COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 09 DECEMBRE 2016
N°2016/679
TC
Rôle N° 13/24977
[O] [H]
C/
[F] [E]
[H] [E]
[D] [E]
Grosse délivrée le :
à :
Monsieur [O] [H]
Me Philippe BARTHELEMY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 15 Novembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 13/269.
APPELANT
Monsieur [O] [H], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne
INTIMES
Madame [F] [E], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Philippe BARTHELEMY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [H] [E], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Philippe BARTHELEMY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [D] [E], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Philippe BARTHELEMY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry CABALE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Chantal BARON, Présidente de chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2016
Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
En exécution d'une ordonnance de référé du 17 mai 2000 par laquelle a été constatée la résiliation du bail commercial consenti à la Sarl Sea's Theme, exploitant un aquarium, dont le gérant est Monsieur [O] [H], l'huissier de justice mandaté par Mesdames [D] et [F] [E] et Monsieur [H] [E], (ci-après «'les consorts [E]'») a dressé un procès-verbal d'expulsion le 6 juillet 2000, puis la présente cour, par un arrêt du 7 décembre 2000, a ordonné la réintégration de la société, en liquidation judiciaire, et l'a indemnisée à titre provisionnel.
Dans le délai légal, Monsieur [O] [H] a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 15 novembre 2013 par le conseil de prud'hommes de Fréjus qui a dit qu'il était sans qualité à agir, qu'il n'apportait pas la preuve d'un lien de subordination avec les consorts [E], que la prescription en matière de salaires était acquise et que ses demandes étaient en conséquence irrecevables, qui a débouté Mesdames [D] et [F] [E] et Monsieur [H] [E] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui a débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et qui a condamné Monsieur [H] aux dépens.
Aux termes d'un arrêt rendu par cette cour le 16 juin 2016, auquel il est expressément renvoyé pour plus ample énoncé des données du litige, des prétentions et moyens des parties, les débats ont été rouverts sur l'ensemble des demandes à l'audience du 3 novembre 2016 au cours de laquelle les parties se sont oralement de nouveau expressément référées à leurs écritures que le greffier a visées après que Monsieur [H], au contradictoire des consorts [E], y ait précisé réclamer notamment la condamnation des consorts [E] à lui payer les sommes de 78.406 euros à titre d'indemnité de licenciement, 7422 euros à titre d'indemnité de préavis, 742 euros au titre des congés payés subséquents, 437.570 euros à titre de rappel de salaires du 6 juillet 2000 au mois d'octobre 2016 inclus, 1016,40 euros à titre de rappel de salaires pour un travail supplémentaire en décembre 2000 et janvier 2001, 372,68 euros à titre de rappel de salaire pour un travail supplémentaire en novembre 2004, et 13.921,55 euros au titre des congés payés du 6 juillet 2000 au 10 janvier 2006.
MOTIFS :
Il est expressément référé aux écritures des parties visées à l'audience par le greffier quant à l'énoncé de leurs prétentions et moyens.
Les parties ont été en mesure d'organiser et d'assurer contradictoirement leur défense dans le respect des principes édictés aux articles 14 et suivants du code de procédure civile. La demande par laquelle les consorts [E] sollicitent de la cour qu'elle dise l'appel non-soutenu est donc sans objet et sera rejetée.
Monsieur [H] ne formule aucune demande au nom et pour le compte de la société Sea's Theme, toujours en liquidation judiciaire, puisqu'il réaffirme clairement et sans ambiguïté agir en personne afin notamment de faire reconnaître l'existence d'un contrat de travail entre les consorts [E] et lui-même en raison de l'exercice d'une fonction de gardien avec une mission de conservation et d'entretien des animaux présents dans l'immeuble repris par leurs propriétaires, découlant du procès-verbal dressé le 6 juillet 2000.
Le litige relève donc de la compétence du juge prud'homal telle qu'elle est définie aux articles L 1411-1 et suivants du code du travail dès lors qu'il est seul compétent pour statuer sur la réalité et la validité d'un contrat de travail, et doit être rejetée l'exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance et plus particulièrement du juge de l'exécution, sur laquelle les premiers juges n'ont pas statué, étant observé en outre que la cour aurait tout de même statué en raison du principe de plénitude de compétence de la cour d'appel qui est fondé sur l'effet dévolutif énoncé par l'article 561 du nouveau Code de procédure civile.
La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Monsieur [H], a priori soulevée d'office par les premiers juges au motif que celui-ci n'avait plus de 'titre pour plaider au nom de la société Sea's Theme' placée en liquidation judiciaire, n'est pas plus pertinente en l'état d'une saisine par Monsieur [H] en personne qui n'agit que pour lui-même indépendamment de tout lien avec son mandat social.
Les consorts [E] soutiennent que la prescription quinquennale s'applique en ce que Monsieur [H] a indiqué à l'huissier de justice, dans une lettre du 16 février 2006, la fin de sa mission, quand Monsieur [H] affirme ne pas avoir été en mesure de faire valoir ses droits en tant que gardien en raison de l'attitude des consorts [E] qui soutenaient que l'expulsion n'avait pas été réalisée, celui-ci ajoutant que le délai de prescription de cinq ans, qui a couru à compter du 6 juillet 2000, ne pourrait concerner des salaires relatifs à une mission dont le terme n'avait pas été prononcé et dont les éléments n'étaient pas connus lors de la saisine, et a été interrompu par l'acte d'huissier du 15 juillet 2004 par lequel la société Sea's Theme a fait assigner les consorts [E] devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin que soit ordonnée une expertise pour déterminer le préjudice résultant de l'arrêt d'exploitation consécutif à l'expulsion de ladite société le 6 juillet 2000, instance à l'issue de laquelle la société et le mandataire liquidateur ont été déboutés de leurs demandes par jugement du 27 mars 2013 au motif de l'absence de preuve d'un préjudice au-delà de la provision déjà allouée en référé.
En premier lieu, en application des dispositions transitoires consécutives à l'entrée en vigueur de la prescription de droit commun de cinq ans, les demandes de Monsieur [H] qui n'ont pas un catactère salarial, dont celle tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail, sont soumises à la prescription trentenaire et ne sont donc pas prescrites puisque l'action a été engagée le 13 mai 2013, soit avant l'expiration du nouveau délai de cinq ans ayant couru à compter du 17 juin 2008.
En revanche, ce sont les dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail sur la prescription quinquennale qui s'appliquent aux créances afférentes au salaire, en l'espèce, aux salaires et congés payés réclamés hors préavis, le point de départ du délai de prescription devant être fixé, s'agissant des salaires, à la date à laquelle ils sont devenus exigibles, et pour les congés payés, à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle ces congés auraient pu être pris.
Le point de départ du délai de cinq ans est, pour l'ensemble des demandes de condamnations au paiement de sommes à caractère salarial, le 16 février 2006, date de la lettre de Monsieur [H] aux termes de laquelle il considérait de manière claire et sans équivoque que sa 'mission de gardien' était 'terminée', ajoutant, s'agissant des créances exigibles à ce titre :'je prends toutes réserves quant à d'éventuelles compensations que je pourrais être en droit d'obtenir ou réclamer pour cette mission, suivant l'évolution du litige', peu important l'absence de fixation du salaire et des accessoires à cette date, l'application de la prescription n'étant pas subordonnée à une condition de fixité, ce d'autant que Monsieur [H] connaissait tous les éléments du salaire qu'il réclame en fonction d'horaires et sur la base de minimas conventionnels, potentiellement évolutifs, qu'il a seul évalués sans le moindre support contractuel.
Or, Monsieur [H] ne justifie pas de ce que la prescription quinquennale n'aurait pas couru ou aurait été suspendue en application des dispositions des articles 2233 et 2234 du code civil, d'une part, en l'absence de créance dépendant d'une condition ou dont le terme ne serait pas arrivé, d'autre part, en ce qu'il ne démontre pas avoir été empêché d'agir par la loi, la convention ou la force majeure, alors qu'il n'ignorait pas que la présente cour, par un arrêt du 7 décembre 2000, avait définitivement jugé que l'expulsion de la société Sea's Theme avait été réalisée et en avait déduit que devait être ordonnée la réintégration de celle-ci dans les locaux donnés à bail commercial, peu important la défense adoptée par les consorts [E] dans les différentes instances qui ont suivi.
L'action initiée le 15 juillet 2004, à laquelle Monsieur [H] n'était pas partie et qui ne découlait pas d'un contrat de travail, n'a pu davantage interrompre la prescription applicable à la présente action.
Ainsi, il y aura donc lieu de dire prescrites les demandes portant sur des créances à caractère salarial.
Enfin, il est soutenu que l'existence du contrat de travail découlerait de ce que l'huissier aurait confié à Monsieur [H], aux termes d'un constat valant contrat de travail écrit à durée déterminée jusqu'à la décision du juge de l'exécution, qui s'est prolongé par la volonté des consorts [E] de ne pas y mettre fin en ayant refusé d'exécuter la décision ordonnant la réintégration en déniant l'expulsion, une mission de gardiennage des poissons vivants en raison de ses aptitudes et habilitations administratives, en outre des biens inventoriés fixés et raccordés aux fluides devenus immeubles par destination et propriétés des bailleurs en application des clauses du bail commercial, alors que le lien de subordination résulterait de ce que Monsieur [H] aurait agi en qualité de préposé apportant sa collaboration au bon déroulement des opérations d'exécution forcée diligentée par les consorts [E] sous sa propre responsabilité et à peine de sanctions pénales notamment en cas de mauvais soins apportés aux animaux ou d'enlèvement des biens qui n'étaient plus sous la garde juridique de la société.
Toutefois, à défaut d'indices suffisants comme en l'espèce sur une apparence de contrat de travail, il revient à celui qui l'invoque au soutien de ses demandes d'en établir l'existence. Or, l'existence d'un tel contrat entre les consorts [E] et Monsieur [H] ne peut résulter, comme soutenu, de la nature et du contenu du procès-verbal d'expulsion du 6 juillet 2000 par lequel l'huissier de justice, agissant sous le mandat des consorts [E], après avoir constaté la nature et l'impossibilité de déménager en l'état les biens garnissant les lieux et avoir procédé à un inventaire et à un changement de serrures, a indiqué, que 'compte tenu de la spécificité de la situation, les lieux abritant des poissons vivants devant faire l'objet de soins particuliers, et afin de préserver la valeur de ce stock pour ne pas léser les droits de la Sarl Sea's Theme' et ceux des mandants 'en cas de vente aux enchères des meubles non enlevés dans le délai d'un mois', il laissait des clés à Monsieur [H] pour assurer 'la garde de l'ensemble des biens inventoriés....afin de lui permettre l'enlèvement des objets dans le délai d'un mois et la préservation des poissons'.
Les consorts [E] soulignent à raison que Monsieur [H] n'est intervenu qu'à titre de gérant de la société Sea'sTheme, seule concernée par le procès-verbal d'expulsion en tant qu'occupante des lieux provisoirement sans droit ni titre, ce sur quoi celui-ci ne s'est pas mépris puisqu'il a déclaré, pour tenter de s'y opposer : 'une assignation en suspension d'exécution provisoire est en cours', procédure qui ne concernait que la société.
Or, c'est en considération de la nature spécifique des biens garnissant les locaux, essentiellement des aquariums contenant des liquides et des poissons vivants, et pour permettre leur enlèvement dans un certain délai pour respecter la vie et l' intégrité des animaux, que l'huissier, sans avoir procédé à d'autres recherches ou vérifications, a simplement laissé au gérant de la société expulsée, interdite d'activité commerciale dans les locaux, la 'garde' de l'ensemble des biens inventoriés servant à l'exploitation, dont le sort n'était pas encore scellé à cette date.
Cette notion de garde exclut tout lien de préposition qui, plaçant le préposé sous la dépendance du commettant, l'empêche d'exercer les pouvoirs d'usage, de contrôle et de direction de la chose caractéristiques de la garde, le commettant exerçant ces pouvoirs par le biais des ordres donnés à son préposé. En tout état de cause, il ne résulte d'aucun élément que Monsieur [H] aurait été effectivement placé sous l'autorité de quiconque dans les soins apportés au mobilier d'exploitation et aux animaux.
Par ailleurs, outre qu'aucune rémunération n'a jamais été envisagée au profit de Monsieur [H] pour l'exécution de tâches précises, il ne ressort pas du procès-verbal précité qu'auraient été mises à sa charge des obligations dépassant le cadre d'une simple garde juridique des biens inventoriés et le plaçant dans un rapport hiérarchique vis à vis des consorts [E] qui, même par le truchement de l'huissier, n'ont prévu aucune organisation de travail, n'ont donné aucune directive précise relative à une prestation de travail à réaliser ou aux horaires de présence, n'ont pas sollicité qu'il leur soit rendu compte d'une quelconque activité, et ne disposaient pas d'un pouvoir disciplinaire, n'ayant pas même envisagé une sanction pour un manquement à une obligation particulière qui ne s'induit pas du simple rappel fait au gérant d'une interdiction de toute exploitation par la société expulsée dans les locaux toujours garnis de meubles.
Il s'ensuit l'absence de démonstration de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Monsieur [H] sera donc débouté de ses demandes en ce qu'elles sont fondées sur l'existence d'un contrat de travail qui n'est pas démontrée.
Il n'est pas justifié d'un préjudice découlant d'une faute de Monsieur [H], ou même d'une légèreté blâmable, faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'ester en justice ou d'interjeter appel, faute de preuve d'une absence manifeste de tout fondement à l'action, du caractère malveillant de celle-ci, d'une multiplication de procédures initiées par Monsieur [H] en personne, d'une intention de nuire ou d'une mauvaise foi évidente.
Les consorts [E] seront donc déboutés de leurs demandes formulées au titre d'un abus de procédure.
Il est équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La somme de 1.000 euros sera allouée aux consorts [E], pris ensemble, de ce chef.
La charge des dépens de première instance et d'appel incombe entièrement à Monsieur [H], qui succombe.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:
Confirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension, et y ajoutant:
Dit la présente Cour compétente pour statuer sur l'entier litige.
Rejette les exceptions de procédure et fins de non recevoir.
Dit prescrites les seules demandes de Monsieur [O] [H] à caractère salarial.
Déboute Monsieur [O] [H] de toutes ses autres demandes.
Déboute les consorts [E] de leurs demandes au titre d'un abus de procédure.
Condamne Monsieur [O] [H] à payer à Mesdames [D] et [F] [E] et Monsieur [H] [E], pris ensemble, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [O] [H] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLA PRESIDENTE