisations syndicales

'le fait de l'avoir écarté en janvier 2011 d'une formation sur les procédures comptables et ressources humaines et de ne pas l'avoir convoqué aux réunions dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire des salaires

'le refus de l'employeur de revoir sa qualification professionnelle.

Sur ce dernier point la cour a d'ores et déjà retenu que Monsieur [T] n'avait pas fait l'objet d'un traitement discriminatoire.

En ce qui concerne le fait d'avoir été écarté d'une formation sur les procédures comptables, et de ne pas avoir été convoqué aux réunions dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de salaire, la cour constate que l'employeur verse au débat la preuve contraire à savoir le mail du 6 janvier 2011 ayant convié M. [T] à la réunion du 13 janvier (pièce 40) et le courrier postal du 2 novembre 2010 )pièce 64( l'ayant convié à la réunion de négociation annuelle obligatoire. L'allégation selon laquelle le mail n'aurait pas été envoyé à une bonne adresse apparait insuffisamment étayée dès lors que ce courrier a été adressé à l'adresse professionnelle de M. [I] à savoir [Courriel 1], et que le fait qu'une autre adresse, personnelle, « [Courriel 2] » soit parfois utilisée entre les parties est insuffisant à démontrer que l'adresse [Courriel 1]était inopérante.

La prétendue agression de M. [I] par Monsieur [Y] lorsqu'il l'a alerté à propos de l'encombrement du tableau destiné aux organisations syndicales, est combattue par le courrier adressé concomitamment par M.[Y] dans lequel l'intéressé précise avoir eu la visite le 12 janvier 2010 à l'établissement de [Localité 2] de Monsieur [T] et indique « ce dernier a semblé très agité. Il m'a reproché la mauvaise tenue des affichages obligatoires de façon très agressive décrochant lui-même les informations des IRP de l'emplacement qui leur était réservé. Je lui ai signifié mon désaccord sans toutefois m'opposer compte tenu de son excitation' Je tiens par ce courrier à attirer votre attention sur le comportement de ce salarié et vous faire part de mon inquiétude ».

En ce qui concerne la privation de l'accès au serveur de l'association ce qui l'empêchait de remplir sa mission de trésorier du CE à la suite de la mutation disciplinaire du mois de mars 2007, la seule plainte formulée par M. [I] est un courriel à la direction du 19 juin 2007 pour l'informer que depuis le 26 mars 2007 il est privé de tout moyen de travail, qu'il n'a plus accès au serveur pour au moins suivre les documents de travail du comité d'entreprise.

L'employeur par courrier du même jour (19 juin 2007) a répondu :

« je réponds à votre mail du 19 juin 2007 (') je tiens à vous rappeler d'une part que vous étiez en arrêt maladie du 2 avril au 1er juin 2007 (') depuis le 2 juin 2007 vous n'avez jamais exprimé auprès de notre personnel de l'établissement de [Localité 2] le besoin d'avoir accès à une armoire contenant des documents CE et DP qui vous appartenaient et dont personne n'en connaissait l'existence jusqu'à aujourd'hui. Vous pourrez bien sûr accéder à ces documents, dès que vous en ferez la demande auprès de votre collègue délégué du personnel et directeur de l'établissement de [Localité 2], pour les récupérer et les entreposer dans l'endroit qui vous convient le mieux. Contrairement à vos affirmations, vous avez, depuis le premier jour de votre retour sur l'établissement une possibilité d'utiliser le bureau de Mademoiselle [F] qui est équipé d'un téléphone, d'un ordinateur et d'un accès Internet. En ce qui concerne l'accès à la comptabilité du comité d'entreprise, aucun membre du comité d'entreprise ne nous avait informé que celle-ci était sur le serveur de l'association, en conséquence nous vous donnons à compter de ce jour, un droit d'accès spécifique sur le serveur pour que vous puissiez réaliser les tâches de comptabilité liées à vos fonctions de trésorier du comité d'entreprise »

Il résulte de cette réponse l'employeur a immédiatement donné la possibilité matérielle à Monsieur [T] d'avoir accès aux documents CE et DP se trouvant dans l'établissement de [Localité 2], en prenant contact avec le directeur de cet établissement, et d'avoir un accès spécifique sur le serveur pour réaliser les tâches de comptabilité.

Aucun élément n'est versé aux débats permettant de retenir que l'employeur n'aurait pas, par la suite, permis l'effectivité des accès qu'il venait d'accorder.

Il en ressort que le salarié, qui se prétend lésé par des mesures discriminatoires, ne soumet pas des éléments de faits susceptibles de caractériser une discrimination syndicale. La demande doit être rejetée de ce chef.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat

Monsieur [T] fonde sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur sur l'existence d'un harcèlement moral, d'une discrimination syndicale, et du non-respect du principe à travail égal salaire égal. Dès lors toutefois que sur ces 3 points, l'intéressé a été débouté, il y a lieu de constater que M. [T] ne démontre pas l'existence de manquements de la part de l'employeur justifiant l'impossibilité de poursuivre la relation de travail.

La demande de résiliation judiciaire, et la demande tendant à voir juger qu'elle produira les effets d'un licenciement nul, ainsi que les demandes subséquentes, doivent en conséquence être rejetées. La décision du conseil de prud'hommes sera en conséquence confirmée sur ces points.

Sur le licenciement

Dès lors que la résiliation judiciaire n'a pas été prononcée, il y a lieu de statuer sur les contestations formées par Monsieur [T] contre le licenciement.

Monsieur [T] soutient que son licenciement a été prononcé par courrier du 3 novembre 2011 sous la signature de Monsieur [R] directeur général, qui n'était pourtant pas habilité à procéder au licenciement des salariés ; que seul le président d'association a la qualité pour représenter celle-ci et par voie de conséquence pour procéder au licenciement.

En défense, l'employeur soutient que le licenciement peut être régularisé a posteriori, même en l'absence de délégation de pouvoirs régulière, s'il a été prononcé par une personne qui pouvait statutairement bénéficier de cette délégation de pouvoir ; qu'en l'espèce en vertu des articles 14,15 et 18 des statuts de l'association, le conseil d'administration et le président de l'association disposent chacun du pouvoir de licencier et de la faculté de déléguer ce pouvoir, le premier pouvant déléguer ce pouvoir « à toute personne de son choix », et le second pouvant déléguer ce pouvoir « au directeur-général » ; que conformément à ces dispositions statutaires, le directeur général pouvait donc bénéficier d'une délégation de pouvoirs de licencier émanant soit du conseil d'administration, soit du président.

L'employeur ajoute qu'en l'espèce, le président de l'association, Monsieur [J], a donné une délégation écrite de pouvoirs au directeur-général de l'association, Monsieur [R] en conformité avec les statuts d'API Provence ; que par cette délégation le président a en particulier délégué à Monsieur [R] pour une durée indéterminée « ses pouvoirs et attributions en matière de gestion administrative de l'association » lui octroyant « tous les moyens nécessaires » ; que l'ensemble de la gestion administrative de l'association étant ainsi délégué à Monsieur [R], elle inclut nécessairement la gestion du personnel au sens le plus large qu'il s'agisse des recrutements, des procédures disciplinaires, des procédures de licenciement, de la présidence des institutions représentatives etc. ; que l'article 3 de la délégation de pouvoirs le confirme en précisant le fait que « Monsieur [R] a autorité sur l'ensemble du personnel employé par l'association Api Provence ».

* *


Il résulte des articles 14 , 15 et 18 des statuts de l'Association API PROVENCE que le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus en ce qui concerne le fonctionnement de l'Association et l'administration de son patrimoine, faisant et autorisant tous les actes et opérations permis à l'Association, qu'il peut déléguer, pour une durée déterminée, tout ou partie de ses pouvoirs au bureau ou donner, pour un objet déterminé, mandat à un administrateur, un membre du bureau ou toute personne de son choix, que le président, ou à défaut le vice-président, du conseil d'administration représente l'Association en justice et dans tous les actes de la vie civile, que le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour régir, gérer et administrer l'Association et qu'il a la faculté de déléguer certains de ses pouvoirs aux membres du bureau et au directeur général. Il suit de ces dispositions statutaires que le conseil d'administration et le président de l'Association étaient seuls investis du pouvoir de licencier, ce pouvoir pouvant cependant être délégué.

En l'espèce, il est constant que les diverses lettres afférentes à la rupture du contrat de travail du salarié ont été signées par Monsieur [J] [R] dont le nom et la qualité de directeur général figurent sur chacune d'elles (lettre de convocation à l'entretien préalable du 22 septembre 2011, et courrier de notification du licenciement du 3 novembre 2011). Pour prétendre que Monsieur [R] avait reçu le pouvoir de licencier, l'Association invoque l'existence d'une délégation de pouvoir et produit une délégation écrite.

A la lecture de cette délégation, la cour constate que le pouvoir de licencier n' est pas visé puisque l'article 1 énonce en termes généraux que Monsieur [J] délègue à Monsieur [R] « ses pouvoirs et attributions en matière de gestion administrative de l'association et que pour se faire il disposera de tous les moyens nécessaires. Il assumera personnellement les obligations et responsabilités pouvant découler de ses attributions et pouvoirs » et que l'article 3 énonce, en termes tout aussi généraux, que Monsieur [R] a « autorité sur l'ensemble du personnel ...il reconnaît donc être responsable des éventuels manquements des salariés qui lui sont directement rattachés ».

Il ne peut être déduit de ces 2 articles la preuve d'une délégation du pouvoir de licencier même implicite.

La décision du conseil d'administration du 12 février 2013, reconnaissant que le directeur général avait le pouvoir de licencier depuis une précédente délégation du 24 juin 2008, ne saurait pallier rétroactivement le défaut de justification d'une délégation de pouvoir régulièrement donnée à cette date.

Dans ces conditions, le jugement qui, après avoir constaté l'absence de délégation de pouvoir régulière, en a tiré la conséquence que le défaut de qualité du signataire de la lettre de rupture rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, doit être confirmé.

À l'appui de ses demandes indemnitaires, Monsieur [T] invoque un salaire brut mensuel de 1756€. Ce montant n'est pas sérieusement contredit par l'employeur ; il est en tout état de cause justifié par les pièces versées aux débats.

Il y a lieu dès lors de condamner l'association à payer à Monsieur [T] la somme de 3512 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 351,20 euros au titre des congés payés sur préavis, et de confirmer la décision du conseil de prud'homme qui a condamné l'association à payer à Monsieur [T] la somme de 5853 € à titre d'indemnité de licenciement.

En ce qui concerne l'indemnisation de la perte d'emploi, Monsieur [T], qui sollicite la somme de 25 000 € de dommages-intérêts, verse aux débats les pièces suivantes :

'déclaration de création d'entreprise au 1er octobre 2014

'attestation fiscale pour 2015 d'auto entrepreneur

'justificatif que les époux [T] ont souscrit en 2006 un prêt immobilier de 114 000 €

'la décision de rejet d'allocation de solidarité spécifique notifiée le 10 janvier 2014 par pôle emploi à Monsieur [T] en raison d'un dépassement de ressources (perception de loyers)

Ces éléments sont insuffisants à établir une recherche active d'emploi, depuis le licenciement survenu en novembre 2011 et jusqu'à l'installation en qualité d'auto entrepreneur en octobre 2014, et à établir les ressources de Monsieur [T] depuis le licenciement jusqu'à ce jour.

En considération de son ancienneté dans l'emploi (10 ans et 6 mois), de son âge comme étant né en [Date naissance 1], et de ces éléments, le préjudice sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 11 000 €. Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence confirmé sur ce point

Sur les autres demandes de Monsieur [T] et de l'association

L'association sera condamnée à remettre à Monsieur [T] les documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation pôle emploi, certificat de travail) rectifiés conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [T] la charge des frais irrépétibles par lui exposée à l'occasion de la présente procédure. La condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmée. L'association devra en outre verser la somme de 500 € à Monsieur [T] au titre des frais irrépétibles d'appel.

Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la demande formée au titre de ces mêmes dispositions par l'association employeur.

L'association API, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Sur le remboursement de pôle emploi

L'effectif de l'employeur étant supérieur à 11 salariés, et Monsieur [T] ayant plus de 2 ans d'ancienneté, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois de salaire. La décision du conseil de prud'hommes sera en conséquence confirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale

Reçoit les parties en leurs appels

Sur le fond

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 11 février 2014 en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,

Statuant à nouveau sur les points infirmés

Condamne l'association API Provence à payer à Monsieur [O] [T] la somme de 3512 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 351,20 euros au titre des congés payés sur préavis

Y ajoutant

Ordonne à l'association API Provence à remettre à Monsieur [O] [T] l'attestation pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte, rectifiés conformes au présent arrêt

Condamne l'association API Provence à payer à Monsieur [O] [T] la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel

Condamne l'association API Provence aux dépens de première instance et d'appel

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/05925
Date de la décision : 15/12/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/05925 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-15;14.05925 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award